Interview de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, à BFMTV le 11 mars 2019, sur la lutte contre le réchauffement climatique.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
François de RUGY est avec nous. Bonjour.

FRANÇOIS DE RUGY, MINISTRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Parlons évidemment de réchauffement climatique, la lutte contre le réchauffement climatique. Vous ne présentez pas en Conseil des ministres tout à l'heure votre projet de loi Energie-climat. Pourquoi ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est une loi qui a été faite pour pouvoir appliquer, mettre en oeuvre notre stratégie nationale sur l'énergie et le climat, la programmation pluriannuelle de l'énergie. Et nous avons travaillé, nous avons travaillé notamment avec le Conseil économique et social et environnemental. On l'a sollicité, il faut que ça serve à quelque chose. Et il y a eu des demandes de préciser certains aspects, certaines dispositions, ce que nous allons faire. Et donc c'est reporté d'une semaine ou deux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une semaine ou deux ?

FRANÇOIS DE RUGY
Donc c'est juste une question d'améliorer encore le texte pour le rendre plus ambitieux sur le climat justement. Pour être plus clair sur le climat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Conséquence aussi, c'est une décision que vous avez prise en commun avec le Premier ministre et même avec le président de la République. Vous avez eu deux réunions, mercredi et surtout vendredi, où vous avez décidé donc de reporter d'une semaine ou deux - je dis bien d'une semaine ou deux - la présentation de ce texte. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous allez fixer de nouveaux objectifs ? Que vous allez fixer dans la loi des objectifs ?

FRANÇOIS DE RUGY
Il y a dans la loi des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et l'idée en ayant un texte légèrement amélioré, remanié, c'est justement que ce soit le plus clair possible. Certains avaient lancé il y a quelques semaines une polémique, que moi je considérais comme totalement inutile, sur le concept de neutralité carbone. C'est ce que nous avons mis dans la loi et c'est ce qui est issu de l'accord de Paris sur le climat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc neutralité carbone en 2050.

FRANÇOIS DE RUGY
Voilà. Et certains avaient dit : « Oui, mais c'est plus flou que ce qu'il y avait auparavant qui était diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre. » En réalité c'est beaucoup plus ambitieux. Nous allons donc l'écrire de façon plus précise que ça ne l'était jusqu'à présent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez l'écrire. Mais la baisse des émissions de gaz à effet de serre, ça va être précisé. Alors 2050 c'est bien, mais 2030, on sera à 40 % au lieu de 30 ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, c'est ce que nous avions annoncé à la fin de l'année dernière et c'est bien ce que nous allons mettre dans la loi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous baisser les émissions de gaz à effet de serre ?

FRANÇOIS DE RUGY
Vous avez raison de poser la question car au-delà des objectifs - et c'est important de mettre des objets qui donnent une trajectoire – mais ce qui compte peut-être encore plus, c'est les moyens que l'on se donne pour atteindre ces objectifs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment. Evidemment.

FRANÇOIS DE RUGY
Et donc, vous le savez, les deux principales sources de gaz à effet de serre en France, c'est les transports, la voiture particulière, les véhicules utilitaires, les camions et d'autre part le chauffage. Tout ce qui est chauffage des logements, des bureaux. Et donc ce sont sur ces deux sujets que nous allons agir avec encore plus de force. Nous le faisons avec une transformation profonde de l'industrie automobile. Vous savez d'ailleurs que ça ne se fait pas sans résistance de la part de l'industrie automobile.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous en parler.

FRANÇOIS DE RUGY
Nous le faisons à l'échelle européenne car c'est bien à l'échelle européenne qu'on pourra tirer toute l'industrie automobile vers le haut, demander aux industriels de faire des efforts pour présenter davantage de modèles hybrides, électriques qui vont rendre ces voitures beaucoup plus accessibles au grand public, parce que c'est comme ça que nous baisserons massivement nos émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors avant de revenir à l'automobile, vous allez baisser donc les émissions de gaz à effet de serre. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il va falloir trouver de l'électricité, en produire. Et pour en produire, il y a le nucléaire. Est-ce que ça va changer les choix nucléaires de la France ?

FRANÇOIS DE RUGY
Non. Notre trajectoire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les 14 centrales nucléaires ne seront fermées qu'en 2035.

FRANÇOIS DE RUGY
14 réacteurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Heu, réacteurs, pardon.

FRANÇOIS DE RUGY
C'était en effet une transformation là aussi importante du secteur de la production d'électricité qui est double. Parce que tout le monde parle beaucoup du nucléaire parce que c'est vrai qu'en France il est très important, très dominant et nous voulons réduire la dépendance de la France au nucléaire. Mais nous voulons développer dans le même temps les énergies renouvelables, c'est-à-dire qu'il n'est pas question d'ouvrir des centrales thermiques, des centrales au fuel, au charbon ou au gaz qui émettraient elles du CO2 à la place de nos centrales nucléaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que les choses soient claires. 14 réacteurs nucléaires seront fermés…

FRANÇOIS DE RUGY
D'ici 2035.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ici 2035.

FRANÇOIS DE RUGY
Deux vont déjà être fermés l'année prochaine. Ce sera à Fessenheim.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Construction de nouveaux EPR ou pas ? Ou est-ce qu'on en est avec ça ?

FRANÇOIS DE RUGY
Il y a un EPR qui est en cours de construction à Flamanville et qui n'a pas encore reçu l'autorisation de la part de l'Autorité de sûreté du nucléaire pour être mis en service. EDF n'a pas jusqu'à présent été en mesure de nous donner une date.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez toujours pas de date pour la mise en service de cet EPR ?

FRANÇOIS DE RUGY
Non. On nous disait 2020 mais cela n'a pas encore été confirmé par EDF. Donc moi j'ai demandé à EDF…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous inquiète ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est sûr que cela pèse sur la production d'électricité en France. Par exemple pour fermer les centrales à charbon, ce que nous avons prévu de faire, voilà un acte concret.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.

FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez que les quatre centrales à charbon en France, ça équivaut aux émissions de CO2 par an de quatre millions de voitures. Vous voyez un petit peu l'importance…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est 1 % des émissions de CO2. 1 %.

FRANÇOIS DE RUGY
4 millions de voitures. Il y a 32 millions de voitures en circulation en France donc ça fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
1 % des émissions de CO2.

FRANÇOIS DE RUGY
Ça fait plus de 10 % du parc automobile et c'est comme si nous supprimions - les émissions de CO2, c'est 4 millions de voitures - en fermant 4 centrales à charbon France. Et nous allons le faire autant que possible d'ici 2022, ça c'est notre objectif clair. Et nous aurons l'occasion de le confirmer, notamment à l'occasion du débat, avec cette loi Energie et évidemment sous réserve - ça je l'ai toujours dit et je le répète - de la sécurité d'approvisionnement en électricité des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors attardons-nous sur les centrales à charbon.

FRANÇOIS DE RUGY
C'est un sujet important. Vous savez, partout dans le monde si on veut baisser…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est important pour les salariés de ces centrales, pardon.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Et moi je suis allé les voir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gardanne, 174 salariés, plus de 1 000 emplois indirects. Qu'est-ce que vous allez leur proposer ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ça, c'est les chiffres de la CGT.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la CGT, bon.

FRANÇOIS DE RUGY
Mais 174 emplois, c'est incontestable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors qu'est-ce que vous leur proposez ?

FRANÇOIS DE RUGY
Bien vous savez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien paraît-il.

FRANÇOIS DE RUGY
Oh bien ça…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ou faux ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est faux parce que… Non mais là, il faut parler des choses concrètes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y.

FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, il y a quatre sites en France. Il y en a deux qui sont propriété d'EDF : Cordemais en Loire-Atlantique, Le Havre en Seine-Maritime, en Normandie. Deux qui sont propriété d'une société allemande qui est en cours de vente d'ailleurs à une société tchèque, c'est UNIPER une centrale à Saint-Avold en Moselle où je me suis déjà rendu personnellement, et je suis allé dire aux salariés comme je vous le dis à vous ce que nous allions faire. Parce que c'est trop facile de dire uniquement dans les journaux ou sur les plateaux télévisés ou même dans des débats au Parlement « nous allons fermer des centrales à charbon ». Dans ce cas-là tout le monde est d'accord, tout le monde trouve d'ailleurs qu'on ne va pas assez vite, et de ne pas aller en parler avec les salariés. De dire que nous allions tout faire évidemment pour la reconversion des territoires, reconversion aussi des sites et, évidemment, reconversion des salariés avec des dispositifs de formation ou de reprise dans d'autres entreprises énergétiques. C'est ça la situation. A Gardanne c'est particulier puisqu'à Gardanne, il y a eu par le passé un projet qui a été monté de centrale à bois. Malheureusement pour l'instant, ce projet n'a pas encore montré son efficacité y compris parce qu'il est régulièrement arrêté par les salariés eux-mêmes. C'est ça la réalité aussi. Et donc à un moment donné, moi j'ai dit : « Le contrat qui a été passé il y a quatre ans sur cette centrale à bois, il sera naturellement respecté. » Il y a un recours au Conseil d'Etat ; dans notre pays il y a des recours sur tout et n'importe quoi. Donc on verra lorsqu'il sera jugé, mais moi je respecterai les contrats passés même si ça ne fonctionne pas aussi bien qu'on le pensait. Et sur les autres tranches charbon, celles qui sont purement charbon, soit il y a des projets de reconversion concrets, soit elles seront fermées, et ce sont les salariés qui seront accompagnées personnellement. C'est notre engagement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Allemagne va fermer ses centrales à charbon.

FRANÇOIS DE RUGY
L'Allemagne vient de présenter un prend un plan de sortie du charbon en vingt ans. En vingt ans, d'ici 2038. Je me rendrai d'ailleurs personnellement en Allemagne. Je suis en échanges réguliers avec mes homologues allemands, je les ai incités à accélérer sur la sortie du charbon. Si on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et y compris en Europe, la première priorité c'est de fermer les centrales à charbon et de trouver d'autres moyens de production d'électricité qui existent, à commencer par les énergies renouvelables.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parlons du diesel. Les ventes reculent.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, depuis plusieurs années.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La filière diesel réunie à Bercy parce qu'elle s'inquiète, les constructeurs s'inquiètent. Alors est-ce que les nouveaux moteurs diesel vont bénéficier de la vignette Crit'Air 1 attribuée aux véhicules les moins polluants ?

FRANÇOIS DE RUGY
La question, ce n'est pas de prendre une décision politique comme ça sur la base de demandes : c'est d'appliquer les règles. Nous avons des règles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non ? Je vous pose une question.

FRANÇOIS DE RUGY
Nous avons des règles qui sont fondées sur les mesures et il y a deux types de mesures. Il y a les mesures qui sont faites : toutes les voitures sont mesurées de la même façon sur ce qu'on appelle des bancs. C'est-à-dire les voitures tournent à différents régimes et cætera pour que ce soit exactement pareil pour tous les constructeurs avec toutes les voitures. Et c'est ce qui fonde le fait de pouvoir avoir tel ou tel critère, telle ou telle norme : la norme Euro 6, bientôt Euro 7 et puis pour ce qui concerne la France les vignettes Crit'Air. Et donc l'application, elle n'est pas de savoir si c'est le diesel ou essence, elle est de savoir si les moteurs présentés par les constructeurs respectent ces normes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les nouveaux moteurs diesel ne bénéficieront pas de cette vignette.

FRANÇOIS DE RUGY
S'ils ne respectent pas. S'ils ont des émissions de particules ou des émissions d'oxyde d'azote, je ne veux pas rentrer dans les détails chimiques. Mais enfin, c'est ça dont on parle. Bien s'ils les respectent, ils auront la vignette. S'ils ne respectent pas, ils ne l'auront pas. Il n'y a pas d'autre façon de travailler. On ne peut pas faire les choses comme ça, au jugé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas ce que demande Bercy, le ministère de l'Economie, qui vaudrait un peu que les règles soient assouplies.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais nous sommes d'accord sur une chose qu'on pourrait appeler la neutralité technologique. C'est-à-dire que nous, on regarde l'application des normes et on ne regarde pas si c'est telle technologique ou telle autre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas question d'assouplir la législation, on est bien d'accord.

FRANÇOIS DE RUGY
Il y aura ensuite en 2020 la norme Euro 7 au niveau européen qui fera peut-être bouger les choses. Les constructeurs entre-temps auront peut-être bougé les choses, et à ce moment-là évidemment, ça s'appliquera en France également.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. De nombreuses associations…

FRANÇOIS DE RUGY
Quand même, je veux juste dire une chose. Tout cela s'est fait au bénéfice du consommateur, le consommateur étant également celui qui respire l'air qui est plus ou moins pollué. Il faut le dire. Ces dernières années, nous avons plutôt progressé. Il y a moins d'oxyde d'azote aujourd'hui qu'il y a dix ans dans l'air que nous respirons. Il n'y a quasiment plus de dioxyde de soufre et, par ailleurs, il y a moins de particules fines. Mais nous n'en avons pas fini. Vous avez vu il y a quelques semaines, il y a encore eu des pics de pollution. Il y en a eu à Paris, il y en a eu à Lyon, il y en a eu dans d'autres villes, et donc il faut traiter ce problème de fond. Et c'est la même personne, vous savez, le conducteur de la voiture où l'acheteur de la voiture, que celui qui respire l'air.

JEAN-JACQUES BOURDIN
« Nous sommes en état d'urgence climatique », c'est vous qui le dites.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le dites François de RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY
Il faut donc prendre des mesures fortes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et donc prendre des mesures. Il y a ces marches pour le climat le week-end prochain.

FRANÇOIS DE RUGY
Cette semaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez y participer ou pas ?

FRANÇOIS DE RUGY
Je ne pense pas que ce soit la place d'un ministre comme moi d'être dans telle ou telle manifestation ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais d'autres ministres pourraient y participer ?

FRANÇOIS DE RUGY
Mais j'ai déjà dit que tout ce qui allait dans le sens d'une mobilisation pour le climat était positif. Le président de la République la semaine dernière quand nous étions dans les…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il se pourrait que Brune POIRSON pourrait y participer, Gabriel ATTAL aussi.

FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, Brune POIRSON a déjà reçu à mon ministère une délégation de jeunes lorsqu'il y a eu une première manifestation un jour de jeunes lycéens étudiants devant notre ministère. Donc nous sommes de toute façon en contact permanent avec toutes celles et tous ceux qui veulent aller plus loin, plus fort, plus vite en matière d'action contre le dérèglement climatique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir aller plus vite, plus loin, plus fort. Et pour aller plus vite, plus loin, plus fort, il va falloir prendre de nouvelles décisions.

FRANÇOIS DE RUGY
Et c'est l'affaire de tous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Après le grand débat qui se termine à la fin de la semaine, après les grandes conférences nationales et régionales thématiques notamment sur la défense de notre environnement, François de RUGY. Alors quelles mesures ? Je ne sais pas moi. J'ai vu tient la République en Marche qui propose plusieurs mesures : la location de véhicules peu polluants à moins de 50 euros par mois. Qu'est-ce que c'est que ça ? Pour les personnes qui dans leur région n'ont pas de transports en commun à disposition.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Toutes les idées les propositions sont les bienvenues. D'ailleurs cette proposition, je peux vous dire qu'elle existe dans certains territoires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut la généraliser.

FRANÇOIS DE RUGY
Parce que les élus locaux heureusement ne sont pas là à attendre tout de l'Etat et il y en a beaucoup qui prennent des initiatives. Et par exemple, oui, le système, on appelle ça des voitures partagées. Moi j'étais en Corrèze il y a quelques semaines dans une commune de 500 habitants, Chambray. Il y a un citoyen qui a pris la parole, qui s'est adressé d'ailleurs à son maire, pas spécialement à moi le ministre en disant : « Dans une commune d'à-côté, ils ont mis à disposition, en location des voitures électriques. Ça a tellement bien marché qu'ils ont dû en acheter d'autres. » Voilà des démarches qui permettent aux gens de trouver des solutions concrètes au plus près des réalités du terrain…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On pourrait généraliser cette idée.

FRANÇOIS DE RUGY
Pour à la fois garantir aux Français la capacité à se déplacer y compris les plus modestes. Et d'ailleurs cette personne citait le fait que dans sa commune, il y avait des gens qui n'avaient pas de voiture. On parle toujours de ceux qui ont des voitures mais il y en a qui n'ont même pas de quoi s'en payer. Et puis d'autre part, évidemment, atteindre des objectifs aussi en matière d'énergie et de climat parce qu'on ne va pas opposer les deux. On ne va pas d'un côté dire c'est soit le social, soit l'écologique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord mais il faut des moyens pour cela. Des moyens financiers pour ça.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais vous savez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que, je ne sais pas moi, est-ce qu'on va engager un grand plan permettant… Je ne sais pas, comment allez-vous faire ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ça fera partie… Mais bien sûr que la question des moyens que l'on mettra sur la table, pas simplement financiers d'ailleurs, y compris aussi législatifs, juridiques parce qu'il y a parfois des obstacles qu'il faut faire sauter, ça ce sera sur la table après le grand débat. Mais faisons les choses par étapes. On ne va pas annoncer les mesures avant que le débat soit fini. On y travaille, on y réfléchit. Moi-même j'en ai mise d'ailleurs parfois sur la table.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Laquelle ?

FRANÇOIS DE RUGY
Vous le savez, je l'ai dit sur la fiscalité écologique. On parle beaucoup de la taxe carbone mais je vous donner un autre exemple. J'ai vu d'ailleurs sur votre propre antenne…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La taxe carbone, vous avez été retoqué entre nous sur la taxe carbone.

FRANÇOIS DE RUGY
En tout cas, moi je constate que les Français ils trouvent ça plus intelligent de taxer la pollution et de rendre cet argent, de rendre l'argent ensuite dans des solutions de transport et de déplacement, dans des investissements ou des aides au changement de voiture par exemple, que de dire : « On va taxer les revenus ou taxer la consommation de façon bête et méchante comme la TVA. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous maintenez sur la taxe carbone ?

FRANÇOIS DE RUGY
Je continue de penser que c'est des choses…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous souhaitez le retour de la taxe carbone ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ce n'est pas la question du retour, c'est la question de quels moyens on se donne demain pour baisser les gaz à effet de serre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites oui. Vous maintenez…

FRANÇOIS DE RUGY
Et la fiscalité écologique en fait partie parce que c'est un levier pour orienter les investissements, orienter la consommation d'un côté et dégager des moyens de l'autre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous maintenez sur la taxe carbone, vous maintenez votre position.

FRANÇOIS DE RUGY
Mais bien entendu, bien évidemment. Mais ce sont des choses qui font partie du débat. Mais je vais vous donner un autre exemple parce qu'il est moins connu. J'ai vu un reportage sur votre antenne il y a quelques semaines, sur BFMTV : des gens dans une commune, on leur a mis en place un système pour les déchets. Les déchets aussi, vous savez c'est moins connu, ça contribue aussi à la pollution et à l'effet de serre. Bien plutôt que de payer une taxe qui est, quel que soit le volume de déchets que vous produisez, tout le monde paye pareil et à la fin si vous recyclez, si vous triez ou si vous ne recyclez pas ou si vous ne triez pas, vous payez le même prix. Ce n'est pas incitatif. En revanche, vous avez ce qu'on appelle la redevance incitative. Cinq millions de Français fonctionnent déjà avec ce système-là. Ça, ça veut dire quoi ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut le généraliser ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ça veut dire que ceux qui trient, ceux qui recyclent on les récompense.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut généraliser ?

FRANÇOIS DE RUGY
Moi je pense que ça, typiquement, c'est quelque chose qui mériterait d'être généralisé. Il n'y a pas besoin de changer la loi. La loi elle existe, elle le permet. Maintenant c'est aux communes, aux structures intercommunales de le faire, de le multiplier. J'étais en Haute-Saône il y a une semaine. On m'a présenté, tout le département - un département de 250 000 habitants essentiellement rural - on a baissé le volume des déchets d'un tiers grâce à cette mesure et, par ailleurs, on a multiplié par trois le volume des déchets recyclés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Parmi nos trente propositions de lois citoyennes, les auditeurs de RMC et les téléspectateurs de RMC Découverte peuvent toujours voter jusqu'à jeudi soir, je vous les présenterai à vous, à tous les élus de la République vendredi, et parmi les propositions il y en a une qui arrive dans les cinq premières : c'est la réindexation des retraites sur l'inflation.

FRANÇOIS DE RUGY
Vous-même faites campagne d'ailleurs pour cette mesure, je crois, puisque vous m'en aviez déjà parlé la dernière fois où j'étais venu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je fais campagne pour cette mesure. La République en Marche d'ailleurs le propose pour les retraités les plus modestes. Vous aussi vous pensez que c'est une bonne mesure ?

FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, quand j'étais candidat aux élections législatives en 2017, j'avais dit que autant la mesure d'efforts partagés sur la CSG - et Dieu sait si ce n'était pas simple et d'ailleurs nous sommes revenus en partie dessus à la fin de l'année dernière - elle devait sans doute s'accompagner par ailleurs, en effet, d'une revalorisation des pensions de retraite. Est-ce que c'est une réindexation généralisée ? D'ailleurs de quoi parle-t-on : est-ce que c'est au niveau de l'inflation c'est-à-dire 1,5-1,7 % ? Est-ce que c'est au niveau des salaires ? En tout cas, ça doit être discuté car c'est une mesure de justice.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez évoquée avec le Président de la République mercredi dernier ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, oui. Ça fait partie des sujets qui sont en discussion.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que dit-il ? Il y est favorable ?

FRANÇOIS DE RUGY
Mais le président de la République, comme je pense l'ensemble des membres du gouvernement, sont attentifs à la situation des retraités.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous étiez mercredi avec le président de la République.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui. J'étais aussi avec lui jeudi. Je suis souvent avec lui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, vous êtes souvent avec lui.

FRANÇOIS DE RUGY
Et nous serons ensemble tout à l'heure au conseil des ministres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà. Donc ça fait partie des mesures possibles là ?

FRANÇOIS DE RUGY
Nous sommes dans une période en effet où nous réfléchissons à revoir un certain nombre de choses qui, jusqu'à présent, n'étaient pas en débat. Je vous l'ai dit sur la fiscalité, on peut le dire en effet sur les pensions de retraite. Mais par exemple, on peut se poser la question : est-ce qu'il faut revaloriser de façon uniforme toutes les pensions de retraite ou est-ce qu'il faut faire un effort particulier pour les millions de retraités qui ont des pensions plus modestes ? Voilà les questions qu'il faut se poser. Et puis sachant que pour le pouvoir d'achat, vous savez, il n'y a pas que cette solution-là. Moi en matière d'écologie, je suis capable d'apporter du pouvoir d'achat. Quand nous remplaçons une chaudière au fioul par une pompe à chaleur électrique, bien demain pour celui qui le fait c'est du pouvoir d'achat en plus parce qu'il aura une facture de chauffage moindre. Et j'ai rencontré un couple de retraités justement en Seine-et-Marne qui a 2 000 euros de retraite à eux deux. A eux deux. Ils m'ont dit : « Grâce à ce changement de chaudière, c'est mille à 1 500 euros par an de plus de pouvoir d'achat. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui. Mais celui qui veut bénéficier d'une prime à la conversion écologique pour sa voiture, il faut qu'il soit… Ce n'est pas facile, ce n'est pas simple pour pouvoir bénéficier de cette prime.

FRANÇOIS DE RUGY
Mais vous savez pourquoi. Vous savez pourquoi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il y a beaucoup de critères.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui. On a créé des catégories supplémentaires pour répondre au mieux aux besoins des Français. Et donc en effet, quand on rentre un peu plus dans les détails, des revenus plus ou moins importants, la question du nombre de est-ce qu'on est dans des zones urbaines ou rurales, c'est un petit peu plus complexe, c'est vrai, mais ça permet à plus de Français d'en profiter. C'est-ce qu'en tout cas nous souhaitons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces primes, on va les toucher rapidement maintenant. Pas comme il y a quelques mois, François de RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY
Et nous l'avions reconnu, j'en avais parlé ici-même dans une interview avec vous-même.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement.

FRANÇOIS DE RUGY
Et par ailleurs, vous savez là aussi, moi je suis allé dans une concession automobile - je ne vais pas dire la marque pour ne pas faire de publicité - il y a quelques jours, et j'ai demandé où est-ce qu'on en est justement, comment ça marche. Le vendeur m'a dit : « Oui, c'est vrai qu'on vérifie bien si les gens vont bien être éligibles mais une fois qu'ils le sont… », il m'a dit : « Moi j'ai vendu une voiture de 6 000 euros à quelqu'un, ça ne lui aura coûté que 2 000 euros. » Pourquoi ? Parce qu'il aura bénéficié de la prime de 4 000. 6 000 euros, vous avez une voiture qui va bien marcher, qui va bien rouler, qui polluera moins mais qui surtout vous coûtera moins cher parce qu'à la pompe elle va moins consommer que la vieille voiture qui est mise à la casse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'enjeu économique et l'enjeu social sont indissociables ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ah pour moi, c'est… je m'appelle ministre de la Transition écologique et solidaire, les deux vont de pair. De la même façon…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et solidaire, vous êtes comme Nicolas HULOT et Laurent BERGER…

FRANÇOIS DE RUGY
L'efficacité économique, efficacité économique, écologie et solidarité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ont raison, vous adhérez, vous adhérez à ce qu'ils disent, à ce qu'ils proposent ?

FRANÇOIS DE RUGY
Voyez, j'ai leurs documents, ils ne quittent pas, si je puis dire, mais j'adhère globalement à l'orientation…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A la démarche…

FRANÇOIS DE RUGY
Après, sur les propositions, il y a beaucoup de choses qui sont à discuter, il y a des choses, alors, qui sont plutôt générale que précises ou concrètes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'adhérez pas à quoi ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oh, ce n'est pas une question de savoir si on adhère ou on n'adhère pas, c'est qu'il y a des choses plus ou moins… vous voyez, quand on parle d'un bouclier de services publics dans tous les territoires, tout le monde est d'accord avec ça, mais vous savez bien qu'ensuite, ce qu'il faut, c'est voir comment on fait, est-ce que l'accès aux services publics est garanti et de quelle façon…

FRANÇOIS DE RUGY
Moratoire sur les services publics, sur la fermeture des services publics, demandent les élus…

FRANÇOIS DE RUGY
D'ailleurs, les enjeux écologiques ne viennent qu'à la 44ème proposition, bon, sur 66, donc vous voyez que je les ai évidemment regardées avec attention.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, j'en termine avec ce que dit Jean-Luc MELENCHON, notre système de production et d'échanges détruit la terre et les êtres humains, vous êtes d'accord ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oh, oui, sur l'idée que si on ne change rien, en effet, à notre système de production, de consommation, on va avoir des dégâts environnementaux majeurs, dont nous les êtres humains, serons les victimes, parce que souvent, quand on dit : on protège la planète, moi, ce que je protège, c'est la vie humaine sur la planète…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc nous allons être contraints, quoi qu'il arrive ?

FRANÇOIS DE RUGY
Mais, soit, on le vit uniquement comme une contrainte, et en effet, on va tous y aller tête baissée en disant : ça va être pire demain qu'aujourd'hui, soit, on se dit : c'est une opportunité de mieux vivre, et d'ailleurs, ce que disent Nicolas HULOT et Laurent BERGER, et Laurent BERGER, en tant que syndicaliste le dit, c'est le pouvoir de mieux-vivre, voyez, lui ne parle même pas de pouvoir d'achat, il dit le pouvoir de mieux vivre, c'est aussi ça que les Français nous ont demandé, que l'on puisse chacun bien vivre, mieux vivre, eh bien, l'écologie contribue à mieux vivre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous voulez que je vous dise, vos réponses doivent être à la hauteur, à la hauteur des préoccupations.

FRANÇOIS DE RUGY
Ah, mais, moi, je suis bien conscient de la gravité de la situation, à la fois du point de vue écologique et du point de vue social.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup, François de RUGY, d'être venu nous voir.

FRANÇOIS DE RUGY
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mars 2019