Texte intégral
Mounir MAHJOUBI
Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances
et du ministre de l'Action et des Comptes publics
Public Sénat, Cyril Viguier – 8h00
11 mars 2019
CYRIL VIGUIER
Et l'invité politique en direct sur ce plateau, ce matin, c'est Mounir MAHJOUBI. Bonjour.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Et merci d'être revenu. Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé du Numérique, vous étiez sur ce plateau, il y a quelques semaines. Pour vous interroger à mes côtés, Marcelo WESFREID du Figaro, pour Public Sénat. Bonjour Marcelo.
MARCELO WESFREID
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Et bonjour Pascal JALABERT, du groupe EBRA.
PASCAL JALABERT
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Vous représentez Le Progrès de Lyon ce matin sur ce plateau. La presse quotidienne régionale qui retransmettra votre interview sur ses sites vidéo à partir de 10h, ce matin, Mounir MAHJOUBI. On démarre tout de suite avec l'actualité, une tribune de Jean-Luc MELENCHON, ce week-end, dimanche : Sortez des traités stupides, a dit le leader de la France Insoumise, il répond à Emmanuel MACRON évidemment sur l'Europe, et puis dans cette même Tribune, il affirme qu'Emmanuel MACRON est un homme dangereux, ce, à propos de sa position antirusse ; c'est un homme dangereux, Emmanuel MACRON ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce qui est dangereux, c'est à ce moment où la campagne des européennes va démarrer avoir le leader d'un parti politique français caricaturer son propre pays et empêcher le débat. Ce qui se joue là, dans les semaines, dans les mois qui viennent, c'est la façon qu'on va avoir d'imaginer les 30 prochaines années de cette solidarité un peu particulière que nous avons voulu créer avec des pays avec lesquels nous avons été en guerre, avec des pays avec lesquels parfois nous n'avons jamais eu de relation, des pays que nous avions parfois ignores, qu'on a laissés, dont on a laissé les économies s'effondrer, et un jour, on a voulu créer l'Europe. Depuis quelques années, on se rend compte que cette Europe, si on veut qu'elle ait un avenir, si on veut qu'elle ait encore 30 ans de plus, il va falloir qu'on change profondément certains éléments qui nous unissent ; le président de la République a fait un diagnostic, aujourd'hui, on est une campagne qui va démarrer. Et là, on a certains partis politiques, que ce soit l'extrême droite ou l'extrême gauche, que représente monsieur MELENCHON qui disent : non, non, ne regardez surtout pas, ne faisons pas le diagnostic, il n'y a plus rien à gagner de cette Europe, retournons-nous et empêchons tout projet collectif dans cette union, moi, je trouve ça très, très grave, et en plus, regardez le détournement, il nous fait… regardez, il nous caricature en parlant de la Russie, si on doit parler des grandes puissances internationales, la Russie, la Chine, les Etats-Unis, on voit bien que la seule réponse possible, c'est une belle Europe, c'est une grande Europe, et c'est une Europe forte qui s'écoute, qui construit ensemble, c'est tout le contraire du projet de monsieur MELENCHON…
CYRIL VIGUIER
C'est la qualification d'homme dangereux, Emmanuel MACRON ?
MOUNIR MAHJOUBI
Que voulez-vous que je vous réponde à cette phrase, vous voyez bien que l'utilisation du terme dangereux par monsieur MELENCHON n'a pour moi aucun intérêt d'analyse, elle est une caricature, et ce que monsieur MELENCHON dit : c'est l'Europe est dangereuse. Quand il dit : MACRON est dangereux, il dit l'Europe est dangereuse. Monsieur MELENCHON ne veut pas de l'Europe, il ne veut pas de ce cette solidarité entre les pays, parce qu'il profite, et que son parti profite de la division, donc c'est tout, moi, j'étais très en colère en lisant cette tribune.
MARCELO WESFREID
Alors, dimanche, à Chartres, le parti dans lequel vous êtes, La République En Marche, a fait des propositions dans le cadre du grand débat, et notamment des propositions sur la dépendance, l'alourdissement de la fiscalité sur le patrimoine, les retraites, on a l'impression que le parti veut un tournant à gauche, est-ce que c'est l'exemple à suivre pour le gouvernement ?
MOUNIR MAHJOUBI
Alors d'abord, le parti, le mouvement la République En Marche, a travaillé, a fait des consultations à travers toute la France, a organisé ses propres grands débats, afin de faire une contribution du mouvement…
MARCELO WESFREID
Et on a l'impression que la contribution, ce n'est pas tout à fait le centre de gravité du gouvernement, c'est plus à gauche.
MOUNIR MAHJOUBI
Mais vous savez, La République En Marche, c'est un mouvement qui s'est créé avec des valeurs avec plusieurs dizaines de milliers d'adhérents à travers la France, et puis, il y a le gouvernement, le gouvernement, ce n'est pas le gouvernement de La République En Marche, le gouvernement, c'est le gouvernement de la France avec dedans des ministre de La République En Marche, et d'autres qui n'en sont pas. Donc c'est important, intéressant et essentiel que le parti de la majorité ait sa propre contribution, qui n'est pas celle du gouvernement, qui est bien celle du mouvement. Et ce que je veux dire et qui est très important, c'est que cette contribution, elle a permis de faire un diagnostic, et de voir, et ça n'étonnera absolument personne, que La République En Marche partage dans ses analyses certains éléments qui ont émergé de la France des gilets jaunes, notamment le sentiment d'humiliation de certains Français, le sentiment d'empêchement de certains Français, le sentiment dans les territoires de ne pas avoir la possibilité de choisir, et c'est pour ça que toutes les propositions que vous voyez, elles sont des réponses à cela, vous dites : c'est de gauche, vous dites, c'est social, c'est surtout la réalité aujourd'hui d'un sentiment des Français qui s'est beaucoup exprimé dans la rue, qui s'est beaucoup exprimé dans le grand débat et qui s'exprime aujourd'hui par le premier parti de France, qui est La République En Marche.
PASCAL JALABERT
Oui, alors, parmi ce qui a émergé, ce qui est remonté, c'est le rétablissement de l'impôt sur la fortune, donc là, on a entendu, à Chartres, ce dimanche, peut-être qu'il faut davantage de taxer les patrimoines, alors que voulez-vous faire, augmenter l'IFI, taxer les successions, quel est le sens à donner ?
MOUNIR MAHJOUBI
Alors, aujourd'hui, il y a une proposition qui est faite par le mouvement, encore une fois, vous savez, et moi, j'ai cette situation d'être aujourd'hui membre du gouvernement, alors, je suis très engagé dans ce mouvement qui est le mien, qui est celui que j'ai participé à créer et qui est très important, donc je suis 100 %, je soutiens 100 % des propositions qui ont été faites par ce mouvement, mais je dois aussi maintenant avoir la responsabilité d'un membre du gouvernement qui accueille ces propositions, et elles seront discutées, et il faudra qu'on apporte des réponses. Mais oui, vous l'avez lu, il y a des propositions d'augmenter l'IFI, qui questionnent…
PASCAL JALABERT
Impôts sur la fortune immobilière…
MOUNIR MAHJOUBI
L'impôt sur la fortune immobilière.
MARCELO WESFREID
Ça, vous y êtes favorable, à titre personnel en tout cas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Moi, je l'ai dit dans plusieurs interviews récentes, je ne suis pas favorable à des mesures symboliques, je suis à la fois un homme du coeur et un homme très technique et un homme des chiffres, donc on ne va pas juste dire : il faut augmenter l'IFI, parce que ça fait plaisir de dire : on augmente l'IFI. Il faut qu'on se dise : si on veut recréer un peu plus de justice fiscale et qu'on veut permettre à ceux qui produisent plus, à ceux qui participent plus, à ceux qui travaillent de payer moins d'impôts, alors, il faudra qu'on récupère ça ailleurs. Mais l'objectif n'est pas d'augmenter les impôts, et c'est pour ça que moi, je n'ai pas envie de vous répondre en disant : oui, je suis pour l'augmentation de l'IFI, je suis pour l'augmentation des droits de succession, ce n'est pas vrai, à titre personnel, moi, je veux qu'on baisse les droits de succession pour les plus petites transmissions, à titre personnel, je veux qu'on baisse toute imposition de ce qui produit, de ce qui crée de la richesse, de ce qui permet de créer de l'emploi, après, sur la fortune immobilière, est-ce que je suis pour l'augmentation ? Eh bien, pas toute seule, c'est-à-dire que si jamais, on devait aller vers un chemin d'augmentation de l'IFI, ça doit aller avec le fait qu'on favorise, soit la transmission de patrimoine, la transmission du vivant, parce que, quand on transmet du vivant à un couple quarantenaire, eh bien, ça retombe dans l'économie, quand on permet aux gens d'investir dans des entreprises ou de donner à des associations, l'impact dans nos vies, il est immédiat, donc tout ce qui transfère de l'argent futur dans de l'argent du maintenant, on doit baisser la fiscalité, tout ce qui est de l'argent du futur qui restent dans le futur et qui ne produit rien, celui-là est moins prioritaire.
MARCELO WESFREID
Bon, quand est-ce qu'on arrête le grand débat, puisqu'il devait se terminer cette semaine, ça se prolonge, il y a des réunions, des conférences citoyennes, il y a un moment où il faut gouverner quand même.
MOUNIR MAHJOUBI
Alors, je ne vous permets pas de dire que nous avons cessé de gouverner. Il y a un moment…
MARCELO WESFREID
Il y a beaucoup de projets de loi qui ont été reportés, énormément, là, c'est en suspens…
MOUNIR MAHJOUBI
Mais par respect pour les Français…
MARCELO WESFREID
D'accord, mais alors quand est-ce qu'on arrête le grand débat ?
MOUNIR MAHJOUBI
Parce qu'on a dit aux Français que…
MARCELO WESFREID
A un moment…
MOUNIR MAHJOUBI
Eh bien, le grand débat, il doit atterrir, et on n'atterrit pas de façon… pour atterrir, il faut qu'on finisse les participations libres telles qu'elles ont lieu, donc ça, c'est le 15 mars, ensuite, maintenant, il faut des participations thématiques, des participations territoriales, ça va être l'objet des conférences régionales, ça va être l'objet des conférences thématiques, et il faut ensuite qu'il y ait des propositions techniques, des vraies…
MARCELO WESFREID
Vous en faites ce matin en Conseil des ministres…
MOUNIR MAHJOUBI
Chaque ministre en a fait ces dernières semaines au président et au Premier ministre. Elles seront discutées en partie, en partie seulement, en Conseil des ministres aujourd'hui, mais attention, il va falloir faire l'analyse globale de tout ce qui remonte, donc la phase qui vient, là, c'est : on lit ensemble le diagnostic, on l'approfondit…
PASCAL JALABERT
Donc après, c'est fini, après, c'est fini, c'est-à-dire que tout le quinquennat va partir de ce diagnostic, et là, on en prend pour trois ans ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais non, et justement, c'est ça qui est très important, et votre question-là, elle est pour moi la question la plus essentielle, ce grand débat, il a changé quelque chose dans la façon de fonctionner de la démocratie française, on a vu qu'on pouvait faire participer plus d'un million de Français à un débat sur des questions parfois très complexes, eh bien, ça, et ça fait partie des propositions que je fais, mais que beaucoup d'autres font, il va falloir que cette façon d'impliquer les Français, elle soit la nouvelle norme de la 5ème République, la nouvelle norme de notre démocratie, mais ça veut dire : des débats, ça veut dire des façons de participer, des façons de voter, des façons d'influencer le vote, une façon de créer une nouvelle relation entre démocratie représentative, démocratie délibérative, pouvoir exécutif, donc qu'on ait plus le sentiment dans cette nouvelle ère d'un nouveau pouvoir, que chaque Français peut changer le monde d'aujourd'hui…
CYRIL VIGUIER
Vous proposez le débat permanent, vous, au fond ? Permanent !
MOUNIR MAHJOUBI
Ah, je suis convaincu, mais ce n'est pas que je le propose, que c'est la seule façon d'affronter les 30 années qui viennent, aujourd'hui, les Français sont mieux informés, ils sont mieux diplômés, ils ont très envie d'avancer…
MARCELO WESFREID
Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition d'Anne HIDALGO et de 120 élus socialistes de mettre la question de la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS dans le grand débat ?
MOUNIR MAHJOUBI
Aujourd'hui, beaucoup de gens ont mis dans le grand débat cette question d'ADP, et ce que je veux dire quand même…
MARCELO WESFREID
Votre position, votre position ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non, mais je vais vous dire ma position, sur ce sujet de la privatisation, il a été débattu, il est encore débattu au Parlement…
MARCELO WESFREID
Le Sénat a voté contre…
MOUNIR MAHJOUBI
Il est débattu au Parlement, donc vous voyez que le Parlement a un rôle à jouer essentiel, l'exécutif a à chaque fois expliqué pourquoi il proposait cette privatisation, et pourquoi cet argent, nous en avions besoin, ce n'est pas juste…
MARCELO WESFREID
Donc on ne le met pas dans le grand débat…
MOUNIR MAHJOUBI
L'objectif, ça n'est pas simplement de vendre ou de ne pas vendre, c'est si on ne vend pas, où est-ce que vous trouvez l'argent qui permet de financer tout l'engagement de la France sur l'innovation, c'est-à-dire qu'il y a un moment, il ne faut pas oublier qu'on ne vend pas les choses juste de façon idéologique, on le fait, parce que nous pensons que ça n'est pas stratégique pour la France de posséder cet objet, et c'est ce qui nous différencie des 120 signataires, et c'est ça dont nous avons besoin aujourd'hui pour investir dans l'innovation, pour investir dans l'avenir.
CYRIL VIGUIER
Alors, Mounir MAHJOUBI, secrétaire d'Etat chargé du Numérique, est notre invité politique ce matin, justement, on passe à la politique, vous êtes candidat à la candidature à la Mairie de Paris, alors, d'abord, pourquoi être candidat si tôt, on n'a compris pourquoi, les investitures sont au mois de juin, et ensuite, vous vous êtes fait un peu remonter les bretelles par le Premier ministre quand il vous a convoqué, là ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous savez, le fait que ce soit vous qui me posiez la question intéressante, on en avait déjà parlé ensemble sur ce plateau…
CYRIL VIGUIER
Eh bien, c'est pour ça que je vous repose la question…
MOUNIR MAHJOUBI
C'est pour ça qu'il n'y a rien de très nouveau dans cette déclaration…
CYRIL VIGUIER
Eh bien, si, vous êtes candidat officiellement à la candidature…
MARCELO WESFREID
… C'était une grande interview, vous faisiez déjà des propositions.
MOUNIR MAHJOUBI
Je vous rappelle que vraiment, sur ce plateau même, ensemble, nous en avions parlé il y a quelques semaines…
CYRIL VIGUIER
Et le Premier ministre, il vous a reproché tout ça ou pas ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je vais vous dire…
MARCELO WESFREID
Il vous a demandé d'être pleinement à votre tâche…
MOUNIR MAHJOUBI
Super, vous faites les questions, les réponses, vous étiez…
CYRIL VIGUIER
Non, on suit ce que vous avez dit…
MOUNIR MAHJOUBI
Ça, je vous remercie de le lire. Ecoutez, c'était un secret de polichinelle, on en parle depuis plusieurs mois, moi, dans ma vie, il y a deux choses, il y a le numérique et il y a Paris, il se trouve que le numérique, je l'ai appris grâce à Paris, il se trouve que je suis né là, j'ai grandi là, je dois tout à cette ville, et j'avais toujours dit, depuis près d'un an maintenant, que le jour où se posera la question, je serai là, et ce que je dis aussi dans cette interview, c'est que ce moment, ça n'est pas maintenant, ce moment, ce sera le mois de juin, et d'ici là, il y a beaucoup à faire, on a la loi contre les contenus haineux, on a l'atterrissage du G7 numérique qui arrive où avec tous mes collègues du monde, on va discuter de l'avenir du numérique…
CYRIL VIGUIER
Mais pourquoi alors s'être affiché si tôt, vous n'avez pas répondu à nos questions, là, pourquoi si tôt ? Investiture en juin, vous pouviez attendre le mois de juin…
MOUNIR MAHJOUBI
Mais, je comprends votre question, parce qu'il y avait beaucoup de questions, parce que tous les gens se disaient : mais, est-ce qu'il est candidat ou pas, quand est-ce qu'aura lieu la sélection, j'ai voulu rassurer ceux qui se demandaient si je le serai ou pas, mais j'ai aussi voulu dire à tous les autres que ce n'était pas le moment, ce n'est pas le moment d'en parler, ce n'est pas le moment de débattre, le moment, ce sera juin, et d'ici là, on a du boulot.
MARCELO WESFREID
Mounir MAHJOUBI, est-ce que ce n'est pas un peu confortable de dire : je reste au gouvernement jusqu'à la décision de la commission d'investiture, est-ce que vous n'avez pas à prendre votre risque et dire : eh bien, voilà, je veux être candidat, donc je quitte ce gouvernement ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je comprends, mais moi, je vous amène à votre propre responsabilité, est-ce que vous n'avez pas l'impression que le confort, c'est justement de partir à un moment où on vient de discuter ensemble pendant près de 20 minutes sur l'importance de ce grand débat, sur le fait que ce grand débat, il n'atterrit que maintenant, qu'on a encore deux mois pour continuer à dialoguer avec les Français, je ne sais pas si vous avez suivi ce que je fais depuis le mois de novembre dernier, j'ai traversé la France, traversé tous les territoires, et pas Paris, j'ai fait très peu de choses à Paris, j'ai beaucoup fait partout sur le reste de la France depuis le mois de novembre. Et vous allez me dire : partez, ce serait plus responsable. Le G7 numérique, on va voir tous mes collègues des sept premières puissances plus tous ceux de l'Union européenne, où on va discuter de l'avenir de la régulation du numérique, comment on reprend la main pour arrêter de subir et vous allez me dire : partez maintenant, c'est mieux, c'est plus important, ce qui est important, c'est de vivre les cycles quand ils sont là, le cycle aujourd'hui, c'est l'atterrissage du grand débat c'est la régulation du numérique, ce sont les européennes, dont on a dit en introduction que certains ne voulaient pas qu'elles aient lieu, empêcher le débat, et après, ce sera pareil, et je serai là après.
PASCAL JALABERT
Oui, alors, puisqu'on a parlé numérique, deux questions sur le numérique, la première, Laëtitia AVIA va donc déposer cette proposition de loi pour arrêter les contenus haineux, c'est-à-dire, faut-il lever l'anonymat du Web ? Je suis très clair, faut-il lever l'anonymat, c'est vrai qu'on en a marre de se faire insulter par des anonymes sur Internet, première question. Deuxième question, là, on est sur la finance, faut-il taxer les géants du Web, monsieur CHAMBOREDON, qui représente les entreprises françaises numérique, dit : non, parce que, sinon, elles ne pourront plus investir.
MOUNIR MAHJOUBI
Sur la première question, la loi que va proposer Laetitia AVIA, c'est le fruit d'un an de travail avec tous les acteurs, c'est-à-dire qu'avec les associations de victimes, les associations libertés individuelles sur Internet, avec le Conseil national du numérique, avec les acteurs du numérique eux-mêmes, avec les plateformes elles-mêmes, tous ensemble, on a travaillé, l'exécutif, les parlementaires, pour proposer une solution qui permette, de façon opérationnelle et véritable, de mettre fin à la haine en ligne ; aujourd'hui, quand il y a de la haine exprimée en ligne, on décide souvent de ni porter plainte, ni de rien faire et de juste subir, sauf qu'il y en a qui ont dit : stop, assez, il y en a marre, et puis, notamment certains. Si on regarde la haine antisémite, elle n'a jamais été aussi importante en ligne, et là, les associations ont dit : on n'en peut plus, et donc on a pris notre responsabilité, on a travaillé et on a fait ces propositions. A l'intérieur, il y a quoi, il y a, 1°) : on va trouver plus facilement les auteurs de ces messages, alors ça ne veut pas dire la fin de l'anonymat, parce que l'anonymat sur Internet, c'est déjà une fiction, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans la plupart des enquêtes, quand on décide d'enquêter, on retrouve l'identité de la personne assez rapidement, par contre, c'est trop long, par contre, on ne le fait pas à chaque fois. Donc ce que va faire cette loi, c'est de dire : il faut qu'on facilite le dépôt de plainte et il faut qu'on facilite le processus d'enquête. Et il faut qu'on oblige les plateformes à répondre plus rapidement sur l'identité de la personne…
CYRIL VIGUIER
Dépôt de plainte en ligne par exemple, dépôt de plainte en ligne ?
MOUNIR MAHJOUBI
On doit aller vers le dépôt de plainte en ligne, mais on doit surtout faire que quand on dépose une plainte, elle soit transformée en poursuite, ce qui n'était pas le cas jusqu'à aujourd'hui dans 100 % des cas. Deuxième chose, la responsabilité des plateformes dans le retrait du contenu. Aujourd'hui, si la plateforme, elle laisse une phrase horrible, ignoble en ligne, elle ne risque rien en France, elle ne risque rien, et puis, l'Etat n'a que comme seul pouvoir de lui dire : attendez, ce n'est pas bien, vous avez laissé ce contenu. Depuis cinq ans, les plateformes nous répondent : ah, nous comprenons, on fera mieux la prochaine fois, sauf que là, elles ne font pas mieux, et ça dure depuis trop longtemps, donc on a apporté ces nouvelles obligations, et il faudra que ce soit plus opérationnel.
CYRIL VIGUIER
La deuxième réponse à Pascal JALABERT qui n'a pas été faite.
MOUNIR MAHJOUBI
Sur la taxe GAFA, c'est ça ?
PASCAL JALABERT
Oui.
MOUNIR MAHJOUBI
Sur l'imposition des grands acteurs du numérique, ce que dit monsieur CHAMBOREDON, c'est : attention, si jamais vous faites une régulation uniquement en France, vous prenez un risque, c'est que tous les investissements de ces acteurs du numérique aillent dans tous les pays autour, voire sur un autre continent, c'est pour ça que la position que nous avons toujours eue, c'est : nous voulons une position au niveau européen et une position au niveau de l'OCDE, eh bien, vous savez quoi, depuis qu'on a dit comme ces deux processus durent trop, on va faire une solution nationale, on avance, ça fait deux mois qu'on n'a jamais été aussi vite au niveau de l'OCDE avec une déclaration officielle des Etats Unis disant : nous voulons trouver une solution avant la fin de l'année 2019, vous savez ce qui a des chances de pouvoir se passer, et moi qui me rendrait très heureux, c'est que la loi nationale n'ait même pas à s'appliquer parce qu'on aura immédiatement eu une solution internationale.
MARCELO WESFREID
Mounir MAHJOUBI, on a envie de vous entendre sur le énième rebondissement dans l'affaire BENALLA, c'est-à-dire qu'on a appris, par le journal Le Monde, que, Ismaël EMELIEN, c'est-à-dire l'Elysée, avait demandé à La République En Marche de mettre en ligne, via un compte Twitter anonyme, des images manifestement illégales de vidéosurveillance discréditant ceux qui avaient été arrêtés par Alexandre BENALLA. Votre réaction ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ma réaction sur ce sujet, comme toutes les questions, y compris sur ce plateau, que vous me posez sur cette affaire BENALLA, c'est que cette affaire, elle est épuisante pour la démocratie, que cette affaire, elle est épuisante, parce qu'elle nous empêche de parler des vrais sujets, les vrais sujets…
MARCELO WESFREID
Non, mais là, l'Elysée demande à votre parti de mettre en ligne sur un compte Twitter anonyme des images illégales…
MOUNIR MAHJOUBI
Vous voyez bien que je n'ai aucune information, et que comme vous, j'ai lu cela dans les journaux cette semaine. Et que comme vous, j'ai lu ça hier soir, donc je n'ai pas d'information particulière à vous donner, je connais tous les protagonistes que vous venez de désigner, j'ai fait une campagne avec eux, juste vous dire toute la confiance que j'ai en chacun d'entre, mais je ne sais pas ce qui s'est passé ce soir-là, je n'étais pas dans la boucle, je ne suis pas à l'intérieur, par contre, ce que je peux vous dire, c'est que cette affaire aujourd'hui, et parce que nous sommes en France et qu'il n'y a pas beaucoup de pays où ça se passerait comme ça, les juges ont accès à tout, les juges convoquent chacun de ces personnes, chacune a dû témoigner à plusieurs reprises, certains ont été re-convoqués, cette maison même, le Sénat, a pu convoquer à plusieurs reprises certains de ces protagonistes, le Parlement a pu… l'Assemblée nationale a pu en faire de même, je veux dire, on est dans une démocratie qui fonctionne bien, avec une justice indépendante qui fait que, j'en suis certain, certain, ils pourront avoir accès à toutes les informations, ils pourront décider ce qu'ils voudront pour chacun des protagonistes.
CYRIL VIGUIER
Mounir MAHJOUBI, c'est les 30 ans du Web demain. Aujourd'hui, le Web est dominé par de grands marchands, au fond, AMAZON, GOOGLE, etc, et il n'y a pas eu de… on va dire de lobby du bien commun, est-ce qu'il n'est pas tant d'instaurer un lobby du bien commun ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce qui est certain, c'est qu'il faut un lobby d'un nouveau modèle du Web, donc je vais cette semaine publier une tribune qui appelle à la réunion de tous les acteurs qui pensent qu'un autre Web est possible, et qu'un autre chemin est possible. 30 ans, c'est l'âge de la maturité, quand le Web a été créé, on s'est dit : Web, ça veut dire la toile, on oublie souvent, la toile, ça veut dire la connexion entre des sites, entre des serveurs, entre des gens sans aucune discrimination, ni de continent, ni de profession, il y avait les ordinateurs des chercheurs, les ordinateurs publics, et puis, au fur et à mesure du temps, ce modèle de toile complètement déconcentré, il s'est transformé en modèle multi-concentré avec seulement quelques acteurs…
CYRIL VIGUIER
Donc vous allez pousser à ce lobby du bien ?
MOUNIR MAHJOUBI
Donc la France va pousser à ce que l'on crée un Web de confiance, une toile de la confiance à travers le monde, et pour ça, c'est ni le laisser-faire, ni la sur-régulation, c'est entre les deux, c'est la régulation intelligente.
PASCAL JALABERT
Merci Mounir MAHJOUBI, secrétaire d'Etat chargé du Numérique, dont on n'a pas compris…
MOUNIR MAHJOUBI
Merci à vous…
CYRIL VIGUIER
On a compris que vous aviez deux amours, Paris et le Web, mais on n'a pas compris dans quel sens vous préfériez…
MOUNIR MAHJOUBI
Ça va ensemble.
CYRIL VIGUIER
Ça va ensemble. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mars 2019