Interview de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, à LCI le 4 septembre 2019, sur la lutte contre les violences conjugales.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Nicole BELLOUBET.

NICOLE BELLOUBET
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous sur LCI. Vous êtes garde des Sceaux, ministre de la Justice. Edouard PHILIPPE a décrété hier la mobilisation générale contre les violences conjugales, il y a beaucoup de mesures, qu'il a déclinées, qui sont du ressort précisément de la justice, on va en parler. Les violences conjugales il y en a, globalement, 220.000, il a rappelé le chiffre, 101 femmes tuées depuis le mois de janvier, sur les violences conjugales est-ce que vous, Nicole BELLOUBET, puisqu'on sait que ça touche tous les milieux, et toute la France entière, quand on voit la carte des violences, est-ce que vous, dans votre entourage, une amie, une parente, a connu ce calvaire, est-ce que vous avez déjà pu en parler avec quelqu'un qui était proche de vous ?

NICOLE BELLOUBET
A titre personnel, proche de moi non, mais par les associations que je fréquente, ou par d'autres réseaux, oui, il m'est arrivé, évidemment, d'entrer en contact avec des personnes qui avaient subi de telles violences.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous connaissez donc, la question, puisque vous avez rencontré des témoins. On s'aperçoit, avec ce Grenelle des violences, qu'en fait on a en France un arsenal, à la fois policier et judiciaire, qui existe déjà, et la question plus générale, avant d'entrer dans le détail, c'est est-ce que vous, de là où vous êtes, c'est-à-dire au ministère de la Justice, vous n'avez pas envie, vous ne devez pas secouer un peu le personnel de justice pour que ça aille plus vite, parce qu'il y a des mesures, il n'y a pas de résultats, est-ce que les procureurs il ne faut pas leur donner des… ?

NICOLE BELLOUBET
Il y a deux choses, il y a deux choses Madame MARTICHOUX. D'une part je crois qu'il était besoin, et c'est ce que j'ai eu l'occasion de faire dans une instruction, que j'ai adressée aux procureurs au mois de mai dernier, il était besoin, je crois, de leur dire, redire, que c'est une priorité absolue de notre gouvernement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi y a-t-il besoin de leur redire ?

NICOLE BELLOUBET
Parce que, vous savez, il y a beaucoup de priorités en matière de politique pénale, il y a la lutte contre les stupéfiants, il y a la présence en lien avec les forces de l'ordre dans les quartiers de reconquête républicaine, il y a beaucoup de priorités. Et donc, il était important, je le fais chaque année, dans la circulaire générale que je leur adresse, mais il était important de redire spécifiquement que c'était une priorité du gouvernement, ça c'est la première chose. Et si je peux me permettre, il y a une seconde chose qui est essentielle, et qui est autre que l'arsenal législatif, c'est, en quelque sorte, de resserrer les boulons, si vous me permettez cette expression familière, pour qu'il n'y ait aucun interstices dans la prise en charge d'une femme qui est victime de violences.

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce qu'il y en a.

NICOLE BELLOUBET
Parce qu'il y en a, parce qu'il y a des… chacun, finalement, travaille dans son couloir et c'est, je crois, je crois, l'une des raisons majeures pour lesquelles nous avons tant de drames. Les policiers font leur travail dans leur couloir, mais il faut être certaine que les policiers et la justice se parlent, se parlent au bon moment, se parlent rapidement. Au sein de mon ministère, il faut être certain que le juge pénal puisse dialoguer avec le juge aux affaires familiales, que le procureur soit en lien avec les deux, ensuite il faut être certain que nous soyons en lien avec les associations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous diriez qu'il y a parfois un défaut d'appréciation ? Mais c'est culturel, ce n'est pas pour stigmatiser qui que ce soit. Il y a du retard à l'allumage parfois dans la coordination entre un juge aux affaires familiales et un procureur…

NICOLE BELLOUBET
C'est peut-être moins un défaut d'appréciation que ce que vous dites, c'est-à-dire un manque de coordination.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une résistance culturelle, c'est parce qu'au départ il y a une forme de…

NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas si c'est seulement une résistance culturelle, nous avons des siècles de domination masculine…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais ça pèse.

NICOLE BELLOUBET
Qui pèsent, c'est vrai, mais je crois que ce n'est pas seulement ça, je crois que chacun fait son travail, dans son couloir, mais simplement oublie de signaler à l'autre que cette femme-là doit être prise en charge complètement, entièrement, totalement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il faut ouvrir les portes. Ma première question c'est celle-là, est-ce que vous-même, dans des circulaires, dans la façon dont vous communiquez avec les procureurs, les magistrats, vous avez donné, non pas cette consigne, parce que c'est vrai que ça sonne toujours un peu curieusement, mais néanmoins vous êtes la patronne, est-ce que vous les secouez ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, absolument, mais c'est ce que je vous disais à l'instant, j'adresse de manière régulière des instructions aux Parquets, aux procureurs…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez fait ?

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr je l'ai fait, une circulaire du 9 mai précise l'ensemble de ces points.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, soyons précis justement. Avec les annonces hier d'Edouard PHILIPPE, vous étiez à côté de lui quand il les a précisées au Grenelle des violences, vous allez, au gouvernement, généraliser d'abord de déposer une plainte - c'est le début du début - à l'hôpital. Ecoutons le Premier ministre.

EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
Nous allons généraliser la possibilité de porter plainte à l'hôpital. Quand une femme se rend aux urgences pour coups et blessures c'est déjà suffisamment pénible, si elle doit retourner chez elle avant de porter plainte, elle retrouvera son conjoint, nous avons intérêt, je crois, à encourager ce dépôt de plainte à l'hôpital.

ELIZABETH MARTICHOUX
« Intérêt à généraliser ce dépôt de plainte »…

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais comment ça se passe, quand est à l'hôpital, qu'on est tuméfiée, on est violentée, qu'est-ce qu'on fait ?

NICOLE BELLOUBET
Eh bien il faut… d'une part il y a les blessures physiques, et puis il y a aussi l'accompagnement de la femme vers la plainte, parce que, vous le savez, toutes ne veulent pas immédiatement porter plainte, il y a des freins elles, qui sont liés à leur situation personnelle, donc il faut les accompagner vers ce dépôt de plainte, et nous permettrons à un policier, un gendarme, d'être là pour porter plainte. Je crois que c'est très important…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire que qui doit l'appeler à ce moment-là ?

NICOLE BELLOUBET
Qui doit l'appeler ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il y a un policier en faction en permanence dans les services d'urgences… ?

NICOLE BELLOUBET
Nous organiserons cela, ça existe dans certains hôpitaux, nous organiserons cela, de sorte que la plainte puisse être portée de manière immédiate. Vous savez, parce que c'est lié aussi, nous allons développer la plainte en ligne, ça fait partie de la loi pour la réforme de la justice, le dispositif numérique n'est pas encore tout à fait prêt, mais le sera en 2020, nous allons développer le dépôt de plainte en ligne, tout cela va faciliter la possibilité pour les femmes de porter plainte, je crois que c'est très important.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est fondamental, évidemment, puisqu'à partir de là s'enclenche la machine qui permet la protection.

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je voudrais une petite réaction à ce qu'a constaté lui-même, physiquement, le président de la République hier, il est allé passer 2 heures au 39 19, qui est le centre d'appels téléphoniques, et là il a entendu, il n'est pas intervenu, il devait respecter son incognito, mais il a entendu une femme qui expliquait qu'elle avait appelé un gendarme, et le gendarme ne voulait pas l'accompagner pour qu'elle aille récupérer ses affaires sans être frappée par son conjoint, et la personne du central téléphonique a eu ce gendarme, qui a maintenu son refus de faire ce déplacement. Comment vous réagissez ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, j'ai entendu cela. Evidemment c'est très choquant quand vous entendez cela, je ne veux pas incriminer la personne qui peut-être avait beaucoup de choses à faire, et donc la question n'est pas celle-là, mais la question est celle de la protection que l'on doit aux femmes qui sont victimes de violences, et donc…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce que cet acte est isolé, ou est-ce que c'est là le noeud du problème aussi aujourd'hui en France ?

NICOLE BELLOUBET
Je crois qu'il y a, c'est ce que je vous disais tout à l'heure, dans tous ces interstices il y a des dysfonctionnements, et c'est à cela que nous devons répondre prioritairement, c'est cela dont nous avons besoin de résoudre, plus que de rajouter tel ou tel texte de loi, il en sera besoin, ce n'est pas la question, mais c'est moins un dispositif législatif supplémentaire, vous le disiez vous-même, que précisément cet accompagnement que nous devons aux femmes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous n'êtes pas ministre de l'Intérieur, évidemment…

NICOLE BELLOUBET
Je ne crois pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes à la Justice, c'est déjà beaucoup, mais par exemple ce gendarme, il faut qu'il y ait une enquête pour comprendre pourquoi il y a eu ce refus, quand même, d'aider une femme en situation de détresse.

NICOLE BELLOUBET
Moi je ne suis pas favorable à l'incrimination de telle ou telle personne, de tel ou tel fonctionnaire, mais en revanche je suis très favorable à l'interrogation du système-même, pourquoi est-ce que, lorsqu'il y a ces drames-là, pourquoi est-ce que ces femmes ne sont pas accompagnées, c'est cela qu'il nous faut résoudre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça fait 30 ans qu'on se pose la question, Nicole BELLOUBET, ça fait 30 ans.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais je crois, Madame MARTICHOUX, que les dispositions, qui ont été annoncées hier, et celles sur lesquelles nous allons travailler jusqu'au 25 novembre, vont vraiment nous permettre d'améliorer le système.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, parlons-en. Le bracelet électronique anti-rapprochement, ça c'est une mesure, vous en avait déjà parlé d'ailleurs, parce que vous aviez vous-même, dès le mois de juillet, dit il faut accélérer. Le Premier ministre a dit « ça a fait ses preuves », non, pas en France puisqu'il n'a jamais été testé.

NICOLE BELLOUBET
Non, pas en France.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ah ben oui, ça n'a jamais été testé en France.

NICOLE BELLOUBET
Non, mais ce qu'il voulait dire, c'est que c'est un dispositif qui a fait ses preuves dans les pays où il est mis en place…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en particulier en Espagne.

NICOLE BELLOUBET
En Espagne.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un dispositif, on le rappelle, qui permet – c'est un bracelet électronique…

NICOLE BELLOUBET
C'est un bracelet, ça se présente sous la forme d'une montre souvent d'ailleurs…

ELIZABETH MARTICHOUX
Comme celui qu'ont certains détenus pour sortir de prison.

NICOLE BELLOUBET
Voilà. Alors, la montre elle est sur la femme, par exemple, et le bracelet il est sur la personne qui a été auteur des violences.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, et qui déclenche une alerte dès que le conjoint, l'homme violent, se rapproche à une distance définie, combien d'ailleurs, 500 mètres, c'est ça ?

NICOLE BELLOUBET
Ça c'est quelque chose que nous pouvons définir si vous voulez, c'est quelque chose qui se programme sur l'outil, donc on peut décider que c'est 500 mètres, on peut décider ce que l'on veut, mais…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera au cas par cas ?

NICOLE BELLOUBET
Non, ce n'est pas au cas par cas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera dans la loi.

NICOLE BELLOUBET
Dans le décret qui l'appliquera, mais effectivement on va décider d'une distance à partir de laquelle le bracelet se met à… il y a une alerte qui sonne, au commissariat, ou la gendarmerie, et qui immédiatement déclenche la venue, sans appréciation de la nécessité d'y aller ou de ne pas y aller, c'est ça évidemment, comme d'ailleurs pour le téléphone « Grave danger », qui lui est un dispositif qui existe déjà, mais qui suppose une alerte manuelle de la part de celle…

ELIZABETH MARTICHOUX
De la personne qui est en danger.

NICOLE BELLOUBET
De la personne, tandis que dans le cas du BAR, je trouve que l'acronyme BAR est intéressant, on forme une barre entre l'auteur et la victime, dans le cas du BAR…

ELIZABETH MARTICHOUX
Le BAR c'est Bracelet…

NICOLE BELLOUBET
Anti-rapprochement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous trouvez que c'est bien BAR comme acronyme ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, je trouve que c'est pas mal, oui ; je trouve donc que dans le BAR la sonnerie se déclenche de manière automatique, dans le téléphone « Grave Danger » il faut que la victime l'active, mais, ce qui est important c'est que les forces de police se rendent d'elles-mêmes, et sans appréciation, sur les lieux concernés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ça c'est très bien, c'est pour l'instant sur le papier, puisque ça n'a jamais été testé en France. Encore une fois, vous avez été récemment une de celles qui a dit « il faut que ça change. » Quand ? Le Premier ministre a dit « j'ai bon espoir que le texte, nouveau, qui permettra une application plus rapide, plus efficace, soit adopté à l'automne. » Alors, soyons s'il vous plaît précis, il y a urgence, il y a une femme qui meurt tous les deux jours.

NICOLE BELLOUBET
Mais je suis d'accord avec vous Madame MARTICHOUX. Il se trouve que nous sommes dans un Etat de droit, qu'il faut que je fasse bouger la législation, pour pouvoir mettre en place ce BAR.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le texte sera voté cet automne ?

NICOLE BELLOUBET
Le texte a été, déjà, déposé au Parlement par les députés qui le portent, il est déjà sur la table du Parlement, donc il va être voté dans les meilleurs délais, je n'ai pas là le programme, l'ordre du jour du Parlement, mais dans les meilleurs délais nous allons trouver un interstice pour pouvoir…

ELIZABETH MARTICHOUX
Avant quelle date, avant la fin de l'année ?

NICOLE BELLOUBET
Avant la fin de l'année, ça c'est certain.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ensuite combien de temps faut-il pour aller de la loi à l'application ?

NICOLE BELLOUBET
Nous allons, en parallèle, mettre en place les marchés publics qui vont nous permettre d'avoir les outils pour déployer ce bracelet anti-rapprochement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y en n'a pas pour l'instant ? Vous n'avez pas à votre disposition des bracelets ?

NICOLE BELLOUBET
Nous avons, actuellement, à notre disposition, pour les personnes qui font l'objet d'un contrôle judiciaire, nous avons actuellement des bracelets, mais je souhaiterais un dispositif plus léger, plus performant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Nous vous allez demander…

NICOLE BELLOUBET
Un marché public, enfin c'est classique, pour…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ça, ça prend combien de temps ?

NICOLE BELLOUBET
Mais non, on va le mener en parallèle, de sorte…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais dans 3 mois, 4 mois.

NICOLE BELLOUBET
Moi je dirais que, avant la fin de l'année, nous sommes en capacité d'avoir vraiment un dispositif.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous avez quel budget ?

NICOLE BELLOUBET
On trouvera le budget, on trouvera le budget, c'est une priorité. Madame MARTICHOUX, nous venons de prendre la décision, je n'ai pas encore le marché public, et je n'ai pas encore évalué exactement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous savez à peu près combien il en faudrait ?

NICOLE BELLOUBET
Sans doute 5 à 6 millions.

ELIZABETH MARTICHOUX
Cinq à ?

NICOLE BELLOUBET
Pas de bracelets, de budget, sans doute 5 à 6 millions.

ELIZABETH MARTICHOUX
De budget, sans doute 5 à 6 millions pour doter toutes les personnes qui en auront besoin…

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc, vous dites quoi, objectif début 2020 ?

NICOLE BELLOUBET
Ah pour moi l'objectif c'est début 2020. L'objectif c'est début 2020.

ELIZABETH MARTICHOUX
Début 2020, c'est un engagement que vous prenez ce matin ?

NICOLE BELLOUBET
Nous essaierons de le tenir à cette date-là.

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que c'est extrêmement important pour éloigner…

NICOLE BELLOUBET
Pour moi c'est capital, pour moi c'est capital, et c'est la raison pour laquelle j'ai fait le choix, non pas de commencer une expérimentation, parce que nous avions – si vous me permette juste une seconde – les dispositions législatives que nous avions nous autorisaient à faire une expérimentation uniquement pour les personnes condamnées. Nous avons considéré - pour les auteurs déjà condamnés – nous avons considéré que le danger ne résidait pas seulement, le danger pour la femme ne résidait pas seulement auprès du conjoint qui a été condamné, il est dès le début de la relation violente, et donc avant même…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire à la première violence…

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais c'est pour cela que nous avons…

ELIZABETH MARTICHOUX
A la première plainte.

NICOLE BELLOUBET
Mais c'est pour cela que nous avons besoin d'une disposition législative pour autoriser le port du bracelet, la pose du bracelet, à la fois par un juge aux affaires civiles, et par un juge pénal, avant la condamnation aussi. Et donc vous mesurez l'atteinte aux libertés…

ELIZABETH MARTICHOUX
Absolument.

NICOLE BELLOUBET
Et c'est la raison pour laquelle j'ai besoin d'une loi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et dans la loi vous souhaitez, ça c'est clair, qu'au premier dépôt de plainte, c'est-à-dire à la première violence avérée…

NICOLE BELLOUBET
Attendez, il faut qu'un juge se prononce, c'est-à-dire que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et que le juge ait constaté la violence…

NICOLE BELLOUBET
Que le juge se soit prononcé sur le port de ce bracelet anti-rapprochement, et pour que ce soit posé avant que la personne ait fait l'objet d'une condamnation.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour revenir aux questions d'argent, c'est quand même important. Le Premier ministre hier n'a pas voulu en parler, pourquoi cette pudeur, pourquoi ce refus d'évoquer quelque chose qui, quand même, crédibilise une action publique, Madame BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais, il n'y a pas de mais, il faut de l'argent pour conduire des politiques, mais pas seulement, franchement, pas seulement. Quand je vous dis il faut qu'il n'y ait plus un seul interstice entre l'ensemble des acteurs, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de pratiques, c'est une question de mise autour de la table. En revanche…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais pourquoi ne pas rassurer ?

NICOLE BELLOUBET
En revanche, il ait besoin d'argent pour des choses extrêmement précises. On a parlé de la question des logements. Pour ce qui est de, par exemple de mon ministère, je finance ce qu'on appelle les espaces médiatisés, vous savez, quand les deux conjoints ont un droit de garde, il y a souvent des violences qui se déroulent au moment où l'un confie les enfants à l'autre, donc nous avons mis en place des espaces médiatisés de rencontre, c'est tout à fait important. Il faut de l'argent pour financer ces espaces médiatisés, le ministère de la Justice va accroître son budget là-dessus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Va accroître, c'est un engagement au budget 2020 ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, bien sûr, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Très vite. Est-ce que, par exemple, la fin novembre, le 25 novembre c'est la fin du Grenelle, est-ce qu'à ce moment-là, le gouvernement, le Premier ministre, donnera des chiffres ?

NICOLE BELLOUBET
Nous pourrons absolument donner des chiffres sur le budget 2019 (sic), qui aura alors été présenté.

ELIZABETH MARTICHOUX
2020, le budget 2020.

NICOLE BELLOUBET
Vous avez raison, merci.

ELIZABETH MARTICHOUX
Nicole BELLOUBET, un petit mot du séminaire gouvernemental auquel vous assistez tout à l'heure, sous la houlette du président de la République, ça sert à quoi ? Vous êtes très nombreux autour de la table, tout le gouvernement…

NICOLE BELLOUBET
Ben non, nous ne sommes pas très nombreux, tout le gouvernement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, ça fait beaucoup.

NICOLE BELLOUBET
C'est une trentaine de personnes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il faut jouer des coudes pour prendre la parole, comment ça se passe ?

NICOLE BELLOUBET
Non, pas du tout, pas du tout, ça se passe généralement dans une atmosphère à la fois cordiale et concentrée, concentrée par les enjeux sont majeurs, nous allons évidemment parler de la réforme des retraites, nous allons parler de la transformation de l'Administration pour aller vers les réponses concrètes aux usagers, nous allons parler également du programme de travail parlementaire et gouvernemental, tout cela se fait de manière…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, franchement, Nicole BELLOUBET, permettez-moi, parce que les Français peuvent se poser la question. Vous avez énormément de travail, énormément d'enjeux, énormément de, j'allais dire de réformes, en tout cas des réformes lourdes, ce n'est pas une perte de temps, en un mot ça sert à quoi, c'est utile à quoi ?

NICOLE BELLOUBET
A partager de l'information. A partager de l'information. Moi j'ai besoin de savoir ce que mon collègue DELEVOYE va proposer sur les retraites, parce qu'il se trouve…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne le savez pas ?

NICOLE BELLOUBET
Mais si, mais je veux dire j'ai besoin…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le savez…

NICOLE BELLOUBET
Mais j'ai besoin d'avoir…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ne nous dites pas que vous le ne savez pas !

NICOLE BELLOUBET
Mais non, bien sûr que je le sais, mais comme vous le savez aussi, nous entrons dans une phase de concertation, sur ce sujet-là. Il se trouve que moi j'ai, dans mon périmètre ministériel, j'ai des avocats, j'ai des notaires, j'ai les fonctionnaires du ministère, j'ai les surveillants pénitentiaires, il faut que je puisse dialoguer avec eux, nous devons travailler à l'unisson, et c'est l'objet de ce séminaire gouvernemental.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est à ce moment-là que vous partagez les informations…

NICOLE BELLOUBET
Entre autres, entre autres.

ELIZABETH MARTICHOUX
J'espère que vous le faites aussi à d'autres moments, sinon on est inquiet.

NICOLE BELLOUBET
Mais, Madame MARTICHOUX, vous ne faites pas de conférences de rédaction ici ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Si, tous les matins.

NICOLE BELLOUBET
Eh ben voilà !

ELIZABETH MARTICHOUX
Tous les jours, et c'est fondamental.

NICOLE BELLOUBET
Eh bien nous, nous ne le faisons pas tous les jours parce que nous, nous ne pouvons pas, mais nous le faisons régulièrement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une chaîne humaine de parents – je voudrais, avant qu'on se quitte, vous interroger sur ce sujet qu'on a traité ce matin dans la Matinale de LCI – il y a une chaîne humaine de parents devant une école de Saint-Denis, qui s'est constituée pour faire barrage, pour faire opposition à la présence de dealers, il y a un point de deal juste en face de l'école, et il y a même eu des intrusions dans une classe, les dealers sont entrés dans la classe.

NICOLE BELLOUBET
Oui, j'ai suivi ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, j'allais dire, que fait la police, que fait la justice ? Qu'êtes-vous prête à faire ?

NICOLE BELLOUBET
Pour moi la question des stupéfiants est une question majeure, c'est une question qui détruit notre société, nous le voyons, beaucoup d'auteurs, de délits ou de crimes, sont des auteurs qui sont sous l'emprise de stupéfiants, nous voyons que cela détruit des jeunes, nous voyons que des réseaux se constituent, bref, c'est pour moi un fléau majeur. C'est la raison pour laquelle un plan de lutte contre les stupéfiants va être annoncé prochainement par le gouvernement, qui va mobiliser aussi bien mon collègue de l'Intérieur, que de l'Education, que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour démanteler les trafics, notamment en banlieue, sur ce cas d'espèce-là, qu'est-ce que la justice peut faire, très concrètement, en un mot Nicole BELLOUBET, rien ou ?

NICOLE BELLOUBET
Non, vous ne pouvez pas dire rien, vous savez très bien que nous travaillons main dans la main avec les forces de l'ordre, que lorsque des personnes sont interpellées, parce qu'elles ont dealé, nous travaillons avec les enquêteurs pour remonter les filières, et c'est bien dans ce cadre-là que nous avons des dispositions, des juridictions même, qui travaillent, des juridictions spécialisées, qui travaillent sur ce sujet.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous allez vous intéresser spécifiquement au cas de Saint-Denis, qui nous interpelle ce matin ?

NICOLE BELLOUBET
Saint-Denis c'est un problème global, sur lequel la justice doit faire un effort, je le sais.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous transmettez aussi, de ce point de vue-là, vos consignes aux procureurs sur place, j'imagine.

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr, je les vois fréquemment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Nicole BELLOUBET d'avoir été ce matin sur LCI.

NICOLE BELLOUBET
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2019