Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
MARC FAUVELLE
La justice vient donc d'ordonner la reprise des traitements de Vincent LAMBERT, après sept années de bataille judiciaire. Est-ce que ça signifie pour vous qu'il faut une nouvelle loi sur la fin de vie, que la précédente n'est pas assez claire ?
DIDIER GUILLAUME
C‘est quand même inouï ce que l'on vit, une famille qui se déchire. Hier, j'ai été profondément choqué, très choqué par – ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent – mais par les avocats qui dansaient, qui sautaient au plafond, la romontada, on a gagné, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ! On parle de la vie d'un homme, on ne parle pas de je ne sais quel procès ou je ne sais quel match de football ! Ça m'a profondément choqué. Je pense qu'aujourd'hui, la dignité, c'est de permettre de mourir dans la dignité justement. Et moi, je soutiens l'association de ROMERO, et je soutiens ce qui est fait dans ce domaine-là. S'il faut faire une nouvelle loi, peut-être faudra-t-il la faire, ce n'est pas à moi de le décider. Les parlementaires s'en saisiront. Mais en tout cas, ce que l'on voit, là, c'est la faillite du système. La faillite de la loi Claeys-Leonetti, et le fait que l'on n'arrive pas à aller au bout de quelque chose…
MARC FAUVELLE
Si c'est la faillite de la loi actuelle, Didier GUILLAUME, c'est qu'il en faut une autre pour clarifier la situation…
DIDIER GUILLAUME
Mais oui ou non, parce que vous savez, ces sujets, c‘est vraiment quelque chose de profond qui touche au plus profond de soi-même, qui touche, pour certains, à la religion, pour d'autres, à des convictions. C'est ça qui est terrible, moi, je pense à ce pauvre homme qui est tétraplégique et à une famille qui se déchire, sa femme, son épouse qui dit : eh bien écoutez, sa volonté, c'est d'arrêter la souffrance, et les parents qui disent : surtout pas. C'est à ça qu'il faut penser. C'est pour ça qu'on voit bien que ce n'est pas une loi qui règle forcément le problème, qu'aujourd'hui, il y a des appels, la cour de justice, etc. Moi, je pense qu'à travers ce drame humain, parce que c'est un drame humain, la société doit réfléchir à ces grands sujets comme ceux-là, on parle de la PMA, la fin de vie, ces grands sujets-là, je pense que ça doit être des débats qui doivent être mis sur la table, mis sur la table avec les citoyens.
RENAUD DELY
Mais il y a un problème d'harmonisation juridique quand même, Didier GUILLAUME, quand on voit que justement maintenant, un comité dépendant de l'ONU donc émet un avis différent, et en l'occurrence, à l'origine le gouvernement pensait qu'il ne fallait pas tenir compte de cet avis, donc, est-ce qu'il n'y a pas une erreur, là, et est-ce qu'il n'y a pas un problème, une question d'harmonisation judiciaire urgente maintenant ?
DIDIER GUILLAUME
Non, mais évidemment que quand on voit cela, il y a un problème d'harmonisation judiciaire, je ne sais pas quel sont ces comités, qui donnent des avis différents. La justice française devrait être capable…
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas à l'ONU de dicter à la France ce qu'elle doit faire…
DIDIER GUILLAUME
Je ne crois pas. Je ne crois pas. Et je pense que la justice française doit être capable de dire où l'on doit aller, donc quand je parle de la faillite de la loi Claeys-Leonetti, ce n'est pas la faillite de la loi en tant que telle, mais c'est la faillite du système qui fait qu'on ne peut pas appliquer cette loi.
RENAUD DELY
Mais est-ce que le projet de loi de révision des lois bioéthiques, il sera bientôt étudié, il devrait justement prendre en compte cette question, s'y atteler ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, à titre personnel, moi, j'y suis favorable, mais ça fera partie d'un équilibre politique, je pense que la révision des lois bioéthiques, il faut aller loin, la société est prête à ce qu'on aille loin, la société est prête à ce que l'on avance, ce débat, ça ne doit pas être un débat de division, d'opposition, ça doit être un débat de rassemblement, d'unité nationale, enfin, quand même, en 2020, sommes-nous capables de parler de la fin de vie, sommes-nous capables de parler de la procréation, sommes-nous capables de parler de la famille, de l'enfant sans se déchirer, sans faire des oppositions comme on le voit, là, moi, je vous le dit, j'ai été très choqué de voir ces images à la télévision, je ne pense pas que ça soit ça la dignité d'un homme qui est en grande difficulté, en grande souffrance.
MARC FAUVELLE
Didier GUILLAUME, Emmanuel MACRON s'adresse aux Français à travers une interview ce matin publiée par une quarantaine de titres de la presse régionale, est-ce qu'il y a comme un petit vent de panique en ce moment dans la majorité, au vu des derniers sondages qui donnent le Rassemblement national désormais quasiment seul en tête ?
DIDIER GUILLAUME
Mais il n'y a pas un vent de panique, c'est l'engagement du président de la République, enfin, qui peut croire que Nicolas SARKOZY ou François HOLLANDE ne se sont pas intéressés aux élections européennes et n'ont pas fait campagne, Nicolas SARKOZY a même fait un meeting aujourd'hui, ce n'est pas de la panique simplement de bien mettre en avant ce qu'il en est, le président de la République le dit dans sa tribune : vous voulez faire en référendum anti-MACRON, eh bien, allons-y, allons-y, sauf que…
RENAUD DELY
Ça ne vous fait pas peur un référendum anti-MACRON ?
DIDIER GUILLAUME
Eh bien, ce dont je m'aperçois, c'est que Jean-Luc MELENCHON, qui veut faire un référendum anti-MACRON, il fait trois fois moins que la liste de MACRON, donc c'est peut-être u référendum anti-MELENCHON…
MARC FAUVELLE
Il faut toujours se méfier de ce genre de chiffre à quelques jours d'une élection, Didier GUILLAUME…
DIDIER GUILLAUME
Mais toujours…
MARC FAUVELLE
Et parfois les chiffres sont démentis, les sondages sont démentis les soirs de vote…
DIDIER GUILLAUME
Peut-être, c'est possible, enfin, si la LFI passe liste Renaissance, c'est qu'il faut se passer un cataclysme…
MARC FAUVELLE
Oui, oui, oui, trois fois plus, on ne sait jamais…
DIDIER GUILLAUME
Eh bien, c'est trois fois plus, de 8 à 22, enfin, quasiment…
MARC FAUVELLE
Ça fait 24…
DIDIER GUILLAUME
Mais ce n'est pas ça, oui…
RENAUD DELY
… Si on prend votre raisonnement et qu'on additionne toutes les oppositions à Emmanuel MACRON, dans ces cas-là, il y a 4 Français sur 5 qui sont aujourd'hui opposés à Emmanuel MACRON…
DIDIER GUILLAUME
Ah oui, mais il n'y a pas une seule élection en France, pas une seule, ou si on ajoute toutes les autres listes, elles ne font pas plus que la majorité, d'ailleurs, je constate que Nicolas SARKOZY avait fait 12,92 face à Charles PASQUA, aux européennes, Michel ROCARD avait fait 13 %…
RENAUD DELY
Donc vous parlez en 99, il y avait vingt ans, il y a vingt ans…
DIDIER GUILLAUME
Oui, oui, Michel ROCARD avait fait 13 %, que, Harlem DESIR avait fait 14 %, que pour toutes les européennes, le gouvernement prend une raclée, toutes les européennes…
RENAUD DELY
Mais là, ce sera le cas ?
MARC FAUVELLE
Là, ce sera le cas où vous allez y échapper ?
DIDIER GUILLAUME
Toutes les européennes depuis vingt ans…
RENAUD DELY
Donc là, ce sera le cas…
DIDIER GUILLAUME
Mais je pense que quand on est à plus de 20 %, on ne prend pas une raclée, c'est plutôt pas mal comme résultat, c'est même un bon résultat. Par contre, l'enjeu, c'est de savoir, est-ce que l'extrême-droite dans notre pays va être en tête ou est-ce que nous, nous allons arriver en tête, c'est l'enjeu de ce scrutin, c'est pour ça que le président de la République s'est engagé, que tous les ministres, les militants les partis politiques, que nous nous battons dans ce cadre-là parce que c'est pas la même chose quand le président de la République dit… ce n'est pas, il n'est pas inquiet, mais il veut se battre pour cette Europe, il ne faut pas de déconstruire l'Europe, on ne veut pas l'Europe des nationalistes, des populistes, l'Europe des extrêmes et de l'extrême-droite Nous voulons une Europe conquérante, une Europe qui ne soit pas un colosse aux pieds d'argile, une Europe qui ne se déconstruise pas, au contraire, qui se reconstruise différemment, c'est ça l'enjeu
RENAUD DELY
Donc si l'extrême droite est en tête, ce sera une défaite pour le gouvernement et pour le chef de l'Etat…
DIDIER GUILLAUME
Mais l'extrême droite était en tête déjà la dernière fois. Donc si l'extrême droite est en tête, ce n'est que la répétition de ce que sont les élections européennes en France…
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON dit dans cette interview, Didier GUILLAUME…
DIDIER GUILLAUME
Ce que nous souhaitons, nous, c'est que l'extrême droite ne soit pas en tête…
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON dit dans cet entretien à la presse : nous nous sommes assoupis face au Rassemblement national. Vous vous êtes assoupi depuis le début du quinquennat. Vous avez oublié que le Rassemblement national avait été face à vous au second tour de la problématique ?
DIDIER GUILLAUME
Non, non, non, le problème qu'on a dans ce pays, c'est qu'on considère qu'il y a un plafond de verre qui fait que lorsque l'extrême droite est au second tour de l'élection, alors, on gagne, globalement, c'est ce qui s'est toujours passé pour la droite, pour la gauche, pour les élections…
MARC FAUVELLE
C'est ce qui a permis l'élection d'Emmanuel MACRON aussi, oui…
DIDIER GUILLAUME
Pour les élections municipales, pour les élections législatives…
RENAUD DELY
Et ça, ce n'est plus le cas aujourd'hui ?
DIDIER GUILLAUME
C'est ce qui a permis l'élection de Jacques CHIRAC à 82 et quelques pourcent en 2002, parce que tout le monde a voté pour Jacques CHIRAC, toute la gauche a voté pour Jacques CHIRAC…
MARC FAUVELLE
Et ça n'a pas été le cas pour Emmanuel MACRON…
DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas, monsieur BELLAMY n'a toujours pas dit pour qui il avait voté au deuxième tour de l'élection présidentielle, je serais assez intéressé qu'il le dise pour qui il a voté au deuxième tour de l'élection présidentielle…
RENAUD DELY
Aujourd'hui, il n'y a plus de plafond de verre, aujourd'hui, à vos yeux, il n‘y a plus de plafond de verre qui empêche justement le Rassemblement national de l'emporter ?
DIDIER GUILLAUME
Aujourd'hui, ce n'est pas qu'il n'y a plus de plafond de verre, mais il ne vous a pas échappé que Marine LE PEN a fait 60 et quelques pourcent et pas 20 % comme son père quelques années avant. Donc on voit bien que les choses…
RENAUD DELY
Non, elle n'a pas fait 60 %, elle a fait…
DIDIER GUILLAUME
MACRON a fait 60 % et madame LE PEN, 40 %…
MARC FAUVELLE
C'est vous qui avez fait 60…
DIDIER GUILLAUME
Donc elle a fait deux fois plus de voix, deux fois plus en pourcentage, que son père. Donc on voit bien que les choses bougent, y a-t-il un plafond de verre ? Je n'en sais rien, moi, ce qui m'importe, ce n'est pas le plafond de verre, c'est ce que nous serons capables de dire aux électeurs pour leur dire : attention, l'enjeu de cette élection européenne, ce n'est pas un référendum anti-MACRON, ce n'est pas de dire : je ne suis pas d'accord sur telle ou telle mesure, c'est de savoir si demain, on est capable d'avoir une banque du climat avec 1.000 milliards, c'est être capable de savoir si on peut avoir un espace Schengen plus sécurisé, où tout le monde ne rentre pas n'importe comment en Europe, c'est de savoir si on est capable de faire de l'harmonisation fiscale et sociale, afin que nos agriculteurs ne soient pas concurrencés par des agriculteurs à l'intérieur de l'Europe mais que l'Europe toute entière soit en bataille avec les autres pays c'est de savoir si demain les grandes puissances mondiales veulent détruire l'Europe et détruire la France ou si nous sommes capables de nous battre…
MARC FAUVELLE
Et ce sera l''objet de la suite de cet entretien si vous le voulez bien, dans une minute.
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MARC FAUVELLE
Et jusqu'à 9h c'est le ministre de l'Agriculture, Didier GUILLAUME qui est l'invité de France-Info avec Renaud DELY à mes côtés.
RENAUD DELY
Dans son entretien ce matin le président de la République met en cause ce qu'il appelle la connivence de l'extrême droite française et européenne avec des intérêts étrangers qui visent à démanteler l'Europe et il cite notamment le cas du lobbyiste américain Steve BANNON proche de Donald TRUMP. Steve BANNON, Marine LE PEN qui était notre invitée ici même à votre place hier Didier GUILLAUME, eh bien elle a réagi à sa présence à Paris et c'est nous qui lui avons appris sa présence.
MARINE LE PEN
Il n'a aucun rôle dans la campagne. Il est manifestement à Paris, je ne le savais même pas moi qu'il y était d'ailleurs.
JOURNALISTE
Vous l'avez découvert en lisant la presse ?
MARINE LE PEN
Exactement, il est à Paris pour des affaires puisqu'il est en train de vendre une de ses sociétés à une grande banque française.
RENAUD DELY
Vous la croyez, Marine LE PEN, quand elle dit ça ?
DIDIER GUILLAUME
Non.
RENAUD DELY
Qu'est-ce qui vous fait dire qu'elle ment ?
DIDIER GUILLAUME
Vous me posez une question, est-ce que je la crois, je vous dis non, je ne la crois pas.
RENAUD DELY
Mais c'est un sentiment ou vous avez des…
DIDIER GUILLAUME
Non, je n'ai pas de preuve mais enfin qui peut penser que monsieur BANNON dont on connaît les liens avec TRUMP, il a fait sa campagne, même si depuis il s'est apparemment …
RENAUD DELY
Fâché.
DIDIER GUILLAUME
Fâché, dont on connaît ses liens avec l'extrême droite européenne, dont on sait qu'il a accueilli Marion MARECHAL-LE PEN aux Etats-Unis, il vient là pour la campagne, voir Matteo SALVINI, voir Marine LE PEN, essayer de démanteler l'Europe, dire que ça va être la grande victoire des populistes et de l'extrême droite, enfin dire que Marine LE PEN ne savait pas qu'il était là, ça me surprend un peu quand même.
RENAUD DELY
S'il la conseille, est-ce que c'est grave ?
DIDIER GUILLAUME
Ce n'est pas grave s'il la conseille parce que Marine LE PEN a le droit d'être conseillée par qui elle veut, ce n'est pas le problème du conseil.
MARC FAUVELLE
C'est légal.
DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr, ce n'est pas le sujet, moi je ne vais pas rentrer là-dedans. Ce qui est dramatique politiquement, c'est de voir que c'est des puissances de l'étranger qui viennent s'immiscer dans la campagne des élections européennes pour justement démantelé l'Europe…
MARC FAUVELLE
Enfin ce n'est pas Donald TRUMP qui dicte à son ancien conseiller avec qui il est fâché aujourd'hui ce qu'il faut dire à Marine LE PEN.
DIDIER GUILLAUME
Moi, je ne suis pas un complotisme, je n'ai pas la théorie du complot, ce n'est pas ça le sujet. Tout ce que je constate, c'est qu'un personnage de l'extrême-droite ou de la droite dure, trumpiste, américaine viennent dans la campagne aujourd'hui.
RENAUD DELY
Dans quel but, qu'est-ce qu'il veut faire ?
DIDIER GUILLAUME
D'après ce que j'ai compris, c'est qu'il veut stimuler, il veut doper, il veut mettre un peu d'EPO pour les élections européennes pour l'extrême droite européenne pour qu'elles se réunissent et qu'elles soient une force pour mettre un style de vie, un style politique dans l'Europe. Je crois que c'est ça l'histoire et c'est gravissime.
MARC FAUVELLE
Parmi les enjeux qui touchent évidemment à la politique de l'Union européenne, il y a la PAC, la Politique Agricole Commune, c'est un budget conséquent, 40 % du budget européen. Il y a une réforme de la PAC qui est en cours, qui est proposée après le Brexit et la future sortie du Royaume-Uni qui viserait à baisser les crédits de la PAC. Emmanuel MACRON dans son interview de ce matin encore répète qu'il y est opposé.
DIDIER GUILLAUME
Oui moi je suis vraiment très heureux de l'interview en général, mais en particulier sur l'agriculture, lorsqu'il parle de la PAC, lorsqu'il parle du glyphosate, lorsqu'il parle de la transition écologique, c'est très important. Aujourd'hui la Commission européenne propose une baisse de la PAC de 15 %.
RENAUD DELY
C'est inacceptable pour vous.
DIDIER GUILLAUME
C'est inacceptable, ce serait une erreur phénoménale pour notre agriculture française et européenne.
MARC FAUVELLE
Qui aurait quelles conséquences, Didier GUILLAUME ?
DIDIER GUILLAUME
Qui aurait la conséquence sûrement de faire disparaître plusieurs milliers d'agriculteurs en France, de baisser les aides, de baisser notre compétitivité, d'empêcher la transition agro-écologique, d'empêcher de mettre des aides en fonction de l'effort fait pour le climat, d'empêcher d'avoir moins d'argent sur l'installation des jeunes agriculteurs, c'est absolument dramatique, pourquoi ? Parce que l'Union européenne, la Commission européenne, qui ne veut pas augmenter le budget de l'Union veut prendre sur la PAC pour mettre ailleurs, nous, nous disons l'inverse. Nous disons il faut augmenter le budget de l'Union, est-ce que c'est par de nouveaux impôts, non, pas des impôts pour les citoyens mais par exemple, quand la France propose l'Union européenne et le PPE et la droite européenne y est opposée, propose de taxer les GAFA, Google, Amazon, Facebook, Apple pour apporter des dizaines de milliards en Europe, pour augmenter le budget de l'Europe, la droite actuelle y est opposée, la PPE qui dirige l'Europe aujourd'hui y est opposée.
RENAUD DELY
Sur la PAC, comment vous allez faire, est-ce que la France ne s'est pas isolée dans son opposition de la réforme de la PAC ?
DIDIER GUILLAUME
Non pas du tout puisque aujourd'hui il y a 20 pays sur les 27, si j'enlève le Royaume-Uni 20, pays sur les 27 qui ont signé ce qu'on appelle l'accord de Madrid, qui sont toujours favorables à ce qu'on ait une PAC dans le cadre de ce qu'on appelle EU27, c'est-à-dire sans le Royaume-Uni, donc une PAC qui va baisser…
RENAUD DELY
Qui passe par une baisse des crédits de l'ordre de 5 %.
DIDIER GUILLAUME
Non, non, pas du tout qui va baisser parce qu'il va y avoir en moins les crédits du Royaume-Uni, mais qu'il ne baissera pas en différence entre le budget actuel moins le Royaume-Uni. Je ne sais pas si je suis clair. Donc 20 pays sont opposés à la baisse du budget de la PAC en dehors…
RENAUD DELY
Donc il y a une majorité aujourd'hui pour s'opposer au projet de la Commission européenne.
DIDIER GUILLAUME
Oui.
RENAUD DELY
Donc vous êtes plutôt optimiste sur le sort des négociations.
DIDIER GUILLAUME
Je suis plutôt optimiste, mais la bagarre va être terrible parce qu'il ne vous a pas échappé qu'on est 20, mais il en faut 27.
RENAUD DELY
Où est l'Allemagne ?
DIDIER GUILLAUME
L'Allemagne est un peu avec nous, mais elle semble bouger…
RENAUD DELY
Et un peu pas avec nous.
DIDIER GUILLAUME
…un peu, pour l'instant elle est dans le groupe des 20.
RENAUD DELY
Est-ce que c'était vraiment le bon moment pour se fâcher avec Angela MERKEL ?
DIDIER GUILLAUME
Mais est-ce que c'est vraiment le bon moment pour mettre ses convictions dans sa poche et pour s'écraser, pas du tout, quel fâché, mais enfin de quoi s'agit-il ? Angela MERKEL serait-elle la prêtresse de l'Union européenne à qui il faudrait aller, comme ça, serrer la main et dire « Je suis d'accord avec vous », non. Il n'y a pas de fâcheries. D'ailleurs si on regarde, je crois qu'Emmanuel MACRON le dit dans sa tribune, si on regarde ce qui s'est passé ces 20 ou 30 dernières années, ces vingt dernières années, il y a eu beaucoup de fâcheries, mais le couple franco-allemand il est indispensable, l'amitié franco-allemande, elle est réelle, elle ne s'effacera jamais. Mais si nous avons des différences d'approche, nous en avons eu par exemple sur les travailleurs détachés, nous pouvons en avoir sur le budget, il est temps de le dire. Mais la France n'est pas seule.
RENAUD DELY
Les prédécesseurs d'Emmanuel MACRON face à l'Allemagne, pour reprendre votre terme, les prédécesseurs d'Emmanuel MACRON, ils se sont trop longtemps écrasés face aux demandes de l'Allemagne ?
DIDIER GUILLAUME
Non, parfois on s'est un peu écrasé, parfois aussi on a bataillé. Je me rappelle très bien de MITTERRAND et KOHL, la poignée de mains à Verdun, le débat pour l'indépendance de la Banque centrale européenne, le débat sur l'approfondissement ou élargissement, il a vraiment eu lieu et les débats ont eu lieus. Je crois que… arrêtons de focaliser sur on dit : La France et l'Allemagne sont en bisbille.
RENAUD DELY
C'est le cas.
DIDIER GUILLAUME
La France et l'Allemagne discutent entre gens adultes et entre pays adultes.
RENAUD DELY
Qui ne sont pas d'accords.
DIDIER GUILLAUME
Pas d'accord, ils sont d'accord sur 80 % des sujets.
MARC FAUVELLE
Angela MERKEL évoque une confrontation et Emmanuel MACRON reprend ce diagnostic.
DIDIER GUILLAUME
Mais Angela MERKEL (inaudible)… elle a annoncé qu'elle arrêtait. Aujourd'hui le gouvernement allemand est plutôt vacillant, sa successeur n'est pas encore là, la coalition a des difficultés, c'est ça la situation politique.
MARC FAUVELLE
Et son parti est donné aux européennes avec un score qui ferait saliver le vôtre, largement en tête.
DIDIER GUILLAUME
Mais nous verrons bien comment elles se passeront.
MARC FAUVELLE
Pour quelqu'un qui est en difficulté, elle ne se porte pas si mal, Angela MERKEL.
DIDIER GUILLAUME
Ce n'est pas ça le sujet, je ne parle pas de son parti, je parle de la situation politique en Allemagne. Et donc il n'est pas anormal qu'il puisse y avoir un peu des frottements entre l'Allemagne et la France, dans toutes les familles, dans tous les amis, on peut parfois s'engueuler un peu, mais faut garder l'objectif, c'est ça qui est important.
RENAUD DELY
Et est-ce qu'il faut pour sauver, pour conforter l'agriculture en Europe, est-ce qu'il faut instaurer des mesures davantage protectionnistes, se protéger des importations venant de l'extérieur de l'Union européenne ? Est-ce que l'Europe n'a pas été un petit peu naïve de ce point de vue là depuis quelques années ?
DIDIER GUILLAUME
Si l'Europe à mon sens a été trop naïve de ce point de vue là comme vous le dites depuis quelques années, c'est pour ça que quand Emmanuel MACRON dit, je refuse de donner le mandat à l'Union européenne pour l'accord commercial avec les Etats-Unis lié au climat, c'est pour ça que nous disons, non aux accords avec le Mercosur avec l'Amérique latine parce que nous ne voulons pas en France du boeuf aux hormones ou du poulet chloré.
RENAUD DELY
Donc il n'y aura plus d'accord de libre-échange ?
DIDIER GUILLAUME
Si mais les accords de libre-échange ne peuvent pas se faire au détriment des standards européens, c'est pour ça qu'il y a deux niveaux. Il y a le niveau infra-européen et le niveau extérieur. L'Europe en tant que telle, les 27 pays doivent monter en gamme, il y a trop de dumping fiscal, de dumping social, encore à l'intérieur de l'Europe, par exemple entre la France et l'Espagne, pour les viticulteurs, pour les arboriculteurs, il faut que ça cesse. Il y a trop de dumping fiscal encore avec les travailleurs détachés, la première partie a été faite, il faut aller encore plus loin.
MARC FAUVELLE
Pour en revenir à la question de Renaud DELY…
DIDIER GUILLAUME
Il faut se bagarrer pour que les produits qui rentrent dans l'Union européenne soient des produits qui soient au standard européen ; en termes de sécurité sanitaire de l'alimentation, en terme de qualité des produits.
MARC FAUVELLE
Pour en revenir la question de Renaud DELY, il y a des produits qu'il faudrait taxer davantage avant qu'ils ne me débarquent sur le sol européen ?
DIDIER GUILLAUME
Non, il y a des produits qu'il faut interdire de débarquer sur le sol européen.
RENAUD DELY
Lesquels ?
DIDIER GUILLAUME
Je vous le disais, par exemple le boeuf aux antibiotiques, le poulet aux hormones, les poulets chlorés, enfin je ne peux pas montrer du doigt, mais aucun produit ne doit rentrer dans l'Union européenne, s'il n'est pas au standard de l'Union européenne. Le libre-échange, ce n'est pas, je faire rentrer le loup dans la bergerie.
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MARC FAUVELLE
Didier GUILLAUME, je voudrais vous faire écouter maintenant un revenant, je ne sais pas s'il vous avait manqué ces dernières semaines depuis qu'il a quitté le gouvernement, c'est Nicolas HULOT.
NICOLAS HULOT
Là, ils vont faire un conseil de… je ne sais pas comment ils l'ont appelé, de défense sur l'environnement, très bonne chose. Si le président et le Premier ministre distribuent les rôles et que tout le monde dans le même sens, mais quand moi, je disais une chose, je voulais aller par-là, et que le ministre de l'Agriculture voulait aller par-là, au bout d'un moment, sauf à alimenter dans les médias le buzz, c'est une équation impossible, tous les ministères sont concernés par la transition écologique et solidaire, je dis bien, tous les ministères.
MARC FAUVELLE
Nicolas HULOT, hier soir, sur le plateau de quotidien, c'est une parole qui manque aujourd'hui au sein du gouvernement ?
DIDIER GUILLAUME
Eh bien, la preuve, elle ne manque pas, puisque vous venez de la passer sur…
MARC FAUVELLE
Là, c'était sur un plateau de télé…
DIDIER GUILLAUME
Sur France info, et donc il dit qu'il est plutôt content du Conseil de développement écologique qui va être mis en place…
RENAUD DELY
Oui, qui ne fonctionne pas encore…
MARC FAUVELLE
Qui va être mis en place dans deux jours…
DIDIER GUILLAUME
Il va être mis en place jeudi, donc il ne peut pas fonctionner puisque le président l'a annoncé il y a quelques jours, et il va être mis en place jeudi, donc, oui, la parole de Nicolas HULOT manque parce que c'est une voix forte de l'écologie, et il a raison de soutenir Emmanuel MACRON dans son souci d'écologie, il disait : il y a de la différence entre le ministère de l'Agriculture…
MARC FAUVELLE
Vous avez senti un soutien dans ces propos-là ?
DIDIER GUILLAUME
Eh bien, quand il dit que c'est bien, non, mais je ne dis pas soutenir pour les élections, il dit que ce Conseil développement économique, c‘est bien…
RENAUD DELY
Eh bien, il dit surtout qu'il y avait une vraie incohérence de la politique gouvernementale jusque-là, entre le ministre de l'Ecologie qu'il était, et le ministre de l'Agriculture, c'était votre prédécesseur, Stéphane TRAVERT ; est-ce que c'est fini ces incohérences de la politique gouvernementale ?
DIDIER GUILLAUME
C'est fini, c'est fini, et je passe mon temps…
RENAUD DELY
Donc ça tenait aux hommes, ça tenait à Nicolas HULOT ?
DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas, c'est fini, je passe mon temps à parler de transition agro-écologique. Nous allons sortir du Glyphosate, nous allons faire un effort pour baisser de 50 % l'utilisation de phytosanitaires d'ici 2025, je crois qu'aujourd'hui…
RENAUD DELY
La sortie du Glyphosate, c'est dès 2021, comme l'écrit Nathalie LOISEAU dans son projet, à 100 % ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, je vous l'ai déjà dit ici, à 100 %, on verra si c'est possible que ce soit à 100 %, mais enfin, ce que je veux vous dire quand même, Renaud DELY, c'est que la France va être le premier pays au monde à sortir du Glyphosate, l'Union européenne a dit : 5 ans, Emmanuel MACRON dit 3 ans, et on dit Emmanuel MACRON : non, ce n'est pas assez, oui, mais sauf qu'on va être le leader au monde après nous avons toujours dit, s'il n'y a pas de possibilité pour 100 % des agriculteurs d'en sortir, alors, on ne laissera personne sans solution, c'est pour ça que nous mettons 71 millions d'euros sur la recherche avec ma collègue Frédérique Vida, que l'INRA, que tous les instituts travaillent pour les alternatives au Glyphosate.
MARC FAUVELLE
Vous étiez, Didier GUILLAUME, sur le fichier MONSANTO, qui a donc recensé pendant des mois des journalistes et des politiques en fonction de leur position sur le Glyphosate, vous étiez dans quelle catégorie ?
DIDIER GUILLAUME
Ah, dans une catégorie qui me plaît beaucoup…
MARC FAUVELLE
Laquelle ?
DIDIER GUILLAUME
Celle qui n'est pas favorable à MONSANTO et aux produits phytosanitaires.
MARC FAUVELLE
C'est le cas, ils avaient bien fait leur travail, c'est le cas, vous êtes dans cette catégorie, ceux des résistants au Glyphosate ?
DIDIER GUILLAUME
C'est une plaisanterie, j'espère ?
MARC FAUVELLE
Non, c'est une question…
RENAUD DELY
… Un adversaire…
DIDIER GUILLAUME
Mais j'espère que vous plaisantez quand même, enfin, tout mon engagement politique depuis des années, qui ai fait de mon département le premier département bio de France, le premier département anti-OGM de France, me bats pour la Drôme, je me bats pour la transition agro-écologique, pour la sortie du Glyphosate, on a mis en place un comité de suivi du plan Ecophyto pour baisser le nombre de…
MARC FAUVELLE
Donc vous en êtes plutôt fier de ce classement ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, j'ai même dit à un de vos confrères…
MARC FAUVELLE
Vous avez eu l'occasion de leur dire ?
DIDIER GUILLAUME
A MONSANTO ?
MARC FAUVELLE
Oui.
DIDIER GUILLAUME
Mais je ne les vois pas, moi, je n'ai jamais vu MONSANTO de ma vie…
MARC FAUVELLE
Non, vous n'allez pas appeler, le ministre de l'Agriculture, dans ces cas-là, ne signale pas qu'il est un peu étonné…
DIDIER GUILLAUME
Non, c'était comme une médaille au revers de ma veste, oui, j'étais assez fier de ça…
MARC FAUVELLE
Donc vous n'allez pas porter plainte ? Vous prenez ça…
DIDIER GUILLAUME
L'INRA a porté plainte, l'INRA, qui est un institut public dépendant du ministère de l'Agriculture, a porté plainte, bon, enfin, après, chacun a porté plainte. Ce qui est inacceptable, c'est de faire un fichier, ce qui est inacceptable, c'est que MONSANTO se comporte… enfin, MONSANTO, BAYER, même si BAYER a dit que…
MARC FAUVELLE
Qu'elle a racheté depuis l'existence de ce fichier…
DIDIER GUILLAUME
… Donc de faire cela. Aujourd'hui, ce que je veux dire quand même, c'est que les agriculteurs, depuis 50 ans, on leur a dit : produisez, produisez, produisez, nourrissez l'Europe, nourrissez la France, et mettez des produits. Moi, je veux redire aujourd'hui que notre agriculture française est l'agriculture la plus durable du monde, la plus durable du monde malgré l'utilisation de ces pesticides, et que l'alimentation française, elle est sûre, elle est saine, et elle est durable, mais maintenant, il faut changer le modèle, il faut passer du quantitatif du 20ème siècle au qualitatif du 21ème siècle. C'est ce que nous faisons avec transition agro-écologique, c'est la feuille de route donnée par le président de la République, c'est ce qu'il redit dans l'interview dans la presse quotidienne régionale d'aujourd'hui, et nous y allons, et la France, je veux de redire ici, sur cette radio et cette télé du service public, la France sera le premier pays au monde à transiter, à faire la transition agro-écologique, à quitter le Glyphosate et à baisser l'utilisation des pesticides, c'est une grande fierté…
RENAUD DELY
Comment expliquez-vous, Didier GUILLAUME, qu'aujourd'hui, une frange croissante des agriculteurs français semblent plutôt inquiétés par l'Europe, versent dans l'euroscepticisme ou soient tentés par le vote pour le Rassemblement national, ils considèrent aujourd'hui l'Europe pour beaucoup comme une menace et non pas comme un bouclier ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, parce que, je les comprends tout à fait, j'essaie de leur expliquer quand j'en vois et je fais campagne dans tous les départements de France, et quand je rencontre des agriculteurs, je leur dis, parce qu'aujourd'hui, l'Europe pour les agriculteurs n'est pas l'Europe protectrice, on dit : on va faire l'Europe, mais par exemple, quand on interdit tel produit en France, d'autres pays européens ne l'interdisent pas, et donc, on importe dans le cadre du marché unique, du marché commun des produits venant d'autres pays, par exemple avec du Glyphosate, alors que nous, nous allons interdire le Glyphosate, c'est bien ça l'enjeu, et l'enjeu, c'est l'harmonisation européenne, si nous suivons l'extrême droite, c'est pour ça qu'un agriculteur n'a pas intérêt, financièrement et pour son boulot, à voter pour l'extrême droite, il n'y a pas intérêt, voter pour l'extrême droite, c'est la fin de la PAC et c'est la libre circulation des pesticides en Europe. Voter contre l'extrême droite, c'est permettre demain une harmonisation, faire en sorte que quand la France dit : nous arrêtons le Glyphosate, eh bien, l'Espagne va aussi arrêter le Glyphosate, c'est ça le travail que nous devons faire.
MARC FAUVELLE
Merci à vous Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.
MARC FAUVELLE
Ministre de l'Agriculture, invité ce matin de France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juin 2019