Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes donc celle qui incarne désormais la politique européenne de la France en lieu et place de Nathalie LOISEAU, donc vous l'avez remplacée, Nathalie LOISEAU, elle, elle est partie conduire la liste de La République en marche à ces élections européennes, qui, il faut bien le dire, ne suscitent pas un grand intérêt pour l'instant, je lisais hier qu'un sondage annonçait que 46 % des électeurs étaient sûrs d'aller voter le 26 mai. Comment vous expliquez ce manque d'intérêt ?
AMELIE DE MONTCHALIN
J'explique ça parce qu'en fait ça fait des décennies que les grands partis ont envoyé, à Strasbourg, au fond des parlementaires en exil, des hommes politiques de premier plan en France, qui finissaient finalement leur carrière politique à Strasbourg. Ça a une conséquence très grave, c'est que la France a perdu de l'influence, elle a perdu de la capacité à être crédible, elle a perdu la capacité à peser.
JEFF WITTENBERG
Ce n'est pas très gentil pour des personnalités comme Alain LAMASSOURE ou Michel BARNIER qui ont…
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, il y a quelques députés, j'étais à Strasbourg la semaine dernière, il y a quelques députés qui font un travail exceptionnel, mais ils sont trop peu nombreux, ils ne sont pas soutenus par leur grand parti français, et donc les Français ils sont assez lucides, ils ont l'impression que ça ne sert, finalement, pas à grand-chose. Ce qui est clair c'est qu'aujourd'hui l'heure est très grave, quand vous voyez comment s'organisent les Allemands, quand vous regardez comment s'organisent aussi les pays du Nord, il est extrêmement important que nous regagnons de l'influence et que donc nous envoyons des députés, compétents, des députés qui ont envie de s'occuper de sujets très concrets, mais sur lesquels il faut qu'on puisse apporter des solutions aux citoyens Européens, et donc aux citoyens Français.
JEFF WITTENBERG
Mais votre argument est à double tranchant, parce que l'une des raisons aussi de ce désintérêt, qui va peut-être évoluer après les vacances scolaires notamment, c'est que l'on n'a pas mis précisément de personnalités de premier plan, Madame LOISEAU n'était pas la personnalité la plus connue de votre mouvement, idem par exemple à la France Insoumise avec Madame AUBRY, ou Monsieur BARDELLA au Rassemblement national.
AMELIE DE MONTCHALIN
Quand on a mis Jean-Marie LE PEN, Jean-Marie LE PEN, une personnalité de premier plan…
JEFF WITTENBERG
Oui, mais à l'époque c'était François MITTERRAND, Simone VEIL, enfin ça avait peut-être une autre allure.
AMELIE DE MONTCHALIN
D'accord, mais moi ce que je regarde c'est que, par exemple, la majorité des députés que les Français ont envoyé, en 2014, au Parlement européen, ce sont des membres du Front national, maintenant on dit Rassemblement national. Qu'est-ce que ces députés ont fait ? Ils ont voté contre tout. Donc, vous avez, en France, aujourd'hui, une situation où nous avons des grands projets, nous avons des grands besoins, nous voulons parler du climat, nous voulons parler de l'emploi, nous voulons parler des travailleurs transfrontaliers, des travailleurs détachés, bref, de sujets qui intéressent les Français au quotidien, et nous n'avons pas les hommes et les femmes, aujourd'hui, en capacité de vraiment avoir de l'influence. Il y a des députés formidables, vous savez, Elisabeth MORIN-CHARTIER a travaillé pendant 5 ans sur le travail détaché, c'est un sujet qui concerne toutes les TPE, toutes les PME en France, eh bien lors du dernier vote certains, vous avez des députés soi-disant très connus, des anciens ministres, etc., ont voté contre le fait qu'on ait un vote, ça c'est voter contre notre intérêt, c'est voter contre l'intérêt des Européens, et ça ne doit plus jamais se reproduire.
JEFF WITTENBERG
Est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème de double enjeu, les Français ont peut-être la tête ailleurs aujourd'hui, on attend les conclusions du grand débat avec Emmanuel MACRON après-demain dans une conférence de presse, est-ce que ce n'est pas ça, aujourd'hui, la priorité dans finalement l'enjeu politique qui se joue ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, j'étais députée avant, j'ai été dans beaucoup de grands débats en Essonne dans ma circonscription, et partout en France. Ce que vous voyez c'est que, par exemple, l'enjeu climatique, les Français, et les jeunes notamment, disent « voilà, on veut économiser nos ressources, on veut un air plus propre », tout ça…
JEFF WITTENBERG
On attend des mesures en France d'abord.
AMELIE DE MONTCHALIN
On attend des mesures en France, mais les vraies solutions, on sait bien que le climat, ce n'est pas notre 1 % des émissions mondiales qu'il faut regarder, c'est déjà au niveau européen, donc il y a beaucoup des questions du grand débat, qui bien sûr demandent des arbitrages et des décisions en France, mais qui surtout vont demander de l'ambition au niveau européen, et ça c'est que je dois porter dans les mois qui viennent, c'est la cohérence entre notre projet national et puis aussi les réformes, les négociations qu'il faut porter au niveau européen.
JEFF WITTENBERG
L'un des arbitrages que l'on attend d'Emmanuel MACRON, dans deux jours, c'est celui sur le temps de travail, qui a ressurgi depuis quelques jours, porté notamment par vos ex-collègues députés, par exemple Aurore BERGE, qui dit qu'il faudrait sans doute travailler un jour de plus dans l'année, perdre un jour férié, ou alors revenir peut-être sur la semaine des 35 heures, ou bien allonger l'âge de la retraite. Vous étiez membre de la Commission des finances il y a encore quelques semaines, quelle est votre position là-dessus ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ma position c'est d'abord revenir au diagnostic, pourquoi on a cette question ?
JEFF WITTENBERG
Oui, mais la solution, on est après le diagnostic.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais oui, mais on est un pays sur lequel tout était financé par le travail, les retraites, la santé, l'intégralité de ce qui fait, au fond, notre modèle social français, est assis sur le travail. Moi, mon combat depuis 2 ans, c'était de regarder si le taux d'emploi augmentait, est-ce qu'il y a plus de Français qui travaillent, quand ils sont jeunes, quand ils sont plus âgés, donc ça veut dire plus de formations, plus de compétences, donc la bataille pour le travail…
JEFF WITTENBERG
Sur les remèdes, sur les solutions, qu'est-ce qu'il faut faire ? Vous savez que l'émission est courte, donc allez dans le concret dans la réponse.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que je sais c'est que le président, le Premier ministre, doivent prendre des arbitrages, mais ce qui est certain c'est que nous ne financerons rien, pour les retraites, pour la dépendance, pour la santé, qui sont des sujets où les Français nous disent qu'ils veulent que ça fonctionne mieux, si effectivement il n'y a pas plus de personnes qui travaillent. Ça ne veut pas forcément dire qu'il faut que chacun travaille, dans la semaine, dans le mois, ce n'est pas forcément au niveau individuel…
JEFF WITTENBERG
Mais comment on fait, plus de personnes qui travaillent, c'est flou, excusez-moi, qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire par exemple, que quand vous avez 80 % des offres d'emplois d'aides-soignants et d'infirmières qui aujourd'hui ne sont pas pourvus parce que vous n'avez pas les gens qui ont les compétences en face, eh bien là vous avez un énorme besoin. C'est plus de travail, c'est moins de chômage, c'est aussi plus de services, eh bien ça c'est un très beau combat, Muriel PENICAUD le mène par exemple sur… les compétences, et ça c'est aussi un sujet.
JEFF WITTENBERG
Alors, je vais vous poser une question à laquelle vous allez me dire oui ou non, faut-il supprimer un jour férié dans l'année, pour vous ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Peut-être qu'il faut le supprimer, si c'est le choix que nous faisons collectivement et que nous préférons cela à une réduction des RTT volontaires, etc. Le débat il est très important, la dépendance c'est un des sujets les plus angoissants, le vieillissement, le financement de ce qui nous accompagne dans la fin de nos jours, c'est le sujet le plus angoissant des Français aujourd'hui. C'est normal qu'il y ait un débat, c'est normal d'ailleurs qu'Aurore BERGE, pour le mouvement En Marche, propose des choses, ensuite le gouvernement, en son temps, et je crois que ça s'appelle, cette semaine, jeudi…
JEFF WITTENBERG
Mais on a compris quelle était votre préférence.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ma préférence, moi je n'ai pas de préférence, ma préférence c'est de faire en sorte que dans notre pays, si on croit à notre modèle social, on ait effectivement plus de gens qui travaillent.
JEFF WITTENBERG
Dernier sujet, le Brexit. Vous êtes donc secrétaire d'Etat chargée des Affaires européennes, c'est un dossier que vous suivez pour la France. Le Parlement britannique va reprendre ses travaux, et je ne sais pas si tout le monde l'a compris, mais l'idée est encore de sortir de l'Europe avant même les élections européennes, qui auront lieu le 26 mai. On a compris que le Brexit était repoussé, la date, jusqu'au 31 octobre, en fait l'objectif de Theresa MAY c'est d'aller beaucoup plus vite. C'est votre souhait ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Le souhait collectif c'est que cette crise politique, qui est d'abord une crise politique britannique, puisse trouver une issue. Les Européens…
JEFF WITTENBERG
Mais une issue par la sortie, obligatoire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'issue que nous souhaitons c'est que les choses se fassent de manière ordonnée, et que donc les Britanniques puissent sortir de l'Union européenne en respectant le fameux accord de retrait, pour que ça se passe bien, qu'il n'y ait pas de rupture, que ce ne soit pas une crise. Aujourd'hui, les parlementaires britanniques, vous dites, retrouvent le chemin de Westminster, c'est essentiel que l'on puisse observer s'ils arrivent à se mettre d'accord. Ça fait maintenant six mois que nous avons fait des propositions, que, il est considéré…
JEFF WITTENBERG
Oui, mais pardon, le président du Conseil européen, Donald TUSK, rêve, je le cite, que le Brexit n'ait jamais lieu, donc on est un petit peu perdu.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est là où on a un gros problème. Moi, vous savez, j'étais parlementaire avant, s'il y a une exigence, c'est respecter le vote. On peut ne pas être d'accord, peut-être, certains, avec le fait que le Brexit se passe, il en reste que c'est ce que les Britanniques ont voté, c'est eux qui ont une souveraineté, ils ont un Parlement, ils ont des élections, ils ont une Première ministre, et c'est à eux de décider.
JEFF WITTENBERG
Oui, mais il y a des millions de gens qui défilent à Londres pour réclamer un nouveau référendum, vous le savez.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais en 2005, il y a eu des oui et des non, en France le référendum c'était non. Quand on a fait le Traité de Lisbonne, qui était une vraie avancée pour l'Europe, et moi j'ai voté pour, donc je n'ai pas d'état d'âme là-dessus, mais le fait qu'on revienne sur le vote des Français ça a créé, on le voit encore aujourd'hui, une énorme rupture démocratique. Ce n'est pas un cadeau à faire aux Britanniques que de décider pour eux, ce n'est pas un cadeau à faire aux Britanniques que de les « enfermer » dans l'Europe, aujourd'hui, ce qu'on a décidé au Conseil européen, avec les chefs d'Etat, il y a quelques semaines, c'est que c'était aux Britanniques, surtout, surtout, de décider. Ils peuvent décider de sortir après-demain, en votant l'accord de retrait.
JEFF WITTENBERG
Il faut qu'ils sortent. Qu'ils sortent après-demain ou dans quelques semaines, il faut qu'ils sortent.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils peuvent encore décider aussi de rappeler Monsieur TUSK et de lui dire « écoutez, finalement on veut rester. »
JEFF WITTENBERG
Ah !
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est leur décision souveraine, c'est à eux de décider, et si souverainement, à Westminster, par un vote, démocratique, certains pensent qu'il faut revenir en arrière, c'est leur choix, s'ils veulent organiser un deuxième référendum, c'est leur choix, ce qui est important c'est que la souveraineté des Britanniques soit respectée et que le vote soit respecté, c'est une exigence, surtout quand on a été élu soi-même, de respecter le vote des citoyens, et je pense que trop souvent, vous savez, l'élite, financière, économique, considère qu'ils vont décider tout seuls.
JEFF WITTENBERG
On vous a entendue, merci beaucoup Amélie de MONTCHALIN
source : Service d'information du Gouvernement, le 26 avril 2019