Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Avant de vous entendre sur les questions européennes, le Brexit, la nouvelle Commission européenne, un mot sur la polémique née ici même hier matin, des propos du président de la Fédération française de foot, Noël LE GRAËT, qui ne veut plus interrompre les matchs lors de cris ou de banderoles homophobes. C'est l'avis de la citoyenne que je voudrais connaître, est-ce que ces propos vous ont heurtée ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, ce qui me heurte, c'est l'homophobie dans notre pays. Moi, ce qui me heurte, c'est quand je vois sur les réseaux sociaux des jeunes hommes, parce qu'ils sont dans le métro avec leur amoureux, ils se font tabasser, ils ont des bleus, et on voit bien que c'est un problème social, sociétal. Marlène SCHIAPPA et tout le gouvernement, sur ce sujet, avec Jean-Michel BLANQUER notamment sur l'éducation, il faut qu'on ait un plan d'ensemble. Donc ça se retrouve aussi très malheureusement dans les stades. Ce que dit le président, et je pense qu'il faut qu'on l'écoute, c'est qu'effectivement il faut qu'on ait du discernement collectif.
MARC FAUVELLE
Le président de la Fédération, pas le président de la République.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, le président de la République, qui a dit hier : il faut qu'on prenne des mesures pour que, un, ça s'arrête, et que deux, ça ne devienne pas une tactique, maintenant, dans les matchs, d'avoir des supporters qui quand ils perdent se mettent à crier n'importe quoi pour arrêter les matchs. Donc ça c'est clair. Moi j'ai entendu ces jours-ci des exemples dans d'autres pays européens qui ont été confrontés à des choses très similaires, notamment aux Pays-Bas, où ils ont mené un travail à la fois avec les clubs de supporters, avec la Ligue, l'équivalent de la ligue, avec les clubs eux-mêmes, avec des associations et en faisant travail de fourmis, mais qui a payé et qui fait qu'aujourd'hui c'est un fléau j'allais dire dépassé. Donc il faut aussi qu'on regarde comment à l'étranger c'est réglé, mais moi ce qui me choque en tant que citoyenne, c'est que l'homophobie soit aujourd'hui quelque chose qui, ce n'est pas que c'est toléré, mais on a l'impression qu'il y a pas mal, oui, de tolérance finalement, sur quelque chose qui est très grave. Dans notre pays, on doit pouvoir vivre et ne pas être insulté, et puis les matchs de foot c'est pas ça qu'on vient faire, ce n'est pas le lieu.
RENAUD DELY
Quand Emmanuel MACRON dit donc hier qu'il faut évidemment être impitoyable dans la lutte contre l'homophobie, mais qu'il ne faut pas pour autant édicter de nouvelles règles, qu'il ne faut pas forcément interrompre systématiquement, vous le rejoignez là-dessus sur cette position, il ne faut pas interrompre systématiquement les matchs, dites-vous.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense qu'il faut, et c'est là où il appelle au discernement, que si ça devient une tactique pour que les résultats des matchs ne soient pas pris en compte dans les classements, ça devient très compliqué.
RENAUD DELY
Ce n'est pas le cas, puisque les matchs sont interrompus quelques minutes et ils reprennent. Ça ne joue pas sur le résultat.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je comprends qu'à la Ligue aujourd'hui il y a des réunions, les gens vont se parler, mais ce que je pense, c'est qu'il faut que notre message à tous soit intraitable sur l'homophobie, que ça soit dans les stades, que ça soit dans le métro, que ce soit partout en France, c'est ça notre message et il faut qu'on le tienne fermement, parce que derrière il y a des hommes et des femmes qui sont totalement injustement molestés, violentés et abîmés dans leur vie quotidienne et personnelle.
MARC FAUVELLE
Amélie de MONTCHALIN, au moment même où la nouvelle Commission européenne été dévoilée hier à Bruxelles, la commissaire française Sylvie GOULARD était entendue par la police, dans une affaire d'emplois présumés fictifs de son ancien assistant d'eurodéputée. Est-ce que ça ne fait pas un peu désordre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Bon, il y a deux choses. D'abord la Commission elle-même, c'est une Commission ambitieuse, c'est une Commission avec des gens expérimentés, c'est une Commission qui va pouvoir tenir tête aussi aux grandes puissances étrangères…
MARC FAUVELLE
Ça c'est votre réponse, mais ce n'est pas ma question.
AMELIE DE MONTCHALIN
Sur votre question, Sylvie GOULARD a été citée par certains comme ayant un sujet avec ses assistants parlementaires au Parlement européen.
MARC FAUVELLE
Elle a même démissionné du gouvernement au début du quinquennat.
AMELIE DE MONTCHALIN
Le Parlement européen a mené une enquête administrative. Le secrétaire général du Parlement européen a, la semaine dernière, oui il y a quelques jours, clairement dit qu'il n'y avait pas d'affaire, qu'elle était blanchie, et que les choses avaient été réglées.
RENAUD DELY
Mais il y a une enquête policière qui perdure, puisqu'elle a été entendue hier.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ensuite, y a une enquête qui perdure, elle a été entendue comme témoin libre, comme témoin libre de cette... elle a été reçue par un service spécialisé français. Ça perdure, je ne vais pas ici, moi, commenter les affaires judiciaires, ce n'est pas mon rôle.
RENAUD DELY
Donc il y a bien une affaire en cours.
AMELIE DE MONTCHALIN
Elle a été entendue comme témoin libre, je crois que vous tous, autour de cette table, nous pouvons être entendus comme témoins libres dans beaucoup de choses.
RENAUD DELY
Je parle de l'affaire, il y a une affaire en cours dans laquelle effectivement le nom de Sylvie GOULARD est cité.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc elle a été entendue comme témoin libre.
RENAUD DELY
Mais à cause de cette affaire, elle ne pouvait pas être ministre en France, mais elle peut être commissaire européenne à Bruxelles.
AMELIE DE MONTCHALIN
Entre-temps, le Parlement européen a expliqué que les faits étaient réglés et qu'elle était blanche. Donc je pense que…
MARC FAUVELLE
Mais la justice française ne l'a pas blanchie.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc c'est pour ça qu'il faut que la justice suive son cours. Pour moi, ce qui est important, c'est le moment démocratique et l'audition au Parlement. Vous savez, le Parlement européen a un certain nombre de règles, à la fois d'intégrité, de probité, et également…
MARC FAUVELLE
Et celui de révoquer les commissaires le cas échéant.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais donc aujourd'hui, qu'est-ce que... enfin, reprenons les choses. Le président de la République, au vu des éléments qui lui ont été fournis et au vu de l'expérience européenne, c'est une élue, c'est une femme qui a travaillé sur des sujets très concrets, dans des moments très difficiles européens, et c'est une grande européenne qui a été même à la tête d'un mouvement associatif européen. Nous pensons qu'elle a les capacités, la compétence, l'envergure et le poids politique pour porter un sujet essentiel qui est la com, on crée des emplois dans l'économie européenne de demain. C'est ça qu'on lui attribue comme portefeuille. Ça c'est ce qui se passe. ... lui confie ce portefeuille, le numérique, le marché intérieur, la prospérité, l'industrie, la défense. Donc c'est une vraie responsabilité. Et ensuite en Europe, on a un moment qui est important, qui est l'audition au Parlement. Entre le 30 septembre et le 8 octobre, tous les candidats, parce qu'ils sont candidats à ce stade, vont aller au Parlement européen, vont être entendus, vont être écoutés, on va écouter ce qu'ils ont envie de faire, on va écouter quelle est leur expérience, quel est leur parcours personnel, et sur cette base-là, le Parlement européen confirmera les uns. Il y a toujours eu des auditions difficiles, il y a toujours eu des questions difficiles, c'est très…
RENAUD DELY
Elle risque de l'être, celle-là, cette audition elle risque d'être difficile ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Toutes les auditions sont exigeantes, chaque personne qui se présente à des questions d'un certain ordre ou d'un autre, évidemment que ça sera exigeant, mais c'est ça aussi. Vous savez, l'Europe on dit toujours : ce n'est pas démocratique, c'est le fait du prince, c'est les grands technocrates qui décident. Je pense qu'il y a peu de pays au monde où l'équivalent des ministres sont auditionnés avec le même niveau d'exigence que ce qui se passera au Parlement européen et donc elle aura la possibilité, à ce moment-là, elle-même, de présenter les faits et de présenter là où elle en est.
MARC FAUVELLE
Il y a un autre dossier aussi embêtant pour Sylvie GOULARD, elle a été rémunérée pendant 3 ans lorsqu'elle était députée européenne, pour environ 10 000 € net par mois, par un groupe de réflexion américain. Ce n'est pas un job à plein temps d'être député européen, on peut avoir un autre boulot à côté ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En l'occurrence, là aussi elle pourra s'expliquer devant le Parlement européen, je préfère qu'elle le fasse elle-même, et je n'ai d'ailleurs pas, moi, du tout, tous les éléments, ce n'est pas mon rôle, je ne suis pas son avocate, vous voyez, je ne suis pas non plus là pour faire sa campagne. Ce qui est certain c'est que là aussi il y a des choses qui ont été déclarées, il faut qu'elle s'explique. Pourquoi c'est interférassent ce moment démocratique parce que tous les commissaires européens, vous savez, dans leur pays certains les voient comme des opposants politiques, donc chaque commissaire candidat vient au Parlement, propose. Moi ce qui compte dans cette Commission, surtout, c'est qu'on a une équipe compétente, expérimentée, on a des anciens Premiers ministres, et on va…
RENAUD DELY
Mais vous dites : il faut qu'elle s'explique.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais bien sûr que tout le monde doit s'expliquer, c'est la règle. Tous les candidats commissaires doit expliquer trois choses en fait au Parlement européen : qui ils sont, est-ce qu'ils ont les compétences, l'expérience, et quelle est leur ambition, qu'est-ce qu'ils veulent faire concrètement ? Et je peux vous dire que ce matin, dans beaucoup d'autres pays européens, dans beaucoup d'autres capitales, eh bien il y a des ministres comme moi, il y a des hommes politiques, qui sont en train d'expliquer pourquoi leur candidat est untel ou untel, parce que ça crée aussi... Au fond, vous savez, tous les hommes politiques ils ont parfois une couleur, ils ont une étiquette, et parfois ça crée des remous. Donc partout en Europe ce matin, je peux vous dire, dans toutes les capitales, on discute.
MARC FAUVELLE
On va parler, si vous voulez bien, encore un tout petit peu de cette Commission européenne, et d'un portefeuille en particulier, celui du commissaire grec, qui a été annoncé hier, si vous le voulez bien, il fait beaucoup parler depuis hier, on va vous poser la question dans un instant. (…)
RENAUD DELY
Ce commissaire grec qu'évoquait Marc FAUVELLE, il est chargé de l'immigration, mais il voit son portefeuille au sein de la Commission changer d'intitulé, puisqu'il est désormais en charge aussi de la protection du mode de vie européen. Voici ce que le député européens, Raphael GLUCKSMANN dit de ce changement d'intitulé.
RAPHAËL GLUCKSMANN, DEPUTE EUROPEEN PLACE PUBLIQUE-PS (DOC FRANCE INTER)
Ça assume d'emblée que les migrants dérangent notre mode de vie, c'est le retour en fait du ministère de l'Identité nationale de SARKOZY à l'échelle européenne, c'est une capitulation en rase campagne devant les populistes et les nationalistes qui gagnent du terrain en Europe.
RENAUD DELY
Un commissaire en charge de la protection du mode de vie européen, qu'est-ce qui menace aujourd'hui le mode de vie européen, ce sont les migrants ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, je ne vais pas me placer sur ce terrain-là, il y a effectivement des intitulés de poste qu'il faut qu'on comprenne mieux, et je pense que…
RENAUD DELY
C'est justement ma question, oui…
AMELIE DE MONTCHALIN
Les auditions au Parlement sont là-dessus essentielles…
RENAUD DELY
Vous ne le comprenez pas bien, il faut le comprendre mieux…
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, ce que j'avais entendu dans le discours d'Ursula Von der LEYEN, que j'avais trouvé très intéressant, à l'époque, et je pense que…
MARC FAUVELLE
La présidente de la Commission, pardon…
AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense que nous avions, tous, sur tous les bancs politiques, trouvé ça intéressant, c'est qu'elle avait dit qu'il y avait un European Way, un chemin européen, et elle avait cité les droits sociaux, elle avait cité la protection, voilà, le droit d'asile, comme une partie de notre identité, elle avait cité le fait qu'on donne accès à l'éducation à tous, elle avait cité au fond ce qui fait notre identité, mais qui étaient des choses positives. Je vois qu'il y a effectivement des questions aujourd'hui qui se posent. Il faut que, là aussi, les parlementaires européens, et Raphael GLUCKSMANN aura tout loisir de le faire au Parlement européen à ce moment-là, puissent comprendre précisément qu'est-ce qu'il y a dans sa lettre de mission, qu'est-ce que ça recouvre…
MARC FAUVELLE
Vous le trouvez maladroit cet intitulé ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, ce que je vois, c'est qu'il y a une commissaire, qui est d'un pays nordique sur lequel, je pense, que nous avons assez peu de doutes sur la volonté intégratrice et d'accueil de ces pays, qui est en charge, qui a la tutelle sur la direction des affaires intérieures, qui est l'équivalent du ministère de l'Intérieur, et qui a la tutelle donc sur la politique migratoire. Le commissaire grec a une fonction de coordination, et il a une fonction politique d'animation, ce qu'il faut qu'on comprenne, c'est qu'est-ce que ça veut dire et qu'est-ce qu'il met derrière…
RENAUD DELY
Mais vous, vous avez besoin de précisions, vous êtes gênée par cet intitulé ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais moi, je ne vais pas faire l'exégèse…
RENAUD DELY
Non, mais vous, votre opinion à vous ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mon opinion à moi, c'est qu'il faut qu'on comprenne mieux ce que les intitulés veulent dire, quelle ambition on leur donne, et comment ça se lie effectivement avec les projets politiques concrets, je ne sais pas ce que ce commissaire grec a comme lien précis et comme ambition précise sur le sujet migratoire. Ce que je vois, c'est qu'il y a une commissaire aux Affaires intérieures qui, elle, a la tutelle sur les services de la politique migratoire. Là aussi, le Parlement européen est un endroit essentiel, où ces questions peuvent être posées, où s'il y a des choses qui sont dérangeantes ou qui sont mal exprimées, essayons de les clarifier. Et la Commission, vous savez, elle rentre vraiment en vigueur, en fonction, après un vote qui aura lieu le 23 octobre. Et elle commence à travailler le 1er novembre. Donc tous ces éléments-là, si on pense qu'il y a des choses à clarifier, et je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait de troubles. Notre identité européenne, c'est d'abord de faire vivre le droit d'asile, c'est notre identité européenne, d'assurer la protection et l'accueil de ceux qui sont en danger de mort dans leur pays, ensuite, évidemment que sur le sujet migratoire, les migrations économiques, il faut qu'on s'organise, aujourd'hui, on voit bien que ce n'est pas équilibré. On voit bien qu'on fait venir des gens sans leur assurer les conditions de travail, donc on a du travail à faire, vous savez, la réforme de Schengen, c'est quelque chose que je porte dans toutes les capitales européennes, donc il y a d'un côté une réforme migratoire à faire, mais il ne faut pas qu'il y ait de confusion et il ne faut pas qu'on se laisse embarquer par des questions d'exégèse qui troublent totalement la ligne et l'objectif. Et donc c'est le Parlement européen notamment qui pourra le faire.
MARC FAUVELLE
Amélie de MONTCHALIN, sur la question du Brexit, vous réunissez aujourd'hui les 26 autres ambassadeurs européens de l'Union, hors Royaume-Uni donc, qu'est-ce que vous allez leur dire : attention aux secousses ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait, on est à un moment charnière, soit, on se laisse embarquer dans le commentaire de la vie politique britannique, de la bataille qu'on voit, extrêmement difficile, entre le gouvernement et le Parlement britannique, entre des processus constitutionnels qui sont extrêmement complexes, ce n'est pas notre métier, ce n'est pas notre rôle, on est des Européens, sur le continent, on a confié à Michel BARNIER et à la Commission européenne la négociation justement pour porter un message uni, maintenant, il y a un enjeu énorme, c'est qu'on ne peut pas jouer avec les citoyens, et qu'on ne peut pas jouer avec nos entreprises. C'était le message du Premier ministre lundi matin, quand il nous a tous réunis, les ministres, et donc nous devons absolument nous organiser pour faire deux choses, 1°) : assurer la protection et la stabilité les familles des Britanniques qui sont en France et des Européens et des Français qui sont au Royaume-Uni. Ça, pour nous, c'est l'essentiel, on ne peut pas jouer avec la vie quotidienne des gens.
MARC FAUVELLE
Si le Brexit a lieu, cas d'école, le 31 octobre prochain, à minuit, que se passe-t-il pour les citoyens britanniques qui sont en France ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Les citoyens britanniques ont une démarche à faire très simple où ils devront dire qu'ils sont là, et, ensuite, nous leur accorderons, et on se donne un temps suffisamment long pour que personne ne soit en danger ou insécurisé, pour leur donner un titre de séjour de longue durée, ça, c'est ce que nous avons prévu en cas de sortie sans accord. Pourquoi je réunis les ambassadeurs…
MARC FAUVELLE
Ils sont des migrants…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils sont membres d'un pays tiers, sauf qu'on a considéré que c'était un pays tiers qui, comme ils sont là depuis longtemps, et qu'ils étaient des citoyens européens qui avaient beaucoup de droits, on leur accorde par ordonnance, on a préparé ça très en amont, une sécurité de séjour.
RENAUD DELY
Et pour les 300.000 Français qui vivent au Royaume-Uni, qu'est-ce qui va se passer ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien, ils ont la même démarche, alors eux, ils peuvent déjà commencer à faire cette démarche, ça s'appelle le settled status, ça se fait en ligne, et ça permet à toute personne qui est aujourd'hui installée, un Européen qui travaille, qui installé, qui a le droit d'être là, eh bien, qu'il puisse continuer à être là. Mais pourquoi on réunit les ambassadeurs, parce qu'on a aussi un problème sur les entreprises, les PME, et vous savez qu'à Calais, Gérald DARMANIN, le service des douanes, les services portuaires se sont organisés pour que nous puissions assure, je dirais, une organisation, une forme de fluidité, ça ne sera probablement pas aussi bien qu'avant, c'est difficile de faire aussi bien que l'Union européenne en terme de fluidité, mais qu'on puisse organiser les choses, sauf que 80 % des marchandises qui sont dans les camions qui arrivent à Calais ne sont pas françaises. Donc bien sûr, il faut que les PME françaises qui exportent se préparent, mais pour que nous puissions gérer les choses sur les parkings à Calais, devant le tunnel, et puis, sur les autres ports d'ailleurs, en Normandie aussi, qui vont vers le Royaume-Uni, si les marchandises qui sont dedans n'ont pas fait les démarches de dédouanement…
RENAUD DELY
Que devront faire les entreprises, elles devront aller s'enregistrer, c'est ça ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait, ce qu'on essaie de faire, c'est ce qu'on appelle la frontière intelligente, c'est-à-dire que beaucoup, beaucoup des procédures que l'on faisait il y a quelques décennies à la frontière, se feront en amont, et donc vous enregistrez le type de marchandises, vous mettez les papiers pour qu'on puisse avoir la traçabilité, et les douaniers, du coup, quand ils reconnaissent la plaque d'immatriculation du camion peuvent savoir si ce camion-là, tout ce qu'il a dans son camion a bien été pré-dédouané, et dans ce cas-là, il peut passer facilement, et puis, si ce n'est pas le cas, il faut qu'on l'arrête.
MARC FAUVELLE
Et si ce n'est pas le cas, on a le plus grand bouchon d'Europe qui va se créer dans quelques semaines à Calais…
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que la clef de la réunion d'aujourd'hui, donc le message que j'ai aux ambassadeurs, c'est de dire, d'abord, il faut qu'on soit très clair sur les citoyens, et donc voilà ce qu'on a fait, nous, en France, s'assurer qu'on est bien organisé, que tous les 27 portent bien ce même message, et ensuite, sur les entreprises, sur les flux économiques, leur dire : nous, à Calais, on peut faire plein de choses, on s'est d'ailleurs organisé, on a investi, on a toute une logistique qui est prête, les douaniers…
MARC FAUVELLE
Aidez-nous…
AMELIE DE MONTCHALIN
On a 700 douaniers en plus. Mais si vous ne nous aidez pas, on ne pourra pas, nous régler, les choses, et ça sera plutôt négatif, à la fois, pour nous, Français, parce qu'on aura le problème du trafic, mais ça sera négatif aussi pour les entreprises de vos pays, parce que, du coup, eh bien, les délais de transport vont être beaucoup rallongés.
RENAUD DELY
Et qu'est-ce que vous dites aux citoyens, vous évoquiez le 31 octobre, ça tombe d'ailleurs pendant les vacances scolaires, qu'est-ce que vous dites, soit, aux citoyens français sur le point de s'installer ou simplement de partir en vacances éventuellement au Royaume-Uni, vous leur dites de reporter leurs vacances, de…
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, alors, pour tous les Européens qui veulent faire du tourisme au Royaume-Uni, le gouvernement britannique a été très clair, il n'y a pas de changement, on peut très bien aller pour moins de 3 mois dans n'importe quel pays, d'ailleurs, c'est souvent la règle…
RENAUD DELY
Il n'y a pas de retour de visa, c'est très clair…
AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'y a pas de retour de visa. Ensuite, effectivement, ils se posent des questions sur, si on veut rester plus de 3 mois, pour un autre motif que du tourisme, à ce jour, et c'est ça aussi qui nous inquiète, c'est qu'il y a un certain nombre de préparatifs britanniques qui ne sont pas prêts…
RENAUD DELY
Vous n'avez pas de réponse du gouvernement britannique aujourd'hui ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Christophe CASTANER a reçu son homologue pour essayer de clarifier aussi, parce que vous savez que c'est la France qui gère la frontière sur son sol avec les britanniques…
MARC FAUVELLE
C'est l'accord du Touquet, qui fait que la frontière britannique est chez nous…
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est les accords du Touquet, c'est pour ça qu'à la Gare du Nord, et à Calais, il y a des douaniers, il y a des polices aux frontières britanniques. On n'a pas bien compris. On n'a pas encore bien compris…
MARC FAUVELLE
On n'a pas bien compris s'ils seront encore là après le Brexit ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Si, ça les accords du Touquet…
MARC FAUVELLE
Ils sont toujours là.
AMELIE DE MONTCHALIN
A ce stade, c'est un accord bilatéral, il n'y a pas de raison qu'il soit changé. Mais on n'a pas bien compris les démarches que les Britanniques voulaient faire faire à des personnes qui voudraient aller au Royaume-Uni pour plus de trois mois. On n'a pas non plus très bien ce qu'ils avaient fait dans leurs propres ports pour assurer la fluidité donc on a encore beaucoup de questions. C'est pour ça…
MARC FAUVELLE
Ce que vous nous dites est un tout petit peu inquiétant à un mois et demi du Brexit.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est inquiétant pour les Britanniques. C'est pour ça que le débat britannique qui se passe, c'est un débat sur la capacité à ce que le débat soit honnête au Royaume-Uni.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire en ce jour, en ce 11 septembre, on n'est pas prêt pour l'instant techniquement pour le Brexit.
AMELIE DE MONTCHALIN
Pas nous. Nous en France, on a la logistique, les douaniers, les services vétérinaires, on a toute la procédure et on en parle aux Européens pour qu'il nous aide.
MARC FAUVELLE
Il ne manque plus que la date.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui se passe du côté de la Manche, ce qui se passe au Royaume-Uni, il y a encore énormément de questions.
RENAUD DELY
Donc il faut un nouveau délai. Il faut leur accorder un nouveau délai.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais il faut qu'ils prennent leurs responsabilités. Il faut qu'ils puissent nous dire ce qu'ils veulent. Aujourd'hui on sait qu'ils ne veulent pas de l'accord de Theresa MAY. Ils ne veulent pas être dans l'Union européenne, ils ne veulent pas, pas d'accord, et ils nous demandent du temps.
RENAUD DELY
Mais le 31 octobre, c'est demain et vous dites visiblement que les Britanniques ne sont pas prêts. Il y a beaucoup d'inconnues, vous venez de l'expliquer. Donc ce serait peut-être plus raisonnable, plus prudent de leur accorder un nouveau délai comme le demandent les opposants à Boris JOHNSON.
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a une pente très dangereuse dans laquelle vous m'embarquez, c'est que ce n'est pas à moi de faire les choix britannique. C'est un choix souverain, il y a eu un référendum, ils ont un débat, ils ont des ministres, ils ont un Parlement…
MARC FAUVELLE
Mais est-ce que la France, Amélie de MONTCHALIN, serait prête dans le cadre d'un vote évidemment - tout ça va se décider peut-être lors du prochain sommet européen - est-ce que la France est prête à accorder un nouveau délai si nos amis anglais, britanniques, le réclament ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors déjà un, il faut qu'ils le réclament. Je n'ai pas l'impression que leur Premier ministre et leur gouvernement aient envie de le faire.
MARC FAUVELLE
Pour l'instant non.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un problème d'ailleurs de politique britannique. Et la deuxième chose, c'est est-ce que les conditions ont changé pour se dire que trois mois de plus changent le problème ? Le président de la République dit quelque chose de très claire. Il dit : si les conditions ne changent pas, ce n'est pas en diluant un problème difficile dans le temps qu'il va être moins difficile. Donc il faut qu'on ait des éléments nouveaux, il faut qu'il y ait la scène politique britannique - si on nous annonce des élections, si on nous annonce un nouveau gouvernement - dans ce cas-là, il faudra qu'on étudie les choses. Mais si la situation telle comme elle est là, pour l'instant on sait très bien ce que les Britanniques ne veulent pas, on est tout à fait prêt à les écouter sur ce qu'ils veulent mais nous avons beaucoup de mal à entendre pour l'instant ce qu'ils veulent. (…)
MARC FAUVELLE
Amélie de MONTCHALIN, secrétaire d'Etat chargée des Affaires européennes, est-ce que Boris JOHNSON est un bon Premier ministre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous, on a une règle, c'est qu'on travaille avec tous les Premiers ministres et on a aussi une règle, c'est qu'on respecte la légitimité que donne l'Union européenne. Vous savez, au Conseil européen, on pense toujours que c'est des grandes réunions où il y a beaucoup de monde. Il y a assez peu de monde, ils sont donc vingt-huit autour de la table, ils ferment la porte et la légitimité de leur pays elle est là autour de la table. Boris JOHNSON aujourd'hui, il hérite d'une situation qui est très compliquée.
MARC FAUVELLE
Qu'il a un petit peu contribué à créer aussi.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais dès le départ… Vous savez en France, quand on a fait des référendums on mettait un texte sur la table. Et on disait : est-ce que vous êtes pour ou contre le texte ? Le problème, c'est que les Britanniques ils n'ont dit pas oui ou non à un texte, ils n'ont pas dit oui ou non à un accord, ils ont dit oui ou non à un concept. Et aujourd'hui entre la volonté populaire de sortir de l'Union européenne et le comment on fait, on voit bien qu'on a énormément de difficultés. C'est pour ça qu'on a besoin que les Britanniques nous disent ce qu'ils veulent.
MARC FAUVELLE
Quand vous l'entendez dire comme il y a quelques jours « plutôt mourir dans un fossé que d'aller négocier à Bruxelles », vous vous dites qu'on peut encore parler avec cet homme-là ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, alors en diplomatie…
MARC FAUVELLE
On ne parle qu'avec ses adversaires, c'est la règle.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne suis pas une diplomate de métier mais j'ai en quelques mois appris une règle. C'est qu'il vaut mieux toujours parler avec tout le monde et qu'il vaut mieux surtout avoir des relations nourries. Vous savez moi, mon homologue britannique, on se parle, on s'envoie des textos, on s'appelle beaucoup. Ce n'est pas parce qu'on est d'accord mais parce que si on ne maintient pas ce haut niveau d'engagement, l'ambassadeur britannique en France il voit les ministres de manière extrêmement… Je pense quasiment quotidiennement, il voit un ministre français. Notre rôle, c'est d'assurer le dialogue. Mais ensuite la négociation de fond, elle se fait avec Michel BARNIER, elle se fait au nom des vingt-sept. On ne veut pas signer les accords, vous avez la France d'un côté. On a des enjeux majeurs. On a les pêcheurs, on a des enjeux de circulation, des enjeux de sécurité, on a des enjeux de lutte contre le terrorisme, on a des enjeux qui sont difficiles et pour eux et pour nous. Et donc il y aura une relation future. Moi j'ai grandi à Calais. Je peux vous dire les falaises de Douvres, on les verra toujours de Calais quand il fait beau. Le tunnel fera toujours cinquante kilomètres. Donc on aura toujours un grand voisin qui s'appelle Royaume-Uni et on a la responsabilité de rester extrêmement calme parce qu'on aura une relation future. On ne peut pas tout bazarder parce qu'il y a des phrases et des propos de tribune qui nous semblent être parfois un peu exagérés.
RENAUD DELY
Donc vous expliquer, Amélie de MONTCHALIN pour être bien clair, qu'aujourd'hui il y a une crise politique britannique. C'est aux Britanniques de se mettre d'accord, de demander clairement ce qu'ils veulent. Boris JOHNSON, on le sait, ne veut pas de nouveau report mais s'il y avait une évolution de la situation politique britannique, donc un nouveau gouvernement et un gouvernement qui, lui, sollicite un nouveau report, là l'Europe pourrait éventuellement l'entendre. Et la France pourrait, en tout cas, éventuellement l'entendre.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais vous avez très bien résumé la situation. Si les choses changent, nous étudierons…
RENAUD DELY
Si le Premier ministre change.
AMELIE DE MONTCHALIN
Si les choses changent politiquement, si on voit qu'il y a une issue, s'il y a une voie qui se dégage, si une majorité se crée autour de quelque chose depuis globalement un an, on tourne autour du fait qu'il n'y a pas de majorité. Il y a 30 % du Parlement qui veut sortir coûte que coûte. Il y a un tiers du Parlement qui veut sortir avec un accord qu'ils disent soft, c'est un accord qui permette de conserver l'essentiel au fond de la relation économique. Et puis il y a 30 % du Parlement qui dit : il ne faut pas sortir du tout.
MARC FAUVELLE
Et tout ça, ça ne fait pas de majorité.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et ça ne fait pas de majorité. Donc si effectivement un chemin politique s'ouvre au Royaume-Uni pour qu'on comprenne quelle est la majorité et comment, du coup, un Premier ministre peut porter cette majorité, effectivement Michel BARNIER, la Commission et les Etats membres on réfléchira peut-être autrement. Mais ce que vous dites est très juste, c'est que c'est un choix souverain britannique. Vous savez, moi je passe mes journées à défendre l'Etat de droit, le fait qu'on veut des régimes qui soient légitimes, qui soient assis sur les élections qui soient les plus honnêtes, les plus ouvertes, les plus transparentes possibles, que le système judiciaire ne soit pas l'arbitraire. Qui serais-je ce matin pour vous dire : « il faudrait que les Britanniques fassent ci ou ça » ? Ça s'appelle l'ingérence et c'est la fin de la démocratie européenne. Donc si on tient à ce que sont les fondements de l'Europe, chaque peuple est souverain, c'est d'ailleurs un message aux souverainistes d'ailleurs qui disent toujours que l'Europe s'ingère dans les affaires nationales. S'il y a bien une affaire dans laquelle on ne s'ingère pas, c'est bien celle-là.
MARC FAUVELLE
Un mot, si vous voulez bien, Amélie de MONTCHALIN, sur la question de l'Italie, le nouveau gouvernement issu de la coalition entre le Mouvement 5 étoiles et le Parti démocrate a été investi hier, gouvernement sans Matteo SALVINI, donc sans l'extrême droite. Vous dites quoi, bon débarras ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, moi je dis que c'est une bonne nouvelle pour les Italiens, déjà, qu'il y ait eu ce sursaut, pour qu'ils puissent avoir un budget, un pays sans budget c'est un pays qui ne fonctionne pas, c'est un pays sans politique publique, c'est un pays où la TVA aurait augmenté automatiquement pour financer les programmes, enfin les politiques publiques quotidiennes, donc ce sursaut était nécessaire pour les Italiens. Ensuite, ce que je dis pour l'Europe, c'est que c'est une bonne nouvelle que l'Italie se rengage pleinement dans un projet humaniste européen. Vous savez, l'Europe fonctionne mieux quand les pays qui sont autour de la table sont pleinement engagés, donc l'Italie était de la table, elle n'a jamais… la chaise vide, mais aujourd'hui on a un gouvernement sur les enjeux majeurs, les enjeux économiques, les enjeux industriels, les enjeux migratoires, qui va pouvoir avec nous, avec l'ensemble des partenaires européens, travailler.
MARC FAUVELLE
Est-ce que l'Europe doit être plus indulgente avec l'Italie, notamment en matière de contraintes budgétaires, pour éviter un retour au pouvoir de l'extrême droite ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas une question d'indulgence, c'est une question d'équilibre. Vous savez, l'Allemagne a aussi aujourd'hui un ralentissement économique très fort. On a un vrai sujet, comment on est un continent où on a de la croissance et on crée de l'emploi ? Cette question se pose en Italie, en Espagne, elle se pose maintenant en Allemagne, elle se pose en France, on voit bien, on a besoin d'investissements. Donc, on a une discussion difficile, mais une discussion majeure et importante à avoir, sur quel modèle économique nous souhaitons, pour que notre continent soit un continent de prospérité, un continent d'emploi, un contient réindustrialisé, c'est d'ailleurs le portefeuille de Sylvie GOULARD, de s'occuper de ça. Comment, dans un monde numérique, un monde qui change, un monde avec une concurrence externe forte, on arrive à créer de l'emploi, et à éviter que des pays comme l'Italie, qui sont des pays avec une vraie force politique, économique, eh bien s'en sortent et trouvent les clés, par eux-mêmes, du chemin de réformes qu'ils doivent mener.
MARC FAUVELLE
Merci beaucoup Amélie de MONTCHALIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2019