Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à France Info le 11 mars 2019, sur la politique de l'énergie et sur le Grand débat national.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Brune Poirson - secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : France Info

Texte intégral

RENAUD DELY
Bonjour Brune POIRSON.

BRUNE POIRSON
Bonjour à tous les deux.

RENAUD DELY
Alors, le gouvernement devrait ce matin présenter en Conseil des ministres le projet de loi énergie, ce texte vise notamment à inscrire dans le marbre la fermeture des dernières centrales à charbon en France. Est-ce que la France fermera ses dernières centrales à charbon avant la fin du quinquennat ?

BRUNE POIRSON
Oui, c'est un engagement du président de la République, ça a été répété par, ensuite, les deux ministres d'Etat, ministres de la Transition écologique et solidaire, Nicolas HULOT, puis François de RUGY, et c'est bien sûr toujours d'actualité, on y travaille d'ailleurs de façon intense.

MARC FAUVELLE
Alors pourquoi le texte a été reporté ?

BRUNE POIRSON
Parce que ce n'est pas facile, vous savez, il y a 1 million de personnes qui ont de l'électricité grâce, on va dire, même si ce n'est pas forcément le mot le plus approprié, mais grâce à ces quatre centrales à charbon, donc c'est une décision qui n'est pas anodine, qui est très courageuse, qui est difficile aussi parce que derrière il y a des emplois, des personnes, des familles, qui vivent du travail qui est effectué sur ces centrales à charbon.

MARC FAUVELLE
Alors pourquoi la loi a été, son examen en tout cas, reporté, repoussé ?

BRUNE POIRSON
Parce que nous voulons qu'elle soit la plus ambitieuse possible, c'est aussi simple que ça.

MARC FAUVELLE
Ça veut dire que le texte va revenir « reverdi », enfin un peu plus… ?

BRUNE POIRSON
Alors, deux choses. Déjà, une première, c'est que le passage en Conseil des ministres est reporté, mais ça ne veut pas dire que le passage à l'Assemblée l'est, le passage à l'Assemblée nationale ne l'est pas, ça ne change pas, simplement là, on voulait se donner un tout petit peu plus de marge de manoeuvre…

RENAUD DELY
Là le texte n'était pas prêt, pour aujourd'hui ?

BRUNE POIRSON
Non, le texte était prêt, mais on veut qu'il soit encore plus ambitieux.

RENAUD DELY
Sur quel point ?

BRUNE POIRSON
Sur l'ambition en matière de réduction des émissions de CO2. Nous voulons atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, ça c'est l'objectif, c'est un objectif qui est conforme à l'Accord de Paris, c'est un objectif qui est très ambitieux, que nous poussons aussi d'ailleurs au niveau européen, et pour ça, ça suppose un certain nombre de choses, et notamment, et c'est ce que nous voulons préciser dans le projet de loi à venir, et notamment une réduction de notre consommation d'énergie de 20 % d'ici 2030, et -40 % aussi d'ici 2030, d'émissions de CO2. Donc vous voyez que c'est un texte qui est particulièrement ambitieux, et non seulement il est ambitieux, mais en plus on se donne les moyens d'atteindre nos ambitions avec la fermeture de ces quatre centrales à charbon, avec le développement des énergies renouvelables aussi.

MARC FAUVELLE
Et qui sera donc examiné quand à l'Assemblée ?

BRUNE POIRSON
D'ici à l'été.

MARC FAUVELLE
D'ici à l'été, ça, ça ne change pas, le calendrier de l'examen ne change pas.

BRUNE POIRSON
Non.

RENAUD DELY
Il y a une autre réunion aujourd'hui, qui se tient à Bercy, elle, autour de la filière automobile française en l'occurrence. On sait que les acteurs de cette filière plaident pour une extension de la vignette écologique Crit'Air 1 aux voitures diesel de dernière génération, Bercy est plutôt favorable à l'extension de cette vignette Crit'Air 1, est-ce que vous êtes favorable à l'extension de cette vignette aux véhicules diesel ?

BRUNE POIRSON
Ecoutez, pour le moment les vignettes, telles qu'elles sont, sont satisfaisantes, en tout cas c'est ce que nous avons choisi, le but c'est que ce soit aussi très clair pour les Français. On leur a dit qu'on voulait résolument sortir du diesel, et l'objectif, là, n'est pas pour autant d'envoyer un signal qui pourrait être perçu comme contradictoire par les Français.

RENAUD DELY
Donc vous êtes hostile à l'extension de la vignette Crit'Air 1 aux véhicules diesel ?

BRUNE POIRSON
Disons qu'il y a un certain nombre de vignettes, et telles qu'elles sont actuellement c'est satisfaisant.

MARC FAUVELLE
Ça ne changera pas ?

BRUNE POIRSON
Ecoutez, ce n'est pas moi…

MARC FAUVELLE
Tant pis pour les milliers d'emplois menacés, ce sont les arguments de la filière…

BRUNE POIRSON
Ce n'est pas moi qui au final ait les clés des décisions. Mais vous savez, je crois, on peut discuter comme ça des vignettes ou pas, c'est effectivement un point qui est important, mais je crois que ce qu'il faut voir aussi c'est notre objectif. Notre objectif il est de toute façon de multiplier par 5, par exemple, la vente de voitures électriques d'ici 2022, il est aussi de continuer à être sur cette dynamique de prime à la conversion et de sortie progressive du diesel.

RENAUD DELY
Cette vignette, elle a effectivement un rôle considérable, on l'a encore vu très récemment lors de pics de pollution dans des grandes agglomérations, comment est-ce que vous expliquez qu'aujourd'hui Bercy soit aussi sensible au lobby de l'automobile qui voudrait l'étendre aux véhicules diesel ?

BRUNE POIRSON
Alors, je ne suis pas sûre qu'on puisse parler, là, de lobby de l'automobile, mais simplement, en France, il y a des constructeurs… parce que lobby, tout de suite…

MARC FAUVELLE
Vous n'êtes pas sûre qu'il y ait un lobby de l'automobile en France ?

BRUNE POIRSON
Non, mais en tout cas il y a des représentants du secteur automobile français, qui bien sûr poussent leur intérêt, leur vision des choses, et ils ont fait, c'est ce qu'ils nous disent, ils ont fait beaucoup de travail sur le diesel pour améliorer considérablement la qualité des voitures, si je puis dire, en tout cas faire en sorte qu'il y ait moins de particules fines, tout ça c'est à étudier très clairement, mais je crois qu'il faut garder en mémoire aussi, c'est un peu le passif qu'on a, des moments comme le Dieselgate et autres, donc il faut être extrêmement prudent sur ces questions-là.

MARC FAUVELLE
Il y a un autre dossier qui concerne l'environnement, mais pas uniquement en ce moment, c'est le Lyon-Turin, on sait que le gouvernement italien est en train de se déchirer sur cette question, une partie de l'équipe gouvernementale ne veut plus financer ces travaux et le creusement du tunnel. Est-ce qu'il verra le jour ?

BRUNE POIRSON
Alors, nous, la position française elle est extrêmement claire depuis le début. Les travaux ont commencé déjà, ils sont bien engagés, maintenant….

MARC FAUVELLE
Enfin pour l'instant on est les seuls à creuser !

BRUNE POIRSON
Oui, mais maintenant les Italiens…

MARC FAUVELLE
Le principe d'un tunnel, normalement, c'est qu'on creuse des deux côtés.

BRUNE POIRSON
Vous savez, c'est un problème politique du côté italien, effectivement vous l'avez précisé, la coalition se déchire autour de ça, c'est ce que la ministre chargée des Transports a rappelé, il faut maintenant, et elle a pressé les Italiens de prendre une décision, nous leur avons laissé le temps, nous continuons à leur laisser le temps pour prendre la décision, mais il ne faut pas oublier qu'il y a des financements européens à la clé et qu'on ne pourra attendre ad vitam aeternam.

RENAUD DELY
Est-ce que la France pourrait payer davantage, parce que les Italiens, aujourd'hui, payent davantage que la France ?

BRUNE POIRSON
Ecoutez, pour le moment il y a un plan de financement qui est précis, qui est très clair, et on se tient à ça, encore une fois c'est une question politique du côté italien, mais nous avons toute confiance dans la capacité des Italiens à prendre une décision en temps voulu.

MARC FAUVELLE
On va aborder dans quelques instants les propositions que votre parti, La République en marche, a faites ce week-end dans le cadre du grand débat national, mais d'abord un mot sur la tribune que signe aujourd'hui Jean-Luc MELENCHON dans plusieurs grands médias européens, c'est en quelque sorte sa réponse à la tribune d'Emmanuel MACRON sur l'Europe, tribune intitulée « Sortez des traités stupides », c'est ce que demande le leader de la France insoumise, qui dit aussi, dans cette tribune, je le cite, « MACRON est devenu dangereux, sa phobie antirusses le fait roder aux frontières de la guerre. »

BRUNE POIRSON
Je crois que là Jean-Luc MELENCHON, pardonnez-moi l'expression, mais continue à être en plein délire, moi c'est ça que j'entends et que je lis, et que je vois derrière une tribune comme ça. Je ne vois pas comment est-ce qu'on pourrait accuser le gouvernement, en tout cas le président de la République, de vouloir attiser, remuer le chiffon rouge face à la Russie, ce serait totalement irresponsable, ce n'est absolument pas, bien évidemment, le cas, et j'y vois aussi une pale tentative de vouloir, en quelque sorte, copier, imiter la méthode du président de la République.

MARC FAUVELLE
Brune POIRSON, vous restez avec nous, dans 1 minute on va donc examiner quelques-unes des propositions faites ce week-end par votre parti lors de ce grand débat national qui doit s'achever théoriquement en fin de semaine.

(…) Infos

RENAUD DELY
La République en marche a donc formulé hier un certain nombre de propositions dans le cadre du grand débat national, et le délégué général du mouvement, Stanislas GUERINI, a ressuscité une mesure, la taxe carbone. On l'écoute.

STANISLAS GUERINI, DELEGUE GENERAL DE LA REPUBLIQUE EN MARCHE
Pourquoi ne pas préserver le principe d'une hausse de la taxe carbone sur tous les autres usages, qui s'appliquerait notamment aux transports aérien et maritime, une action que nous devrons porter au niveau européen, et à la condition, évidemment, qu'elle soit affectée, à 100 %, à l'accompagnement de la transition écologique.

RENAUD DELY
Brune POIRSON, vous avez dit que la taxe carbone était un outil efficace, c'est donc le retour prochain de la taxe carbone ?

BRUNE POIRSON
Alors là vous venez de passer un extrait de ce qu'a dit Stanislas GUERINI hier, Stanislas GUERINI c'est le chef, en quelque sorte, de La République en marche, c'est-à-dire un mouvement politique qui est là pour donner des idées, pour pousser…

MARC FAUVELLE
On part de loin là ! Là on va atterrir, mais on part de très loin.

BRUNE POIRSON
Non, mais pas du tout, il est là…

RENAUD DELY
C'est le principal mouvement de la majorité.

BRUNE POIRSON
Bien sûr, et il là pour encourager le gouvernement ou pour donner, potentiellement pour le challenger un petit peu, et c'est ce qu'il fait là sur la question de la taxe carbone. Je l'ai moi-même, vous savez, remise sur la table et reposée dans le débat, donc à titre personnel je n'ai pas de questions là-dessus, simplement moi je ne peux pas vous donner une direction très précise aujourd'hui puisque nous sommes encore en plein débat.

MARC FAUVELLE
Bon, il dit ce qu'il veut finalement Monsieur GUERINI, c'est ça ?

BRUNE POIRSON
Non, non, mais il y a plusieurs choses qui sont importantes dans ce que dit Stanislas GUERINI, je crois qu'il pose le principe de la cohérence et de l'équité, c'est-à-dire qu'on a demandé un effort aux Français, mais il faut aussi demander un effort et mettre un prix sur la pollution, parce qu'en fait c'est de ça dont il s'agit, il faut mettre un prix sur la pollution, mais la pollution qui est faite, qui est produite, pas uniquement par les foyers et par les Français, mais aussi dans le secteur maritime, dans le secteur aérien, et ça, ça fait partie des choses que nous poussons…

RENAUD DELY
Mais vous êtes favorable au retour de la taxe carbone ou pas, vous à titre personnel ?

BRUNE POIRSON
Ça fait partie des choses que nous poussons au niveau, par exemple, européen, quand je vous parle des émissions, de peut-être aller encore plus loin pour taxer les émissions du secteur aérien ou encore du secteur maritime. La taxe carbone, mettre un prix sur la pollution, ça c'est quelque chose, ça fait des années que ça a été démontré par des économistes, ça fonctionne, ça permet de changer les comportements, mais ça dépend aussi comment c'est fait, et si les recettes fiscales, et comment les recettes fiscales sont utilisées et sont potentiellement reversées, ou en tout cas réinvesties.

MARC FAUVELLE
On a du mal à se dire, Brune POIRSON, que Stanislas GUERINI lance cette idée comme ça tout seul dans son coin, sans avoir au minimum référé à l'Elysée.

BRUNE POIRSON
Non, mais ça fait partie… vous savez, ça fait partie des choses qui sont potentiellement sur la table et qui sont discutées. Son rôle, à lui, c'est d'essayer de nous pousser et d'aller encore plus loin, toujours plus loin.

MARC FAUVELLE
Parce que s'il ne vous pousse pas, il ne se passe rien ?

BRUNE POIRSON
Mais, absolument pas, regardez, moi, j'ai moi-même proposé il y a encore pas longtemps, j'ai dit…

MARC FAUVELLE
Oui, mais vous n'arrivez pas à le redire à ce micro ce matin, c'est pour ça que je vous pose la question.

BRUNE POIRSON
Mais, je le dis et je le répète, j'ai déjà…

MARC FAUVELLE
Il faut une hausse de la taxe carbone.

BRUNE POIRSON
Je n'ai pas dit il faut une hausse, j'ai dit parlons-en, rien ne peut être tabou, et ce n'est pas la chose qui nous a fait rentrer dans ce mouvement des gilets jaunes qui va devenir tabou, au contraire. L'objectif de ce grand débat-là c'est qu'on puisse parler de tout. Et une des choses que nous dit aussi ce grand débat, et on le voit d'ailleurs, c'est ce dont ont parlé vos collègues du Parisien, on voit que la transition écologique arrive en numéro 2 dans les préoccupations des Français, donc il faut qu'on puisse parler de tout, et de tous les outils.

RENAUD DELY
Vous dites il faut parler, mais il faut décider aussi à un moment.

BRUNE POIRSON
Oui, il y a un moment, bien sûr.

RENAUD DELY
Vous avez évoqué par exemple la taxation du kérosène pour le transport aérien, il y a déjà…

BRUNE POIRSON
Pas forcément le kérosène…

RENAUD DELY
Au niveau européen, où en est l'action de la France au niveau européen sur ce dossier ?

BRUNE POIRSON
Alors, déjà, plusieurs choses. Un, on ne part pas de zéro, les émissions, et le secteur aérien contribue aussi à financer ou à en tout cas tempérer la pollution qu'il émet, il faut aller encore plus loin, et moi je pense qu'il faut un prix sur la pollution dans le secteur aérien, qui aille encore plus loin. Ça fait partie…

RENAUD DELY
Et la France, à Bruxelles, se bat pour l'obtenir aujourd'hui ?

BRUNE POIRSON
Ecoutez, j'étais à Bruxelles la semaine dernière, et aux côtés des ministres de l'Environnement belge et des Pays-Bas, eh bien j'ai dit que la France soutenait leur proposition qui est d'étudier et d'envisager, potentiellement, différentes pistes, pour aller plus loin sur la contribution du secteur aérien à la lutte contre la pollution et pour taxer les émissions du secteur aérien, absolument, ça c'est une position que soutient la France.

MARC FAUVELLE
Autre idée, Brune POIRSON, qui a été évoquée, cette fois-ci par Emmanuel MACRON, c'était dans sa lettre aux Européens il y a quelques jours, c'est celle de créer une Banque européenne du climat. Ecoutez ce qu'en disait ici même, hier matin, à votre place, la ministre des Affaires européennes Nathalie LOISEAU.

NATHALIE LOISEAU, MINISTRE DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mettons en place une Banque européenne du climat, qui permet de financer des investissements sur l'efficacité énergétique, sur la lutte contre les gaz à effet de serre, et sur les renouvelables.

MARC FAUVELLE
Là encore, est-ce qu'on avance sur cette piste d'une Banque européenne pour le climat, est-ce que vous pensez réussir à l'imposer à nos partenaires européens ?

BRUNE POIRSON
Ah mais de toute façon ça, ça fait partie des priorités vraiment majeures de ce gouvernement-là, qui est de le pousser au niveau européen, c'est indispensable. Encore une fois, pourquoi ? Tout simplement parce que ce ne sont pas les contribuables qui vont financer la transition écologique. Il y a environ 30 milliards par an de sous-investissements dans la transition écologique en France, et ça s'accumule d'une année à l'autre, et c'est pareil à l'échelle…

MARC FAUVELLE
Qui va financer cette banque ?

BRUNE POIRSON
Et c'est pareil à l'échelle européenne. Eh bien, il faut que ce soit… l'objectif d'une telle banque il est d'utiliser cet argent public de façon à attirer pour faire effet de levier sur des capitaux privés.

RENAUD DELY
De l'argent public, donc des contribuables.

BRUNE POIRSON
De l'argent public, mais pour faire effet de levier sur de l'argent privé, de façon à ce qu'on puisse, à ce que des projets qui sont bons pour la planète puissent être financés de façon beaucoup plus massive et qu'on arrive à combler ce fossé-là, de 30 milliards d'euros de sous-investissements chroniques, par an, en France, et même plus largement, comme je le disais, en Europe.

RENAUD DELY
Donc c'est pour mobiliser les grands groupes, les entreprises privées ?

BRUNE POIRSON
Pas que les grands groupes, effectivement les entreprises privées, les investisseurs privés, les banques, il faut impérativement rediriger cet argent, l'argent qui est disponible, vers des projets qui sont bons pour la planète.

RENAUD DELY
Mais ce qu'on ne comprend pas c'est que pour ça il faut créer vraiment une nouvelle banque, ce n'est pas une question aujourd'hui de volonté politique, de décision gouvernementale française, ou de décision à l'échelle européenne ?

BRUNE POIRSON
Non, il faut pouvoir investir de façon massive, il faut pouvoir aussi avoir des outils pour « dérisquer », pour enlever du risque, sur les investissements, pouvoir, de cette façon-là, attirer les capitaux privés.

MARC FAUVELLE
Brune POIRSON, à chaque fois qu'on interroge un membre de la majorité ou du gouvernement ces dernières semaines au sujet des conclusions du grand débat, il répond comme vous, rien n'est tranché, tout est sur la table, tout est possible, sauf sur une question, c'est l'ISF.

BRUNE POIRSON
Alors, plusieurs choses. Déjà, un, si tous les membres du gouvernement vous répondent la même chose, alors non seulement, un, c'est quand même plutôt une bonne nouvelle, c'est-à-dire non seulement…

MARC FAUVELLE
C'est que les consignes sont bien passées.

BRUNE POIRSON
Non, non, au-delà de ça…

RENAUD DELY
La maison est bien tenue, vous voulez dire…

MARC FAUVELLE
Sauf sur l'ISF.

BRUNE POIRSON
Attendez, au-delà de ça… vous savez, ça prouve aussi la démarche et la méthode avec laquelle nous menons ce grand débat. Si on donnait des pistes où on disait, on avait pris des décisions maintenant, on nous dirait vous voyez, ce grand débat-là c'est n'importe quoi, il était cousu d'avance, on connaissait les réponses avant même, et tout ça en fait n'est qu'un alibi pour faire gagner du temps, on nous accuserait justement de ne pas respecter, de ne pas écouter suffisamment les Français. Donc oui, la réalité c'est que nous attendons d'avoir…

MARC FAUVELLE
Alors, est-ce que la question du retour de l'ISF est également sur la table ?

BRUNE POIRSON
Le président de la République l'a dit, l'ISF ce n'est pas un tabou, ce n'est pas un totem, si les Français veulent s'en saisir, en parler, eh bien à ce moment-là nous en parlerons, mais l'objectif, bien sûr, n'est pas…

MARC FAUVELLE
Il pourrait y avoir une décision ?

BRUNE POIRSON
L'objectif… encore une fois, laissez-nous le temps d'analyser ce qui remonte des grands débats, mais moi j'en fais beaucoup, c'est loin d'être la première chose qui remonte.

RENAUD DELY
Mais sur les sujets fiscaux il y a beaucoup de demandes qui reviennent… par exemple l'idée de créer une nouvelle tranche, une tranche supérieure pour les plus hauts revenus, une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, ça aussi c'est en débat ?

BRUNE POIRSON
On ne s'interdit de réfléchir et de regarder… non, mais c'est la réalité, de regarder…

MARC FAUVELLE
Retour à ce que je vous disais il y a 2 minutes…

BRUNE POIRSON
Et oui, mais pourtant c'est comme ça qu'on travaille, mais là on rentre dans une deuxième phase du grand débat, on s'achemine vers la fin de ce grand débat, on rentre dans une deuxième phase, aujourd'hui par exemple, au ministère de la Transition écologique et solidaire il va y avoir une réunion avec l'ensemble des corps intermédiaires sur la question de l'écologie, il y en aura sur les trois autres thèmes aussi, ça c'est semaine, et puis ensuite il y aura des conférences citoyennes…

RENAUD DELY
Donc ça finira quand le grand débat d'ailleurs ?

BRUNE POIRSON
A partir du mois d'avril le président de la République commencera à faire les premières propositions, mais encore une fois on n'a pas…

MARC FAUVELLE
Et ça va durer combien de temps ?

BRUNE POIRSON
Quelque part…

MARC FAUVELLE
Est-ce que ça va être jusqu'à la fin du quinquennat…

BRUNE POIRSON
Potentiellement…

MARC FAUVELLE
Des petits cailloux posés, ou est-ce que c'est tout au mois d'avril ?

RENAUD DELY
Potentiellement jusqu'à la fin du quinquennat ?

BRUNE POIRSON
Oui, parce qu'on n'a pas de baguette magique. Vous savez, cette crise là, ce mouvement des gilets jaunes, certes il a eu lieu pendant le quinquennat d'Emmanuel MACRON, en début du quinquennat, mais c'est une crise qui a des racines, qui est très profonde. On ne va pas, du jour au lendemain, parce qu'on aura discuté pendant 3 mois, d'un coup de baguette magique enlever tous ces problèmes-là, ce serait mentir aux Français, ce serait ne pas leur dire la vérité. Vous dire en revanche qu'il y a des premières mesures et des premières annonces qui vont être faites, des annonces fortes qui vont être faites par le président de la République, oui, mais ensuite ça, potentiellement, sera jalonné et se mettra en place, jusqu'à, potentiellement, la fin du quinquennat…

MARC FAUVELLE
Jusqu'à la fin du quinquennat !

RENAUD DELY
3 ans.

BRUNE POIRSON
Parce qu'il y a à la fois des mesures, mais aussi potentiellement des changements – ça fait plusieurs fois que je dis potentiellement – mais il y aura aussi des changements de méthode.

(…) Infos.

RENAUD DELY
On commémore aujourd'hui, Brune POIRSON, le 8e anniversaire de la tragédie de Fukushima, de l'accident nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011, 8 ans après la France elle a décidé de repousser finalement à 2035 son objectif de ramener de 75 à 50 % sa part de production d'énergie nucléaire. Pourquoi un tel recul ?

BRUNE POIRSON
Alors, ce n'est pas un recul, sur le papier oui, puisque c'était 2025. La réalité, qu'est-ce que c'est ? C'est que 2025 c'est demain, et quand nous sommes arrivés au gouvernement rien, absolument rien, n'avait été fait pour commencer à fermer des réacteurs nucléaires, rien, or ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n'est pas anodin de fermer des réacteurs nucléaires. Vous savez en France, par exemple, il y a un principe qui s'appelle la sécurité d'approvisionnement, on a l'électricité jour et nuit, c'est un choix qu'on fait en France.

RENAUD DELY
On se souvient que dans la foulée de l'accident de Fukushima l'Allemagne a décidé…

BRUNE POIRSON
Et pour ça… non, mais c'est un choix….

RENAUD DELY
Très rapidement, pourquoi la France ça prend autant de temps et pourquoi on prend 10 ans supplémentaires ?

BRUNE POIRSON
Vous savez ce qu'a fait l'Allemagne ? Elle a ouvert des centrales à charbon de façon massive, elle est maintenant un des premiers émetteurs d'Europe. Nous, on est le pays hôte de l'Accord de Paris, notre objectif il est de réduire nos émissions de CO2, ça ne veut pas dire – et attention, moi je ne vous dis pas je suis pour… je ne fais pas un plaidoyer pour le nucléaire ou un plaidoyer contre le nucléaire, je vous dis voilà la situation du mix énergétique français, et l'objectif…

RENAUD DELY
Mais l'objectif à terme, à très long terme, c'est de sortir du nucléaire ?

BRUNE POIRSON
L'objectif il est, d'ici 2035, de fermer 14 réacteurs nucléaires, 2 en 2020, à Fessenheim, ça c'est notre objectif, nous nous y tenons, EDF est en train de préparer, de nous faire des propositions, pour savoir quels réacteurs, précisément, nous allons fermer. Mais vous savez, ça, ça se prépare.

RENAUD DELY
Est-ce que ça reste une énergie d'avenir, à vos yeux, le nucléaire ?

BRUNE POIRSON
Pour l'instant notre objectif il est de développer de façon massive les énergies renouvelables, ça c'est notre objectif, et dans plusieurs domaines, aussi bien le solaire par exemple, qui devient de plus en plus compétitif, qui peut se développer sans aides d'Etat, dans certains endroits et dans certains contextes, pour développer aussi l'éolien, mais toute une autre série et batterie d'énergies renouvelables, ça c'est vraiment, c'est notre objectif numéro 1.

RENAUD DELY
Et l'EPR continuera à être développé, cette nouvelle génération de centrales continueront…

BRUNE POIRSON
Ecoutez, pour l'instant…

RENAUD DELY
Il y aura des ouvertures de nouvelles centrales…

BRUNE POIRSON
Non…

RENAUD DELY
EPR, non ?

BRUNE POIRSON
Ecoutez, pour l'instant ce n'est pas l'objectif, nous nous laissons le temps de voir…

MARC FAUVELLE
L'EPR il va quand même ouvrir…

BRUNE POIRSON
Nous nous laissons le temps…

MARC FAUVELLE
Celui de Flamanville.

BRUNE POIRSON
Oui, bien sûr, je pensais que vous parliez de la construction de… en tout cas de l'émergence de nouvelles technologies. En tout cas, oui, il faut attendre, et bien sûr c'est l'objectif, c'est que l'EPR de Flamanville ouvre, ça c'est nécessaire.

MARC FAUVELLE
Vous avez une date ?

BRUNE POIRSON
Ce n'est pas… bientôt.

MARC FAUVELLE
Bientôt, cette année, l'an prochain ?

BRUNE POIRSON
Le plus rapidement possible.

MARC FAUVELLE
Le plus rapidement possible. On est à 2,5 mois, Brune POIRSON, des élections européennes, élections cruciales en France, et votre parti n'a toujours pas de tête de liste, qu'est-ce qui coince ?

BRUNE POIRSON
Il n'y a rein qui coince.

MARC FAUVELLE
Tout va bien ?

BRUNE POIRSON
Vous savez, encore une fois, je vous l'ai dit, je vous l'ai répété, notre priorité c'est le grand débat, on veut que ça se déroule bien…

MARC FAUVELLE
Il y a des petites élections qui arrivent quand même !

BRUNE POIRSON
Mais bien sûr, et elles sont absolument majeures, vous avez rappelé vous-même la tribune du président de la République, simplement, si tout de suite on annonçait… regardons les choses de façon très lucide, si on annonçait tout de suite une tête de liste, eh bien, à ce moment-là, l'ensemble du débat et l'ensemble des oppositions seraient…

MARC FAUVELLE
Vous voulez dire que c'est volontaire, si on n'a pas encore de tête de liste c'est volontaire ? Le président la connaît, mais il ne veut pas la dévoiler pour l'instant ?

BRUNE POIRSON
Mais, je ne suis pas dans la tête du président de la République, et c'est encore moins moi qui prends les décisions, ce que je vous dis simplement c'est que nous nous concentrons sur le grand débat, mais ne vous en faites pas, nous sommes très mobilisés pour la campagne des européennes.

RENAUD DELY
Mais vous dites, Brune POIRSON, votre priorité c'est le grand débat, vous vous concentrez dessus, vous évoquez la tribune du président de la République, la tête de liste c'est Emmanuel MACRON en fait !

BRUNE POIRSON
Non, ça c'est vous qui…

RENAUD DELY
Il est en train de mener la campagne des européennes.

BRUNE POIRSON
Attendez, Emmanuel MACRON… non, mais, il n'y a pas de surprise là derrière, Emmanuel MACRON il a fait de l'Europe l'ADN de son projet politique, il a eu le courage de faire campagne là-dessus, c'est pour ça qu'il a beaucoup rassemblé d'ailleurs autour de lui, donc, qu'il se prononce et qu'il soit très volontaire sur la question européenne, qu'il s'adresse même directement aux citoyens européens pour relancer l'Europe, pour éviter qu'elle tombe dans le déclin, ça c'est tout à fait normal.

RENAUD DELY
Et qu'il utilise le grand débat national pour mener cette campagne des élections européennes ?

BRUNE POIRSON
Ça c'est vous qui le dites, ce n'est absolument pas le cas.

RENAUD DELY
Beaucoup de ses opposants lui reprochent.

BRUNE POIRSON
Bien sûr, ils ont tout intérêt. Vous savez, ils ont été les premiers à fustiger ce grand débat, à ne pas vouloir même, au début, y participer, ils voient qu'au contraire c'est une initiative qui plaît beaucoup aux Français, il faut qu'ils existent politiquement, et donc ils tapent dessus de cette façon-là.

MARC FAUVELLE
Vous pourriez être candidate, vous, sur cette liste ?

BRUNE POIRSON
Alors là, moi, je vais vous dire, on vient d'en parler, je suis extrêmement…

MARC FAUVELLE
Apparemment non !

BRUNE POIRSON
Non, mais je suis…

MARC FAUVELLE
A en juger par votre réaction en tout cas, non ?

BRUNE POIRSON
Je suis concentrée sur mes objectifs et mes échéances…

MARC FAUVELLE
Si Emmanuel MACRON vous le demande ?

BRUNE POIRSON
Vous savez, avec des si, si vous voulez, on commente les commentaires des commentaires, il n'y a pas de problème, mais…

RENAUD DELY
S'il vous le demande ça serait oui ?

BRUNE POIRSON
Non, mais… Ecoutez, là, pour l'instant, ce n'est pas au programme.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Brune POIRSON, merci Renaud DELY.

BRUNE POIRSON
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mars 2019