Déclaration de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur les emplois aidés et leur impact au niveau du chômage local, Paris le 6 mars 2019.

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Circonstance : Débat sur la réduction drastique du nombre d'emplois aidés  et son impact sur les tissus de solidarité au niveau local

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur la réduction drastique du nombre d'emplois aidés et son impact sur les tissus de solidarité au niveau local.

La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Au préalable, je remercie le groupe Socialistes et apparentés d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour : c'est l'occasion de clarifier certains points qui me paraissent importants.

Tout d'abord, je sais que vous partagez, mesdames, messieurs les députés, sur tous les bancs, la conviction que nul n'est inemployable mais que, pour les plus vulnérables de nos concitoyens, il faut des étapes, des éléments-tremplins, pour leur permettre d'accéder à l'emploi.

M. Gilles Lurton. On est d'accord.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. La deuxième chose sur laquelle nous sommes certainement d'accord, c'est que le but des politiques de l'emploi est de permettre à ces personnes vulnérables d'aller vers l'emploi. Je le précise, car, dans les propos des uns et des autres, j'ai entendu mêler deux sujets tout aussi valables l'un que l'autre : les politiques les plus efficaces pour le retour à l'emploi des plus vulnérables, d'une part, et le fonctionnement du tissu associatif en France, d'autre part. Or ces deux sujets ne se recoupent pas complètement et je crois que c'est la raison de notre différend.

M. Nicolas Démoulin. Très juste !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. La troisième chose sur laquelle nous devrions aussi être d'accord, c'est qu'une pure logique de traitement statistique des chiffres du chômage, plusieurs fois pratiquée par le passé – en général dans la dernière année d'un quinquennat –, crée de faux espoirs chez les demandeurs d'emploi en raison de taux d'insertion bas, et se révèle un trompe-l'oeil.

Avant d'en venir aux contrats aidés, je voudrais vous donner la vision stratégique d'ensemble de mon ministère : il s'agit de revoir l'ensemble de la politique d'inclusion dans l'emploi des populations les plus vulnérables.

Dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, annoncée par le Président de la République le 13 septembre 2018, ce chantier de l'insertion dans l'emploi est des plus essentiels ; il vient compléter la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage prévue dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre dernier.

Aujourd'hui, le taux de chômage a globalement baissé, passant de 9,7 % à 8,8 % depuis notre arrivée aux responsabilités ; c'est un progrès même s'il reste très haut. Il y a cependant une énorme différence en fonction de la qualification : il représente 3,8 % chez les cadres, 6 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi dotés d'une qualification, et 18 % pour ceux qui n'en ont aucune. Pour ces derniers,  non seulement il est plus difficile de trouver un emploi, mais il s'agit le plus souvent d'un emploi précaire, moins bien payé et avec des conditions de travail difficiles. Si l'on veut mettre à nos concitoyens le pied à l'étrier pour une inclusion durable dans l'emploi, le volet formation est évidemment très important.

C'est pourquoi nous avons décidé d'investir massivement dans le plan d'investissement dans les compétences : un million de jeunes et un million de demandeurs d'emploi de longue durée seront formés dans les années qui viennent ; onze régions métropolitaines sur treize ainsi que plusieurs régions d'outre-mer ont déjà signé avec l'État un accord à cet effet.

Mais ces actions s'inscrivent dans une approche plus générale. Je tiens, à cet égard, à distinguer dans mon propos ce que le Gouvernement accomplit en termes de politique d'inclusion dans l'emploi et en faveur du développement du secteur associatif.

Premièrement, et cela a été souligné dans les différentes interventions, il faut être au plus près du terrain pour s'adapter aux besoins. Selon que l'on est en zone rurale ou  urbaine, en zone de montagne ou portuaire, les besoins et les réponses à apporter ne sont pas forcément les mêmes ; le tissu associatif lui-même n'est pas partout pareil. Il faut en tenir compte, car cela constitue un point d'appui dans la politique d'inclusion dans l'emploi. C'est pourquoi le Fonds unique d'inclusion dans l'emploi réunit tous les moyens dédiés à l'insertion professionnelle – 1,7 milliard d'euros ont été investis cette année dans les communes et dans les départements pour l'inclusion.

Mme Laurence Dumont. Ce n'est pas le sujet du débat que nous avons choisi !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ce nouveau dispositif donne aux préfets de région des marges de manoeuvre nouvelles, car ils peuvent pratiquer la fongibilité entre plusieurs instruments, dont les parcours emploi compétences ou d'autres instruments qui présentent un taux de retour à l'emploi meilleur pour les mêmes populations. C'était bien là le sens de cette possibilité d'adaptation au plus près du terrain qui leur était laissée.

Mme Laurence Dumont. Madame la ministre, c'est une semaine de contrôle !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous avons également revu le sujet des entreprises adaptées.

Mme Laurence Dumont. Ce n'est pas le sujet non plus !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Les contrats aidés recouvrent aussi l'amélioration de l'accès à l'emploi des personnes handicapées, qui comptent parmi les populations les plus vulnérables. L'accord « Cap vers l'entreprise inclusive » que j'ai signé avec les représentants du secteur, le 12 juillet dernier, en présence de Sophie Cluzel, programme le doublement, de 40 000 à 80 000, du nombre de places en entreprise adaptée. Ce sont là de véritables emplois tremplins, des CDD tremplins, que nous avons créés et qui vont permettre à beaucoup plus de personnes handicapées, qui n'accédaient pas ou mal aux contrats aidés de la formule précédente, d'emprunter la passerelle vers l'emploi pour les plus vulnérables.

M. Philippe Gosselin. L'un n'empêchait pas l'autre !

Mme Laurence Dumont. Lors d'une séance de contrôle, ce sont les groupes qui choisissent les thèmes, madame la ministre !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. L'insertion par l'activité économique – l'IAE – s'adresse, elle aussi, aux publics les plus vulnérables : habitants des quartiers prioritaires de la ville et des outre-mer, personnes en situation de handicap, chômeurs de longue durée, bénéficiaires du RSA. Là aussi, il s'agit surtout de structures associatives qui disposent des moyens organisationnels et professionnels pour accompagner efficacement vers l'emploi les plus vulnérables, avec des taux de retour à l'emploi avoisinant 60 %, ce qui est vraiment remarquable compte tenu qu'il s'agit de publics confrontés à de lourdes difficultés. Nous avons décidé de passer de 130 000 places à 230 000 places en IAE sur quatre ans ; ce sont autant de personnes en difficulté qui auront plus de chance de retour à l'emploi.

Mme Laurence Dumont. Vous ne dites toujours rien sur la diminution des emplois aidés !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. J'y viens avec le parcours emploi compétences, en précisant que ce dispositif doit être un des éléments de la politique d'inclusion dans l'emploi, mais que nous ne voulons pas en faire le point central, l'expérience ayant montré que ce type de mesure n'est pas efficace pour les personnes les plus vulnérables. C'est un des éléments de la palette, et nous entendons le conserver. Nous n'avons jamais supprimé les contrats aidés,…

Mme Valérie Rabault. Quand on passe de 460 000 à 100 000, cela veut dire qu'on supprime !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. …puisque le PEC est lui-même un contrat aidé renforcé du point de vue qualitatif. Quant à la baisse programmée des emplois aidés, je rappelle qu'elle est due au gouvernement du quinquennat précédent.

M. Régis Juanico. Mais non !

Mme Valérie Rabault. Arrêtez de dire n'importe quoi !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Vous pouvez vérifier en relisant les lois de finances initiales.

Mme Valérie Rabault. Il n'y a pas que les lois de finances initiales ; il y a aussi les lois de finances rectificatives !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je vous ai écoutée, madame la députée. Si cela ne vous intéresse pas, j'arrête.

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez la ministre s'exprimer à la tribune. Vous aurez la possibilité de lui demander des explications supplémentaires au moment des questions.

Mme Laurence Dumont. La ministre est arrivée avec un discours tout fait !

Mme Valérie Rabault. C'est une séance de contrôle !

Mme Laurence Dumont. Et le sujet du débat a été choisi par le groupe Socialistes et apparentés, madame la présidente !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Mais les réponses sont les miennes, madame la députée. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

Je vais à présent concentrer mon propos sur les CUI-CAE – contrats uniques d'insertion et contrats d'accompagnement vers l'emploi –, c'est-à-dire sur l'accompagnement du retour à l'emploi dans le secteur non marchand, non sans avoir rappelé qu'une baisse de leur nombre de 300 000 à 200 000 de 2016 à 2017 avait été programmée, associée à l'incitation des préfets à les utiliser très rapidement – 80 % de la quantité prévue pour l'année ont été utilisés dès le premier semestre 2017, ce qui nous a amenés à en ajouter 30 000. Mais oui, fin 2017, nous avons fait un choix que nous assumons pleinement, celui de supprimer, pour 2018 et 2019, les contrats aidés, non pas pour le secteur associatif et les collectivités territoriales, mais pour le secteur marchand. Certes, ceux-ci avaient en apparence un très bon taux d'insertion, à hauteur des deux tiers, mais des études ont montré qu'il s'agissait d'un effet d'aubaine quasiment général, et que les mêmes personnes auraient de toute façon été embauchées.

M. Nicolas Démoulin. Exactement !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je vais donc insister sur les chiffres qui concernent les associations et les collectivités territoriales parce que j'ai compris que c'était le coeur de votre questionnement, mesdames, messieurs les députés, et c'est en effet le coeur de la question. Je précise que ces chiffres incluent à chaque fois les CUI-CAE passés à l'éducation nationale. Après les 230 000 CUI-CAE finalement signés en 2017, 200 000 ont été prévus pour 2018 – dont 30 000 pour l'éducation nationale. La loi de finances pour 2019 en prévoit 100 000 seulement pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les 30 000 chaque année dédiés à l'accompagnement au titre d'auxiliaire de vie scolaire – AVS – ou d'accompagnant des élèves en situation de handicap – AESH – seront dorénavant directement attribués à l'éducation nationale au lieu de transiter par mon ministère – mon collègue Jean-Michel Blanquer est en train de préparer un plan d'intégration progressive de toutes les personnes concernées parce que leurs missions correspondent à des besoins durables.

M. Pierre-Henri Dumont. Vous auriez mieux fait de les transformer en CDI !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il faut donc comparer 100 000 à 170 000. Il a, par ailleurs, été rappelé que la consommation a été bien moindre que prévu, avec un taux d'insertion très bas en emplois durables – 26 % seulement en 2017. Je connais bien le secteur de l'insertion ; j'y ai travaillé. Toutes les associations qui l'animent depuis des décennies,  contribuant à doter notre pays d'un très beau tissu associatif, savent que ce qui est efficace, c'est un triptyque : une situation de travail réel, facteur de dignité, de fierté et de confiance de soi,  mais qui doit être associée à un accompagnement social et à de la formation. C'est pourquoi, sur les recommandations du rapport Borello, nous avons décidé que les contrats aidés se transformeraient en parcours emploi compétences pour devenir plus qualitatifs et permettre de meilleurs retours à l'emploi. Pour cela, nous y avons introduit une exigence de formation, dans certains cas finançable par le plan d'investissement dans les compétences, et une exigence d'accompagnement.

M. Pierre Cordier. Ça existait déjà !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est vrai que les associations ne disposant que de bénévoles n'avaient guère de possibilités d'encadrement, et se sont de ce fait trouvées en difficulté. J'en ai bien conscience, mais la politique de l'emploi doit servir à l'emploi des plus vulnérables ; le soutien à la vie associative doit passer par ailleurs, par des politiques dédiées. Il faut aussi rappeler que les associations et les collectivités locales qui embauchaient en continu, pour huit mois ou douze à chaque fois, sans jamais proposer un emploi durable, créaient de faux espoirs chez des personnes en précarité placées sur des emplois précaires. Que ces emplois soient aidés ou non, c'était toujours de la précarité facteur de précarité.

M. Nicolas Démoulin. Exactement !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous, nous cherchons l'emploi durable. C'est pourquoi nous avons transformé les emplois aidés. Certes, cela a été rapide, et je le regrette moi aussi.

M. Philippe Gosselin. Un début d'aveu !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Si nous n'avions pas été confrontés à la baisse programmée que j'ai rappelée, je pense qu'il aurait été possible, et souhaitable, de procéder de façon plus progressive. Mais je redis que mon ministère a augmenté le nombre de contrats aidés en 2017 par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale.

Mme Laurence Dumont. En fait, vous n'y êtes pour rien !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Où en sommes-nous aujourd'hui ? On constate déjà que le public qui entre en parcours emploi compétences est plus proche de la cible des contrats aidés. Ce sont plus de personnes issues des quartiers prioritaires de la ville, plus de chômeurs de longue durée, plus de bénéficiaires du RSA et plus de personnes en situation de handicap. Et c'est une bonne chose, car c'est à eux que cette politique s'adresse.

On constate également un renforcement des actions de formation qualifiante, une des raisons étant que toutes les personnes entrant en PEC sont conviées à un entretien individuel avec leur structure d'accueil et Pôle emploi dès le démarrage du processus. Nous sommes en train de faire de même pour la sortie, afin que celle-ci débouche plus fréquemment sur un emploi ou une qualification. Je souligne encore une fois que le secteur associatif contribue fortement à ces actions, puisqu'en 2018, 40 % des PEC, soit 50 000, se sont déroulés dans le secteur associatif – sans parler des emplois francs qui s'y développent aussi.

Oui, notre vision de la politique d'inclusion dans l'emploi, c'est qu'il s'agit d'une priorité. À ce titre, il faut des structures tremplins ; il faut faire monter en puissance tout le secteur de l'insertion économique et toutes les entreprises adaptées puissamment dotées de savoir-faire ; il faut conserver par ailleurs des parcours emploi compétences, car ceux-ci répondent à d'autres besoins. Et pour ce qui est du soutien associatif, d'autres leviers existent.

Comme vous le savez, la baisse des cotisations sociales en 2019 va permettre aux associations employeuses de récupérer 1,4 milliard d'euros. Elles pourront ainsi compléter les parcours emploi compétences ou embaucher les personnes qualifiées dont elles ont besoin, notamment dans les domaines du sport ou de la culture – vous en avez donnés des exemples. De plus, le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires – le CITS – se cumule cette année avec la baisse des cotisations : ce sont donc 500 millions d'euros supplémentaires pour les associations de plus de dix salariés.

Mme Laurence Dumont. Vous ne répondez toujours pas à la question que nous avons posée !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Enfin, mon collègue Gabriel Attal a proposé une feuille de route pour le développement et la transformation du monde associatif, avec la constitution de 200 groupements d'employeurs d'ici à deux ans, l'augmentation du nombre de postes FONJEP et un travail sur la cartographie de la vie associative.

L'histoire n'est pas finie. Je pense que nous sommes tous attachés au développement de la vie associative et à avoir des structures et des dispositifs d'accompagnement dans l'emploi pour les plus vulnérables. Mais ce sont aussi l'IAE, les entreprises adaptées, les GEIQ – Groupements d'Employeurs pour l'Insertion et la Qualification –, les territoires zéro chômeur de longue durée et les emplois francs, tous dispositifs que mon ministère développe, qui participent de cette réponse à la question de l'accès à l'emploi durable, et pas seulement les contrats aidés, surtout dans leur formule où manquaient l'accompagnement et la formation. Nous continuerons à évaluer et à partager les résultats des évaluations avec vous car, ensemble, nous avons besoin de nous assurer que les plus vulnérables, grâce à ces dispositifs, incluant le parcours emploi compétences, accèdent mieux à l'emploi. C'est notre but à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Mme Laurence Dumont. Le discours est nul, et en plus hors sujet !


Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle qu'elles ne doivent, comme les réponses, pas excéder deux minutes. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Laurence Dumont. Il faudrait rappeler au Gouvernement qu'il s'agit d'une séance de contrôle.

Mme Valérie Rabault. Madame la ministre, je me permets tout d'abord de rappeler qu'il s'agit effectivement d'une séance de contrôle du Gouvernement. Il eût donc été bienvenu, au lieu de tenir un discours politique général, que vous répondiez aux interventions précédentes.

S'agissant des chiffres, madame la ministre, vous savez parfaitement qu'il existe une loi de finances initiale  et une loi de finances rectificative : il faut par conséquent additionner les deux. Même sous Nicolas Sarkozy, l'on comptait entre 425 000 et 450 000 créations d'emplois aidés chaque année.

M. Pierre Cordier. C'était un super président !

M. Aurélien Pradié. Le PS qui rend hommage à Sarkozy : on rêve !

Mme Valérie Rabault. En 2016, 460 000 emplois aidés avaient ainsi été créés, contre 310 000 en 2017, 130 000 en 2018 et 100 000 en 2019.

Cette chute drastique est inédite dans notre histoire, puisque même sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy, le rythme annuel de création d'emplois aidés oscillait entre 420 000 et 450 000.

J'ai deux questions. La première porte sur les employeurs que sont les petites communes et les associations.

Le 4 février dernier, le Président de la République a reconnu devant les élus franciliens que cette chute drastique posait « un vrai problème pour beaucoup d'associations et de villes ». Il a ajouté : « Cela a été une mesure dont la philosophie est bonne, mais force est de constater que dans les lieux fragiles, cela a fait souffrir. Il ne faut pas se voiler la face. Il faut accélérer les mesures de compensation ». C'est le Président de la République qui l'a dit.

Madame la ministre, je vous pose donc une question très simple : quelles sont ces mesures de compensation ?

Ma seconde question porte sur le volet employés. Une étude de novembre 2018 de la DARES, c'est-à-dire de votre ministère, montre que le non-renouvellement des emplois aidés a conduit 50 000 personnes de la case emploi aidé à la case chômage. C'est votre ministère qui l'écrit. On estime, en faisant un ratio, que 1,5 emploi aidé non recréé a fait un chômeur de plus. Autrement dit, vous préférez que la collectivité paie entre 7 000 et 9 000 euros quelqu'un à ne rien faire, c'est-à-dire à être au chômage, plutôt qu'elle débourse entre 7 000 et 10 000 euros pour quelqu'un qui travaille.

Madame la ministre, je souhaiterais, sur ce point, que vous nous donniez des précisions : que sont devenues les personnes qui n'ont plus accès aux emplois aidés ? Combien d'entre elles sont aujourd'hui au chômage ?

Je souhaite également que vous nous fassiez un bilan budgétaire précis de cette question : quel a été, en 2018, le montant total des indemnités versées aux personnes qui se sont retrouvées au chômage du fait de la non-création de ces emplois aidés ? Quel était, en comparaison, le coût pour l'État de ces contrats aidés ?

Mme Laurence Dumont. Et là, il faut répondre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Madame la députée, je souhaite que nous partagions les mêmes chiffres. Vous avez rappelé les chiffres de l'ensemble des contrats aidés, contrats marchands et emplois d'avenir compris. Je compare ce qui est comparable, c'est-à-dire les contrats aidés dans le secteur associatif et dans les collectivités territoriales, le secteur non marchand.

On en comptait 300 000 en 2016 et 230 000 – dont 30 000 que nous avons nous-mêmes ajoutés – en 2017, ce qui correspond bien à une baisse de 100 000 contrats programmée dans la loi de finances pour 2017.

Mme Valérie Rabault. Eh oui !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. On en a ensuite compté 200 000 en 2018, mais comme il n'en a été consommé que 130 000, nous avons prévu un tel chiffre pour 2019, soit 100 000 au titre du ministère du travail et 30 000 au titre du ministère de l'éducation nationale.

Mme Valérie Rabault. C'est-à-dire une division par trois depuis 2016 !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous observons donc, en fait  – c'est un bilan constaté –, une stabilité entre 2018 et 2019. Nous n'avons pas considéré que les emplois marchands étaient un succès et qu'il fallait poursuivre dans cette voie. Ce sont eux qui constituent l'essentiel de la baisse.

S'agissant des collectivités territoriales et des associations, et plus précisément des dotations aux premières, le Gouvernement les a,  comme vous le savez, préservées en 2019 à hauteur de 27 milliards d'euros. C'est là un engagement de stabilité qui est important pour les collectivités locales, car elles ont connu beaucoup d'années de baisse à cet égard. Cela fait partie de la contribution à leur développement, qui ne passe donc pas uniquement par les contrats aidés.

En ce qui concerne la vie associative, j'ai indiqué tout à l'heure que la suppression ou la baisse des charges cumulée avec le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires ainsi qu'avec les aides, créera en 2019 un véritable ballon d'oxygène dont les associations ont besoin. Nous partageons sur cette question le même point de vue.

Je vous suis également sur un autre point, madame la députée : il n'est pas facile pour les petites associations de remplir les conditions de formation et d'accompagnement, plus exigeantes. C'est la raison pour laquelle je crois beaucoup aux groupements d'employeurs. Le ministère en charge de la vie associative est d'ailleurs en train d'aider les associations à mettre en place 200 groupements d'employeurs qui leur permettront d'accompagner de façon plus efficace les chômeurs de longue durée ou les bénéficiaires  d'aides, ou encore de mutualiser leurs besoins.

Enfin, il ne faut pas oublier l'aide à la vie associative que j'ai déjà évoquée.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. J'ai assisté dimanche dernier à l'assemblée générale des médaillés de la jeunesse, des sports et de l'engagement associatif du département des Ardennes. Les bénévoles s'y sont tous montrés très inquiets quant à votre politique, madame la ministre.

Ils sont inquiets, car le nombre de contrats aidés, dont un tiers bénéficie au secteur associatif, a été divisé par trois en deux ans. Les nouveaux contrats aidés, les parcours emploi compétences, sont sous-demandés, car ils sont bien plus coûteux et contraignants pour les employeurs, ce qui  décourage certaines structures d'y recourir malgré le besoin qu'elles en ont. L'État abandonne donc un certain nombre d'associations qui pourtant jouent un rôle majeur dans les quartiers, les villes et les villages, et qui ne seront jamais capables de prendre en charge une part aussi importante du salaire de leurs employés.

Pour le monde associatif comme pour les communes, les conséquences sont dramatiques, d'autant plus que les baisses de dotations intervenues depuis 2014 – même si  désormais la situation est stabilisée – empêchent des cofinancements pourtant indispensables.

Les bénévoles sont également inquiets suite à la suppression de la réserve parlementaire. En 2017, elle représentait, pour les Ardennes, 700 000 euros. Or le Fonds pour le développement de la vie associative, le fameux FDVA, qui était censé remplacer cette réserve, n'a accordé que 144 000 euros de subventions à quelques associations ardennaises, alors que les demandes s'élevaient à 1,4 millions d'euros. Je ne parle même pas des crédits du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, qui ont été divisés par deux.

Madame la ministre, nous avons l'impression que vous cherchez à faire des économies sur le dos des associations alors qu'elles jouent un rôle indispensable dans l'animation des territoires ruraux comme dans la création de lien social.

En cette période de grand débat où le monde associatif est plébiscité, allez-vous revoir le dispositif des parcours emploi compétences en en assouplissant les formalités et en augmentant de manière significative l'aide financière de l'État ? (M. FabienDi Filippo applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Pour 2018, le constat est le suivant : 40 % des parcours emploi compétences concernent le tissu associatif. Je rappelle à ce propos que les préfets peuvent moduler en fonction de la taille des collectivités ou des associations. Vous avez raison, leurs capacités ne sont à cet égard pas les mêmes. Aujourd'hui, cette modulation peut aller de 40 % à 60 %, et même jusqu'à 80 % dans les outre-mer ; elle n'a parfois pas été complètement utilisée.

Vous avez évoqué, avec le bénévolat, un point important pour les petites structures, où il est prédominant  – c'est même ce qui fait leur richesse –, par rapport à l'encadrement. Nous avons donc récemment  introduit dans le dispositif un élément de souplesse afin que, dans le cadre des parcours emploi compétences, la fonction de tuteur puisse être assurée par un bénévole ou par un élu, dans les petites structures.

M. Pierre Cordier. Et les formalités ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Au départ, elle ne pouvait être assurée que par un salarié. C'est d'ailleurs un point qui avait été débattu à l'Assemblée nationale et qui nous paraît important.

Je me permets juste de rappeler que le programme présidentiel de votre groupe, monsieur le député, avait proposé la suppression totale des contrats aidés. Je vois que nous convergeons…

M. Pierre Cordier. J'étais juppéiste, madame la ministre.

M. Rémy Rebeyrotte. Venez donc chez nous ! (Sourires.)

M. Fabien Di Filippo. Moi je veux bien aller au Conseil constitutionnel. (Sourires.)

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je me réjouis que nous pensions tous qu'il s'agit d'une mesure utile à condition qu'ils soient efficaces.

Non, nous ne cherchons pas à faire des économies ; nous recherchons l'efficacité. Sinon, nous n'aurions pas investi 15 milliards d'euros dans le plan d'investissement dans les compétences et nous n'investirions pas non plus dans l'insertion par l'activité économique ni dans les entreprises adaptées. Notre but, notre seul guide, c'est l'efficacité.

Quant à apporter d'éventuelles modalités d'assouplissement du dispositif, nous pouvons regarder : utilisons les remontées du terrain. Notre but, encore une fois, c'est l'efficacité dans le retour à l'emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Madame la ministre, je vous ai, comme chaque fois, écouté avec beaucoup d'attention répondre au précédent orateur. Vous avez confirmé ce qui guide votre action : la volonté de remettre à plat toutes les politiques publiques d'insertion, en considérant que l'on peut faire autrement.

Je vous l'ai déjà dit et je le confirme, point n'était besoin, selon moi, d'opérer une telle remise à plat. On pouvait  maximiser ces politiques en y associant les associations qui sont pourvoyeuses d'emplois, qui connaissent le territoire et qui peuvent, à partir du bénévolat, entraîner  des hommes et des femmes dans une logique de retour à l'emploi, à condition de disposer d'un outil adapté.

L'outil existait : feu le contrat aidé. Il a certes pu être dévoyé et caricaturé par certains candidats à l'élection présidentielle. Nous sommes néanmoins en 2019, et je considère que votre décision de transformer les contrats aidés en PEC est  contestable. À ce jour, son impact positif ne m'a pas été démontré.

Désormais, il y a un angle mort, dans la politique de votre gouvernement, au niveau de la mobilisation du secteur associatif pour la création d'emplois au bénéfice des personnes qui en ont besoin. Cela a été dit sur tous les bancs, il y a des hommes et des femmes qui sont prêts à s'engager pour les autres. Ils sont prêts à faire vivre la société ; surtout, ils sont prêts, pourvu qu'on leur en donne les moyens financiers simples d'accès et adaptés, à s'engager dans les politiques publiques de l'emploi.

L'angle mort dans la politique du Gouvernement, c'est l'absence d'outil ou de dispositif qui permette aux associations de s'orienter durablement vers la création d'emplois. Vous avez évoqué les charges sociales et un certain nombre d'autres dispositifs : c'est trop maigre, madame la ministre !

Écoutez les acteurs de terrain, vous verrez que l'on peut créer des dizaines, des centaines même, de milliers d'emplois à partir du fait associatif. Il faut probablement, pour cela, que vous interpelliez votre collègue secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en charge de la vie associative, et que vous fassiez céder Bercy, qui est à mon avis à l'origine de toutes ces réformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. En ce qui concerne l'évaluation de l'efficacité des parcours emploi compétences, nous ne disposons à l'heure actuelle que d'éléments relatifs au public concerné. Le nombre de personnes sorties du dispositif est encore faible, les contrats étant fréquemment renouvelés à l'issue des neuf premiers mois. La durée des contrats étant en moyenne assez proche d'une année, il est encore un peu tôt. Je vous prie de m'en excuser, mais je ne dispose pas encore d'éléments suffisamment tangibles – nous en disposerons dans quelques mois – pour vous donner les résultats du dispositif en termes d'insertion, qui est, pour moi, le guide principal.

En revanche, comme je l'ai dit, le public est plus composé de personnes en difficulté, ce qui va dans le bon sens parce que ce sont celles qui ont vraiment besoin de ce tremplin pour pouvoir accéder à l'emploi.

Je partage votre point de vue sur le problème de visibilité du dispositif pour les associations. Elles ne peuvent pas se développer en étant suspendues en permanence aux décisions de stop and go des politiques publiques, qu'elles soient d'ailleurs menées par des collectivités territoriales ou par l'État.

C'est pour cette raison que, s'agissant des entreprises adaptées et de l'insertion par l'activité économique, nous négocions un plan de développement sur quatre ans qui permettra à ces structures de monter en puissance.

Il en est de même dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences : l'appel à projet 100 % inclusion débouchera sur des innovations sociales extrêmement importantes en vue d'aller chercher les publics les plus vulnérables, qu'il s'agisse de jeunes ou de demandeurs d'emploi de très longue durée, en utilisant d'ailleurs le sport et la culture. Le tissu associatif est d'ailleurs très présent dans ce plan.

Je me réjouis que la plupart des régions s'y soient associées. À cette date, seule la région Auvergne-Rhône-Alpes ne veut pas négocier et conclure un PIC. C'est dommage ! Nous le ferons donc seuls. Je crois cependant, comme vous l'avez dit, que tout le monde doit s'y mettre.

La vie associative fait partie des sujets abordés dans le cadre du grand débat ; il en sera certainement discuté dans les mois qui viennent. Tout le monde est d'accord sur la nécessité d'avoir un tissu associatif présent et de qualité. Simplement, il faut permettre aux associations de sortir d'une logique de subvention à court terme et de maîtriser leur propre développement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Madame la ministre, lorsque le Gouvernement a annoncé la suppression ou la réduction du nombre de contrats aidés en France, l'alerte est venue de partout, sauf de votre camp : cette orientation allait  mécaniquement aggraver la situation de l'emploi, de la pauvreté et du service public en France. Nous avions raison.

Avant cette annonce, 24 000 Réunionnais sans emploi avaient pu bénéficier d'un contrait aidé ; en 2019, ils seront seulement 11 000 admis au parcours emploi compétences.

Dans une note récente, l'INSEE a relevé que la réduction du nombre de contrats aidés était l'une des causes de l'augmentation du chômage à La Réunion. C'est aussi l'une des causes du doublement de la croissance annuelle du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active.

De nombreuses associations, comme Emmaüs, subissent de plein fouet votre politique. Bernard Grondin, directeur d'Emmaüs Réunion, dresse le constat en ces termes : « Un trou de 33 % dans la trésorerie ». Beaucoup d'associations ont fermé et d'autres n'y survivront pas, malgré une révision à la baisse de leur activité, pourtant essentielle à la société. Résultat : les services à la personne diminuent et l'insertion dans l'emploi est plus difficile.

Comme l'a dit mon collègue Adrien Quatennens, les collectivités réunionnaises ont, elles aussi, été durement touchées : la rentrée scolaire a été repoussée dans plusieurs communes ; les cantines, la surveillance, le transport scolaire sont toujours en difficulté.

En outre, nous connaissons aujourd'hui une épidémie de dengue à La Réunion, qui a déjà causé six décès, du fait de la disparition de nombreux emplois.

Madame la ministre, vous savez que votre politique est injuste. Quand allez-vous arrêter la langue de bois et rétablir les contrats aidés ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le député, comme vous le savez, nous n'avons jamais supprimé les contrats aidés ; nous les avons transformés.

Je voudrais dire deux choses. La première, c'est que le traitement statistique du chômage n'est pas notre politique en matière d'insertion. Nous l'assumons. Nous avons préféré faire monter en puissance des structures plus efficaces plutôt que faire du traitement statistique en ayant des taux d'insertion très faibles.

La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que nous avons donné la priorité à l'outre-mer. En 2018, à La Réunion, le nombre de parcours emploi compétence était le même que celui des contrats aidés en 2017, et, en 2019, les outre-mer pèseront d'un poids extrêmement important, puisqu'ils représenteront 18 % de l'enveloppe nationale – 12,2 % pour la seule Réunion. Quant à l'insertion par l'activité économique, elle bénéficiera de 13,6 millions d'euros à La Réunion en 2019, soit une progression de 30 %.

Les outre-mer, compte tenu des problèmes d'emploi qu'y rencontre la population, sont pour nous une priorité, et cela se vérifie dans la répartition des enveloppes. Il n'y a aucune diminution les concernant.

Mme la présidente. La parole est à M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Madame la ministre, croyez-vous vraiment que les élus locaux et les associations n'ont pas eux-mêmes mesuré les limites et les illusions potentielles des emplois aidés ? Et pourtant, ils ont travaillé pendant des années sur un tas de dispositifs relevant des emplois aidés ; et ils ont bien travaillé. Or, pour toute réponse, vous avez pris une décision brutale, qui fait des dégâts non seulement auprès des personnes directement concernées, mais aussi auprès des élus et des associations, qui sont les premiers à devoir aller au charbon quand la lettre du préfet arrive pour dire que les dispositifs ne seront plus financés. Ce sont eux qui se retrouvent avec les personnes sous contrat aidé sur le dos.

Je voulais faire cette observation parce que vous indiquiez que la décision avait été prise en fonction de ces limites et de ces illusions potentielles, mais c'est sur le terrain que l'on a vécu tout cela et, sur le terrain, le travail avait été fait pour les cerner.

Notre collègue de La République en marche affirme qu'il s'agissait de contrats d'aide à l'employeur. Disant cela, il ne pense qu'aux employeurs privés – dans votre bouche, d'ailleurs, tous les contrats de travail privés deviennent des aides à l'employeur : il suffit de voir votre politique en la matière. Pourtant, du point de vue des collectivités territoriales et des associations, il en va tout autrement ; on s'inscrit là dans le cadre d'un service public et d'une éthique particulière.

Quant à notre collègue du Mouvement démocrate et apparentés, elle estime que les contrats aidés, ce n'était pas très bien, mais que leur suppression pose problème et qu'il faudra évaluer les parcours emploi compétence. Le problème, c'est qu'il y en a pour deux ans. Or, moi, j'ai un centre associatif de 1 200 adhérents qui risque de fermer ! Si c'est tout que l'on nous propose pour maintenir tant le lien social que la dynamique de l'insertion par l'emploi dans des quartiers qui, depuis vingt ans, sont des quartiers prioritaires, eh bien, croyez-moi, ce n'est pas ainsi que l'on redonnera confiance à la population !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le député, je suis d'accord avec vous sur un point : c'est que les associations et les collectivités territoriales ont été prises de court. Pourquoi ? Parce que je pense qu'elles ignoraient que les contrats aidés du secteur non marchand, dont le nombre était de 300 000 en 2016, avaient été financés, dans la loi de finances pour 2017, à hauteur de 200 000 seulement.

M. Pierre Cordier. Ça, c'est vrai !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. En plus, 80 % des crédits ont été consommés au cours du premier semestre. Lorsque nous sommes arrivés, il ne restait plus que 20 % de l'enveloppe pour tenir jusqu'à la fin de l'année. Nous avons pu obtenir, en catastrophe, une rallonge pour 30 000.

Mme Valérie Rabault. On fait toujours une loi de finances rectificative durant l'année !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Madame Rabault, 80 % des crédits avaient été consommés au cours du premier semestre : ça, c'était inédit.

M. Pierre Cordier. Il faut dire qu'il y avait les élections : on avait ouvert le robinet !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. C'était, en effet, certainement lié aux élections : d'habitude, la consommation n'est pas aussi importante.

Si l'on se place du côté des associations et des collectivités locales, il est donc certain qu'elles ont été prises de court. Nous avons rallongé financièrement comme nous avons pu, mais il y a eu un effet de surprise. Du coup, si l'on est allé au bout de tous les contrats en cours – car, contrairement à ce qui a été dit, aucun n'a été supprimé –, en revanche, les renouvellements ont été moins nombreux et plus exigeants, puisqu'on a visé la qualité.

Je crois qu'aujourd'hui, en 2019, nous nous trouvons dans une situation différente. D'abord, l'enveloppe est la même qu'en 2018. Ensuite, les parcours emploi compétences ont atteint leur vitesse de croisière. On sait qu'ils touchent le bon public et les associations se sont organisées pour faire de l'accompagnement et de la formation. Je pense que la rapidité avec laquelle nous avons dû prendre la décision est pour beaucoup dans les difficultés rencontrées sur le terrain – difficultés que je ne nie pas.

Il existe aujourd'hui une batterie de dispositifs : les parcours emploi compétences, l'insertion par l'activité économique, les écoles de la deuxième chance et les établissements pour l'insertion dans l'emploi, les EPIDE, que nous développons, les entreprises adaptées… Tout cela offre, je crois, une belle palette d'outils. Regardons quand même si l'on ne peut pas alléger certaines formalités et rendre les choses plus faciles ; il y a toujours à simplifier. Regardons aussi si les groupements d'employeurs peuvent permettre à de petites associations, qui, toutes seules, n'y arrivent pas, de proposer un accompagnement efficace. On pourrait ainsi maintenir l'objectif prioritaire des parcours dans l'emploi, tout en aidant les associations à y contribuer.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Mon collègue Yannick Favennec Becot et d'autres l'ont souligné avant moi : la baisse drastique des contrats aidés a touché tout particulièrement le milieu associatif, ainsi que les collectivités territoriales. Les associations comme les collectivités contribuent pourtant au maintien d'un service public nécessaire, voire vital dans certains territoires – je pense tout particulièrement aux communes rurales ou isolées. En effet, il ne s'agit pas seulement du fait que les clubs sportifs et les associations de spectacle vivant ont dû revoir leurs activités à la baisse ; les conséquences de votre décision vont bien plus loin, et menacent des services publics déjà fragilisés.

Vous n'êtes pas sans savoir, madame la ministre, que la baisse, jusqu'en 2018, de la dotation globale de fonctionnement – la DGF –, couplée à la suppression progressive de la taxe d'habitation que vous avez décidée, a eu un impact non négligeable sur les finances locales, notamment dans le monde rural. Cette accumulation de mauvaises nouvelles a rendu la situation intenable pour de nombreux maires, désemparés au point de ne plus savoir comment faire pour maintenir la qualité de leurs services.

En 2017 déjà, j'avais alerté le Gouvernement sur la dangerosité d'une telle mesure. Les contrats aidés sont vitaux. Ils permettent notamment l'emploi de nombreux animateurs périscolaires et agents au service de l'éducation de nos enfants.

Je prendrai pour exemple deux communes de ma circonscription, Casalabriva et Sollacaro, où l'avenir des trois contrats aidés de l'école intercommunale était incertain pour la rentrée 2017-2018, mettant en péril la cantine, le ramassage scolaire et l'aide aux instituteurs, pourtant indispensables à la continuité des services publics.

Mme Sylvia Pinel. Eh oui !

Mme Valérie Rabault. Il a raison !

M. Paul-André Colombani. Malheureusement, la situation n'a pas évolué et la crainte d'une suppression se répète à chaque rentrée scolaire.

La mise en place brutale de votre mesure n'a pas permis aux collectivités de s'adapter efficacement, les rares solutions proposées, à commencer par les parcours emploi compétences, n'étant pas satisfaisantes.

Madame la ministre, d'autres solutions sont-elles envisagées afin de sortir de l'angoisse permanente de la disparition de nos services publics et de permettre aux établissements scolaires d'assurer leur mission ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC et UDI-Agir.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le député, vous posez une question importante : quel est l'avenir des services publics de proximité ? Ce dont vous parlez, ce sont de besoins pérennes. Une des choses qui étaient particulièrement choquantes dans les précédents contrats aidés, c'est que de très grandes villes françaises recrutaient exclusivement des personnes en situation précaire par l'intermédiaire de tels contrats pour faire fonctionner l'intégralité de leurs cantines scolaires. Pour le coup, il s'agissait d'un détournement du dispositif.

En ce qui concerne les communes de plus petite taille, il y a, c'est vrai, un problème – c'est d'ailleurs un sujet qui revient très souvent dans le grand débat. Je voudrais apporter quelques précisions à ce sujet.

D'abord, pour 2019, le Gouvernement maintient la DGF attribuée aux communes, intercommunalités et départements au niveau qui était le sien en 2017 et 2018, soit 27 milliards d'euros. Cet engagement de stabilité financière est inscrit dans la loi de finances et met un terme aux minorations de dotation, celle-ci ayant été réduite de 11 milliards entre 2014 et 2017. Il s'accompagne de la reconduction des aides à l'investissement à un niveau historiquement élevé : 2 milliards d'euros, soit le double de ce qu'il était en 2014.

Cette stabilité des dotations s'entend pour ce qui est de leur montant global. En effet, les attributions pour 2019, qui seront communiquées à la fin du mois de mars, seront amenées à varier par la suite en fonction du profil de richesse et des charges de chaque collectivité, cela afin que la DGF aille à celles qui en ont le plus besoin. Point important, la loi de finances de 2019 a prévu que les dotations de péréquation destinées aux communes les plus défavorisées – dotation de solidarité rurale et dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – continueront d'augmenter et seront abondées de 90 millions d'euros chacune en 2019,…

Mme Valérie Rabault. C'est deux fois moins qu'auparavant : on en était à 180 millions d'euros !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. …soit 180 millions d'euros au total. C'est très important, parce que la question du financement de services publics pérennes à proximité des citoyens dans les zones urbaines défavorisées ou en zone rurale est, je le crois, un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. Ce n'est pas par des contrats aidés précaires qu'il sera résolu, c'est à travers la dotation de financement et la péréquation, si importantes pour ces communes. C'est dans ce sens que nous voulons agir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Josso.

Mme Sandrine Josso. Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur les bénéficiaires ciblés en priorité par les contrats aidés, notamment dans le secteur de l'urgence sociale et sanitaire.

La réforme des emplois aidés que le Gouvernement a engagée à la suite du rapport Borello a souligné la nécessité d'opérer un changement qualitatif dans les contrats aidés. Il est nécessaire d'accroître l'efficacité de ceux-ci, en les ciblant en priorité vers les personnes les plus éloignées du marché du travail et les endroits où ils sont indispensables à la cohésion sociale et territoriale – d'où les parcours emploi compétences. Là est le réel enjeu : permettre aux bénéficiaires de renforcer leurs compétences, de s'assurer un avenir et de s'insérer durablement dans le marché du travail.

Or, dans le cadre de rencontres de terrain avec les acteurs du secteur des services à la personne que j'ai effectuées dans mon département de la Loire-Atlantique, plusieurs responsables et acteurs m'ont fait part de leurs difficultés. Alors qu'elles connaissaient déjà de fortes difficultés financières et de recrutement, la réduction du nombre de contrats aidés a particulièrement affecté certaines structures : établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, associations d'hébergement social et de secours alimentaire, accueil des personnes en situation de handicap. Renforcer l'efficacité des contrats aidés dans ce secteur est primordial ; en termes de solidarité, les enjeux sont immenses.

Madame la ministre, des priorités avaient été attribuées dans l'attribution des contrats aidés, notamment au bénéfice des associations qui oeuvrent dans le secteur de l'urgence sanitaire et sociale. Pourriez-vous nous fournir des précisions sur l'engagement de votre ministère et du Gouvernement en la matière ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Madame la députée, vous posez deux questions : l'une concerne les publics, l'autre le secteur de l'urgence sanitaire et sociale.

S'agissant des publics, ce que l'on constate depuis la mise en oeuvre des parcours emploi compétences, c'est que les demandeurs d'emploi de longue durée représentent sept bénéficiaires sur dix, soit une progression de deux points en quelques mois, les bénéficiaires du RSA 22 % des bénéficiaires, contre 19 % auparavant, les travailleurs handicapés 16 %, contre 14 %, et les résidents des quartiers prioritaires de la ville 13 % – l'objectif, pour 2019, étant d'atteindre au moins 15 %. Quant aux outre-mer, j'ai évoqué leur situation tout à l'heure.

La part des jeunes baisse, ce qui est logique car, pour eux, nous « mettons le paquet » sur la formation – avec les EPIDE ou les écoles de la deuxième chance – et, bien entendu, l'apprentissage, en plein développement, sans oublier les 1 million de formations offertes aux jeunes demandeurs d'emploi. La garantie jeunes se développe aussi. Selon nous, le parcours emploi compétences n'est pas forcément la meilleure formule pour les jeunes : il convient de la réserver prioritairement, sans rigidité, aux bénéficiaires du RSA, aux chômeurs de très longue durée ou aux adultes en situation de handicap.

L'accompagnement progresse puisque, dans 90 % des cas, l'entretien associe le prescripteur, l'employeur et le bénéficiaire, le prescripteur pouvant être Pôle emploi – ce qui est le cas le plus fréquent –, la mission locale ou Cap emploi, et qu'il y a des éléments de sortie. Je l'ai dit, la formation qualifiante progresse aussi de six points. Telle est la transition que nous avons engagée.

Le secteur de l'urgence sanitaire et sociale représente en effet une part importante des contrats aidés pour les associations – grosso modo la moitié d'entre eux. Reste que, dans ce secteur comme dans les autres, les associations se sont affrontées aux mêmes sujets qualitatifs, à commencer par l'accompagnement. De fait, il n'est pas toujours facile de trouver des personnes qui puissent jouer le rôle de tuteur, qui prennent le temps d'expliquer et d'accompagner, ce qui est la condition de l'efficacité. C'est pourquoi je crois beaucoup à la mutualisation : dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, nous encourageons les consortiums associatifs qui oeuvrent à plusieurs pour se répartir la tâche, selon leurs possibilités respectives, entre l'accompagnement et la formation. Une réponse qualitative exige souvent un travail collectif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. L'État, les entreprises et les associations forment un triangle. Si l'un ne va pas, les autres en ressentent assez vite les effets. Si le tissu associatif se délite, c'est tout notre équilibre sociétal qui s'en trouvera bouleversé. Et cette fierté que nous éprouvons envers nos associations tient au fait qu'elles donnent, qu'elles accomplissent et qu'elles réussissent là où l'entreprise ne va pas, là où l'État n'est pas suffisamment présent – et peut-être nous non plus, simples citoyens. Quel serait le coût sociétal si, demain, elles cessaient de rendre ce service ?

Il faudrait calculer ce qu'elles évitent, en termes de santé mentale, dans le domaine des services à la personne ou en matière d'environnement,…

Mme Valérie Rabault. Exactement !

Mme Sandrine Mörch. …et il faut les soutenir. Car, au même titre que l'État et les entreprises, les associations ont besoin de financements et de main-d'oeuvre pour rendre leur véritable service d'intérêt général. En particulier, elles agissent de manière complémentaire avec l'État dans le domaine de la réinsertion sociale par l'emploi.

Je l'ai constaté plus d'une fois, dans le quartier prioritaire du Mirail, à Toulouse, les entreprises sont trop peu présentes. Elles ne viennent pas puiser suffisamment dans le vivier des jeunes diplômés – et même surdiplômés, parfois – qui habitent ces quartiers. Ce sont les associations qui prennent le relais, s'occupent des relations humaines, utilisent leur réseau ou tissent des relations avec les petites entreprises déjà présentes.

Aujourd'hui, les entreprises sont une source considérable de financements et de compétences pour les associations ; mais il y a concurrence, et les associations ne sont pas égales face aux appels à projets. Je pense en particulier aux petites et aux très petites associations, pour qui les emplois aidés sont une aide publique considérable, mais qui ont encore beaucoup de difficultés pour obtenir des financements de la part des entreprises. Elles manquent de visibilité à long terme et n'ont pas envie de tomber dans la mendicité perpétuelle, ce qui est un peu leur sentiment.

Madame la ministre, le plan « une ambition nouvelle au service de la vie associative » prévoit une mesure qui sera engagée dès cette année, afin de valoriser l'engagement des entreprises vis-à-vis des associations. Pouvez-vous nous présenter les actions qui seront menées pour que ce mécénat financier et de compétences irrigue, jusqu'au bout de la chaîne, les petites associations ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. La question est d'importance, puisqu'elle a trait à la chaîne de valeur sociale créée par le continuum entre l'action des entreprises et celle du tissu associatif.

Un certain nombre d'actions ont été prévues. Dans les ordonnances pour le renforcement du dialogue social, nous avons donné une base juridique au mécénat de compétences des entreprises, qui existait parfois mais de façon illégale, puisqu'il était assimilé à du prêt de main-d'oeuvre. Nous soutenons, bien entendu, les entreprises qui s'engagent dans ce mécénat, auquel les incite une déduction fiscale du temps donné. Elles insistent sur le fait que ce mécénat représente un formidable moyen de motivation et de cohésion en leur sein, si bien qu'elles le développent.

Sur le plan financier, une disposition de la loi de finances de 2019 permet aux entreprises de défiscaliser tout don jusqu'à un plafond de 10 000 euros, soit un montant significatif pour les petites associations.

Tout cela, cependant, ne suffit pas. Un travail sera donc engagé avec des représentants d'associations et des représentants d'employeurs, en vue de définir les bonnes pratiques dans les relations entre associations et entreprises. Outre l'évaluation des projets, il faut aussi s'assurer de leur complémentarité pour éviter toute concurrence entre eux, selon qu'ils viennent des associations ou des entreprises. Nous y veillons tout particulièrement dans le cadre de l'expérience « territoires zéro chômeur ». Le besoin social auquel le dispositif répond ne doit pas pénaliser le travail d'un artisan, par exemple, donc un emploi ordinaire. C'est cette finesse du dispositif, essentielle, qui s'évalue sur le terrain.

Enfin, le 17 juillet dernier, le Président de la République a réuni cent grandes entreprises pour leur demander de contribuer à l'inclusion des populations les plus vulnérables. Nous organisons, avec les entrepreneurs, des clubs départementaux, avec un objectif de 10 000 entreprises inclusives. Beaucoup de PME, de TPE et d'ETI sont prêtes à s'engager, et s'engagent déjà dans cette démarche ; mais elles ne peuvent le faire efficacement, disent-elles, sans y oeuvrer de concert avec les associations d'aide aux chômeurs de longue durée, aux réfugiés ou aux handicapés, bref, avec l'ensemble des acteurs de l'accompagnement. De nouveaux types de partenariat viendront ainsi compléter le paysage.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen. Les emplois aidés constituaient une vraie richesse pour les acteurs du territoire. Dans le cadre du grand débat, le Président de la République a reconnu, début février, que beaucoup d'associations et de villes ont souffert de leur suppression, engagée d'ailleurs par son gouvernement, alors même que nous vous avions alertés, à de nombreuses reprises, sur la dangerosité d'une telle décision pour beaucoup d'associations. Il s'est dit ouvert à de nouveaux dispositifs pour remplacer les emplois aidés.

Je tiens à vous sensibiliser sur trois secteurs en particulier, pour lesquels les nouveaux PEC eux-mêmes coûtent trop cher. Le premier est le secteur de la petite enfance, où de nombreuses associations et structures d'accueil ne pouvaient maintenir une activité à la hauteur de la demande à laquelle elles font face que grâce aux contrats aidés. De nombreux exemples dans les Vosges, comme la Farandole à Saint-Maurice-sur-Moselle, l'association « rayon de soleil » à La Bresse ou « sucre d'orge » à Pouxeux, témoignent de la difficulté dans laquelle la suppression des contrats aidés les plonge, car elles n'ont pas les moyens de créer des postes standards – ni même, je le répète, des PEC – pour maintenir la qualité de leurs services. Le personnel ne sera tout simplement pas remplacé, et les familles de la région ne pourront plus bénéficier d'un service reconnu d'utilité publique.

De plus, en matière d'accès à la culture et de valorisation du patrimoine régional, le Musée du textile à Ventron ou le Musée des mille et une racines à Cornimont, par exemple, ne peuvent fonctionner sans les contrats aidés. Ces contrats soutenaient aussi le fort engagement bénévole dans les associations sportives. Que proposez-vous donc à ces acteurs incontournables du tissu de solidarité au niveau local ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Personne, je le répète, ne nie les besoins sociaux – au sens large, y compris culturels et sportifs, donc – auxquels répondent les associations sur le terrain. Mais, comme je l'ai expliqué, dans beaucoup de cas, les associations ne pouvaient fonctionner sans un contrat aidé, qui n'était pas lui-même une réponse efficace pour le demandeur d'emploi, car il ne lui permettait pas, justement, d'accéder à un emploi. Les contrats aidés n'ont pas vocation à aider les associations ou les collectivités au détriment des demandeurs d'emploi.

Il y a donc deux sujets. Le premier est de savoir comment aider les demandeurs d'emploi les plus vulnérables, les plus éloignés du marché du travail, à accéder à l'emploi ; le second est de trouver les moyens d'aider, sur des besoins permanents – comme le sont ceux que vous avez mentionnés –, le milieu associatif à monter en gamme et à fonctionner efficacement.

Nous sommes dans une année de transition ; une transition que tout le monde n'a pas encore totalement appréhendée mais qui, je crois, changera beaucoup de choses. Ce sont 1,4 milliard d'euros, je le rappelle, qui arrivent dans les associations. La plupart d'entre elles n'étant pas assujetties à l'impôt sur les sociétés, elles n'étaient pas non plus concernées par le CICE ; à présent, elles peuvent bénéficier d'une baisse de charges. Celle-ci leur permettra, sur des emplois permanents – par exemple dans une crèche –, une économie très significative sur le coût du travail, qu'elles pourront répercuter soit en créant de nouveaux emplois permanents, soit en signant plus de contrats aidés – dans le cadre du parcours emploi compétences –, mais en les accompagnant.

Avec cette baisse des charges, nous avons donc les outils, mais la question est désormais d'accompagner le tissu associatif. Le sens de notre action, celle du secrétaire d'État à la jeunesse et à la vie associative, est précisément de permettre au tissu associatif de bénéficier de ces nouvelles opportunités, afin de raisonner plutôt en termes d'emplois permanents. Toutes les aides seront alors réunies, le plan d'investissement compétences donnant les moyens de former tous les demandeurs d'emploi, partant de leur donner accès à ces emplois permanents. Nous avons signé avec Jean Rottner, dans le Grand Est, un plan ambitieux qui peut intégrer ces outils. Notre but, je le répète, est que les besoins permanents, dans les associations et les collectivités locales, soient pourvus par des emplois qui le sont aussi.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Les chiffres parlent : entre 2016 et 2017, sous l'impulsion du gouvernement précédent, la baisse des emplois aidés a été de 100 000 dans le secteur non marchand ; et contrairement à ce qui a été dit, pour amortir le choc, l'actuel gouvernement, en 2017, a pris ses responsabilités en décidant une rallonge budgétaire qui a permis de créer 30 000 emplois aidés de plus que ce qu'avait prévu la majorité précédente.

Si l'on pouvait se satisfaire, dans une économie qui ne créait pas d'emplois, d'un dispositif dans lequel trois jeunes sur quatre ne trouvaient pas d'emploi stable, on est logiquement conduit à l'améliorer dans une économie qui recrée de l'activité. Si les associations en ont souffert, les emplois aidés eux-mêmes ont causé de vraies déceptions chez les jeunes en recherche d'une première expérience professionnelle motivante. J'ai ainsi reçu de nombreux témoignages de jeunes qui ont été choqués par un emploi aidé cauchemardesque, et qui ont eu, à travers lui, une première expérience du monde du travail tellement décevante qu'ils redoutent désormais d'y entrer.

Les parcours emploi compétences ont remplacé les anciens contrats aidés dans le secteur non marchand. C'est là une nouvelle formule intéressante pour les personnes éloignées de l'emploi, puisqu'elle inverse la logique : c'est désormais le parcours professionnel des bénéficiaires qui importe, et non plus les besoins de l'employeur.

Le Gouvernement a engagé, Mme la ministre vient de le dire, une réforme volontariste vis-à-vis des associations, qui, c'est vrai, ont été pénalisées par le changement de dispositif. Dans le cadre du grand débat national, le chef de l'État s'est toutefois déclaré prêt à envisager des emplois francs associatifs, notamment à travers un grand plan pour les petites associations. Afin de redynamiser le tissu associatif, il est envisagé un dispositif d'aide aux associations qui recrutent des résidents des quartiers défavorisés, ou l'octroi de subventions pluriannuelles.

Où en est-on de ce grand plan pour les associations ? Que peut-on faire de plus pour le tissu associatif, qui, je le répète, a souffert du changement de dispositif ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Comme vous, monsieur le député, j'ai reçu des témoignages inquiétants et attristants. En 2017, je me souviens ainsi avoir entendu des personnes en contrat aidé, notamment au sein de cantines scolaires dans des  grandes villes, me dire qu'elles seraient embauchées si elles donnaient satisfaction dans leur travail. Mais non : le système était programmé pour opérer une rotation tous les huit mois, il faut dire les choses telles qu'elles sont. D'autres contrats aidés étaient de très bonne qualité, certes, mais le système était très inégalitaire.

Les emplois francs constituent un autre outil, en plus des parcours emploi compétences. Dans quelques jours, nous publierons un décret visant à étendre les zones d'expérimentation de ces emplois : 25 000 sont programmés en 2019, contre 5 000 en 2018. Pour l'heure, 13 % d'entre eux concernent le secteur associatif – puisque le dispositif est ouvert aux secteurs marchand et non marchand. Cela nous laisse donc une certaine marge d'action. Il est d'ailleurs intéressant de noter que les premiers emplois francs sont, pour 80 % d'entre eux, des CDI, alors que les bénéficiaires sont des habitants de quartiers prioritaires de la ville, qui n'avaient pas accès à l'emploi.

Le dispositif suggère donc aux employeurs, privés comme publics, de faire confiance aux jeunes concernés et de surmonter les préjugés : ce n'est pas parce que l'on porte tel nom ou que l'on habite dans tel quartier que l'on n'a pas beaucoup à apporter par son travail. Notre pays recèle beaucoup de talents cachés, empêchés. Nous allons donc réfléchir aux moyens d'aider le secteur associatif à embrayer sur le dispositif des emplois francs, qui participe lui aussi de la réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Ludovic Pajot.

M. Ludovic Pajot. À l'été 2017, quelques semaines seulement après la nomination du Gouvernement, Emmanuel Macron mettait en oeuvre sa politique antisociale. Reprenant un argument libéral éculé, le Gouvernement annonçait la suppression de près de la moitié des contrats aidés, jugés trop coûteux et inefficaces pour faire baisser le chômage. Sans la moindre concertation avec les élus locaux, sans débat parlementaire, le nouveau monde diffusait avec brutalité et mépris le parfum de ce quinquennat.

Sans être la panacée, ces contrats contribuaient à remplir des missions de service public essentielles, dans un contexte de baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales. Ils étaient bien souvent des bouées de sauvetage pour maintenir à flot l'intérêt général et la proximité dans nos territoires oubliés. Du jour au lendemain, des petites communes ont ainsi perdu des assistants administratifs, des assistants de vie scolaire, des agents de cantine ou de bibliothèque. En dégradant l'accès à l'éducation, au sport et à la culture, particulièrement dans les zones rurales – je pourrais vous citer des exemples dans ma circonscription –, votre Gouvernement a creusé la fracture territoriale et renforcé les inégalités sociales et géographiques.

Devenu le spécialiste du mea-culpa de façade, Emmanuel Macron a reconnu, lors d'un grand débat, que la réduction drastique des emplois aidés, décidée par son gouvernement, avait posé « un vrai problème pour beaucoup d'associations et de villes », tempérant néanmoins son propos en affirmant que la philosophie de cette mesure était bonne.

Madame la ministre, alors que votre Gouvernement est en train de supprimer les trois quarts de ces contrats, qui sont passés de 320 000 en 2017 à 130 000 en 2019 avec les parcours emploi compétences, que prévoyez-vous pour répondre aux appels à l'aide des collectivités et des associations, qui assurent des missions de service public que l'État ne remplit plus ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je ne peux pas vous laisser dire que la réduction drastique des contrats aidés est le seul fait de notre gouvernement. Je répète que, dans le secteur non marchand, le nombre de ces contrats est passé de 300 000 à 200 000 entre 2016 et 2017, période à laquelle nous n'étions pas au pouvoir.

Il n'y aurait pas eu de débat parlementaire, avez-vous dit. Si, et il a eu pour cadre la discussion des lois de finances, initiale et rectificative : tout le monde n'est peut-être pas d'accord, mais tout le monde débat. Ce genre de question ne se tranche pas en dehors du Parlement.

Sur les associations, j'espère avoir répondu sous plusieurs angles. Les parcours emploi compétences ont maintenant atteint leur vitesse de croisière ; il en ressort qu'il faut continuer d'aider les associations à se regrouper pour qu'elles puissent offrir de la formation et de l'accompagnement. Nous finançons également de la formation dans le Plan d'investissement dans les compétences, car elle constitue un complément nécessaire. Mais pour ce qui est de l'accompagnement, les associations doivent pouvoir travailler ensemble, l'une proposant un travail quand une autre se trouve plus à même d'offrir un accompagnement. En tout cas, nous privilégierons toujours l'intérêt du demandeur d'emploi le plus éloigné du marché du travail : c'est notre priorité.

S'agissant de la vie associative, d'autres outils peuvent être développés, tels les emplois francs. Dans le cadre de l'insertion par l'activité économique, également, collectivités locales et associations peuvent monter des projets ensemble. Les financements sont prévus pour quatre ans, ce qui permettra d'augmenter les compétences, meilleure voie pour le retour à l'emploi des plus vulnérables. Il faut emprunter ce chemin et construire ensemble.

Enfin, comme je le disais, nous débattrons de l'avenir des associations, notamment en zone rurale, dans les semaines qui viennent, afin de trouver les meilleurs moyens d'aider le tissu associatif à monter en puissance. Notre pays en a bien besoin : sur ce point, nous sommes tous d'accord.

Mme la présidente. Le débat est clos.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 mars 2019