Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être ce matin sur LCI. On va parler de ces maires que vous recevez à déjeuner, c'est important, c'est un enjeu démocratique, ils sont agressés, mais voilà, un peu avant 1h00 du matin, cette nuit, est tombée une information importante pour la majorité, Richard FERRAND, le président de l'Assemblée nationale, est mis en examen pour prise illégale d'intérêts dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne. Sébastien LECORNU, une question est sur toutes les lèvres ce matin : est-ce qu'il peut rester président de l'Assemblée nationale ?
SEBASTIEN LECORNU
Pour moi oui. Je ne le dis pas parce que j'ai de l'amitié pour lui et que j'ai remarquablement bien travaillé, et je continue de travailler avec lui en tant que ministre, mais pour une raison qui me tient vraiment à coeur, c'est la séparation des pouvoirs. Une autorité judiciaire donne une décision de justice, qui n'en n'est pas complètement une, c'est un acte de procédure, la mise en examen, il n'appartient pas au membre du gouvernement, membre du pouvoir exécutif, sur une matinale, de dire ce que le président de l'Assemblée, membre d'un troisième pouvoir, doit faire, ou alors on massacre Montesquieu et l'Habeas corpus sur LCI dès le matin, et on met de côté ce qui fait notre Etat de droit, c'est-à-dire la séparation des pouvoirs. Des responsables aujourd'hui, éminents et importants, au sein de l'Assemblée nationale, peuvent connaître eux aussi des procédures judiciaires en cours, regardez Eric WOERTH, qui fait par ailleurs du très bon travail en tant que président de la commission des Finances, en tant que membre des Républicains, en tant que membre de l'opposition, il est également mis en examen. Donc, c'est quelque chose qui regarde avant tout les députés, moi en tant que citoyen je pense, et je considère - et non pas en tant que ministre, je vais attention à cela – qu'il peut rester président de l'Assemblée nationale. La règle d'ailleurs, sur les ministres, juste pour être complet là-dessus…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, parce qu'on peut aussi vous l'opposer comme argument.
SEBASTIEN LECORNU
Exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors pourquoi ça ne s'applique pas pour les ministres ?
SEBASTIEN LECORNU
Je pense qu'il faut peut-être expliquer elle existait depuis Edouard BALLADUR, deux raisons. La première, avoir du temps pour se défendre, on pourrait d'ailleurs dire que cela s'applique aussi aux parlementaires, mais la deuxième raison est beaucoup plus historique et importante, c'est que le garde des Sceaux avait autorité sur les Parquets à l'époque, et d'ailleurs pouvait même donner des instructions individuelles, et donc c'était pour le moins curieux que des ministres puissent rester à la table du Conseil des ministres avec le garde des Sceaux qui pouvait donner des instructions sur le sujet. Le président de l'Assemblée nationale n'est pas dans la même situation, donc il n'est obligé…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous faites le distinguo. J'entends ce que vous dites, et ce sera sans doute le mot d'ordre donné, en tout cas le principe qui sera effectivement développé par les membres du gouvernement aujourd'hui, jusqu'à ce que Edouard PHILIPPE lui-même réponde à la question sur TF1 ce soir avec Gilles BOULEAU, mais vous posez un principe…
SEBASTIEN LECORNU
Qui n'est pas député, qui n'est pas membre du Parlement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous posez un principe, il y en a d'autres, un principe peut être percuté par d'autres, notamment un principe, ou en tout cas une exigence de l'opinion. Aujourd'hui, vous la connaissez, vous la pratiquez normalement, l'exemplarité, l'éthique, la promesse présidentielle de renouveler les pratiques politiques, on n'en pas compte dans cette affaire ?
SEBASTIEN LECORNU
Si. Mais regardez bien d'ailleurs, les pratiques ont évolué. Il y a 30 ans un membre du gouvernement, pour démissionner, sous les septennats de POMPIDOU ou de GISCARD d'ESTAING, devait être condamné en dernière instance pour démissionner, depuis, ensuite quelques années, les septennats de François MITTERRAND et de Jacques CHIRAC, il fallait être condamné en première instance. Jurisprudence BALLADUR, on n'attend même pas d'être condamné, on est mis en examen, ça veut dire derrière qu'on peut être acquitté ou faire l'objet d'un classement sans suite. Et puis on s'aperçoit avec l'affaire RUGY, parce qu'il faut quand même dire les choses, qu'il n'y a même pas le temps parfois qu'une action juridique ou judiciaire démarre, pour que le tribunal médiatique se mette en route et qu'on pousse quelqu'un à la démission comme ça a été le cas pour François de RUGY.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, Sébastien LECORNU, on peut avoir ce débat sur ce point, mais pardon, est-ce qu'on peut rappeler simplement que quand on est mis en examen, on n'est plus tout à fait innocent, s'il était totalement innocenté, pardon, il ne serait pas mis en examen. Le mise en examen ça traduit quoi ? Ça…
SEBASTIEN LECORNU
Indices graves et concordants.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, dans l'esprit des juges, un doute, et donc il y a un doute. Est-ce que compte tenu de ce doute…
SEBASTIEN LECORNU
Faut-il démettre le quatrième personnage de l'Etat sur un doute ? Je pense que pour nos institutions, pour notre démocratie, je pense que non.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le président de l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale elle dicte les lois, elle dicte les règles pour tous les citoyens, est-ce qu'on peut, quand il y a un doute judiciaire sur une personne aussi importante que celui qui préside l'Assemblée, est-ce qu'on peut rester de marbre et dire… ?
SEBASTIEN LECORNU
Je pense qu'il est de mon devoir, en tant que ministre, en tant que citoyen, de redire à nos concitoyens qui nous écoutent, que la justice fonctionne sur deux principes, des magistrats qui sont chargés de poursuivre et d'instruire, et des magistrats qui seront chargés…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes à l'aise avec ça, vous êtes à l'aise… franchement ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui, parce que sinon c'est le début de tous les procès en intention sur le seul fondement de doutes. Je rappelle que le même Richard FERRAND a fait l'objet de plusieurs classements sans suite, le même Richard FERRAND a fait l'objet justement de décisions de justice qui lui étaient favorables. Aujourd'hui, cette nuit en tout cas, une décision de justice lui apparaît comme étant moins favorable, sur la base d'indices graves et concordants, ça c'est le Code de procédure pénale qui le dit, ce n'est pas Sébastien LECORNU, et donc, je suis désolé, sur un doute on ne demande pas à un responsable institutionnel aussi important de partir. Moi je comprends les attentes de nos concitoyens sur ces sujets, d'ailleurs moi-même j'ai pu être élu, dans ma commune de Vernon, sur ces bases-là, avec une nouvelle manière de faire de la politique, mais une fois de plus, même Jérôme SAVONAROLE, du XVe siècle, a fini brûlé pour trahison, à Florence. Donc, je pense que là-dessus…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous poussez un peu fort la comparaison, mais écoutez ce que dit…
SEBASTIEN LECORNU
Je pousse peut-être un peu fort, mais ce que je veux dire par-là c'est qu'il faut savoir s'arrêter aussi à temps, pour ne pas tomber dans un bashing qui serait détestable pour la démocratie.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà ce que disait Philippe GOSSELIN, vous le connaissez, c'est un parlementaire LR…
SEBASTIEN LECORNU
De la Manche.
ELIZABETH MARTICHOUX
A l'Assemblée, il répondait à une question à l'hypothèse – c'était hier soir avant que ça tombe – l'hypothèse d'une mise en examen, écoutez-le.
PHILIPPE GOSSELIN, DEPUTE LR DE LA MANCHE
Culpabilité ou pas, il est vrai que pour un président d'une institution comme la nôtre, pouvoir continuer à diriger, présider sereinement, et l'institution, diriger les débats etc., ça serait sans doute compliqué et on serait dans une situation politique un peu inédite.
ELIZABETH MARTICHOUX
Sans doute compliqué ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais, enfin, je connais bien Philippe GOSSELIN, il n'avait pas du tout les mêmes propos lorsque Eric WOERTH, membre de son groupe, a été mis en examen, et je ne serais pas provoquant en rappelant que j'ai quitté la campagne de François FILLON parce que précisément il a été mis en examen.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'était pas quatrième personnage de l'Etat, on peut aussi vous dire ça, Eric WOERTH.
SEBASTIEN LECORNU
Non mais, et François FILLON était candidat à la fonction suprême, bon ! J'ai quitté sa campagne parce que précisément, non pas il avait été mis en examen, mais parce qu'il avait dit que s'il était mis en examen il se retirerait, donc il avait manqué à sa parole.
ELIZABETH MARTICHOUX
Non.
SEBASTIEN LECORNU
Si.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais qu'il ne l'a pas fait après, oui.
SEBASTIEN LECORNU
Et en plus devant moi en tant que directeur adjoint de sa campagne.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes parti parce qu'il ne l'a pas fait.
SEBASTIEN LECORNU
Exactement. Donc, j'entends les leçons de Philippe GOSSELIN, j'eusse aimé qu'il ait la même attitude que nous, avec Edouard PHILIPPE et quelques autres, Gérald DARMANIN ou Thierry SOLERE, à cette époque.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites quoi aux députés de l'opposition, n'allez pas sur ce terrain-là ?
SEBASTIEN LECORNU
Attention, il y a une période dans laquelle le bashing contre les élus, on va en parler dans un instant, quels qu'ils soient, du président de l'Assemblée nationale jusqu'aux maires, est rapide. Donc, personne n'est au-dessous des lois, personne n'est en-dessous des lois, Richard FERRAND est un citoyen comme les autres, et moi je prendrai la décision de justice qui sera rendue pour lui, qu'elle soit favorable ou défavorable, comme elle vient, parce que c'est ça respecter nos institutions.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors deux questions, parce qu'on va aller vite sur le sujet aussi, sur lequel je vous avais initialement invité. Est-ce que c'est sonner l'hallali contre un homme de dire que c'est embarrassant quand même pour la majorité et c'est embarrassant pour Emmanuel MACRON, vous pouvez l'admettre ?
SEBASTIEN LECORNU
L'embarras est un sentiment et un commentaire, votre question est très directe, c'était est-ce qu'il doit démissionner ? Je vous réponds que non, il ne doit pas démissionner. Est-ce que Richard FERRAND lui-même…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour le reste, politiquement c'est embarrassant.
SEBASTIEN LECORNU
Est-ce que Richard FERRAND lui-même se serait passé de cette mise en examen ? La réponse est oui, c'est une évidence.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il doit prendre ses responsabilités lui-même ?
SEBASTIEN LECORNU
Je crois qu'il les a prises en annonçant qu'il souhaitait rester en poste, parce que sur la base d'un doute, et lui seul d'ailleurs sait dans son coeur, et dans son esprit aussi, ce qu'il a fait, il dit, il nous dit, à vous comme journaliste, à moi comme ministre, et à tous nos concitoyens, il dit qu'il est innocent, il plaide son innocence, il faut l'entendre.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et comment ça va se passer aux questions d'actualité, dans l'hémicycle quand il présidera une séance, avec cette mise en examen, face à un ensemble de 500 et quelques, plus, de députés ?
SEBASTIEN LECORNU
C'est la démocratie, ça se régulera. Une fois de plus la parole est libre, et donc chaque parlementaire prendra la parole…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est tenable ?
SEBASTIEN LECORNU
Je pense que c'est tenable dans un Etat de droit, ou alors, je vous dis, tout vole en éclats, mais il faut que nos concitoyens qui nous regardent, dans leur vie de tous les jours, en tant que chefs d'entreprise, en tant que commerçants, en tant que salariés, en tant que responsables associatif, se disent alors qu'un jour aussi, sur la base uniquement de rumeurs, et puis ensuite d'enquête préliminaire, puis ensuite d'indices graves et concordants conduisant à une mise en examen, tout peut s'arrêter pour eux du jour au lendemain. Non. L'institution judiciaire, heureusement, distingue la présomption d'innocence et la culpabilité ensuite, et le droit de faire appel…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, c'est une mauvaise nouvelle pour la majorité…
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais je sais que c'est ringard de défendre l'Etat de droit…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, non, ce n'est pas ça, mais…
SEBASTIEN LECORNU
J'en suis un militant malgré tout.
ELIZABETH MARTICHOUX
Politiquement c'est une mauvaise nouvelle.
SEBASTIEN LECORNU
Politiquement ce n'est pas une bonne nouvelle, c'est clair. Mais une fois de plus, je le redis, moi ce qui compte dans cette affaire-là, au-delà de la personne de Richard FERRAND, que vraiment j'aime beaucoup, je trouve vraiment que c'est un bon président de l'Assemblée nationale, et moi je lui suis reconnaissant de la manière dont il a traité un certain nombre de dossiers qui concerne justement les maires, néanmoins, au-delà de sa personne, on parle aussi de nos institutions, il est président de l'Assemblée nationale.
ELIZABETH MARTICHOUX
Sébastien LECORNU, on verra comment cette affaire irrigue le débat public et les décisions qui peuvent être prises, en particulier du côté de l'Elysée éventuellement. Vous recevez 10 maires, ou adjoints, à midi, des maires secoués par des agressions dans le cadre de leur mandat, on va tout de suite écouter Philippe BAUDRIN qui est maire de Maing, et qui témoignait de l'agression qu'il a subie, je crois que c'est un de ceux que vous verrez tout à l'heure.
PHILIPPE BAUDRIN, MAIRE (SE) DE MAING (NORD)
Il m'a envoyé un pain dans la figure immédiatement, j'ai recommencé, c'était une femme qui m'est arrivée dans le dos en me sautant par derrière, en me mettant une méchante gifle, je l'ai retiré, là il a brandi sa tronçonneuse comme une arme, donc c'est quand même grave. On doit respecter le bien d'autrui, je suis désolé, et on ne peut pas permettre de telles choses.
ELIZABETH MARTICHOUX
361 maires agressés en 2018, on n'a pas encore les chiffres de 2019, qu'est-ce que vous faites aujourd'hui, de la câlinothérapie ?
SEBASTIEN LECORNU
Non, non, non. 361 agressions, on a globalement 40 % d'agressions physiques, comme le maire que nous venons d'entendre, 60% d'agressions dites verbales, injures, menaces, et en plus il y a tout le flux évidemment sur les réseaux sociaux, parce que, évidemment, beaucoup sont tellement courageux qu'ils préfèrent insulter leur maire de manière anonyme sur les réseaux sociaux. Non, ce n'est pas de la câlinothérapie, c'est deux choses. La première, déjà, c'est de leur dire qu'ils ne sont pas seuls, enfin pardon, mais ça serait quand même le monde à l'envers que le gouvernement ne soit pas aux côtés de celles et ceux qui incarnent l'Etat dans leur commune, et en plus sont victimes, ça je pense que c'est du bon sens, et puis j'ai été maire, donc je le fais avec une forme aussi d'amitié, je dois bien le dire, voire même de fraternité. La deuxième chose c'est que je souhaite bien sûr que nous adaptons notre droit et notre dispositif à ce qu'ils ont réellement connu, j'ai commencé à le faire d'ailleurs pendant l'été suite à l'agression terrible qui a conduit à la mort du maire de Signes, et donc de regarder de près avec eux ce midi, lors de ce déjeuner de travail, comment ça s'est passé. Je donne un exemple très précis et très concret pour celles et ceux qui nous regardent. La plupart des maires, lorsqu'ils sont agressés, se retrouvent seuls sur le terrain juridique, on a même des situations où un maire, ce midi (sic), s'est retrouvé à la barre du tribunal en tant que victime, sans avocat, alors que son agresseur, lui, avait un avocat, donc l'accompagnement juridique fait partie des mesures que nous allons prendre pour ne pas laisser les maires seuls, la solidarité nationale…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire quoi, ça veut dire que l'Etat paiera les frais d'avocat…
SEBASTIEN LECORNU
Pour les communes rurales.
ELIZABETH MARTICHOUX
Systématiquement pour les petites communes, qui sont la majorité des communes.
SEBASTIEN LECORNU
Communes de moins de 3500 habitants, on va obliger l'assurance de protection juridique, et cette assurance sera payée par l'Etat, ça veut dire qu'il arrivera n'importe quoi à un maire, il pourra justement avoir cette couverture…
ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est l'Etat qui paiera, ce n'est pas la commune ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et ce sera systématique.
SEBASTIEN LECORNU
Pour une raison, là aussi assez simple, déjà ils le méritent, ça c'est la première raison, et la deuxième raison c'est que les maires, bien souvent, agissent comme agents de l'Etat. Quand un maire se fait agresser, bien souvent c'est parce que…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est dans le cadre de son mandat.
SEBASTIEN LECORNU
Ses pouvoirs de police, mais pas en tant forcément de patron de sa collectivité, mais réellement parce qu'il fait exécuter des décisions de police du maire, et donc c'est normal de l'accompagner. Deuxième chose, le soutien psychologique…
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ça c'est bien…
SEBASTIEN LECORNU
Pardon, parce qu'il a pu être rallié par quelques opposants. Voyez, le maire de Saubens, en Haute-Garonne, il dit « moi, avec les gendarmes, tout s'est très bien passé, en revanche au lendemain de mon agression j'étais tout seul. » Moi j'ai présidé le SDIS, le service départemental d'incendie et de secours de l'Eure, lorsque je présidais ce département, on a mis plein de choses en place ces dernières années, pour les policiers, pour les gendarmes, pour les pompiers, pour les conducteurs de bus qui ont été agressés, il n'y a pas de raison qu'on fasse moins pour les maires.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et ça va se traduire comment ce suivi psychologique ?
SEBASTIEN LECORNU
Je suis une victime, quelle qu'elle soit, agression verbale, agression physique, j'ai besoin de parler, j'ai besoin d'être accompagné, comme on le ferait pour beaucoup de personnes qui sont dépositaires de l'autorité publique, là aussi c'est l'Etat qui va mettre en oeuvre cette couverture-là.
ELIZABETH MARTICHOUX
Question, qui peut vous paraître un peu rustique, mais après tout, il y a la prévention aussi. On ne peut pas leur donner des gardes-du-corps…
SEBASTIEN LECORNU
Non.
ELIZABETH MARTICHOUX
Quand ils les réclament ? S'il se dit j'ai été agressé deux, trois fois, maintenant j'ai besoin d'une sécurité, comme d'autres personnes menacées, qui sont dépositaires de l'autorité de l'Etat le sont, non ?
SEBASTIEN LECORNU
Je pense qu'il y a trois choses. Si vous voulez, il y a l'accompagnement, tel que je viens de le décrire, mais c'est quand il est déjà trop tard, et après effectivement il y a plusieurs outils pour avancer. Je rappelle quand même, pour ne pas non plus se méprendre, que la réponse judiciaire et la réponse pénale, pour le coup, doit être implacable à chaque fois pour les agresseurs.
ELIZABETH MARTICHOUX
Elle ne l'est pas suffisamment disent les maires, il faut une réponse pénale plus importante, la plupart du temps les procureurs classent sans suite beaucoup de plaintes.
SEBASTIEN LECORNU
Alors non, justement, là pour le coup un chiffre pour l'illustrer. 95 % des agressions sur les maires font l'objet d'une réponse pénale.
ELIZABETH MARTICHOUX
Quand ce sont des agressions physiques, oui.
SEBASTIEN LECORNU
Ce que les maires disent c'est que les peines, bien souvent, ne leur apparaissent pas comme étant suffisamment graves. Et donc là, deuxième chose, lorsque les peines ne sont pas suffisamment graves, systématiquement le Parquet faire appel, là aussi on revient à l'Etat de droit dont je parlais tout à l'heure dans un autre sujet. Donc, pour le coup, là-dessus la réponse est ferme, il faut le dire, je ne veux pas non plus donner l'impression qu'elle sera plus ferme pour les maires que pour n'importe quel autre citoyen victime, mais il se retrouve que les maires sont dépositaires de l'autorité publique et donc il y a des aggravations de peine pour les maires. Après, vous avez raison, comment on prévient, il faut que je vous réponde…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, il y a François BAROIN cet été, dans le Journal du Dimanche, président de l'AMF, qui disait il faut donner des pouvoirs de police administrative plus importants aux maires pour que eux-mêmes puissent agir plus directement sur…
SEBASTIEN LECORNU
Il a raison.
ELIZABETH MARTICHOUX
Lorsqu'ils constatent une infraction, par exemple une invasion de terrain de façon illicite, il faut qu'ils puissent eux-mêmes prescrire une amende, par exemple.
SEBASTIEN LECORNU
Il a complètement raison…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le faites ou pas dans votre loi ?
SEBASTIEN LECORNU
On va le mettre dans le projet de loi, on a d'ailleurs présenté cela au Conseil des ministres hier matin, c'est la première fois d'ailleurs qu'un gouvernement et un projet de loi va le faire, en clair, on prend des pouvoirs qui pouvaient jadis être aux préfets, justement, et on les fait descendre au niveau du maire, ou on prend des sanctions qui étaient de nature judiciaire, et on les met dans le champ administratif. En clair, ça permet quoi concrètement pour les maires ? Un, de faire effectivement valoir leur autorité sur les décisions de police qu'ils ont pu prendre – vous savez, c'est le concitoyen qui n'élague pas sa haie, qui crée des problèmes de sécurité sur la voirie, on va le voir une fois, on va le voir deux fois, on va le voir trois fois, il n'obtempère pas, là le maire pourra aller sanctionner avec une amende administrative qui peut aller jusqu'à 500 euros. L'intérêt pratique de ça, Elizabeth MARTICHOUX, c'est souvent les maires sont des gens courageux physiquement, donc ils vont au contact et si vous regardez bien, toutes les agressions, bien souvent ne sont pas des agressions du maire derrière son bureau qui viendrait se faire agresser…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui qui sont en extérieur.
SEBASTIEN LECORNU
C'est le maire sur le terrain comme vous venez de le décrire très justement pour les invasions illicites de certains terrains. Eh bien ces outils d'amendes administratives permettent, non pas d'éviter le contact, les maires iront toujours au contact, mais ne pas le rendre forcement systématique avec des procédures qui peuvent être faites davantage à distance, c'est concret, c'est pragmatique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Question importante aussi, pragmatique, la question des indemnités, en quelques mots, on ne va pas aller dans le détail, mais il faut rendre ce métier entre guillemets, cette responsabilité plus attractive. Qu'est-ce que vous faites en termes d'indemnités pour les petits maires par exemple, rapidement ?
SEBASTIEN LECORNU
Pour commencer déjà par-là, en deux mots, personne ne s'engage pour les indemnités, je pense qu'il faut le dire, donc celles et ceux qui pensent que la place est bonne peuvent être candidat aux élections en mars prochain.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas pour gagner de l'argent et s'enrichir ?
SEBASTIEN LECORNU
Ce n'est pas pour gagner de l'argent et s'enrichir, mais c'est bien de le dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
Par son indemnité.
SEBASTIEN LECORNU
C'est bien de le dire parce que voilà. Deuxième chose, moi je veux une mesure plein de bon sens dans les communes rurales, les effets de seuil sont terribles. Un maire d'une commune de 480 habitants pour donner des chiffres un peu concrets, il peut avoir jusqu'à 600 euros par mois, ce n'est pas énorme et un maire d'une commune de 510 habitants, vous voyez juste au-dessus du seuil qui a à peu près la même vie quotidienne en tant que maire que son collègue, il peut aller jusqu'à 1200 au maximum.
ELIZABETH MARTICHOUX
Du simple au double.
SEBASTIEN LECORNU
Tout ça n'est pas très, très sérieux aujourd'hui en 2019, donc on va faire un seuil unique entre 0 et 3500 habitants, dans lequel les conseils municipaux en début de mandat, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, pourront moduler l'indemnité. Alors moduler en fonction évidemment des finances de la commune, l'Etat ne le compense pas pour une raison simple, on est dans un pays décentralisé, si l'Etat commence à compenser ce genre de choses, on n'est pas sorti de l'auberge. Et puis on pourra s'adapter, quand un maire est à la retraite, ce n'est peut-être pas la même situation que lorsqu'un maire a fait le choix de passer à temps partiel, ce ne sera peut-être pas la même chose que s'il a beaucoup de revenus à côté ou s'il n'en a pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera modulable et c'est le conseil municipal qui votera.
SEBASTIEN LECORNU
Intelligence locale, confiance locale.
ELIZABETH MARTICHOUX
De 0 à 1600 euros, jusqu'à…
SEBASTIEN LECORNU
Jusqu'au seuil de 3500…
ELIZABETH MARTICHOUX
Jusqu'à 3500 habitants, on verra si par amendement les sénateurs par exemple, qui voulaient aussi modifier les indemnités des autres maires mieux payés, on verra dans le débat comment ça se passe.
SEBASTIEN LECORNU
A titre personnel, je souhaite qu'on se concentre néanmoins sur les maires des communes rurales qui représentent globalement l'essentiel des communes de ce pays.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le débat, votre projet de loi arrive au Sénat d'abord, il sera ensuite voté à l'Assemblée, entre-temps il y aura eu l'association, le congrès de l'Association des maires de France, est-ce que Emmanuel MACRON va l'inaugurer ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui, il y sera.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il y sera au rendez-vous cette année, à quelques mois des municipales.
SEBASTIEN LECORNU
Oui et le Premier ministre se rendra dans la plupart des autres congrès d'associations d'élus, notamment les régions de France ou les départements de France.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous serez candidat aux municipales ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
A Vernon ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
En quelle position ?
SEBASTIEN LECORNU
Je n'ai pas encore tranché, décidé, mon successeur François OUZILLEAU fait du très, très bon travail à la tête de la mairie de Vernon, moi je suis resté le chef de l'équipe municipale, l'animateur politique de cette majorité municipale, donc je serai de nouveau candidat en 1 ou en 3 sur la liste, je le dirai aux Vernonnais au mois de février.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous envisagez, pardon, Sébastien LECORNU, vous êtes un jeune élu, est-ce que vous envisagez d'être tête de liste pour emmener vos concitoyens derrière vous comme vous l'espérez et ensuite pour rester ministre et passer en numéro 3 ?
SEBASTIEN LECORNU
Je n'exclue pas dans la mesure où je suis sortant…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous trouvez que c'est audible ça pour vos concitoyens, par vos électeurs…
SEBASTIEN LECORNU
Vous savez, j'ai grandi à Vernon. Non, mais là je ne suis pas vraiment ministre à Vernon, j'y ai grandi, j'y habite, c'est chez moi, j'y ai impulsé énormément de choses. J'aime cette ville. C'est vraiment fondamentalement le mandat de maire est celui qui m'a fait le plus vibrer, donc franchement j'ai un attachement à cette commune qui est complètement différent et qui va au-delà même de la politique et des principes politiques. Je suis le chef de l'équipe municipale…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ce n'est pas de la très, très vieille politique, Sébastien LECORNU, encore une fois…
SEBASTIEN LECORNU
Non, d'aller se frotter au suffrage universel, ça s'appelle aller voir la légitimité…
ELIZABETH MARTICHOUX
… L'un des plus jeunes ministres, je suis tête de liste mais attention ce n'est pas moi qui serais maire, juste après je retourne au gouvernement.
SEBASTIEN LECORNU
Non, non, je suis le chef d'équipe et je vais vous dire une chose, même si j'étais numéro trois sur cette liste avec François OUZILLEAU en tête de liste, une fois de plus, scénario que je n'ai pas tranché, je reste le chef de cette équipe municipale et donc pour le coup j'y suis attaché…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes tenté quand même, on sent que vous êtes tenté justement de mener cette campagne.
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais une fois de plus je ne suis pas stressé par cette question parce que j'ai un bon maire, qui a été mon adjoint à l'organisme avant et j'ai complètement confiance en lui, donc je ne vis pas dans le stresse de savoir si je suis condamné ou pas à être tête de liste, la question n'est pas là. J'ai démarré des choses à Vernon, je sais qu'il faut 12 ans pour arriver à les mener à bien, donc j'ai toujours dit que je serais de nouveau avec mon équipe et avec François OUZILLEAU, de nouveau candidat. Ensuite à quel poste sur la liste, j'entends, franchement ce n'est pas très intéressant, c'est pour ça d'ailleurs que je trancherai en fonction des situations locales.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le dirai aux Vernonnais ?
SEBASTIEN LECORNU
Vernonnaises et Vernonnais exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
En début d'année.
SEBASTIEN LECORNU
Vous savez, moi je vous le dis comme je le pense.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le dernier mot.
SEBASTIEN LECORNU
En un mot, c'est bien que les ministres aillent aux élections municipales, je trouve ça bien.
ELIZABETH MARTICHOUX
Heureusement puisque vous allez le faire.
SEBASTIEN LECORNU
J'encourage mes collègues à le faire parce qu'il n'y a pas plus bel engagement que d'aller devant les électeurs surtout pour des questions locales.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Sébastien LECORNU d'avoir été ce matin sur le plateau de LCI.
SEBASTIEN LECORNU
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 septembre 2019