Interview de M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, avec France info le 26 avril 2019, sur les questions de sécurité.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Christophe CASTANER.

CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Vous étiez au premier rang des ministres, hier à l'Elysée, lors de cette conférence de presse d'Emmanuel MACRON, un mot pour qualifier son intervention.

CHRISTOPHE CASTANER
Lucide, lucide parce que, on peut toujours faire des promesses, vouloir faire rêver, mais ensuite on est rattrapé par la réalité, j'ai en tête plusieurs tournants historiques dans les politiques publiques de présidents ou de Premiers ministres, et la réalité elle vous rattrape. Donc oui, lucide, dans le constat d'une part d'incompréhension, dans un constat d'une part de mise en cause, y compris personnelle, il a abordé ce sujet, vos collègues journalistes l'ont interpellé aussi, lucide sur la réalité aussi des attentes des Français, il a répondu à ces attentes.

RENAUD DELY
Vous évoquiez son comportement, son attitude personnelle, justement, le chef de l'Etat a fait son mea culpa, on va écouter un extrait de son intervention.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
L'impatience, l'exigence que j'ai avec moi-même, que j'ai avec les membres du gouvernement, je l'ai un peu eue avec les Français, et donc le sentiment que j'ai donné c'était une forme d'injonction permanente, d'être dur, parfois injuste, ça je le regrette, parce que d'abord ce n'est pas ce que je suis profondément et parce que je pense que ça n'a pas aidé à la cause.

RENAUD DELY
Ça veut dire qu'il va changer ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ça veut dire que, il a conscience que, l'image qui a été projetée, qui a été relayée, que quelquefois vous avez dénoncée, n'est pas ce qu'il est. Moi je connais Emmanuel MACRON depuis de longues années et je passe, vous le savez, beaucoup de temps à ses côtés, avec lui, et je sais que cette image n'est pas lui. Donc, l'émetteur, la façon dont il a pu s'exprimer, dont il a pu être entendu, est une nécessaire révision de cela, et donc il en prend acte, mais il l'a déjà fait, ce n'est pas la première fois qu'il aborde aussi cette réalité, ce… c'est quelqu'un qui est impatient de faire, de transformer en profondeur notre pays, ça peut apparaître comme de la brutalité, même comme de l'arrogance, le mot a été utilisé hier, je crois qu'il a répondu ce qu'il est. Ce qu'il est c'est quelqu'un qui sait écouter, qui sait défendre. C'est aussi un passionné, c'est aussi quelqu'un qui n'est pas là pour regarder les trains passer, qui veut que les choses changent.

RENAUD DELY
Il était satisfait, le président de la République, de sa prestation ?

CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, dans ce cas-là il demande à ses proches qu'est-ce qu'on en a pensé, il n'est pas dans un exercice d'autosatisfaction.

MARC FAUVELLE
Qu'est-ce que vous lui avez dit ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je pense qu'il a réussi l'exercice, qu'il a été vraiment président, et peut-être un reproche que certains lui ont fait c'est d'être à la fois président, Premier ministre, ministre, souvent j'ai entendu ce reproche-là, là il a été président.

MARC FAUVELLE
Là il est redevenu président.

CHRISTOPHE CASTANER
Il a donné un cap, et il a donné aussi une impulsion, et des injonctions au gouvernement. Il a donné aussi un cahier des charges précis, un calendrier précis, nous serons lundi autour du Premier ministre Edouard PHILIPPE, en séminaire toute la journée, pour arrêter les conditions d'une mise en oeuvre très rapide, rapide, et à moyen terme, de cette feuille de route.

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas eu de critiques au moment du débriefing, personne ne lui a dit vous êtes un peu long ? Par exemple 2 heures 30 là il avait dit qu'il ferait 20 minutes, il en fait le double…

CHRISTOPHE CASTANER
Je sens dans votre question une forme de critique.

MARC FAUVELLE
On vous a vu, Christophe CASTANER, je vous pose la question parce qu'on vous a vu à un moment, sur les images, piquer du nez, vous êtes ministre, mais un peu perdu dans vos pensées pendant cette très longue intervention du président.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, non, j'étais très attentif, je trouve que cette dénonciation…

MARC FAUVELLE
On peut tous avoir des moments d'inattention, moi le premier.

CHRISTOPHE CASTANER
Est purement scandaleuse. Non, non, j'ai même pris des notes sur la première partie, ensuite on est très mal assis sur ces chaises à l'Elysée. Non, plus sérieusement. D'abord, c'est une remarque, il avait dit aux journalistes que sa conférence de presse durera 2 heures, elle se terminera à 20h00, j'aurais une demi-heure d'intervention liminaire…

MARC FAUVELLE
Il ne sait pas faire court en revanche, il a doublé son temps de parole.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, il a été plus long dans sa première partie, il a rajouté le temps au fond, c'est aussi un élément qui est intéressant, c'est qu'il s'est tenu à l'engagement qu'il avait pris face aux journalistes dans cette conférence de presse, de dire une intervention liminaire, est 1 heure 30 d'échanges avec vous, il y a eu une intervention liminaire, 1 heure 30 d'échanges avec lui. Ensuite, s'il avait été trop court, vous lui auriez reproché, s'il avait été trop long, comme ça a été quelquefois le cas dans certaines débats où il a voulu prendre toutes les questions, à la fin, vous savez, vos collègues journalistes, il y avait encore 50 mains levées, et donc il a pris un engagement aussi, celui de revenir régulièrement face à la presse.

MARC FAUVELLE
Finalement l'ancien monde ça a du bon, les conférences de presse traditionnelles ce n'était pas si mal que ça.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais, moi je n'ai jamais aimé ce rapport de l'ancien monde, peut-être parce que je savais que, un, j'en venais, et donc j'ai au moins cette modestie-là, et deux parce que vous êtes très vite l'ancien monde de quelqu'un, donc…

MARC FAUVELLE
On est toujours l'ancien monde de l'autre, oui.

CHRISTOPHE CASTANER
Voilà, il vaut mieux éviter ça, et donc un propos qui n'était pas au coeur de la campagne d'Emmanuel MACRON… ancien monde/nouveau monde, elle est venue avec les premiers temps de travail parlementaire, et je pense que c'était une erreur. Il ne faut pas croire que, vous savez, c'est ce vieil adage, en politique, qui considère que son prédécesseur est par nature un incompétent et son successeur un usurpateur, ce n'est pas la réalité.

MARC FAUVELLE
On rentre dans le détail des annonces, Renaud DELY.

RENAUD DELY
Alors, parmi les sujets qu'il a abordé, qui touchent directement à votre action ministérielle, Christophe CASTANER, Emmanuel MACRON a semblé changer de ton sur un sujet qui est, l'islam politique. Il a dit, je le cite, « qu'il appelait le gouvernement à se montrer intraitable avec l'islam politique qui veut faire sécession avec notre République. » Pourquoi ce changement de ton ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je ne crois pas que ce soit un changement de ton, il a toujours été clair sur ce sujet, d'ailleurs il avait invité l'ensemble des communautés religieuses, mais aussi des communautés laïques, et c'est ce que j'ai fait comme ministre de l'Intérieur en les recevant à plusieurs reprises, à réfléchir sur la place de la religion dans la société. Elle ne peut pas être supérieure aux valeurs de la République, il a dit ça pendant la campagne, il l'a redit depuis. Et sur la question de l'islamisme radical, sur certaines pratiques d'islamisme politique, on voit bien aujourd'hui des dérives, dérives contre lesquelles il faut lutter. Nous avons fermé 22 mosquées ces dernières deux années, parce que nous savions qu'il s'y passait des choses qui n'étaient pas conformes à l'ordre public. Vous avez vu que j'ai pu dissoudre des associations liées aussi à un islamisme radical politique, que nous condamnons, j'entends, sur ce sujet, exécuter à la lettre la consigne qu'il a donnée, être ferme.

MARC FAUVELLE
Est-ce que cet islam radical est aujourd'hui une menace pour la République, comme l'avait dit votre prédécesseur Gérard COLLOMB ?

CHRISTOPHE CASTANER
Beaucoup l'ont dit, Emmanuel MACRON l'a dit…

MARC FAUVELLE
Gérard COLLOMB a attendu d'avoir quitté le ministère pour le dire.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, alors ça c'est un peu injuste pour Gérard COLLOMB parce que, c'est les mots qu'il a utilisés à la fin, mais je crois aussi que ça toujours été au coeur…

MARC FAUVELLE
Au moment où il se sentait peut-être libéré de sa charge, aussi.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, mais je crois que c'était au coeur de son combat, mais on l'a beaucoup entendu à ce moment-là parce que c'était des mots avec une certaine forme de sacralité, j'utilise le mot…

MARC FAUVELLE
Vous diriez la même chose que lui ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je pense qu'il y a certains quartiers, il y a certaines pratiques, et ce n'est pas le cas de l'Islam, attention à ne pas faire d'amalgame, qui effectivement ne permettent pas de rappeler que les valeurs de la République, je vais en prendre une, l'égalité entre les femmes et les hommes, est supérieure, est supérieure à tout choix religieux.

RENAUD DELY
Et ça n'a pas de rapport avec l'islam, vous dites ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je pense que l'islam n'est pas une religion que nous devons mettre en cause, et je fais bien la différence entre le radicalisme religieux de certains, et la religion islam, et donc évidemment il faut faire le distinguo, il ne faut surtout pas stigmatiser la religion. Vous savez, c'est une région importante en France, elle concerne plusieurs millions de Français qui ont une pratique religieuse, tout à fait conforme à nos valeurs.

MARC FAUVELLE
Le ministre de l'Intérieur, Christophe CASTANER, est l'invité de France Info jusqu'à 9h00, on marque une petite pause pour le rappel de l'actualité.

(…)

MARC FAUVELLE
Christophe CASTANER, plusieurs annonces hier lors de cette conférence de presse d'Emmanuel MACRON, mais aussi un renoncement à ce qu'avait dit Emmanuel MACRON sur le nombre de fonctionnaires qu'il voulait faire baisser de 120.000 d'ici la fin du quinquennat.

EMMANUEL MACRON
Au vu de, justement cette sortie du grand débat, il faut qu'on soit réaliste, et donc je demanderai d'ici à l'été au gouvernement de me donner son analyse, de voir si c'est tenable. J'assume totalement, si ce n'est pas tenable, d'abandonner cet objectif.

RENAUD DELY
Est-ce que ça signifie par exemple, Christophe CASTANER, que vous allez pouvoir créer des postes de policiers ?

CHRISTOPHE CASTANER
D'abord ça signifie qu'on va continuer à en créer, c'est le rythme sur lequel nous sommes, 2500 postes créés cette année dans la loi de Finances, et un objectif à près identique pour l'année prochaine. La sécurité, l'éducation nationale, les hôpitaux, la justice, font partie des priorités, sur lesquelles il y a déjà des créations d'emplois, et nous allons poursuivre cela.

RENAUD DELY
Donc l'objectif de supprimer 120.000 fonctionnaires d'ici la fin du quinquennat, comme on l'a bien compris avec l'intervention d'Emmanuel MACRON, il est enterré cet objectif. Pourquoi, est-ce que, jusqu'à présent, c'était au contraire quelque chose de capital et de déterminant depuis l'élection du chef de l'Etat ?

CHRISTOPHE CASTANER
D'abord, vous allez avoir l'impression que je joue sur les mots, mais j'ai souvent repris certains de mes collègues, ce n'était pas un objectif de campagne la suppression, c'était un moyen, un moyen de dépenser moins d'argent public…

RENAUD DELY
Il l'a dit et répété en tout cas, en campagne, et depuis son élection.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais il se joue sur la différence entre moyens et un objectif. L'objectif en soi c'est un totem, je me souviens de François FILLON qui disait « il faut supprimer 500.000 fonctionnaires », pendant la campagne, alors qu'on avait 550.000 départs à la retraite, donc on était là, vraiment, sur un totem.

RENAUD DELY
En tout cas, ça semblait important, ça ne l'est plus.

CHRISTOPHE CASTANER
Si, dépenser moins d'argent public est important, et donc le président de la République a d'un côté dit oui, mais il y a des priorités, notamment celle de la présence des services publics dans la ruralité, celle du renforcement des moyens dans l'école, celle de la non-fermeture d'aucun nouvel hôpital pendant ce quinquennat, et donc il faut assumer que ce choix politique-là, qui est un choix effectivement de priorités politiques, ait des conséquences. Ça aura des conséquences sur le nombre de fonctionnaires. Mais, il ne faut pas croire non plus que c'est seulement en créant des emplois qu'on améliore le service public. Je crois que c'est important, aussi, qu'on ose se poser la question ainsi, ça vaut dans la police, comme dans l'ensemble des services publics.

MARC FAUVELLE
Christophe CASTANER, est-ce que ces mesures elles sont de nature, pour vous, à éteindre désormais le mouvement des gilets jaunes, ou ce qu'il en reste ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je vais être très franc, non, non parce que de toute façon depuis quelques semaines on voit bien que ceux qui manifestent le samedi matin, ceux qui viendront demain, ici, devant la Maison de la radio, contester l'information et la liberté de l'information, ne seront pas satisfaits, c'était écrit avant même que le président s'exprime, mais pour une raison simple, ils n'ont plus de revendications. Le samedi, les 30.000 gilets jaunes qui manifestent en France, 30.000, ce n'est pas le peuple, ce n'est pas la France, ces 30.000 n'ont plus de revendications, si ce n'est la disparition du président de la République, intuitu personae, parce que c'est un de leurs objectifs, ou du ministre de l'Intérieur de temps en temps. Il n'y a plus de revendications, il y a une radicalité, et on a une forme de rituel du samedi, d'empêcher, de nuire, et de provoquer les forces de sécurité.

MARC FAUVELLE
Un rituel qui vous inquiète avant les manifestations de demain et celles à venir du 1er mai, d'après les remontées que vous avez ?

CHRISTOPHE CASTANER
Bien sûr, parce qu'elles nécessitent, d'abord la mobilisation de forces très importantes pour sécuriser les manifestants eux-mêmes, les commerçants, les citadins, dans lequel (sic) ces manifestations ont lieu, parce qu'elles abritent en leur sein des gens qui sont ultraviolents, et on voit bien combien, encore samedi dernier sur Paris, à chaque fois il y a la volonté de casser, de détruire, de brutaliser, et donc oui, cela m'inquiète. Et puis on a un rendez-vous, le 1er mai, sur lequel on sait bien que les ultraviolents, l'ultragauche, mais aussi des ultras jeunes, qui aujourd'hui viennent pour casser, seront très mobilisés sur Paris, et pas seulement sur Paris.

RENAUD DELY
Avant le 1er mai, demain samedi, vous redoutez, Christophe CASTANER, une réponse violente de ces manifestants, aux propos d'Emmanuel MACRON hier ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je crois que les propos d'Emmanuel MACRON sont sans effet sur leur haine et leur rejet de tout le système. Très clairement, ceux qui descendent dans la rue pour casser, je pense aux ultragauche, aux Black Blocs, sont de toute façon en contestation de nos institutions, donc quoi qu'ait pu dire le président de la République, ça ne change rien, et ça je le regrette, il y a cette ritualisation. Et, vous savez, les ultraviolents profitent de la manif, ils se mettent dans leur sein, j'ai utilisé cette image du coucou qui vit des autres, mais aujourd'hui la réalité c'est quoi ? c'est quelques dizaines de milliers de personnes, c'est un tiers du public du Stade de France, demain soir pour la finale de football, donc c'est, au fond, pas grand monde, mais c'est beaucoup de violences, et ce mouvement, aujourd'hui, ne perdure que par la violence, pas par la réalité de ce qu'il représente.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous êtes le ministre, aujourd'hui, de policiers qui sont au bout du rouleau ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ils sont fatigués il faut les entendre, et c'est normal…

MARC FAUVELLE
Combien de temps ils peuvent tenir encore comme ça ?

CHRISTOPHE CASTANER
Alors, je crois vraiment que la force du ministère de l'Intérieur c'est sa résilience, et donc si certains, si ces quelques milliers de manifestants, pensent qu'ils vont épuiser les forces de sécurité, ils se trompent, mais en même temps il y a des hommes, il y a des femmes…

MARC FAUVELLE
Ça veut dire que vous tiendrez plus longtemps qu'eux, c'est ce que vous dites ?

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, c'est la force du ministère de l'Intérieur. Vous savez, la sécurité, elle ne se négocie pas, par contre ce que je sais c'est que quand ils sont mobilisés pour gérer les violences des gilets jaunes, ils ne sont pas forcément dans la rue pour faire la sécurité du quotidien, et donc aujourd'hui moi je suis inquiet sur l'empêchement dans lequel ils ont. Et puis quand ils sont mis en cause, avec la violence que l'on a connue, à la fois dans les manifestations, je pense au « Suicidez-vous », comme si c'était un slogan, qu'on a entendu la semaine dernière, mais aussi de façon permanente sur leur façon de faire leur métier, qui quelquefois oblige aussi à une forme, dans la résistance à la violence, d'actions et peut provoquer des blessés, que je reconnais à chaque fois, on sait que cette mise en cause perpétuelle leur fait perdre le sens, le sens de leur métier. Leur métier c'est faire la sécurité, c'est protéger les Français, ce n'est pas devoir se battre tous les samedis contre des gens qui viennent les provoquer, les insulter, les matraquer, les violenter.

MARC FAUVELLE
Ce que vous dites, Christophe CASTANER, si je résume, c'est le maintien de l'ordre, on peut encore tenir comme ça plusieurs semaines, en revanche sur la police du quotidien, là c'est plus difficile, ça veut dire qu'il faut s'attendre à des mauvais chiffres cette année, on en a déjà eu un aperçu, par exemple sur les cambriolages, par exemple sur les atteintes aux personnes, l'année 2019 sera une mauvaise année en termes de sécurité ?

CHRISTOPHE CASTANER
Oui… un aperçu, les premiers chiffres de ce début d'année ne sont effectivement pas bons. Ceux de 2018 étaient plutôt très bons, avec de fortes baisses sur l'ensemble des faits que vous venez d'évoquer comme les cambriolages, ce début d'année est mauvais, parce que, effectivement, la police ne peut pas être partout, il faut que les gilets jaunes assument, aussi, d'empêcher la police de faire son métier, son métier c'est protéger les Français.

RENAUD DELY
Sur cette lassitude des forces de l'ordre, qui sont sur-mobilisées, il y a un cas très précis qui s'est déroulé hier en l'occurrence, les trois quarts des CRS d'une compagnie dans le Loiret, à Saran, soit 48 membres de cette compagnie sur 61, se sont mis en arrêt maladie, en même temps, et n'ont pas pu assurer la sécurité de la visite de Marlène SCHIAPPA et de Laurent NUNEZ. Voici ce qu'en dit l'un des responsables syndicalistes, Christophe GRANGER, de l'UNSA. On l'écoute.

CHRISTOPHE GRANGER, DELEGUE ZONAL UNSA-POLICE DE LA REGION OUEST
Vous avez d'un côté les collègues qui expriment un malaise, parce qu'ils n'en peuvent plus, parce qu'ils sont exténués, ils sont fatigués, il y a un épuisement physique, moral, et dans le même temps vous avez la direction centrale qui continue à les presser et qui leur explique, « finalement, on comprend bien votre fatigue, mais vous allez quand même bosser sur Nantes. »

RENAUD DELY
La direction centrale n'écoute pas, visiblement, en tout cas ne tient pas compte de cette lassitude, de cet épuisement….

CHRISTOPHE CASTANER
Mais tout simplement parce que les tensions, qu'on vient d'évoquer, impliquent qu'on les mobilise plus et plus régulièrement, et surtout tous les week-ends…

RENAUD DELY
Donc la police elle est sur le point de craquer, Christophe CASTANER ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, je ne crois pas. Je vous ai dit qu'elle était résiliente, et en même temps je suis très à l'écoute. D'abord j'entends cette revendication, et ce qui est porté, je ne le conteste pas, c'est une réalité, cette tension dans la police, celle qui est sur le terrain, elle est très dur à vivre. Quand vous vivez tous les samedis l'empêchement d'être le week-end avec votre famille, effectivement, c'est dur à vivre. Ils sont engagés pour cela, ils le savent, mais il y a effectivement un seuil, à un moment donné, d'exaspération, ils l'ont exprimé, j'entends bien, et en plus vous avez pu noter que c'était un message directement adressé aux ministres, au pluriel, du ministère de l'Intérieur, c'était Laurent NUNEZ mon secrétaire d'Etat…

RENAUD DELY
Justement, ne pas assurer la sécurité d'un déplacement du secrétaire d'Etat…

CHRISTOPHE CASTANER
Non, mais d'abord la sécurité a été assurée, ensuite on a une…

RENAUD DELY
Mais c'est un message très fort.

CHRISTOPHE CASTANER
On a un message, que j'entends, très clair…

RENAUD DELY
C'est une forme de rébellion à vos yeux ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non. Laurent NUNEZ les a rencontrés et l'échange s'est fait dans de bonnes conditions, ce n'est pas une forme de rébellion, mais à un moment donné, vous savez, vous tendez le rapport de force. Vous avez un représentant syndical qui s'est exprimé, il est dans son rôle, je l'entends, parce qu'il porte une inquiétude légitime, de celles et ceux qui, tous les samedis, sont mobilisés, et il n'y a pas que le samedi, la sécurité des Français elle est aussi là le dimanche, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi, et je fais appel à eux pour cela. Donc oui, il y a une hyper mobilisation, qui est difficile à gérer, la Direction centrale doit l'entendre, elle l'entend aussi.

(…) Infos.

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre de l'Intérieur, Christophe CASTANER, et Renaud DELY.

RENAUD DELY
Après 48 heures de garde à vue le journaliste Gaspard GLANZ s'est vu signifier une interdiction de séjour à Paris les samedis, et le 1er mai, jusqu'au mois d'octobre lors de son procès pour outrage à un agent dépositaire de l'autorité publique, il dénonce un traitement disproportionné.

GASPARD GLANZ (EUROPE 1)
Je préfère respecter mon contrôle judiciaire afin que mes avocats aient toutes les armes en leurs mains pour combattre ce qui arrive et pouvoir, à un moment, régler ce problème définitivement, et qu'à un moment il y ait un ministre censé dans ce pays, de l'Intérieur, qui fait un vrai rappel aux forces de l'ordre en disant qu'on est hors-jeu, on est hors zone, il faut arrêter de nous tirer dessus.

RENAUD DELY
Il vous accuse de tirer sur les journalistes.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, mais d'abord il m'accuse manifestement de sa garde à vue, je vous rappelle la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, cette décision est celle d'un juge, donc il assume ses responsabilités devant un juge. Vous savez, le fait de prétendre être journaliste n'est pas un permis de commettre des délits. Ce qu'il a fait…

MARC FAUVELLE
Pourquoi prétendre d'être journaliste, il ne l'est pas pour vous ?

CHRISTOPHE CASTANER
Alors je vais vous dire, très simplement, je pense que journaliste c'est aussi avoir une carte de presse, et je trouve…

MARC FAUVELLE
Pas seulement, parce qu'à cette condition…

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais je pense que c'est ça, et puis alors, est-ce que c'est, être journaliste, je vais être un peu brutal mais, moi je ne connaissais pas ce jeune homme avant le week-end dernier, et comme il y a eu un débat, vous savez quand il a été interpellé, évidemment ça… pas au ministère de l'Intérieur, j'ai regardé notamment ce qu'il disait de moi, ça doit être un vrai journaliste d'investigation. La dernière fois qu'il a parlé de moi, son tweet c'était « tu n'es qu'une grosse merde CASTANER », voilà ce que vous pensez, peut-être, être un journaliste, moi non. Et donc samedi dernier, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a provoqué les forces, il leur a fait un doigt d'honneur. Je vous le dis, ce n'est pas parce qu'on met une GoPro sur un casque et qu'on se revendique journaliste, qu'on a une impunité, donc il doit répondre de ses responsabilités. Il a déjà été condamné, il a été déjà sanctionné, il continue, pour moi c'est quelqu'un qui a provoqué les forces de l'ordre, qui ne les respecte pas, il est bien aussi que la justice s'applique à tous, et les journalistes, ou ceux qui se prétendent journalistes, ne font pas exception à cela.

MARC FAUVELLE
Pardonnez la brutalité de la question, mais deux jours de garde à vue, pour un doigt d'honneur, ce n'est pas beaucoup ?

CHRISTOPHE CASTANER
Mais, je n'ai pas à me prononcer, ce n'est pas le ministère de l'Intérieur, et d'ailleurs vous voyez bien l'amalgame, d'ailleurs, de cet homme, qui me met en cause, alors qu'il sait pertinemment que dès qu'il est placé en garde à vue, il est sous l'autorité du judiciaire, et donc d'un juge, d'un magistrat, qui a décidé, à la fois de le maintenir, et la fois de prolonger.

RENAUD DELY
D'autres journalistes ont parfois été blessés ou interpellés depuis le début du mouvement des gilets jaunes, une vingtaine…

CHRISTOPHE CASTANER
Et beaucoup ont été protégés, encore la semaine dernière une équipe de TF1 qui a dû s'enfuir devant les gilets jaunes et qui a été protégée par les forces de l'ordre, c'est important aussi de le rappeler, le plus souvent c'est le cas, et quand elles sont attaquées, je pense à des blessures graves contre des journalistes, là encore notre police, sous le volet judiciaire, a fait en sorte que les auteurs soient sanctionnés par la justice.

MARC FAUVELLE
Combien de policiers sanctionnés depuis le début des manifestations des gilets jaunes pour violences policières, vous avez le chiffre ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non mais d'abord, moi je refuse le terme de violences policières, une violence policière c'est le fait de volontairement blesser quelqu'un. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de blessés…

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas eu un acte volontaire depuis le début du mouvement des gilets jaunes, de la part d'un policier, d'un gendarme, d'un CRS ?

CHRISTOPHE CASTANER
Moi ce que je sais c'est que, contrairement au comportement des gilets jaunes, dès qu'il y a une plainte, qui va de l'injure, d'un mauvais comportement, d'un doigt d'honneur, tiens par exemple, il y a une enquête, elle est confiée à l'IGPN, sous l'autorité judiciaire, la Police nationale, ou à l'IGGN pour la Gendarmerie nationale, il y a 220 enquêtes sur l'IGPN, qui sont en cours, qui sont placées sur l'autorité…

MARC FAUVELLE
Qui ont déjà abouti ou pas, encore ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non.

MARC FAUVELLE
Aucune ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, parce que ce sont des enquêtes judiciaires, elles prennent un peu de temps, et je vous le dis, s'il y a des décisions judiciaires, il y aura évidemment des sanctions administratives. Mais la vraie différence, c'est que je demande l'exemplarité, mais je demande aussi qu'on respecte la police dans son pouvoir légitime d'utiliser la force, parce qu'à un moment donné, si on dit à la police, et à la gendarmerie, vous n'avez plus le droit d'utiliser la force, elle doit subir, se laisser agresser, ne rien faire, laisser casser des magasins, laisser menacer l'équilibre et l'ordre dans nos villes, non. La police elle est légitime, et c'est la seule qui est légitime à utiliser la force.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous avez identifié quelques-unes des personnes qui, il y a quelques jours à Paris, ont scandé « Suicidez-vous » à des policiers ?

CHRISTOPHE CASTANER
L'enquête est en cours, la réponse est oui.

MARC FAUVELLE
La réponse est oui, vous en avez identifiés, certains ont été interpellés déjà ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, ça on est sur l'enquête, mais on a identifié certaines personnes, donc il y a des enquêtes en cours…. Je souhaite qu'ils soient interpellés et j'espère qu'ils seront condamnés. Vous vous rendez compte de la gravité quand même, à un moment où effectivement les policiers se sont mobilisés, et je me mobilise avec eux, devant eux-mêmes pour lutter contre le suicide dans la police qui est un niveau très élevé, à ce moment-là vous avez des gens qui se prétendent manifestants, qui prétendent porter un discours politique, qui interpellent et qui disent « Suicidez-vous ». Et depuis vous savez qu'il y a eu plusieurs reprises, ça a un effet de mimétisme, il y a des tags, etc., insultants sur des commissariats, sur des gendarmeries. Mais dans quel monde est-on, où on invite les gens, au nom de pseudo-revendications, à se tuer ?

RENAUD DELY
Comment est-ce que vous expliquez justement ce fossé, même bien plus que ça, qui s'est creusé, quand on se souvient qu'il y a 4 ans à peine, au moment des vagues d'attentats qui ont endeuillé la France, eh bien les policiers, les CRS, les forces de l'ordre, étaient applaudis dans la rue ?

CHRISTOPHE CASTANER
Mais parce que les policiers, les forces de l'ordre, sont applaudis par les Français, et ils continuent de l'être. 76 %, un sondage récent, montre que les Français apprécient leur police. Alors faites attention, ceux qui manifestent tous les samedis, ne sont pas le peuple, ils ne sont pas la France, ils sont des excités qui portent une revendication, qui est anti-institution, ils sont ceux qui mettent le feu à des préfectures, qui défoncent l'Arc de Triomphe, ils sont ceux-là, ils ne sont pas le peuple, il faut faire attention aux choses. Ces 30.000 personnes, je vous le dis, ne sont pas celles et ceux qui ont des exigences démocratiques, ont des contestations politiques, qui sont parfaitement légitimes, mais ceux qui sont là, et qui crient « Suicidez-vous », ceux qui viennent pour casser dans nos villes chaque samedi, ne sont pas le peuple.

MARC FAUVELLE
Un mot, Christophe CASTANER, sur Nathalie LOISEAU, votre candidate aux élections européennes, elle est fragilisée par les révélations sur son passé ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je ne crois pas, franchement je pense que c'est un faux débat.

MARC FAUVELLE
On peut avoir été candidate aux côtés de l'extrême-droite et défendre la majorité ?

CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, il y a 35 ans, on peut tous avoir fait des bêtises, je crois même qu'elle a dit « conneries »…

MARC FAUVELLE
Vous en avez fait, vous ?

CHRISTOPHE CASTANER
Moi j'en ai fait, j'en ai fait.

MARC FAUVELLE
Plus graves qu'elle ? Qu'est-ce que vous avez fait comme bêtises ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je considère que, avoir fait une erreur politique à un moment donné n'est pas forcément grave, si on le reconnaît, si on change, si on évolue. Beaucoup ont des parcours politiques, moi je viens du Parti socialiste, donc je n'ai jamais été là…

MARC FAUVELLE
Ce n'était pas…

CHRISTOPHE CASTANER
Non ; je n'ai jamais été là, et mon combat contre le Front national a toujours été au coeur de mon combat. Mais franchement, mener autant de débats, de discussions, autour du fait qu'il y a 35 ans Nathalie LOISEAU ait été sur une liste, non élue, dans laquelle il y avait des gens d'extrême droite, c'est quand même assez…

MARC FAUVELLE
Peut-être parce que sa défense a beaucoup varié depuis le début de cette affaire aussi.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, mais il y a peut-être des erreurs de communication, mais voilà. Je vous dis, franchement, je ne sais pas pour vous, je n'ai pas de dossier, contrairement au mythe du ministère de l'Intérieur…

MARC FAUVELLE
Moi aussi j'en ai fait des bêtises, je vous rassure.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais il y a 35 ans, oui j'ai fait des bêtises, en plus d'ailleurs, moi, beaucoup le savent, j'ai passé mon bac en candidat libre, j'ai eu plusieurs années où je n'ai pas travaillé, où j'ai quitté le lycée, et donc j'ai quelquefois fait des choses, que je regrette, voilà…

MARC FAUVELLE
Et pourtant vous êtes ministre de l'Intérieur aujourd'hui.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais oui, mais je pense que c'est ça aussi la dignité de la République, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas des parcours uniques, qu'il n'y ait pas des gens standardisés, qu'il y ait des gens différents. Et je crois que la force d'Emmanuel MACRON c'est aussi celle de choisir, pour travailler avec eux, des femmes et des hommes qui ont des parcours différents. Ce que je sais de Nathalie LOISEAU c'est que c'est la meilleure spécialiste des institutions européennes, et c'est plutôt ça que j'attends d'une candidate tête de liste aux européennes, plutôt que des spécialistes de la langue de bois, de la revendication, de la contestation systématique.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Christophe CASTANER, ministre de l'Intérieur.

CHRISTOPHE CASTANER
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2019