Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour.
LAURENT BIGNOLAS
Vous recevez aujourd'hui le Ministre Jean-Michel BLANQUER.
CAROLINE ROUX
Oui, Ministre de l'Education nationale alors que, vous l'avez vu, la colère monte contre son projet de loi et contre la réforme des lycées. Une deuxième journée de grève est attendue jeudi à l'appel de sept syndicats. Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Je le disais, 36 000 enseignants ont défilé en France samedi, une journée de grève est prévue jeudi. Certains syndicats se posent la question de faire grève lors des épreuves du bac de philo. En ce moment, on a des profs qui donnent 20 sur 20 à tous les élèves. Est-ce que vous l'entendez cette colère et comment vous y répondez ce matin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'entends qu'il y a des questions et des interrogations. Et après tout quand il y a des grands changements, c'est normal qu'il y ait des questions et des interrogations que ce soit du côté des professeurs ou des parents d'élèves. S'agissant de la réforme du baccalauréat, nous donnons des réponses à ces questions. D'ailleurs j'invite chacun à regarder le site du ministère, à regarder par exemple un site qui s'appelle Horizons2021 quand on veut faire son orientation. Mais ces questions ont des réponses et ces réponses sont claires. Et bien entendu je…
CAROLINE ROUX
Alors on y va sur les réponses qui sont claires. Par exemple les élèves de 2nde vont expérimenter le nouveau bac et les profs dénoncent, eux, un manque d'information. Les parents d'élèves aussi dénoncent le manque d'information, par exemple le choix de telle spécialité pour faire telle ou telle formation ensuite dans l'éducation supérieure. Est-ce que vous n'êtes pas allé un peu vite déjà sur cette réforme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Ecoutez, c'est une réforme sur tout le quinquennat puisqu'on parle d'élèves qui passeront le baccalauréat en juin 2021 et que nous avons commencé les concertations dès 2017.
CAROLINE ROUX
Ils choisissent leur spécialité maintenant.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est une réforme qui s'étale sur 4 ans, je ne crois pas que ce soit de la précipitation. On a consulté 40 000 lycéens pour la faire. Il y avait d'ailleurs un très grand enthousiasme quand on a commencé à en délivrer les résultats.
CAROLINE ROUX
Alors pourquoi ils semblent perdus à la fois les profs et les parents d'élèves ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais parce qu'à chaque fois que vous créez plus de liberté et plus de choix, ce qui est largement le cas : un lycéen de 2nde aujourd'hui a à peu près 10 fois plus de combinaisons possibles que précédemment. Donc ce sont des choix, ce sont des libertés, c'est formidable. Eh bien à chaque fois qu'il y a plus de liberté, il y a aussi un petit peu plus d'inquiétude et de questions. C'est normal aussi. Je vous citais à l'instant le site Horizons2021. Chacun peut le regarder pour voir comment on peut se projeter dans l'avenir. Non pas pour décider d'un métier quand on est en 2nde, personne ne peut faire ça.
CAROLINE ROUX
Ce n'est pas ce qu'on leur demande en réalité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est justement le contraire. C'est avant qu'on demandait ça. Avant si vous n'alliez pas en S, vous vous fermiez déjà des portes à la fin de la 2nde. Donc la prédétermination, c'était le système d'avant. Le système actuel est un système au contraire où vous avez la possibilité de faire des choix qui sont réversibles et qui eux-mêmes ne vous emmènent pas sur une route toute bordée. C'est plutôt un menu à la carte où justement la première des recommandations qu'on peut faire à chaque élève et à sa famille, c'est de choisir ce qui lui plaît, ce qu'il aime, plutôt que de choisir…
CAROLINE ROUX
Mais ça, c'est une révolution culturelle Jean-Michel BLANQUER. Jusqu'à présent, ce n'est pas comme ça qu'on faisait.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Justement, c'est ça.
CAROLINE ROUX
Il y avait de l'enseignement supérieur avec des grandes écoles et les parents se disaient : il faut faire S parce que sinon tu n'as aucune chance d'y arriver.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, et quand on…
CAROLINE ROUX
Aujourd'hui quels sont les pré-requis de l'enseignement supérieur ? On ne le sait pas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si. Par exemple dans ce site dont je vous parle et dans Parcoursup où ces attendus sont beaucoup plus explicites qu'auparavant. Avant qu'avait-on ? On avait un système avec une pré-orientation qui ne disait pas son nom après la 2nde et ensuite des choix un petit peu au fil de l'eau en fin de Terminale qui ont amené à 60 % d'échec dans les premiers cycles de l'enseignement supérieur, ce qui est le vrai scandale français. Nous sommes en train de changer ça avec des attendus qui sont clairs de la part de l'enseignement supérieur et qui sont aussi moins standardisés. L'idée est d'avoir moins des parcours tout fait à l'avance, mais d'avoir plutôt une diversité de profils des élèves et des élèves qui sont à un meilleur niveau. Parce qu'il y a ça aussi : il s'agit d'élever le niveau en ayant des programmes plus approfondis, choisis par des élèves qui le font parce qu'ils aiment ce qu'ils font.
CAROLINE ROUX
Mais le problème, Jean-Michel BLANQUER, ce sont les maths. Cédric VILLANI, mathématicien et député de la République en Marche, vous a écrit pour vous expliquer que la place des mathématiques n'était pas comprise dans cette réforme. On dit donc spécialisation qui sera plus exigeante, c'est un tronc commun insuffisant pour l'enseignement supérieur. Est-ce que vous admettez que la place des mathématiques n'est pas comprise dans cette réforme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Alors lisez en entier la lettre de Cédric VILLANI avec qui on a conçu tout cela. Donc la lettre au contraire dit à quel point il y a de grands progrès avec la réforme et il appelle, et il a bien raison, à des points de vigilance. Parce que dans la mise en oeuvre d'une réforme, il y a toujours de la vigilance. Les maths sortent renforcées dans cette affaire. Simplement pour les mathématiques comme pour d'autres choses, vous avez un parcours plus personnalisé. Là où il y avait simplement S, vous en faisiez beaucoup ; ES, vous en faisiez un peu ; et L, pas du tout. Vous avez maintenant un système où vous avez 3 heures dans certains cas, 6 heures dans d'autres cas, 9 heures dans d'autres cas.
CAROLINE ROUX
Donc en fait, vous dites aux enseignants et aux parents d'élèves qui se mobilisent depuis quelques semaines : vous n'avez rien compris.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce n'est pas ça. Je pense encore une fois qu'il y ait de l'inquiétude… D'abord il y a tous ceux qui ne sont pas dans la rue aussi, ne l'oublions pas. C'est-à-dire nous parlons de 12 millions d'élèves, d'un million de professeurs, vous avez des gens qui sont de très bonne foi et pour lesquels il faut encore donner des explications. Mais quand je vois, si vous voulez, que la semaine dernière certains ont affirmé qu'on voulait fermer les écoles maternelles alors que c'est tout le contraire : nous avons une priorité à l'école primaire qui est totale. Je vois bien qu'il y a à la fois des personnes de bonne foi à qui je m'adresse ; j'ai envoyé une lettre aux professeurs que tout le monde peut voir sur le site du ministère pour avoir des réponses concrètes.
CAROLINE ROUX
Pour leur dire qu'ils sont à l'avant-garde du projet social.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.
CAROLINE ROUX
Ça n'a pas suffi à les apaiser.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, il faut leur parler aussi d'autres choses. Mais parce qu'il y a toute une série de choses fausses ou incomplètes qui ont été dites par des gens qui ont envie d'exciter les esprits. Encore une fois, quand on dit que les directeurs d'école vont être supprimés, c'est faux par exemple.
CAROLINE ROUX
On va y venir. Juste sur cette réforme du lycée, il n'y a pas de modifications à apporter en l'état ? Vous avez laissé entendre, je crois, que de toute façon cette réforme se fera même si vous partiez aujourd'hui dans le Larzac, et qu'on n'a plus la possibilité de modifier les choses.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Le cadre de la réforme ne changera pas et ça tout le monde le sait…
CAROLINE ROUX
D'accord.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Puisque la rentrée préparée. En revanche, tous les enjeux de mise en oeuvre font l'objet en permanence d'ajustements, ce qui est normal pour une rentrée scolaire.
CAROLINE ROUX
Vous êtes prêt à bouger encore sur ce sujet-là.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais ce qu'il faut bien dire, c'est que je suis en permanence sur le terrain Je vais vous donner un exemple. J'étais à Bourg-en-Bresse il y a quelques jours, il y a trois jours. A Bourg-en-Bresse, j'ai vu ce que faisaient les 3 lycées de la ville sur le sujet. C'est juste des opportunités merveilleuses qui sont offertes aux lycéens. J'ai vu des professeurs heureux, des élèves heureux. Je suis allé pas seulement à Bourg-en-Bresse, je suis allé dans plusieurs lycées ces derniers temps. A chaque fois les gens voient bien que c'est une opportunité nouvelle.
CAROLINE ROUX
Il y a quand même malgré tout…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc il y a les discours dans les médias, si vous voulez, et puis il y a le fait qu'on essaye d'exciter les gens parce qu'il y a une réforme et qu'on essaie d'inquiéter autour de ça…
CAROLINE ROUX
De l'améliorer peut-être. C'est peut-être ce que vous pouvez vous dire de la part de certains enseignants.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais le temps de la concertation, si vous voulez, il y a eu tout un temps de concertation où on a largement tenu compte des points de vue des uns et des autres. Vous avez même des syndicats qui recommandaient des choses contre lesquelles ils protestent aujourd'hui. Donc si vous voulez, moi je suis à la fois très ouvert pour changer ce qui peut l'être, très ouvert aussi pour expliquer davantage, très ouvert pour qu'on fasse progresser mais pas non plus… Il y a aussi de la mauvaise foi et je serais naïf de ne pas la noter.
CAROLINE ROUX
Parmi les sujets de blocage, pardon de parler encore d'un sujet de blocage, un amendement qui donne naissance à des établissements publics des savoirs fondamentaux rassemblant écoles et collèges du même secteur. Vous dites ça ne sera pas imposé. Ça n'a pas suffi à rassurer. Est-ce que vous pourriez revenir sur cet amendement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je suis prêt… Alors vous savez, la loi vient devant le Sénat dans un mois. Sur ce point comme sur d'autres, et j'avais d'ailleurs la même attitude à l'Assemblée nationale, je suis prêt à faire évoluer la loi, puisque ce point-là est loin d'être le point le plus important de la loi. C'est un outil dans une boîte à outils pour que, dans certains cas, on a déjà observé des expérimentations intéressantes, on puisse relier l'école et le collège. Ce qui ne signifie pas déménager l'école, ce qui ne signifie pas supprimer le directeur d'école mais donner plus de force à la fois administrative et pédagogique à l'ensemble.
CAROLINE ROUX
Ça n'est pas compris comme ça.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais donc je donne l'explication. Ceux qui veulent approfondir peuvent regarder les débats parlementaires. A l'Assemblée nationale, nous avons expliqué ça. C'est d'ailleurs une proposition parlementaire, c'est un amendement parlementaire. Il y a des explications qui sont données, je peux en donner encore plus. Mais ce qui est certain, c'est que ce sera très minoritaire et ceux qui le feront le feront parce qu'ils le désireront. Personne ne se verra imposer une chose pareille.
CAROLINE ROUX
Vous n'allez pas au bras de fer sur ce sujet-là.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais pas du tout parce que ce n'est pas au coeur de la loi. Et là encore, certains ont voulu décrire ça de manière… Comme étant quelque chose qui qu'on voulait imposer et ça n'est absolument pas le cas.
CAROLINE ROUX
Est-ce que la violence contre les professeurs augmente ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors ça dépend sous quel angle on regarde les choses.
CAROLINE ROUX
Il y a un réseau militant assure au quotidien la protection des personnels de l'Education nationale. Il explique que la violence a augmenté de 7 %.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. C'est 7 % de dossiers de protection qui sont demandés par des professeurs en plus. Dans les signalements que nous avons, alors même que nous les avons systématisés, nous avons une légère hausse de un ou 2 %. Donc il y a une légère hausse mais on est surtout à un niveau qui n'est pas acceptable et qui doit descendre, d'où les mesures que nous avons commencé à prendre.
CAROLINE ROUX
Oui, mais alors là il y a un petit problème. Le plan de lutte contre les violences scolaires, vous l'aviez annoncé en octobre, il a été reporté en décembre et puis en mars et puis on ne le voit toujours pas. Qu'est-ce qui se passe ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous l'avons annoncé pour la rentrée 2019. Cette semaine avec le Premier ministre, nous devons en reparler.
CAROLINE ROUX
Pourquoi ça traîne ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas que ça traîne, c'est que ça se précise. Il y a 3 dimensions. Vous savez, il y a les la sécurité aux abords des établissements ; il y a la responsabilité des familles et il y a ce que nous ferons comme structure pour les élèves les plus violents. Ça nécessite du travail et ça doit se préparer pour la rentrée prochaine.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous défendez toujours la suspension des allocs pour les élèves violents ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le sujet n'a jamais été celui de la suspension des allocs pour les élèves violents. C'est en cas d'absentéisme que cette idée avait été proposée. En revanche ce qui est sur la table, c'est une vision personnalisée famille par famille de ce qui se passe quand un élève est violent pour regarder avec la famille les solutions et aller ensuite tirer les conséquences si on sent qu'il y a des problèmes d'éducation.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER. C'est à vous Laurent.
LAURENT BIGNOLAS
Merci beaucoup et bonne journée à tous les deux, que ce soit sur le plateau du Larzac ou dans les Gorges du Tarn ou encore ailleurs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 avril 2019