Texte intégral
AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous avez été pendant 5 ans la conseillère communication d'Emmanuel MACRON, avant de devenir il y a 2 mois la porte-parole du gouvernement. C'est quoi de plus difficile dans votre nouveau job, la langue de bois sans que ça se voit ?
SIBETH NDIAYE
Non, je crois que le plus difficile, c'est de passer de l'ombre à la lumière et donc d'être sous le feu des projecteurs, ce n'était pas du tout ce que j'imaginais dans ma vie et tout d'un coup passer dans la lumière, c'est à la fois impressionnant et aussi un peu exaltant.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors vous avez succédé à Benjamin GRIVEAUX, qui avait succédé à Christophe CASTANER, mais on ne vous voit pas autant qu'eux dans les médias, les voir à l'oeuvre vous a conduit à plus de retenue ?
SIBETH NDIAYE
Non pas du tout, moi je suis très chacun a son style, sa particularité, sa personnalité, moi je suis très attentive à ce que le porte-parolat soit à la fois un lieu où on émet de la parole, un lieu où on explique ce que fait le gouvernement, ce que fait la majorité, mais aussi à un lieu où on écoute. Donc j'ai eu envie de me déplacer en France pour aller aussi à l'écoute de nos concitoyens, parce que je suis convaincue que c'est aussi comme ça qu'on peut soi-même s'enrichir et savoir comment mieux expliquer les politiques qui sont les nôtres.
AUDREY CRESPO-MARA
Il y a parler moins et peut-être mieux.
SIBETH NDIAYE
Il y a surtout l'envie de faire en sorte d'être bien compris et pour sa écouter les autres, commencer par les écouter, leur apporter de la considération, c'est important.
AUDREY CRESPO-MARA
Sibeth NDIAYE, Emmanuel MACRON est monté en première ligne pour mener la campagne contre le Rassemblement national concentrant ainsi les attaques contre lui, François-Xavier BELLAMY le juge narcissique, tandis que François HOLLANDE estime qu'il manque d'humanité. Qu'y a-t-il de vrai dans ces critiques ?
SIBETH NDIAYE
Absolument rien.
AUDREY CRESPO-MARA
Vraiment.
SIBETH NDIAYE
C'est normal que les opposants du président de la République et que ceux qui soutiennent d'autres listes soient virulents à son égard. Je crois que force est de constater qu'ils ont tous décidé que la personne à abattre dans cette élection était Emmanuel MACRON, ça leur appartient. Moi, ce que je connais d'Emmanuel MACRON, c'est un homme qui a énormément de générosité, qui est un engagé et cet engagé est engagé au service des Français, il n'y a rien d'autre à en dire.
AUDREY CRESPO-MARA
Puisque le président est monté en première ligne, si la liste de Marine LE PEN arrive en tête, il devra endosser tout seul la responsabilité de la défaite ?
SIBETH NDIAYE
De toute façon la responsabilité de la victoire ou de la défaite, je crois qu'il ne faut pas complètement se masquer le visage, elle sera attribuée au président de la République, c'est le système institutionnel de notre pays qui est fait ainsi que même pour une élection qui n'est pas nationale forcément on en attribue le mérite ou le démérite à celui qui est à la tête de nos institutions.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais d'autant qu'il est monté en première ligne.
SIBETH NDIAYE
Mais complètement normal que le président monte en première ligne, d'abord il y a un engagement européen de très longue date qui est chevillé au corps, moi je me souviens quand on a fait la campagne présidentielle En Marche, c'était le seul mouvement qui faisait agiter des drapeaux européens dans ses meetings. Et donc cet engagement il est européen, il est consubstantiel à ce que nous sommes dans la majorité présidentielle, c'est tout à fait naturel que le président s'engage.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais on a l'impression que si vous gagnez ce sera grâce à Emmanuel MACRON et que si vous perdez, ce sera à cause de Nathalie LOISEAU.
SIBETH NDIAYE
Non, pas du tout, chacun assume ses responsabilités. Nathalie est une candidate qui est vraiment formidable qui a subi énormément d'attaques sans doute parce qu'elle était formidable.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors la campagne de Nathalie LOISEAU, elle est jugée décevante, elle n'imprime pas dit-on à La République En Marche, puisque vous n'êtes pas du genre à mentir, reconnaissez que Nathalie LOISEAU ne galvanise pas les foules.
SIBETH NDIAYE
Non, mais est-ce que pour être un bon député européen, pour animer le collectif de ce que seront nos parlementaires au Parlement européen, il faut faire des succès d'estrade ? En fait je n'y crois pas beaucoup…
AUDREY CRESPO-MARA
Pour mener campagne, il faut galvaniser les foules.
SIBETH NDIAYE
On a vu beaucoup de gens, par exemple Marine LE PEN qui sont des tribuns sur des estrades et quand on regarde le bilan qu'ils ont au final quand il s'agit de faire pour de vrai, comme le disent les enfants, le bilan est bien maigre. Moi je préfère avoir quelqu'un qui est sérieux, qui ne fait pas des effets de manche quand elle est dans un micro ou sur une estrade et qui fait sérieusement le travail derrière.
AUDREY CRESPO-MARA
Sibeth NDIAYE, vous êtes franco-sénégalaise, Marine LE PEN décrit l'immigration comme je cite, un processus fou dont on se demande s'il n'a pas pour objectif le remplacement pur et simple de la population française, que lui répondez-vous ?
SIBETH NDIAYE
Je pense que c'est une thèse assez classique de l'extrême droite qui vise à agiter les peurs, j'allais dire, les plus primales parmi nos concitoyens. Evidemment l'autre fait peur, la figure de l'altérité, la différence est toujours source d'inquiétude. Moi, je crois que quand on regarde l'immigration dans l'histoire de la France, elle a pu être une chance, la France d'hier n'est pas la France d'aujourd'hui et aujourd'hui les problématiques qui sont les nôtres avec les grandes vagues migratoires qui arrivent ne sont pas les mêmes et donc il faut qu'on soit en capacité de contrôler cette immigration et c'est ce que nous souhaitons faire au niveau européen.
AUDREY CRESPO-MARA
Marine LE PEN souhaite que les étrangers naturalisés ajoutent obligatoirement un prénom français à leur état civil, vu que vous vous appelez Sibeth et que vous avez été naturalisée en 2016, j'imagine que vous vous êtes sentie visée ?
SIBETH NDIAYE
Alors moi je ne me sens pas visée particulièrement par Marine LE PEN, ce que je sais en revanche c'est qu'il peut y avoir des Français qui choisissent des prénoms qui ne sont pas d'origine française, je connais notamment un certain Jordan BARDELLA, je n'ai pas tout à fait le souvenir que Jordan soit un prénom avec une ascendance médiévale, mais peut-être que je me trompe et que j'ai beaucoup à apprendre en histoire médiévale des prénoms de Marine LE PEN. En revanche ce que je sais, c'est qu'il est important, ce qui fait en fait que vous êtes Français, c'est la volonté que vous pouvez avoir à un moment donné de partager une communauté de destins, une communauté de valeurs, ça c'est très profondément ancré en moi et je pense dans tous ceux qui sont naturalisés.
AUDREY CRESPO-MARA
Et que répondez-vous à ceux qui trouvent dérangeant que la porte-parole du gouvernement ait une double nationalité ?
SIBETH NDIAYE
Mais je pense au contraire que c'est une richesse, on est aujourd'hui dans un monde qui est complètement mondialisé, comprendre d'autres cultures, les partager, pouvoir s'en nourrir, c'est une richesse qui est incroyable parce que la France, elle ne s'est pas construite uniquement sur les Francs et sur Clovis, elle s'est construite de l'apport divers, qui a été celui des apports divers pardon, qui ont été ceux de notre histoire, c'est ce qui nous fait aujourd'hui fort dans la mondialisation.
AUDREY CRESPO-MARA
Sibeth NDIAYE, Ariane CHEMIN, la journaliste du Monde qui a révélé l'affaire Benalla est convoquée par la DGSI, c'est pour intimider les journalistes qui enquêtent sur l'Elysée ?
SIBETH NDIAYE
Non évidemment pas du tout, Ariane CHEMIN…
AUDREY CRESPO-MARA
Je ne pensais pas que vous me diriez l'inverse mais…
SIBETH NDIAYE
Ariane CHEMIN est une grande journaliste pour qui j'ai à titre personnel beaucoup d'admiration parce qu'elle est à la fois une femme qui a eu un parcours journalistique professionnel remarquable et moi je suis…
AUDREY CRESPO-MARA
Convoquée à la DGSI.
SIBETH NDIAYE
… je suis très profondément attachée à la liberté d'informer. Mais les journalistes sont des justiciables comme les autres, il faut en quelques secondes que j'explique de quoi il s'agit au fond. Je ne sais pas si vous vous souvenez mais au moment où nos deux soldats qui sont morts récemment en opération pour sauver des otages ont reçu un hommage national aux Invalides, les soldats qui les entouraient, qui appartenaient aux forces spéciales françaises étaient tous masqués, ce n'était pas du folklore militaire, c'était parce qu'il s'agissait de protéger leur identité. Et il y a en France en termes de défense du secret militaire…
AUDREY CRESPO-MARA
Là on parle de l'affaire Benalla.
SIBETH NDIAYE
Je vais jusqu'au bout de mon raisonnement, il y a en France un certain nombre d'obligations qui pèsent sur tous les citoyens et on ne peut pas dévoiler l'identité d'un agent qui appartient aux forces spéciales. Ce dont il s'agit là, c'est d'un article qui a été publié par madame CHEMIN et qui a conduit à une plainte d'une personne, manifestement un agent des services extérieurs et cette plainte…
AUDREY CRESPO-MARA
Dépendant du ministère de l'Intérieur.
SIBETH NDIAYE
Dépendant du ministère de l'Intérieur, cette plainte a été instruite par le parquet et elle donne lieu à des auditions. Il est normal qu'en tant que justiciable madame CHEMIN soit entendue dans cette affaire.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais la semaine dernière d'autres journalistes ont déjà été convoqués par la DGSI, après avoir enquêté sur l'utilisation d'armes françaises au Yémen, donc ça donne l'impression que dès qu'une enquête dérange le gouvernement on envoie la police.
SIBETH NDIAYE
Pas du tout il ne s'agit pas, mais il est normal qu'un Etat protège un certain nombre de données qui sont nécessaires à des activités, notamment des activités de défense extérieure et des activités militaires. En ce qui concerne le Yémen, il y a eu une note classée secret défense qui s'est retrouvée dans la nature, ça n'est pas normal et il est normal que ce gouvernement, mais que l'Etat français s'interroge sur le fait qu'il puisse y avoir des fuites en son sein, parce qu'aujourd'hui c'est envers des journalistes, mais demain est-ce que ce n'est pas envers une puissance étrangère… Et donc il faut qu'on soit capable d'aller chercher les choses. Ça ne remet pas en cause notre attention portée au secret des sources, c'est un droit qui est un droit important pour les journalistes, qui est même fondateur de leur activité, mais pour autant l'Etat c'est l'Etat et il y a des secrets que l'on doit aussi protéger.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2019