Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 5 juin 2019, sur la situation dans les urgences hospitalières et le projet sur la procréation médicalement assistée (PMA).

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Sibeth NDIAYE

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être sur RTL ce matin.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous pour l'invitation.

ELIZABETH MARTICHOUX
Gros malaise dans les services d'urgences, grève depuis deux mois, manifestation demain. D'abord, une question précise, s'il-vous-plaît, est-ce qu'Agnès BUZYN, ministre de la Santé, se rendra au congrès des urgentistes où elle est espérée, elle est attendue précisément demain ?

SIBETH NDIAYE
Alors, je ne peux pas vous répondre, parce que je ne connais pas l'agenda de la ministre de la Santé et des solidarités. Donc malheureusement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça n'est pas inscrit pour l'instant à son agenda ?

SIBETH NDIAYE
Donc je ne peux pas vous répondre, honnêtement, je n'en sais rien du tout…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne savez pas. Donc vous ne savez pas, mais est-ce qu'il serait bon qu'elle y aille, selon vous, 80 services d'urgences sont en grève. Le mouvement est parti, il y a plus de deux mois, beaucoup estiment que la ministre précisément devrait répondre en urgence aux urgences – si je puis dire – par exemple, ils réclament à être reçus de façon vraiment immédiate par la ministre qui, pour l'instant, dit : je comprends, mais on verra ça plus tard.

SIBETH NDIAYE
Alors, je voudrais préciser quand même qu'Agnès BUZYN, depuis le début de la crise, a déjà reçu, à de nombreuses reprises, les représentants des urgentistes, donc c'est un sujet évidemment qu'elle suit avec énormément d'attention, avec énormément de préoccupation. Elle a été elle-même médecin, donc elle connaît parfaitement ce qu'est la situation de l'hôpital français. Ce n'est pas une situation qui date d'aujourd'hui, elle s'est sédimentée, parce que des mauvaises décisions ont été prises depuis des années et des années. Moi, je comprends ce que vivent aujourd'hui les urgentistes. J'ai des enfants, ça m'est arrivé aussi de devoir débarquer dans des urgences parce qu'une arcade sourcilière, on connaît bien le sujet quand on est parent ou quand on est tout simplement citoyen, et cette difficulté-là, la difficulté de leur métier au quotidien, l'engagement qu'ils y mettent, je comprends aujourd'hui ce qu'est leur colère, ce qui est parfois leur sentiment de désespoir, et donc je veux évidemment les assurer de toute la solidarité du gouvernement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, ce que disent les professionnels, c'est qu'ils entendent aussi cela dans la bouche de la ministre : je comprends, comme vous le dites, de la même façon avec la même empathie, mais ils disent : ça ne suffit pas, il faut des mesures immédiates, il y a une loi, elle produira des effets, vous pouvez peut-être nous dire quand, mais on sait, pas tout de suite, ils veulent des réponses tout de suite, lesquelles pouvez-vous apporter ?

SIBETH NDIAYE
Il y a des réponses qui ont été apportées d'ores et déjà, parce que nous avons augmenté les tarifs hospitaliers, c'est un geste important qui n'avait pas été réalisé depuis une dizaine d'années, et qui est un geste qui a été réalisé à l'attention des soignants à l'hôpital. La situation…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour désengorger les urgences…

SIBETH NDIAYE
La situation aujourd'hui, pourquoi est-ce que les urgences sont engorgées, parce que dans les 20 dernières années, nous avons multiplié par deux le nombre de personnes qui chaque année fréquentent les urgences, c'était de l'ordre de 10 millions en 1996, et aujourd'hui, on est de l'ordre de 21 millions. On est donc dans une situation où les gens n'y vont pas par plaisir, parce qu'ils auraient envie de fréquenter leurs urgences, quand on voit les temps d'attente, vous aviez un reportage ce matin qui faisait état de temps d'attente de 9h,10h, 11h, évidemment, ce n'est pas par choix que les gens y vont, c'est parce que la médecine de ville, la médecine libérale, aujourd'hui, n'est pas au rendez-vous, et c'est cela que nous devons réorganiser…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, on comprend bien le diagnostic, la ministre, d'ailleurs, les professionnels disent : elle fait le bon diagnostic, mais ce qu'ils ne comprennent pas ou plutôt ce qu'ils ont du mal à accepter, compte tenu de leur état d'épuisement, c'est le fait qu'elle dise : il n'y a pas de réponse à court terme, c'est ça, il n'y a pas de solution à court terme…

SIBETH NDIAYE
Il y a une première solution que nous avons mise en place, qui est une solution relativement de court terme, puisqu'on a mis en place un diplôme spécialisé d'urgentiste, donc on a des gens en ce moment qui sont formés pour arriver…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais qui sont formés…

SIBETH NDIAYE
Mais qui sont formés, mais ça dure, là, pour le coup, on parle de médecins qui sont en troisième cycle, donc ça veut dire que dans 12, 18 mois, on va avoir des gens, il y en a 400 et quelque, 461 je crois, qui vont être formés pour pouvoir arriver dans les hôpitaux, ça, c'est important. On veut aussi libérer du temps médical, et donc on a fait en sorte que des pharmaciens puissent faire de la vaccination pour la grippe, ça, c'est important quand on voit le nombre de personnes que ça concerne...

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une voie, ça, la délégation de soins ?

SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr, c'est une voie qui est importante…

ELIZABETH MARTICHOUX
Des urgentistes se sont mis – pardon, Sibeth NDIAYE – se sont mis en arrêt maladie à l'hôpital Lariboisière à Paris. La réaction d'Agnès BUZYN hier a été de dire que les soignants ont tort de – je cite – dévoyer ce qui est un arrêt maladie, et je pense que ce n'est pas bien, ça entraîne une surcharge de travail pour les autres, a-t-elle dit sur France-Inter. Responsabiliser les soignants, c'est une chose, les culpabiliser, est-ce que c'est indispensable ?

SIBETH NDIAYE
Je ne crois pas qu'il s'agit de les culpabiliser, je pense qu'il faut quand même dire…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est comme ça qu'ils l'ont entendu…

SIBETH NDIAYE
Je comprends qu'ils l'aient entendu comme ça. Moi, ce que je veux simplement vous dire, c'est qu'il y a quand même des règles sur l'utilisation d'un arrêt maladie. Et un arrêt maladie, ça n'est pas un moyen de faire une grève, c'est des choses, je veux dire, on ne peut pas l'accepter chez certains et dire que par exemple, à la SNCF, on ne l'accepterait pas parce qu'on ne considérerait pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous condamnez aussi ce moyen, cet outil d'expression…

SIBETH NDIAYE
Je crois aujourd'hui que la situation des soignants est une situation aux urgences qui est une situation extrêmement difficile. Donc moi, je ne jette la pierre à personne parce que quand on a des situations qui sont aussi difficiles, il y a des réactions, je crois, qui sont aussi difficiles. Et donc moi, j'appelle tout le monde à essayer de converger pour trouver des solutions, la ministre, elle est disponible pour écouter, pour recevoir, elle l'a fait, elle continuera à le faire. Les solutions et les problèmes, on…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous souhaitez qu'elle le fasse, comme eux le demandent dans les heures qui viennent ?

SIBETH NDIAYE
Mais bien sûr, mais tout simplement, Agnès BUZYN, elle a été toujours disponible pour les recevoir, et elle continuera à l'être.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous n'avez pas peur qu'il y ait une rupture qui, jusque-là, ne s'était pas produite entre la ministre et le personnel soignant ?

SIBETH NDIAYE
Non, je ne crois pas parce que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Comme ça s'est passé sous d'autres régimes, si je puis dire…

SIBETH NDIAYE
C'est une personnalité, bien sûr, c'est une personnalité qui connaît parfaitement l'hôpital, qui connaît ses difficultés, qui les a elle-même expérimentées en tant que soignante, et donc qui a cette forme de relation-là, qui, je crois, est une bonne relation avec les personnels soignants.

ELIZABETH MARTICHOUX
Sibeth NDIAYE, L'Express publie demain les extraits d'un livre, signé Sophie COIGNARD, consacré à l'affaire Benalla aux éditions de l'Observatoire. Elle retrace soigneusement l'épisode du coup de poing à la Contrescarpe, la colère du chef de l'Etat quand il l'apprend dans les heures qui viennent, je vous entends soupirer, et quand le directeur de cabinet lui dit qu'il va être sanctionné, il ne comprend pas, il attend plutôt une médaille : BENALLA – je cite – file plaider sa cause auprès d'Ismaël EMELIEN, auquel il soumet l'idée d'une décoration, qui récompenserait son fait d'arme place de la Contrescarpe, il a voulu faire respecter la loi, il a aidé à interpeller des individus qui avaient commis des délits, l'Elysée peut reprendre la main en dévoilant son identité, mais pour le féliciter de son action, tout en précisant qu'il était en congé, hors de l'exercice de ses fonctions, le conseiller spécial est plus que sceptique. Vous étiez à l'Elysée au même moment, est-ce que, d'abord, vous avez entendu parler de cette décoration ?

SIBETH NDIAYE
Non, pas du tout, moi, j'étais... alors, d'abord, j'étais effectivement salariée à l'Elysée à l'époque, mais j'étais en déplacement avec le président de la République à l'autre bout du monde, en Australie, à ce moment-là…

ELIZABETH MARTICHOUX
En Océanie donc. Mais est-ce que vous avez entendu parler, à un moment, de cette démarche BENALLA, qui consistait plutôt à se faire féliciter…

SIBETH NDIAYE
Ah non, pas du tout, je pense qu'elle est tellement iconoclaste qu'elle n'a pas été évoquée. En tout cas, jamais en ma présence.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, en fait, vous comprenez que ça puisse choquer qu'on apprenne…

SIBETH NDIAYE
Eh bien, c'est une évidence que c'est choquant, enfin je veux dire, il n'y a même pas de discussion à avoir, le fait qu'il se soit retrouvé à la Contrescarpe n'était pas acceptable, ça n'était pas l'attitude qui pouvait être attendue de quelqu'un, quand vous travaillez à la présidence de la République, vous êtes quelque part l'incarnation de ce qui est à la fois l'institution présidence de la République, mais aussi une vitrine de ce qui est le président de la République, donc il y a des comportements qui ne sont pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça confirme qu'il n'était pas taillé pour le poste…

SIBETH NDIAYE
Ça confirme qu'il a commis des erreurs, que ces erreurs, nous n'en avons pas eu connaissance dans leur intégralité au moment où elles ont été commises, et que dès lors que ces erreurs ont été commises, la présidence de la République s'est séparée de lui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Hier, le patron du parti, Stanislas GUERINI, La République En Marche, à votre place, a souhaité que la loi pour étendre la PMA à toutes les femmes soit présentée, votée même au Parlement avant la fin de l'année, est-ce que c'est aussi la volonté du gouvernement ?

SIBETH NDIAYE
Aujourd'hui, ce que le Premier ministre a indiqué, et que d'ailleurs, la ministre des Solidarités et de la Santé a redit, Agnès BUZYN, c'est que le projet de loi serait présenté en Conseil des ministres au mois de juillet, après, on a des arbitrages à réaliser sur le calendrier parlementaire, vous savez que nous avons beaucoup de réformes à mener…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais le calendrier a bon dos, s'il y a une volonté politique, ce sera fait avant la fin de l'année !

SIBETH NDIAYE
Non, ce n'est pas une question du calendrier qui a bon dos !

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une question de volonté politique…

SIBETH NDIAYE
Non, je ne suis pas d'accord avec vous…

ELIZABETH MARTICHOUX
Les arbitrages, c'est de la volonté politique.

SIBETH NDIAYE
Mais bien sûr, et donc ils sont en train d'être pris, et le Premier ministre dans son discours de politique générale, qui se tiendra la semaine prochaine, aura l'occasion d'apporter des éclaircissements là-dessus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc le calendrier des réformes sera précisé par Edouard PHILIPPE, le 12 juin, mardi prochain (sic)…

SIBETH NDIAYE
Exactement, il précisera…

ELIZABETH MARTICHOUX
On aura tout le programme de la fin de l'année…

SIBETH NDIAYE
Il précisera l'ensemble de notre chantier législatif, de nos chantiers législatifs et de leur calendrier.

ELIZABETH MARTICHOUX
Emmanuel MACRON a renoncé à son discours au congrès estimant qu'il n'en a pas plus à dire que justement Edouard PHILIPPE la semaine prochaine. Selon Le Canard Enchaîné, il a dit en Conseil des ministres – vous y étiez – qu'il le ferait à la mi-temps du quinquennat, alors, il a utilisé un terme plus savant, à l'hémistiche de son quinquennat, mais enfin, ça revient au même, en novembre, est-ce que ce serait une bonne date ?

SIBETH NDIAYE
Je crois que ce qui est important de comprendre, c'est pourquoi, comment est-ce que se succèdent les paroles du président de la République et du Premier ministre, parce que chacun est dans un rôle institutionnel différent, le président indique ce qui est le cap et les perspectives pour le pays, il l'a fait dans une conférence de presse le 25 avril dernier, le Premier ministre va le dire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, Sibeth NDIAYE, je l'ai dit, il considère qu'il ne veut pas parler…

SIBETH NDIAYE
Le Premier ministre va détailler les choses. Et donc le président de la République reprendra la parole à un moment où il considérera que le moment politique est un moment dans lequel sa parole a de l'intérêt et de l'importance.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce qu'il a renoncé à sa promesse de parler devant le congrès tous les ans ou…

SIBETH NDIAYE
Ah, pas du tout !

ELIZABETH MARTICHOUX
Ou est-ce qu'il le fera, et avant la fin de l'année ?

SIBETH NDIAYE
Pas du tout, j'ai été extrêmement claire lorsque j'ai fait cette annonce à l'issue du Conseil des ministres, j'ai indiqué que la prise de parole du président de la République était reportée, non pas qu'elle était annulée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Deux mois de porte-parolat pour vous. Vous avez fait tous les médias depuis, etc. Qu'est-ce qui vous frappe dans cette fonction, très rapidement ?

SIBETH NDIAYE
Le degré d'exposition qu'on peut avoir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous arrive de parler pour ne rien dire ?

SIBETH NDIAYE
Je n'espère pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous arrive de parler pour ne rien dire, ça a dû vous arriver. Petite question de fin, l'équipe de France féminine, vous la connaissez, vous connaissez des joueuses ?

SIBETH NDIAYE
Alors, je la connais, en fait, j'ai eu l'occasion de rencontrer certaines joueuses, parce qu'elles sont déjà venues à l'Elysée pour des cérémonies…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes fan ?

SIBETH NDIAYE
Moi, en fait, je suis fan de l'idée qu'un sport féminin ait pu émerger comme le football féminin est en train d'émerger en ce moment, je ne connais strictement rien aux règles du foot, mais par solidarité féminine, et parce que je suis profondément convaincue de l'impératif d'égalité entre les hommes et les femmes, j'irai les soutenir et je mettrai toute la panoplie du supporter.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera à suivre sur RTL. Merci Sibeth NDIAYE d'avoir été ce matin notre invitée.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.

YVES CALVI
Et le calendrier des réformes sera donc annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale le 12 juin prochain. Merci à l'une et à l'autre. L'intégralité de l'entretien, comme chaque jour, est à retrouver sur le site « rtl.fr. ».


source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juin 2019