Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le projet de loi Pacte, à l'Assemblée nationale le 13 mars 2019.

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Circonstance : 2e lecture du projet de loi PACTE, à l'Assemblée nationale le 13 mars 2019

Texte intégral

Madame la présidente,
Messieurs les députés,


Je suis heureux de vous retrouver pour cette deuxième lecture du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises.

Je veux d'abord remercier la commission spéciale, sa présidente, le rapporteur général, les rapporteurs thématiques et tous les députés qui y ont participé, pour la qualité des débats que nous avons eus sur ce projet de loi important. Nous n'avons pas été d'accord sur l'ensemble des dispositifs du texte, c'est normal, mais je pense que le débat que nous avons eu en commission spéciale a permis d'éclairer des enjeux économiques de notre nation et je souhaite qu'il en aille de même, avec le même esprit constructif et ouvert, lors des débats en séance publique.

L'examen de ce texte en deuxième lecture intervient à un moment particulier de l'histoire économique de notre nation et de l'histoire économique internationale, avec trois éléments qui me paraissent essentiels.

Le premier, c'est le bouleversement économique majeur et rapide auquel nous sommes confrontés, qui modifie les chaînes de production, qui modifie la création de valeur, qui modifie les formations et la pertinence des qualifications qui sont données aux nouvelles générations.

La deuxième caractéristique, c'est une bascule de puissance vers l'Asie. Le XXIe siècle sera un siècle asiatique et la puissance désormais s'est déportée vers la Chine tandis que, de l'autre côté, nous avons un allié américain désormais récalcitrant qui ne fait plus aucun cadeau aux nations européennes. Il est donc indispensable de construire notre propre puissance économique et technologique, nationale et européenne. Chacun doit avoir conscience que notre souveraineté politique dépendra de notre souveraineté technologique. Les nations innovantes seront les vainqueurs du XXIe siècle, les nations de rentiers seront les nations vaincues du XXIe siècle.

Enfin la troisième caractéristique, c'est une montée des inégalités à l'intérieur des nations et entre les nations, y compris européennes, qui est à la fois injuste politiquement et inefficace économiquement. Cette montée des inégalités doit évidemment être combattue en redéfinissant la notion même de capitalisme.

PACTE est un des instruments politiques qui permet de répondre à ces défis des nouvelles technologies, de la montée en puissance de la Chine et de l'Asie et de la montée des inégalités partout à travers la planète.

C'est un texte d'efficacité, c'est un texte de justice et c'est un texte de clarification.

PACTE est d'abord une loi d'efficacité destinée ouvertement aux PME, aux très petites entreprises, aux commerçants, aux artisans, pour leur permettre de grandir, d'affronter la compétition nationale et internationale avec des mesures fortes de simplification qui sont attendues depuis des années et que nous mettons en place.

Simplification des seuils sociaux qui seront désormais ramenés à 3, avec un délai de cinq années successives au-dessus d'un seuil avant de devoir remplir les obligations qui vont avec :

- simplification de la création d'entreprise avec le registre unique dématérialisé ;
- simplification du contrôle avec la fin de la surtransposition de la directive sur le contrôle des comptes des petites et moyennes entreprises ;
- simplification du rebond ;
- simplification de la transmission avec l'assouplissement du pacte Dutreil ;
- simplification du financement avec le développement de l'assurance vie en actions pour développer le financement en fonds propres de notre économie, qui se finance trop par la dette.

L'objectif principal de tous ces dispositifs d'efficacité, c'est de faire grandir nos PME et de constituer partout sur le territoire national un tissu d'entreprises de taille intermédiaire performantes et créatrices d'emplois. Car dans ce temps de grand débat, je tiens à rappeler que le premier problème social français reste le chômage, qui fragilise, qui appauvrit des millions de nos compatriotes, et que le premier problème économique français reste la création de richesses suffisante pour assurer la prospérité de tous sur tous les territoires.

PACTE est aussi un texte de justice.

Je ne crois pas à une économie sans justice, je ne crois pas à un capitalisme dont le succès se paierait par une augmentation des inégalités, par la fragilisation des salariés et par l'épuisement de notre planète. Ce capitalisme-là est condamné. Je crois en un capitalisme qui rémunère le travail à sa juste valeur, qui accélère la transition écologique et qui réduit les inégalités.

PACTE redonnera donc la voix aux salariés avec la modification de la composition du Conseil d'administration. Les salariés auront davantage leur place, avec le développement de l'actionnariat salarié qui doit associer les salariés dans le capital de l'entreprise, avec le développement de la reprise d'entreprise par les salariés, qui est une incitation aussi à poursuivre la vie d'une entreprise en difficulté.

PACTE récompense le travail car nous savons tous que la bonne et juste rémunération du travail est la condition de nos succès économiques et la condition de la cohésion de notre société. La suppression du forfait social sur l'intéressement et la participation pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés, c'est la juste récompense du travail et la meilleure rémunération de l'ensemble des salariés dans nos entreprises. Le développement de l'épargne salariale avec la simplification des dispositifs, la possibilité de libérer beaucoup plus facilement son épargne salariale, c'est aussi une manière de mieux rémunérer le salarié et de mieux récompenser le travail.

PACTE protège enfin les salariés les plus fragiles avec une disposition que vous avez fait adopter et qui est essentielle sur les conjoints collaborateurs ou avec les mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes. PACTE défend l'égalité salariale avec la mise en place pour la première fois d'un rapport d'équité sur la base du salaire médian. Il est juste que des salariés soient mieux payés que d'autres au sein d'une même entreprise, en fonction de leurs responsabilités, de leurs compétences, de leur expérience, de leurs qualifications. En revanche, il est injuste que certains dans une même entreprise touchent en un mois ce que d'autres toucheront dans une vie de travail.

PACTE enfin est une loi de clarification.

J'entends beaucoup dire que c'est une loi fourre-tout. C'est exactement l'inverse. C'est parce qu'il y avait beaucoup à simplifier qu'il y a aussi beaucoup à légiférer et qu'il y a beaucoup à clarifier que ce texte est aussi ambitieux pour les entreprises, pour les salariés et pour la clarification du rôle respectif des entreprises et de l'État dans la société française.

Le rôle de l'entreprise ne peut pas se limiter à la création de profits. C'est une condition nécessaire mais désormais une conception insuffisante du rôle de l'entreprise dans la société. L'entreprise participe à l'amélioration de la qualité de la vie. Elle participe à l'amélioration de notre environnement. Elle fait une place aux plus faibles. Elle peut donner à ceux qui sont en situation de handicap la possibilité de travailler et de développer leurs talents. Elle combat pour l'égalité femmes-hommes. Elle combat pour l'intégration. L'entreprise modifie notre vie quotidienne. L'entreprise a un rôle social. L'entreprise a une raison d'être qui dépasse le profit et il est légitime et juste de le reconnaître dans le Code civil, comme vous le ferez avec le projet de loi PACTE.

Le rôle de l'Etat mérite lui aussi d'être clarifié. Je suis convaincu que l'État a un rôle à jouer dans l'économie, mais ce rôle doit être redéfini en profondeur. L'État a le mauvais rôle dans l'économie quand il exerce des activités commerciales en lieu et place d'un entrepreneur privé. En revanche, il a le bon rôle quand il fait respecter l'ordre public économique, quand il gère des services publics ou quand il protège contre des investissements agressifs qui menacent notre souveraineté.

La privatisation d'Aéroports de Paris et de la Française des Jeux s'inscrivent dans cette nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire qui doit dégager de nouvelles marges de manoeuvre pour financer l'innovation, l'investissement dans les technologies fondamentales pour le XXIe siècle que sont en particulier l'intelligence artificielle, les algorithmes et les données.

J'estime, avec toute la conviction dont je vous ai fait part à plusieurs reprises, que moins de participation au capital et plus de régulation, c'est ce qui est utile pour défendre nos intérêts publics dans les sociétés privées. C'est plus efficace et cela dégage des marges de manoeuvre financière pour d'autres investissements.

Voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter en début de discussion sur ce projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises.

Je suis convaincu que c'est une étape majeure dans la transformation de l'économie française pour laquelle nous avons tous été élus, dans cette majorité.

C'est un complément essentiel de la transformation de la fiscalité que nous avons mise en place au niveau national comme au niveau international.

C'est un complément de la reconquête industrielle, de la restructuration des filières, du meilleur financement de l'innovation, de la défense, de la recherche et du développement dans l'économie française que nous avons engagés depuis deux ans et qui commencent à donner des résultats.

C'est un complément de la transformation de la formation professionnelle et du marché du travail qui nous permet aujourd'hui d'avoir 160 000 créations d'emplois en 2018 et un chômage qui commence enfin à baisser en France.

Avec PACTE, avec ces choix économiques, avec cette transformation en profondeur de l'économie française, je suis convaincu que nous pouvons faire d'ici quinze ans de l'économie française la première en Europe.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 mars 2019