Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Mon invité ce matin effectivement est le ministre de l'Economie. Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
Bonjour Christophe JAKUBYSZYN.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors est-ce que vous pouvez nous clarifier un peu votre point de vue par rapport au diesel ? Est-ce qu'il faut arrêter, stop ou encore, le diesel ? Parce que d'un côté, vous préparez lundi la restructuration de la filière. On attend 15 000 suppressions d'emplois dans l'industrie du diesel. Et puis de l'autre, vous réclamez que la vignette Crit'Air 1 qui, en fait, salue les véhicules les moins polluants, soit attribuée au diesel. Alors on n'y comprend plus rien, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Alors je vais essayer de vous clarifier les choses dans ce cas-là. Ma responsabilité, c'est d'assurer une transition écologique en bon ordre vers des véhicules propres. L'hybride rechargeable, l'électrique, peut-être aussi l'hydrogène qui est une filière très prometteuse.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça ne pollue pas, l'électrique ? Vous croyez que ça ne pollue pas ? Les batteries ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que ça pollue moins que d'autres véhicules mais cette transition, elle doit se faire en bon ordre. Parce que derrière, il y a des dizaines de milliers d'emplois qui sont en jeu.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
15 000 en France.
BRUNO LE MAIRE
La filière diesel, c'est 50 000 emplois directs ou indirects. C'est 380 sites.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
… supprimés à court terme.
BRUNO LE MAIRE
Dont 15 000 peuvent être menacés et 5 000 peuvent être menacés à très court terme, c'est-à-dire dans les mois qui viennent.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que regardez, on était à 71 % de véhicules diesel en 2010, 39 % de véhicules neufs.
BRUNO LE MAIRE
Oui, je sais bien que les ventes diminuent extrêmement rapidement. Mais moi derrière, je pense au site de BOSCH à Rodez, près de 800 emplois qui peuvent être menacés. Je pense à tous les sites industriels dans lesquels on fait des injecteurs diesel qui pourraient être menacés également. Je pense aux ouvriers, je pense aux salariés. Il ne faut pas faire une croix comme ça en disant : « Voilà, le diesel c'est fini. On passe à autre chose. Et tant pis pour les salariés. » Je dois assurer une transition en bon ordre. Ça veut dire la reconversion des sites. On va mettre 18 millions d'euros sur ce sujet, j'ai réuni les régions, les constructeurs, les sous-traitants pour qu'on regarde site industriel par site industriel comment on peut garantir une bonne conversion des salariés et des sites industriels.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que le diesel c'est fini quand même à terme ?
BRUNO LE MAIRE
Il peut y avoir des diesels qui respectent nos ambitions environnementales. Ça, c'est tout le sujet. C'est le sujet des vignettes Crit'Air 1. La vignette Crit'Air 1, elle vous dit : pour que des véhicules puissent rouler en bénéficiant de ce label, il faut qu'elle respecte des règles en matière de rejet de dioxyde de carbone et d'oxyde d'azote. Est-ce que des véhicules diesel peuvent ou non respecter ces critères ? C'est ce qu'il faut savoir ?
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais si vous mettez la vignette Crit'Air 1 sur le diesel, pourquoi convertir, pourquoi arrêter la production de diesel si ça ne pollue pas ?
BRUNO LE MAIRE
Moi, je ne choisis pas la motorisation. Il faut qu'il y ait une neutralité technologique. C'est aux scientifiques, aux experts de nous dire si oui ou non il y a des moteurs diesel qui peuvent respecter ces normes-là. Alors je connais parfaitement le doute sur le sujet. Il y a eu le dieselgate qui est passé par-là. Il y a des inquiétudes, il y a des doutes, il y a du scepticisme.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une nouvelle étude dans une revue allemande hier montre que la pollution, la mort par la pollution de l'air est beaucoup plus importante que ce qui est dit officiellement et que ce serait dû notamment aux émissions du diesel.
BRUNO LE MAIRE
C'est peut-être les anciens diesels, ça peut être d'autres particules. Donc ce que je souhaite, c'est qu'on ait une évaluation scientifique, neutre, rigoureuse, indiscutable. Donc j'ai demandé à l'Institut français des énergies nouvelles de faire une étude sur ces nouvelles motorisations diesel pour nous dire oui ou non y a-t-il des motorisations diesel qui respectent ces ambitions environnementales fixées par Crit'Air 1 ?
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous l'aurez quand, la réponse ?
BRUNO LE MAIRE
On aura la réponse dans plusieurs mois parce que si on veut faire une analyse sérieuse, elle doit se faire sur route, elle doit se faire en laboratoire. Il faut que l'analyse soit la plus rigoureuse et la plus sérieuse possible, car je ne prendrai aucun risque, je dis bien aucun, avec la santé des Français et avec la transition écologique.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Puisqu'on qu'on parle d'automobile, on va dire un mot de RENAULT-NISSAN avec un nouveau patron qui a été nommé. Est-ce qu'on est réconcilié avec les Japonais ? Est-ce que d'ailleurs… Tiens, RENAULT-NISSAN et AIR FRANCE-KLM, est-ce qu'à chaque fois on paye notre arrogance française de vouloir prendre le contrôle dans les alliances internationales ?
BRUNO LE MAIRE
Non. Je ne crois pas qu'on paye quoi que ce soit. Je pense en revanche qu'il faut être clair sur la stratégie que nous suivons à long terme. Sur RENAULT-NISSAN la stratégie est simple : consolider l'Alliance, assurer l'avenir de RENAULT et simplifier et clarifier une gouvernance qui était trop complexe. C'est ce que fait Jean-Dominique SENARD avec beaucoup de talent et beaucoup de succès. Vous aviez une structure qui était trop complexe avec cet organe RNBV qui était installé à Amsterdam, qui rassemblait RENAULT et NISSAN. Tout le monde ne comprenait pas très bien ce que ça voulait dire. Donc nous avons désormais une gouvernance simple avec un conseil de l'Alliance qui va rassembler RENAULT, NISSAN, MITSUBISHI. Ce Conseil de l'Alliance, c'est la nouvelle gouvernance de l'Alliance. Elle est présidée par un Français, par Jean-Dominique SENARD. Et sous ce Conseil de l'Alliance, vous avez le directeur général de RENAULT, le directeur général de NISSAN…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qui sera Japonais.
BRUNO LE MAIRE
Qui sera Japonais. Et le directeur général de MITSUBISHI. Vous voyez, nous avons réussi en quelques mois à transformer pour plus de simplicité et plus d'efficacité la gouvernance de RENAULT. Je pense que c'est une excellente nouvelle pour ce fleuron industriel français.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pour AIR FRANCE-KLM, pareil ? La guerre avec nos alliés hollandais est terminée dans le capital ?
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a aucun intérêt à se livrer des guerres entre Européens.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y en a eu une boursière en tout cas.
BRUNO LE MAIRE
Vous voyez bien que…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a eu une guerre boursière. Ils ont quand même pris 14 % du capital.
BRUNO LE MAIRE
Vous voyez bien qu'entre les ambitions de la Chine et le comportement des Américains, nous avons intérêt à ce que les Européens soient soudés comme un bloc. Et qu'ils fassent bloc et qu'ils défendent ensemble leurs intérêts économiques. Donc la stratégie pour AIR FRANCE-KLM, même chose. Nous sommes en discussion avec les Néerlandais et nous essayons de construire une gouvernance qui soit plus simple, plus équilibrée aussi entre Français et Néerlandais pour garantir l'avenir d'un fleuron du transport aérien.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La crise est terminée ?
BRUNO LE MAIRE
La crise, elle est derrière nous et j'ai toujours fait en sorte de calmer les choses pour que, au bout du compte, la compagnie soit plus forte et que les salariés soient rassurés sur leur avenir.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Puisqu'on parle d'aérien, un mot aussi des BOEING 737 MAX qui sont cloués au sol en Europe, pas aux Etats Unis. Pourquoi il y a cette différence ? Est-ce que l'Europe fait du pro-AIRBUS en sanctionnant BOEING ? Ou est-ce que les Américains sont irresponsables ? C'est l'un ou l'autre.
BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas là pour juger qui que ce soit. Je dis simplement qu'il y a un principe de précaution qui s'applique. Elisabeth BORNE l'a dit hier. Nous devons la sécurité maximale à tous les voyageurs. Donc c'est le principe de précaution qui est appliqué en Europe et je pense que c'est un bon principe.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Les Américains n'appliquent pas ce principe aux Etats-Unis.
BRUNO LE MAIRE
Les Américains sont libres de prendre leur décision. Moi je pense d'abord à toutes les victimes de ce vol, je pense aux inquiétudes que peuvent avoir légitimement certains passagers. Nous appliquons ce principe de précaution. C'est bien la preuve qu'il y a des valeurs européennes, des principes européens auxquels nous sommes attachés et que nous devons appliquer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, vous dites qu'il faut ne pas être naïf, se protéger en Europe, et pourtant vous voulez privatiser. C'est votre loi PACTE qui revient à l'Assemblée nationale cette semaine, vous la défendez depuis plusieurs semaines, plusieurs mois même. Les privatisations : pourquoi est-ce que vous voulez absolument privatiser AEROPORTS DE PARIS notamment ? Il y a aussi LA FRANCAISE DES JEUX et ENGIE. AEROPORTS DE PARIS, vous avez vu que ça grince même au sein de la majorité, même au sein du gouvernement. Hier Benjamin GRIVEAUX a assuré que l'Etat garderait 20 % du capital avant de se rétracter. Qu'est ce qui se passe ?
BRUNO LE MAIRE
J'entends beaucoup de contre-vérités sur le sujet.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous voulez parler de Benjamin GRIVEAUX ?
BRUNO LE MAIRE
Beaucoup de contre-vérités. Je parlais des oppositions de gauche comme de droite. Vous me permettrez de noter le caractère un peu surprenant de voir Les Républicains s'opposer vigoureusement à des privatisations qu'ils avaient défendues avant. Mais enfin, on n'est pas une incohérence près.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a la mauvaise expérience des autoroutes.
BRUNO LE MAIRE
On n'est pas à une incohérence près. Simplement, j'entends beaucoup de contre-vérités. Nous ne voulons pas privatiser AEROPORTS DE PARIS pour l'éternité. Nous donnons une concession pour 70 ans à un opérateur qui doit garantir le meilleur développement possible d'AEROPORTS DE PARIS. Nous ne remettons pas en cause les activités stratégiques. Qu'est-ce qui est stratégique dans AEROPORTS DE PARIS, à Roissy ou à Orly ? C'est le contrôle des frontières, c'est le contrôle des passagers. Le contrôle des frontières et le contrôle des passagers restera dans les mains de l'Etat.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le contrôle aérien.
BRUNO LE MAIRE
Toutes les décisions stratégiques, le contrôle aérien également, resteront strictement, rigoureusement dans les mains de l'Etat.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous voulez privatiser juste le duty free en gros.
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est ce que nous faisons. Nous privatisons les activités commerciales : les parkings, les hôtels, les boutiques de luxe. Alors si certains estiment que c'est le rôle de l'Etat de gérer des boutiques, des commerces et des hôtels de luxe, tant mieux. Je rappelle que ces activités commerciales représentent 74 % du résultat d'AEROPORTS DE PARIS et c'est cela que nous voulons privatiser. En revanche, toutes les activités stratégiques resteront dans les mains de l'Etat. Et par ailleurs, nous apportons un certain nombre de garanties supplémentaires. Vous avez parlé à juste titre des autoroutes : la question, c'est celle des tarifs. Moi je ne veux pas voir les tarifs flamber comme ça a été le cas sur les autoroutes. L'Etat garde la main sur les tarifs. Ils sont renégocier tous les 5 ans donc il n'y aura aucune flambée des tarifs mais un contrôle strict sous la main de l'Etat.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc pour garder le contrôle, est-ce que, comme le proposait Benjamin GRIVEAUX, il faut garder 20 % du capital ?
BRUNO LE MAIRE
Toutes les options sont sur la table. Et ça n'a pas été tranché, ce sera tranchée dans les prochains mois.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous voulez tout privatiser. Ça rapporte plus d'argent.
BRUNO LE MAIRE
Ça rapporte plus d'argent mais toutes les options sont sur la table. Et je rappelle une fois encore que le cahier des charges, dont je transmettrai aujourd'hui les principaux dispositifs aux parlementaires pour qu'ils soient informés, renforce les garanties de l'Etat sur AEROPORTS DE PARIS.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez vu qu'à Toulouse, les Chinois veulent se retirer et que je crois que c'est un rapporteur d'un tribunal qui propose qu'on annule même cette privatisation.
BRUNO LE MAIRE
Oui. Mais enfin ce que j'ai vu aussi sur Toulouse et qu'on oublie de dire, c'est que l'activité s'est développée. C'est que les investissements ont eu lieu. C'est que le nombre de voyageurs a augmenté donc les résultats économiques ont été bons. Donc attention à toutes ces contre-vérités que j'entends où certains, pour de mauvaises raisons, jouent avec les peurs des Français. La frontière qui existe : AEROPORTS DE PARIS restera dans les mains de l'Etat. Le jour où nous avons donné une concession au tunnel sous la Manche, qui est une concession de plus de 70 ans, et que nous avons laissé la gestion du tunnel sous la Manche à un opérateur privé : il y a bien une frontière, à ma connaissance, entre la Grande-Bretagne et la France…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y en aura sans doute une d'ailleurs…
BRUNO LE MAIRE
Et c'est une frontière qui risque d'être encore plus importante dans quelques semaines. Ça n'a pas fait hurler tout le monde. C'est exactement la même chose : la frontière sous le contrôle de l'Etat, les activités commerciales confiées à un opérateur privé pour permettre le développement encore plus important d'AEROPORTS DE PARIS.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors c'est la dernière semaine du grand débat ; enfin de l'Acte I parce qu'après il y aura la synthèse et puis les propositions. Alors Sébastien LECORNU, que vous connaissez bien, votre collègue…
BRUNO LE MAIRE
Et que j'apprécie beaucoup.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et que vous appréciez beaucoup, a promis des surprises dans le Journal du dimanche. Et vous aussi vous allez promettre des surprises en matière économique ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je préférerais qu'en matière fiscale en tout cas il n'y ait pas trop de surprises. Parce que j'estime que le cap à tenir, c'est de faire baisser…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y aura des bonnes surprises, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Oui, il y aura de bonnes surprises. Mais la seule bonne surprise que je connaisse en matière fiscale, c'est la baisse des impôts. Et je crois qu'il est impératif que nous tenions cette ligne qui est difficile à tenir parce qu'on n'a pas cessé d'augmenter les impôts depuis dix ans ou vingt ans en France.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce que les Français perçoivent effectivement. Je vous le confirme.
BRUNO LE MAIRE
Mais ils ont raison. Les chiffres sont sans appel. Les impôts ont augmenté, nous avons commencé à les faire baisser. Depuis deux ans, les impôts des Français commencent à baisser.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas tout à fait la perception des gens, vous le savez.
BRUNO LE MAIRE
Je le sais bien mais c'est la réalité. Taxe d'habitation, suppression des cotisations Assurance maladie, assurance-chômage. Nous faisons baisser les impôts des Français. Je vais vous dire…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous allez accélérer après le grand débat ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien je vais vous dire : si on peut continuer, si on peut accélérer en échange d'une baisse des dépenses publiques parce que l'un permet de financer l'autre, eh bien je pense que ce serait une bonne chose pour notre pays.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ça, ce n'est pas la jambe droite du gouvernement qui parle ? Parce que quand vous regardez les propositions de la République en Marche, Stanislas GUERINI es a faites ce week-end. Regardez : hausse de l'impôt sur la fortune immobilière, hausse ou refonte des droits de succession, taxation des Français expatriés. Alors il y a quand même l'indexation des petites retraites. Vous êtes d'accord avec ces quatre choses ? C'est les principales propositions de la République en Marche.
BRUNO LE MAIRE
Le parti de la majorité, il est dans son rôle. Stanislas GUERINI fait des propositions.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
De proposer des hausses d'impôts ?
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est le rôle d'un parti majoritaire de faire des propositions. Et le rôle du ministre des Finances, c'est de s'assurer que les impôts des Français baissent et je peux vous garantir que tous les jours, je me dis : comment est-ce que nous pourrions, grâce à une baisse de la dépense publique ou grâce à plus de travail, plus de recettes fiscales, baisser les impôts des Français ?
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc ça, c'est non non non. On est d'accord.
BRUNO LE MAIRE
Il y a un débat. Je ne vais pas préempter les conclusions des débats mais comme ministre des Finances, je veux redire que ma préoccupation première, c'est de faire baisser les impôts des Français. Et comme ministre de l'Economie, c'est de garantir, on revient au diesel, la création d'emplois, l'activité, la croissance. Qu'est ce que je constate ? 160 000 emplois créés en 2018 en France, 340 000 en 2017. Notre politique économique commence à donner des résultats pour les Français en termes d'emploi, en termes de baisse des impôts. Bien je considère qu'il faut accélérer dans cette direction.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a encore une autre proposition qu'on entend souvent, c'est une tranche supplémentaire à l'impôt sur le revenu. Vous seriez d'accord ?
BRUNO LE MAIRE
C'est là aussi une augmentation d'impôt. Elle est masquée sous ce terme « tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu » mais c'est une augmentation d'impôt. J'entends parfaitement le désir de justice qui est au coeur du mouvement des gilets jaunes. Et ce désir de justice, il est légitime mais on peut aussi le remplir autrement. Quand nous faisons passer dans le projet de loi sur la croissance et la transformation de l'entreprise, PACTE, la suppression du forfait social sur l'intéressement, sur la participation…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pour les PME.
BRUNO LE MAIRE
C'est plus d'argent pour les salariés des PME, c'est plus de justice. Quand nous disons aux salariés qu'ils vont participer davantage à la gouvernance des entreprises, c'est plus de justice. Quand nous mettons en place l'intérêt social de l'entreprise, la raison d'être de l'entreprise, c'est plus de justice parce que ça donne du sens à l'activité économique. Plus de justice, ce n'est pas nécessairement plus d'impôts.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors en termes de justice, il y a aussi le sentiment de réparer les inégalités fiscales, notamment les grands groupes qu'on appelle les GAFA : GOOGLE, APPLE, FACEBOOK. Vous avez décidé, Bruno LE MAIRE, de les taxer sur leur chiffre d'affaires publicitaire en France. Ça va être applicable quand d'ailleurs ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera applicable dès le 1er janvier 2019.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors vous avez vu… Donc on y est.
BRUNO LE MAIRE
Oui, on y est.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Rétroactif ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera adopté mais on prendra l'intégralité du chiffre d'affaires de 2019, donc ce sera applicable à partir du 1er janvier 2019. Et vous avez parfaitement raison de dire que ces mesures de justice… Enfin la PME qui paye 14 points d'impôt de plus que les géants du numérique, qu'ils soient américains, chinois ou européens, mais comment est-ce qu'elle peut accepter cette injustice fiscale ? Nous corrigeons une injustice fiscale et nous inventons la fiscalité du XXIème siècle qui doit nécessairement peser sur les données.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous l'inventez, mais un peu tout seul, parce qu'on a vu hier les Américains qui vont porter plainte auprès de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, contre la taxe LE MAIRE sur les GAFA, vous êtes prêt à la guerre avec Donald TRUMP ?
BRUNO LE MAIRE
Ils risquent de devoir plainte contre beaucoup de monde, parce que je rappelle que l'Inde a mis cette taxe en place, je rappelle que la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne, l'Autriche veulent mettre cette taxe en place, et la France va effectivement mettre cette taxe en place, donc je crois que ces menaces ne servent à rien. Ce chantage ne sert à rien, tout le monde sait qu'il faudra demain taxer les activités numériques. Et donc j'invite nos amis américains, comme je l'ai fait avec le secrétaire américain au Trésor quand il était à Paris, à venir travailler avec nous, à l'OCDE, à une juste taxation du numérique, ce sera plus efficace que les menaces.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, mais enfin, en Europe, lundi, vous avez reçu une fin de non-recevoir de trois de nos alliés, je crois que c'est les Danois, les Irlandais…
BRUNO LE MAIRE
Je regrette, Christophe JAKUBYSZYN, qu'une minorité puisse bloquer l'immense majorité des Etats européens qui étaient favorables à cette taxation du digital, c'est bien la preuve que les règles européennes doivent changer, que nous devons passer à la majorité qualifiée sur ces décisions…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et non plus unanimité…
BRUNO LE MAIRE
Et plus l'unanimité, si nous avions la majorité qualifiée aujourd'hui sur ces questions fiscales, eh bien, la taxation des gens du numérique, elle aurait été adoptée au niveau européen plutôt que nation par nation, ça aurait rendu l'Europe plus forte et plus crédible.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, tout à l'heure, vous vantiez vos résultats économiques, mais il y a beaucoup d'échecs, on entend parler régulièrement, notamment dans l'industrie, dont la part ne cesse de baisser dans notre économie, des fermetures d'usines, il y a eu FORD, Blanquefort, il y a eu ASCOVAL, dans les Hauts-de-France, et puis, je crois qu'hier, vous avez reçu le président de SAFRAN, grande entreprise française, qui est venu vous dire qu'il voulait installer des usines en France, mais qu'il n'y arrivait pas, trop de réglementations, trop de fiscalités.
BRUNO LE MAIRE
Moi, je préfère regarder ce qui se passe de positif dans l'industrie française, pour la première fois depuis dix ans nous recréons des emplois industriels dans notre pays, SAFRAN rencontrait des difficultés, nous les avons levées, et hier, Philippe PETITCOLIN, le directeur général de SAFRAN, a annoncé l'ouverture à Bordeaux d'une usine sur l'impression 3D avec 200 emplois à la clé, et j'ai bon espoir que d'ici un mois, il puisse annoncer la même chose du côté de Lyon, pour une usine de fabrication de freins carbone. Nous avons sur FORD, Blanquefort, commencé à travailler sur la revitalisation du site, d'autres projets industriels, je ne baisse pas les bras sur ASCOVAL, j'ai bon espoir que nous trouvions des solutions dans les Hauts-de-France pour ARC, je ne laisserai tomber aucun d'emploi industriel, parce qu'on n'inventera pas l'industrie de demain sur les ruines de l'industrie d'hier, ça, c'est une erreur de penser que…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut accepter que certaines usines ferment, il faut que d'autres ouvrent…
BRUNO LE MAIRE
Il faut accepter les transitions, c'est-à-dire, il faut accepter que nous allions vers une industrie de technologie de pointe, mais il ne faut jamais laisser tomber un emploi industriel, jamais laisser tomber une usine, et il faut se battre jusqu'au bout, ce sera ma philosophie, et ce sera mon comportement tant que je serai ministre de l'Industrie et ministre de l'économie.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, l'autre actualité qui peut à la fin provoquer un séisme en Europe, c'est évidemment le Brexit, encore hier, Theresa MAY, la Première ministre britannique, a essuyé un échec avec sa majorité, puisqu'ils ont refusé le nouveau texte de compromis du compromis avec Bruxelles, qu'est-ce qui va se passer, parce qu'on est à 16 jours de la date officielle du Brexit ? Est-ce que vous êtes pour un report de cette date ?
BRUNO LE MAIRE
C'est aux Britanniques de nous le dire, mais la question que vous posez, invitez le ministre des Finances britannique, les Britanniques ont créé un problème, que je regrette, c'est à eux de régler ce problème ; ce problème politique, ce problème de frontières, c'est à eux de le régler. Nous, nous avons…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avec l'Irlande du Nord, notamment…
BRUNO LE MAIRE
Nous, nous avons – notamment avec l'Irlande du Nord – grâce à Michel BARNIER, construit un excellent accord. C'est aux Britanniques de voir comment est-ce qu'ils peuvent faire accepter cet accord…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, mais concrètement, il y a des milliers d'entreprises françaises qui sont confrontées, on l'a vu encore…
BRUNO LE MAIRE
Mais nous, nous avons pris toutes les dispositions pour qu'il puisse y avoir de la continuité dans le secteur financier, dans le secteur des assurances, pour les PME, Gérald DARMANIN vient d'annoncer un renforcement des douanes et des contrôles aux frontières. Mais notre priorité, pardon d'être un peu brutal, ce n'est pas la Grande-Bretagne, c'est l'avenir de l'Europe, c'est l'avenir de la France en Europe, c'est la protection de notre marché unique, nous avons le marché unique le plus puissant et le plus riche dans le monde, moi, je veux garantir aux consommateurs français que dans ce marché unique, il y aura des biens qui respecteront tous les mêmes règles environnementales, les mêmes règles sociales, les mêmes règles de protection de santé publique, c'est ça la priorité…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils ont eu tort les Britanniques, et est-ce que c'est trop tard ?
BRUNO LE MAIRE
C'est leur décision souveraine, mais je la regrette profondément, qu'est-ce que ça prouve, que sortir de l'Union européenne, ça se solde par le chaos, et que le chaos, ce n'est jamais bon pour un peuple et jamais bon pour une nation.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE d'avoir été notre invité.
BRUNO LE MAIRE
Merci Christophe JAKUBYSZYN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mars 2019