Texte intégral
Q - Bonsoir Nathalie Loiseau.
R - Bonsoir.
Q - Au lendemain du rejet de l'accord sur le Brexit par le Parlement britannique, les députés se retrouvent ce soir pour voter pour ou contre un "no deal". Franchement, vous n'en avez pas assez ?
R - Je préférerais que les Britanniques restent dans l'Union européenne, c'est certain. Mais la décision qu'ils ont prise en 2016, nous la regrettons mais nous la respectons. Et cela fait même deux ans que je passe la moitié de mon temps à essayer de mettre en oeuvre cette décision démocratique britannique. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus de temps dont on a besoin, c'est d'une décision britannique.
Q - Mais peut-être aussi une décision européenne. Est-ce que, à un moment donné, il ne faut pas leur dire "ok, dehors ! Il y a un "no deal", le 29 mars vous partez" ?
R - L'objectif, c'est que les choses se passent en douceur. Dans une séparation, c'est vrai dans un couple et c'est vrai entre pays, il y a trois possibilités : soit on se sépare en douceur, à l'amiable et tout a été prévu par un accord de retrait qu'on a négocié, qu'on a conclu avec le gouvernement britannique...
Q - ...sauf que les Anglais n'en veulent pas....
R - ...et que le Parlement britannique a rejeté deux fois. Ce soir, le Parlement britannique se réunit et, vraisemblablement, il dira qu'il ne veut pas d'une absence d'accord. Là, cela commence à devenir compliqué parce que, s'ils ne veulent ni accord ni absence d'accord, c'est un niveau dans l'humour britannique qui commence à être un tout petit peu sophistiqué.
Q - Mais, vous-même, aujourd'hui, êtes-vous prête à une séparation sans accord ? Est-ce que, finalement, la plus probable des possibilités ce n'est pas celle-là ?
R - Je n'ai pas de boule de cristal et, comme vous l'avez vu, la vie politique britannique est compliquée. Les partis sont divisés, apparemment le gouvernement britannique lui-même est divisé. Et c'est vraiment à eux de prendre une décision et d'en assumer les conséquences. Nous, nous sommes prêts en cas d'absence d'accord, il faut aussi que les entreprises soient prêtes.
Et, ce soir, je voudrais profiter de notre discussion pour passer trois messages :
- aux entreprises française pour qu'elles se préparent à une absence d'accord. Il y a des démarches à faire, les douanes sont mobilisées, il y a un site Internet qui leur explique tout ce qu'elles ont à faire, mais on ne peut pas le faire à leur place.
- Je voudrais dire aussi aux Français du Royaume-Uni, et je les ai rencontrés la semaine dernière parce que je suis allée à Londres, que quoiqu'il arrive on sera à leurs côtés.
- Et puis dire aux Britanniques qui vivent en France - je voudrais les rassurer - qu'ils restent les bienvenus pour vivre, pour étudier, pour travailler dans notre pays.
Q - Cela, c'est la position de la France que l'on entend. Est-ce que les 27 sont toujours unanimes, font toujours corps ? Parce qu'on a entendu Angela Merkel qui parle d'une sortie ordonnée qui serait dans l'intérêt de tous. Est-ce qu'il existe maintenant un risque de division au sein de l'Union européenne ? Ou sommes-nous tous les uns avec les autres ?
R - Nous sommes tous sur la même ligne, les 27 membres de l'Union européenne, derrière un négociateur du Brexit, qui est Michel Barnier, qui fait un excellent travail. Unis non pas contre le Royaume-Uni mais pour protéger les intérêts des Européens.
Q - Le report, il est exclu totalement ?
R - Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est d'une décision britannique, pas de plus de temps. Alors, si les Britanniques viennent nous dire qu'ils rebattent totalement les cartes, qu'ils prennent une initiative totalement nouvelle et que sur cette initiative il y a une majorité au Parlement britannique, cela peut valoir la peine d'un report.
Q - Est-ce qu'il vous arrive de penser que, finalement, ce Brexit n'aura pas lieu - parce que c'est une question qui commence à se poser -, qu'ils tergiversent tellement que finalement le Brexit n'aura pas lieu ?
R - Je me méfie d'une façon de penser qui serait un peu continentale et très éloignée du raisonnement britannique. Il ne faut pas prendre notre vision de l'Europe pour la vision britannique. Evidemment, si un jour les Britanniques nous disent : "finalement nous voulons rester dans l'Union européenne", ce n'est pas nous qui leur dirons non.
Q - Est-ce que Theresa May est toujours assez légitime pour mener ce Brexit finalement ? Ou alors, finalement, aujourd'hui elle est sous tutelle d'un Parlement frondeur et elle n'est plus en mesure de le faire ?
R - C'est vraiment aux Britanniques de se décider, on ne fait pas d'ingérence dans la politique britannique.
Q - Je comprends bien, mais on voit bien qu'elle a du mal...
R - Elle a du courage, elle a beaucoup de résistance. Beaucoup de gens qui plaidaient pour le Brexit ont disparu dans la nature, ont démissionné de leur fonction quand ils ont vu que c'était compliqué et ils lui ont laissé tout à charge, et, honnêtement, ce n'est pas très glorieux. Donc, je ne serai pas celle qui critique Theresa May.
Q - A-t-on au moins une certitude : quoiqu'il arrive le Royaume-Uni ne votera pas aux élections européennes du 26 mai ?
R - Ce serait, à mon sens, très compliqué, très difficile pour Theresa May de dire aux Britanniques : "Nous allons sortir de l'Union européenne mais, devinez quoi, juste avant nous élisons des députés britanniques au Parlement européen". Je n'aimerais pas être à sa place.
Q - Mais ce scénario n'est pas totalement exclu ?
R - Je pense que, dans sa tête, c'est le dernier des scénarios dont elle a envie.
Q - Encore deux mots d'actualité. Vous disiez qu'on était prêt à un "no deal" notamment au niveau des douanes. Vous avez vu que les douaniers sont en grève et n'ont pas validé l'accord avec Bercy. On est si prêt que cela à un "no deal" ? Manifestement, nos douaniers, eux, sont en grève du zèle.
R - On a recruté 700 douaniers, on a recruté 80 vétérinaires, on a mis en place des aires de stationnement pour les camions, on a modernisé les contrôles. Ceci étant, il y a une inquiétude sur le Brexit, le Brexit a des conséquences, y compris pour nos douaniers - nos douaniers s'inquiètent d'une surcharge de travail, il y a évidemment une petite bronca syndicale qui vient à point nommé essayer d'obtenir des avantages supplémentaires -, mais je veux dire aussi aux Britanniques qu'il ne faut pas imaginer qu'il puisse y avoir une absence d'accord et aucune conséquence.
Q - Pour conclure, Nathalie Loiseau, les élections européennes, on vient d'en parler, le 26 mai. Demain, vous allez affronter en débat Marine Le Pen sur France 2. Agnès Buzin a jeté l'éponge, elle ne sera pas tête de liste de la République en Marche. Vous, les européennes, vous y pensez en vous maquillant le matin ?
R - Je serai engagée dans la campagne, fortement, parce que l'Europe ce n'est pas seulement une fonction, c'est une passion et une conviction. Mais je ne suis pas candidate et le président ne me l'a pas demandé.
Q - Donc, vous ne serez pas tête de liste aux européennes pour la République en Marche ? Clairement ?
R - Je vous l'ai dit, je ne suis pas candidate, le président ne me l'a pas demandé, cela ne veut pas dire que vous ne m'entendrez pas dans la campagne.
Q - Merci Nathalie Loiseau d'avoir été en ligne avec nous ce soir.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mars 2019