Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, à Public Sénat le 20 mars 2019, sur le maintien de l'ordre face aux manifestations violentes des "Gilets jaunes", la laïcité et la politique du logement.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

CYRIL VIGUIER
Deuxième partie de notre émission avec Territoires d'Infos, la presse quotidienne régionale, les télés locales de France et le réseau ViàTélévisions, les indés radios, 130 radios qui sont nos partenaires et avec TV5 Monde. Et l'invité politique en direct sur ce plateau ce matin, c'est Julien DENORMANDIE. Bonjour.

JULIEN DENORMANDIE, MINISTRE EN CHARGE DE LA VILLE ET DU LOGEMENT
Bonjour.

CYRIL VIGUIER
Vous êtes le ministre chargé de la Ville et du Logement. Merci d'être avec nous sur ce plateau ce matin. Et pour vous interroger, à mes côtés Oriane MANCINI, spécialiste politique de Public Sénat. Et Pascal JALABERT du groupe EBRA et qui est présent pour le Dauphiné Libéré ce matin sur ce plateau. Merci. Bien sûr, Julien DENORMANDIE, votre interview sera relayée par les sites Internet de la presse quotidienne régionale à partir de 10 heures ce matin en vidéo. La Dépêche du Midi titre : « Castaner, ministre dans la tempête ». On a vu donc son audition hier devant le Sénat. Est-ce qu'il a assumé toutes ses responsabilités, selon vous, de ministre de l'Intérieur, Christophe CASTANER ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, très clairement. Il a totalement assumé ses responsabilités.

CYRIL VIGUIER
Est-ce qu'il ne s'est pas défaussé sur l'ex bientôt préfet Michel DELPUECH ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, pas du tout, et je crois qu'il l'a très clairement expliqué hier devant les sénateurs lors de cette audition. Quelle est la situation ? La situation d'abord, c'est que nous sommes face à des personnes qui ne sont plus là pour manifester, qui sont là pour casser, pour taper du flic, pour brûler des kiosques, pour parfois mettre le feu à des locaux qui se situent en rez-de-chaussée d'immeubles d'habitation avec des pompiers ou des forces de l'ordre qui doivent ensuite aller sauver femme et enfant qui peuvent être prisonniers aux flammes. Ça ne s'appelle pas des manifestants. Ça s'appelle des factieux. Ça s'appelle des personnes qui ne sont tirées, motivées que par une chose : c'est la violence. Et donc le ministre de l'Intérieur, le Premier ministre et le président de la République ont pris des décisions très fortes parce que manifestement samedi dernier, il y avait eu un certain nombre de dysfonctionnements.

CYRIL VIGUIER
Mais vous entendez quand on dit qu'il s'est défaussé sur l'ex-préfet Michel DELPUECH ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais attendez, quand vous êtes un responsable, un responsable politique ou un responsable à la tête d'une organisation, votre rôle c'est quoi ? C'est de faire en sorte que les ordres que vous passez, que les décisions que vous prenez, elles s'appliquent. Samedi dernier, un certain nombre d'orientations, cette fameuse nouvelle doctrine de gestion et du maintien de l'ordre demandée par le ministre de l'Intérieur, demandée par son secrétaire d'Etat, n'a pas été pleinement et entièrement appliquée. Donc à partir de là, qu'est-ce que vous faites ? Quand vous êtes responsable politique…

CYRIL VIGUIER
Pas le préfet donc.

JULIEN DENORMANDIE
Responsable de l'organisation, vous prenez des décisions pour faire en sorte que les ordres, les décisions, les orientations que vous donnez soient pleinement respectés. C'est ce qui a été fait en ce début de semaine ? Et moi je trouve ça très bien que le gouvernement ait pu réagir aussi vite face à une situation qui exaspère les Français. Il faut arrêter.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que ce n'est pas trop tard ? Pourquoi avoir attendu le dix-huitième samedi de mobilisation pour prendre ces décisions ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais parce que lors des précédents samedis, nous avons vécu des actes d'une violence incroyable également. Mais je pense notamment à ce samedi 8 décembre, ces samedis du mois de décembre où là les orientations avaient été mises en oeuvre. L'utilisation de l'ensemble des dispositifs de protection, de dispersement avait été faite par les forces de police. Samedi dernier manifestement, ces orientations, cette vision, ces doctrines n'ont pas été pleinement appliquées. Eh bien quand c'est le cas, quand ce que vous demandez à la tête d'une organisation n'est pas pleinement appliqué, vous prenez les décisions pour faire en sorte que ça change et que ce soit appliqué. C'est ça les décisions prises par le ministre.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que la loi anticasseurs, si elle été entrée en vigueur plus tôt, elle n'aurait pas permis d'éviter ces violences ?

JULIEN DENORMANDIE
En tout état de cause, elle aurait facilité le travail de nos forces de police. Elle aurait, par exemple, permis de pouvoir interpeller dès l'approche de ces lieux de manifestations un certain nombre de manifestants qui arrivent cagoulés. Elle aurait pu permettre de faciliter ce travail. Donc oui, il faut que cette loi puissent être appliquée et mise en oeuvre le plus vite possible.

ORIANE MANCINI
Le gouvernement aurait dû s'en emparer avant. Elle a été votée au Sénat en octobre. Le gouvernement aurait dû s'en emparer avant ?

JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, c'est comme tout. On a un temps institutionnel dans notre pays et puis on a un temps du quotidien, de la réalité que nous vivons. Le temps institutionnel est ce qu'il est. Le gouvernement fait en sorte de pouvoir aller le plus vite possible. Il faut que ce temps institutionnel soit le plus proche possible du temps du quotidien, et c'est pour ça qu'il faut qu'effectivement cette loi puisse rentrer en en vigueur le plus vite possible. Je note - je note- au passage que pendant de longues semaines, nous avons eu beaucoup de débats pour savoir si cette loi était pertinente ou pas pertinente. Je crois que après…

ORIANE MANCINI
Liberticide, c'est le mot de l'opposition.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Je crois qu'après ce nouveau samedi d'une violence incroyable, tout le monde s'accorde à la nécessité d'être encore plus ferme et d'utiliser notamment les nouveaux outils par cette loi.

PASCAL JALABERT
Julien DENORMANDIE, dans votre ministère il y a cohésion des territoires, j'ai envie de vous dire, et la cohésion du gouvernement. Sur les retraites par exemple, on a entendu Agnès BUZYN et Gérald DARMANIN dire « Il faudra peut-être travailler après 62 ans, travailler plus longtemps. » Alors qu'en est-il ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors moi, je crois qu'il faut revenir surtout à la méthode. Vous savez ; on a une méthode qui est très claire au sein du gouvernement : c'est de faire les choses dans le bon ordre. Les retraites aujourd'hui, est-ce qu'il faut améliorer un certain nombre de choses ? Clairement oui. Je mets au défi par exemple autour de la table quiconque de déterminer et de savoir, de pouvoir me dire exactement quels seront ses droits à la retraite. Il y a un manque de transparence total vis-à-vis de ce système-là. Et puis il faut aussi partir d'un constat commun : le système des retraites, il est injuste. Le même euro cotisé par des personnes différentes ne donne pas droit aux mêmes indemnités à la retraite, à la même retraite. Et donc ça, il faut le changer. A la fois mettre plus de transparence et rendre plus de justice dans ce système-là. C'est le travail que la ministre de la Santé a entrepris et a confié au haut-commissaire qui s'appelle Jean-Paul DELEVOYE, ancien ministre extrêmement reconnu avec son sens du dialogue et son sens du consensus.

PASCAL JALABERT
Mais est-ce qu'il faudra travailler après 62 ans ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais vous savez, la question aujourd'hui c'est de mener cette réforme selon l'orientation que je viens d'indiquer. C'est ça l'orientation. Et de le faire avec la méthode, c'est-à-dire dans le cadre des discussions que mène Jean-Paul DELEVOYE avec l'ensemble des organisations syndicales, avec l'ensemble des parties prenantes à ce dossier, et de le faire dans le bon ordre. Donc moi je suis très clair dessus. Le sens de la réforme, c'est celui que je vous ai indiqué…

ORIANE MANCINI
Le bon ordre, c'est-à-dire qu'Agnès BUZYN est allée trop vite en parlant dimanche ?

JULIEN DENORMANDIE
Transfert, transparence et justice et puis de le faire dans le cadre des discussions.

ORIANE MANCINI
Elle n'a pas mis ça dans le bon ordre ?

JULIEN DENORMANDIE
Non mais Agnès BUZYN, elle est interrogée sur des points très précis et, en plus de ça, elle a eu l'occasion hier à l'Assemblée nationale d'expliciter précisément quels étaient ses propos et de dire : « Est-ce que notre système doit pouvoir accompagner celles et ceux qui décident d'allonger le temps que. eux ont dans leur travail ? » Leur durée du travail parce qu'ils souhaitent, eux, partir plus tard. Et de là en est née une polémique comme en naissent assez régulièrement. Mais je crois que, encore une fois, la méthode il faut la suivre. C'est ça qui est important.

ORIANE MANCINI
Il y a un débat interne aujourd'hui à la République en Marche sur le sujet de la laïcité. C'est un sujet qui divise dans votre parti. Est-ce que c'est une bonne chose, ce débat interne ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense par définition que tout débat est une bonne chose. Vous pouvez avoir des approches différentes, vous pouvez avoir des sensibilités différentes. Moi je pense surtout que le moment que nous vivons dans notre pays est un moment de gravité, et je crois qu'il faut le redire. De gravité parce qu'il y a ce mouvement social d'une extrême importance, avec ce Grand débat qui est, au final, un événement historique dans l'histoire de la Vème République. Puis d'une immense gravité parce qu'on voit fleurir ici ou là des actes absolument abjects, des actes antisémites, des actes islamophobes. Et puis parfois même des oppositions politiques qui opposent les Français les uns contre les autres en disant : « Oui, mais ce qui est fait à eux, c'est de la faute des autres. » Vous voyez, quand dans une société on en vient à dire : « Ce qui est fait à eux, c'est de la faute des autres », en fait c'est le fondement même de notre cohésion qui parfois est mis à mal. S'agissant de la laïcité, le président de la République l'a encore redit, l'avait dit pendant la campagne présidentielle, l'a reprécisé encore avant-hier. La laïcité, c'est la loi de 1905, toute la loi de 1905.

ORIANE MANCINI
Donc on n'y touche plus. Il était un temps question d'y toucher, de l'amender.

JULIEN DENORMANDIE
Non. Il avait été question de pouvoir apporter des précisions et des modifications sur un certain nombre de points mais jamais, jamais de revenir de près ou de loin sur le fondement et la philosophie de cette loi de 1905 qui est une loi de liberté, qui permet de croire pleinement ou de ne pas croire pleinement. Cette loi de 1905, à mes yeux, c'est le fondement, le socle et c'est cela qu'il faut mettre en avant.

PASCAL JALABERT
Oui. La question qui est posée, c'est quand même celle de l'islam et de sa place en France. Or beaucoup de nos compatriotes ne comprennent pas de voir tant de jeunes femmes porter le voile, des demandes de burkini, de tenue de sport adaptées, d'horaires séparés dans les piscines. Faut-il au nom de la laïcité interdire tout cela en France ?

JULIEN DENORMANDIE
Non mais attendez. Il y a des choses différentes. Moi je suis profondément attaché à cette loi de 1905. Je suis profondément attaché à la liberté donnée à chacun de pouvoir croire et de pouvoir croire pleinement. Ça ne veut rien dire de croire à moitié. Le législateur n'est pas là pour dire : « Il faut… »

PASCAL JALABERT
Il y a croire puis il y a la pratique privée-publique. Ce sont deux choses différentes.

JULIEN DENORMANDIE
Le législateur n'est pas là pour dire : « Vous pouvez croire mais vous pouvez croire à moitié. » Non. A chacun ses convictions et la possibilité de croire donne la possibilité de croire pleinement. Et donc cette loi de 1905 est une loi qui permet cela. Après, la croyance s'intègre dans les règles de la République et dans les lois de la République. Et c'est ça le fondement même de la société dans laquelle nous vivons. Et moi, je suis très attaché à cela, c'est-à-dire la possibilité de donner à chacun de pouvoir croire sans aucun préjugé, sans aucune stigmatisation. Et malheureusement aujourd'hui, j'en vois beaucoup trop y compris de responsables politiques. Et ça, je ne les supporte pas parce que c'est ça qui fait qu'une partie de notre population peut se sentir pointée du doigt, regardée, jugée. C'est intolérable. Donc chacun doit avoir la possibilité - c'est la beauté, la grandeur de notre pays - de pouvoir croire pleinement, tout cela se faisant dans le respect des règles de notre République.

CYRIL VIGUIER
Julien DENORMANDIE, ministre chargé de la Ville et du Logement, est notre invité politique dans Territoires d'Infos en direct ce matin. On va parler de votre département ministériel. On a vu beaucoup d'images… D'ailleurs nos confrères et partenaires de La Provence relaient souvent des images de vous à Marseille. Vous y êtes allé beaucoup. On va parler de l'habitat indigne puisque c'est vraiment quelque chose qui concerne votre ministère. Après ce drame qu'on a tous en mémoire, est-ce que vous pouvez nous faire un petit point ? Est-ce que les choses avancent ? Est-ce que du concret se met en place ? Est-ce que vous superviser tout ça, vous, le ministre du Logement ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors Marseille, c'est un drame absolument terrible. Huit personnes ont perdu la vie. J'y suis allé au tout début, quelques heures après. Deux immeubles étaient effondrés, le troisième ne s'était toujours pas effondré au moment où je suis arrivé. Depuis lors, j'y suis retourné à de nombreuses reprises.

CYRIL VIGUIER
On a revu ces images dans notre journal.

JULIEN DENORMANDIE
Et nous avons beaucoup travaillé, mes équipes et moi-même, pour faire deux choses.

CYRIL VIGUIER
On en est où ?

JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui, il faut continuer à gérer l'urgence. C'est-à-dire qu'il y a à peu près de 2 000 personnes qui ont été évacuées de leur propre immeuble depuis le drame, et sur ces 2 000 personnes il y en a encore à peu près 1 300 qui ne dorment pas dans ce qui était leur lieu d'habitation avant. Parce qu'ils n'ont pas pu retourner chez eux ou parce qu'on n'a pas pu encore leur donner accès à un logement dit pérenne. Et donc, il faut continuer à accompagner l'ensemble de ces personnes pour que le plus vite possible ils puissent retrouver soit leur propre logement, soit un logement pérenne.

CYRIL VIGUIER
Accompagner, ça veut dire financièrement bien sûr ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors accompagner, ça veut dire financièrement. Ça veut dire aussi aller identifier un certain nombre de logements qui aujourd'hui pourraient être fléchés vers ces personnes. Lors de mon dernier déplacement, j'ai réuni par exemple tous les propriétaires d'une grande rue très connue à Marseille où beaucoup m'avaient indiqué qu'il y avait des logements vacants. Eh bien je suis allé identifier avec mes services les propriétaires de ces logements.

CYRIL VIGUIER
Pas de risque d'autres drames, Julien DENORMANDIE ?

JULIEN DENORMANDIE
Et parallèlement à ça, qu'est-ce qu'il nous faut faire ?

CYRIL VIGUIER
Pas que Marseille, d'autres villes.

JULIEN DENORMANDIE
Le deuxième élément, ce qu'il nous faut faire, c'est mener cette politique de lutte très forte contre l'habitat insalubre. Ça veut dire reconstruire là où c'est nécessaire. C'est le grand plan de réhabilitation que j'ai lancé. Moi je veux vraiment… Quand vous êtes ministre du Logement, vous avez deux choses qui doivent… Vous devez marcher sur deux jambes. 1 : Construire plus là où c'est nécessaire. Et 2, j'en ai fait un axe très fort de mon action : rénover là où c'est nécessaire. Et aujourd'hui, on a un énorme besoin de rénovation. C'est pour ça qu'on double par exemple les financements de la rénovation urbaine. C'est pour ça que j'ai lancé un grand plan - ironie tragique de l'histoire - que j'ai annoncé trois semaines avant le drame à Marseille précisément : un grand plan de lutte contre ces copropriétés dégradées. Trois milliards d'euros. Et c'est pour ça que j'ai lancé, y compris dans le contexte budgétaire actuel, un nouveau dispositif fiscal. Comme tout ministre du Logement, il porte mon nom, ça s'appelle le Denormandie, dans l'ancien. Et c'est un dispositif qui dit : « Moi, je demande aux investisseurs qui veulent investir dans la pierre, investissez dans l'habitat ancien et dès que vous faites 25 % de travaux dans cet habitat et que vous le louez ensuite, à ce moment-là vous avez une réduction d'impôt sur le revenu très conséquente. »

CYRIL VIGUIER
C'est un nouveau dispositif fiscal, le Denormandie.

JULIEN DENORMANDIE
Un nouveau dispositif. Il vient d'être adopté. Les décrets ont été signés et donc, vraiment, j'invite tous les investisseurs à s'en saisir.

PASCAL JALABERT
Justement, on estime qu'il faut produire 500 000 logements nouveaux parents pour pouvoir loger tout le monde décemment. Or on est loin du compte. On était à 395 000, je crois, l'an dernier.

JULIEN DENORMANDIE
On est autour de 400 000.

PASCAL JALABERT
Oui, autour de 4000 000. Comment on fait pour y arriver ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, il faut prendre des mesures fortes pour d'une part faciliter la construction. Comment on fait ? Eh bien, c'est tout l'objet de la loi Logement, la Elan qui a été adoptée il y a tout juste quelques mois, à la fin d'une dernière, et aujourd'hui qu'on est en train de mettre en application pour faire en sorte que tous les textes d'application sortent le plus rapidement possible et que cela se déploie sur le territoire. C'est des mesures très fortes qu'on prend. C'est une réécriture, par exemple, totale du code de la construction. C'est des nouveaux projets de partenariat qu'on prend. C'est la transformation de bureaux en logements.

PASCAL JALABERT
Oui mais comme le foncier est très cher dans beaucoup de villes, les promoteurs et même les acheteurs disent : « Ecoutez, non. Les terrains sont trop chers. On ne veut pas. »

JULIEN DENORMANDIE
Mais face à ça, face à ça, on a des… Il n'y a aucune fatalité dans tout ça. Aucune. Je vais vous le dire, c'est beaucoup de détermination. C'est parfois un temps qui est trop long et je partage cette impatience mais il n'y a aucune fatalité. Face au foncier par exemple, on a développé et on a poussé de nouveaux outils que sont - alors excusez-moi, c'est technique - mais les OFS, les Offices fonciers solidaires. Ça marche extrêmement bien. On est en train de les développer partout sur le territoire et c'est, en fait, une nouvelle utilisation du foncier pour faire en sorte que ce foncier coûte moins cher. Donc il n'y a pas de fatalité. Il y a des mesures fortes que nous prenons.

CYRIL VIGUIER
Oriane MANCINI pour parler d'Action Coeur de Ville.

ORIANE MANCINI
Oui, un projet lancé il y a un an par votre prédécesseur Jacques MEZARD : revitaliser les centres villes dans 222 communes. Votre ministère a réuni hier à Paris les maires des villes concernées. Il y avait besoin de donner de la visibilité, de la notoriété à ce projet ? Il a du mal à prendre ?

JULIEN DENORMANDIE
Il n'a pas du tout de mal à prendre. C'est un énorme succès, Action Coeur de Ville. Et moi, vous savez, de formation je suis ingénieur agronome. Je suis profondément attaché à nos territoires. Ce n'est pas à vous que je vais le dire, c'est l'identité même de votre émission. Moi je pense qu'il faut qu'on soit fier de nos territoires, très fiers de nos territoires. Je n'en peux plus de ces géographes qui disent : « Vous savez, la France elle est décomposée en trois zones. La zone métropolitaine, la zone périphérique et les ruralités. » Et d'ailleurs souvent ils disent même pas les ruralités, ils disent la ruralité. Je n'en peux plus de ça. On a des poches formidables d'activité économique, de déploiement culturel, démographique, de cohésion sociale sur l'ensemble de nos territoires. Et notamment il y avait un parent pauvre des politiques publiques qui étaient ces villes secondaires, ces sous-préfectures, ces villes de quelques dizaines de milliers d'habitants.

ORIANE MANCINI
Alors juste que va faire concrètement l'Etat ? Parce que le projet, c'est cinq milliards sur cinq ans, mais certains maires disent que c'est juste une addition de crédits déjà existants.

JULIEN DENORMANDIE
Non, non.

ORIANE MANCINI
Combien va mettre l'Etat ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, non, c'est des crédits nouveaux qu'on fait avec nos partenaires. Par exemple sur le volet logement : sur le volet logement, c'est 1,5 milliard sur les cinq milliards d'argent nouveau apporté par Action Logement, notre partenaire sur l'opération. Qu'est-ce que c'est ? Concrètement, c'est de la revitalisation économique des nouveaux outils. Par exemple pour lutter contre la mise en place d'hypermarché en périphérie qui va tuer le centre-ville ou c'est la réhabilitation d'un certain nombre de logements pour faire en sorte que ces logements soient mieux adaptés. Hier on a lancé une formidable opération qui était un appel à projets s'appelant « Réinventons nos coeurs de ville ». Vous savez, ces appels à projet qui disent : « On va prendre des anciens endroits, des casernes, des anciens sites qui sont parfois laissés à l'abandon pour les rénover, en faire des logements, des sites économiques. » Jusqu'à présent ça, on le faisait dans les grandes métropoles. Eh bien maintenant, on le fait aussi dans ces villes secondaires parce que c'est la beauté, je dirais même c'est l'identité et l'âme de notre pays, donc on le fait à fond.

CYRIL VIGUIER
Julien DENORMANDIE, une dernière question. Un de vos prédécesseurs lointain au ministère de la ville, Bernard TAPIE, est en procès, vous le savez, CREDIT LYONNAIS. Est-ce qu'il a laissé une trace au ministère de la Ville ? On parle beaucoup de son action au ministère de la Ville pendant ce procès. Est-ce qu'il a laissé une trace ? Est-ce que vous la mesurez ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, il n'est pas resté très longtemps au ministère de la Ville mais il a eu une action que je salue et que j'ai re-regardée il y a peu : c'est la création de maisons citoyenne. Lui comme d'autres ministres de la ville, il est parti du principe que faire la ville, ça se faisait avec les habitants. C'est Simone VEIL, qui a aussi occupé ce poste avant d'être la ministre de la Santé que nous connaissons, qui disait : « Il n'est pas possible de faire la ville sans ses habitants. » Moi j'en suis convaincu. Il faut remettre l'humain et les habitants au centre de tout.

CYRIL VIGUIER
Merci Julien DENORMANDIE. Pas d'ambition municipale pour vous ?

JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui je suis pleinement à ma tâche.

CYRIL VIGUIER
Mais ça ne veut rien dire ça.

JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui je suis pleinement à ma tâche.

CYRIL VIGUIER
Est-ce qu'il y aura une ambition municipale possible ? Possible ?

JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui je suis pleinement à ma tâche.

CYRIL VIGUIER
Bon. Merci beaucoup Julien DENORMANDIE, ministre chargé de la Ville et du Logement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2019