Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, avec CNews le 29 avril 2019, sur les annonces du président de la République après le Grand débat national et sur les questions agricoles.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

GERARD LECLERC
Vous participez tout à l'heure à 9h00 un juste après cet entretien au séminaire gouvernemental pour mettre en oeuvre les annonces faites par le président MACRON, en réponse aux gilets jaunes et au Grand débat. Concrètement qu'attendre de ce séminaire sachant que l'opposition et les gilets jaunes sont très critiques, ils disent tout ça pour ça. Ce n'est pas un peu mission impossible pour vous ?

DIDIER GUILLAUME
Non mais les communiqués de presse et les réactions étaient prévisibles, d'ailleurs peut-être même rédigés avant la conférence de presse du président de la République. Qu'a voulu faire Emmanuel MACRON la semaine dernière ? Tracer un cap, donner du sens, remettre l'humain au coeur de notre pacte républicain et de notre projet social. Je pense qu'il a eu raison, nous nous sommes aperçus ces dernières semaines avec le mouvement des gilets jaunes, mais pas uniquement, qu'il manquait du lien, il fallait une réconciliation entre Paris et la province, une réconciliation entre l'urbain et le rural. Je pense que le président de la République a tracé la voie, il a fixé des orientations fortes, ce séminaire pour répondre précisément à votre question sert justement à ce que la feuille de route soit mise en oeuvre vite, très vite. Le pays ne peut pas attendre, les Français ne peuvent plus attendre.

GERARD LECLERC
Oui sauf que le pays est très sceptique, les politiques également, écoutez Marine LE PEN, elle dit qu'il y a un problème de confiance, elle parle même de malhonnêteté à propos du président de la République.

MARINE LE PEN, PRESIDENTE DU RASSEMBLEMENT NATIONAL
L'intégralité de son intervention est en réalité une succession de malhonnêtetés, sur les pensions alimentaires, ça existe déjà, sur la réindexation des retraites en 2021, il n'a jamais été question qu'elle soit désindexée en 2021. C'est mal de la part du président de la République que de faire des annonces ainsi pour faire croire aux gens qu'on ne touche pas à l'âge de attrait alors qu'en réalité par un biais détourné on y touche. Moi je crois qu'on doit pouvoir avoir confiance dans la parole présidentielle et aujourd'hui plus personne n'a confiance dans la parole présidentielle et pour cause.

GERARD LECLERC
Donc vous voyez problème de confiance, c'est du vent tout ce qu'a dit le président ?

DIDIER GUILLAUME
Attendez, vous mettez Marine LE PEN en exergue qui dit deux contre-vérités, mais peut-être que son niveau de revenu ne lui permet pas de savoir ce qu'il en est ou peut-être même n'a-t-elle pas rencontré des femmes seules, des femmes qui ont été abandonnées, des femmes qui ont divorcé et qui ne touchent pas la pension alimentaire. Ca a été une des premières revendications sur les ronds-points dès le mois d'octobre, novembre où il y avait beaucoup… la surprise c'était, enfin la surprise c'est qu'il y avait beaucoup de femmes, de femmes qui disaient « je n'y arrive pas parce que je suis seule et je n'ai pas la pension alimentaire ». Et deuxième revendication, quant aux retraites, excusez-moi de vous dire, c'était la principale revendication, donc les pensions alimentaires que les femmes toucheront automatiquement parce que la CAF ira chercher l'argent et la réindexation des retraites, deux mesures fortes demandées par les gilets jaunes, auxquelles le président de la République a répondu. On ne peut pas dire que c'est du vent, on peut dire que c'est du concret.

GERARD LECLERC
Alors au-delà de ça, il y a justement tout ce qui concerne le pouvoir d'achat avec donc des annonces mais très générales faites par le président. Il a parlé de 5 milliards pour l'impôt sur le revenu. On a toujours cette question, est-ce qu'il n'y a pas une entourloupe derrière ça et puis comment tout ça va être financé ?

DIDIER GUILLAUME
Non mais vous voyez bien, enfin ce débat tourne depuis quelques jours maintenant, il n'aurait rien dit, on aurait dit, tout ça pour ça. Il aurait mis des mesures en place, on aurait dit Jupiter est resté sur son Olympe et fait tout, tout seul. Non, le gouvernement va devoir mettre en place, il va y avoir une conférence sociale, des discussions avec les corps intermédiaires, là aussi nous avons vu que les corps intermédiaires ont des choses à dire, qu'ils les disent.

GERARD LECLERC
Il y a un changement de méthode là quand même.

DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas, un changement oui, pas un changement sur le fond, mais un changement de méthode. Ecoutons, travaillons ensemble, il n'y a pas de changement de cap. Quel cap devrait-il être changé ? Mais il y a un changement de méthode et de réaménagement et sur, précisément sur les 5 milliards, vous comme moi, les Françaises et les Français qui nous regardent, ne savent pas vraiment ce que veulent dire 5 milliards, il faut du concret. Moi j'étais très favorable, je l'avais dit, je crois, ici chez vous sur cette antenne, il fallait une baisse forte de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes. Les classes moyennes ont été celles qui depuis ces deux quinquennats ont vraiment souffert, moins 5 milliards, moi j'attends de ce séminaire ce matin, nous allons parler de savoir quand, qui et comment, c'est tout simple. Quand, il faut que ce soit dès le prochain budget, ça ne peut pas être fait maintenant, mais dès le prochain budget, qui, les classes moyennes, sur quel périmètre et comment avec la baisse des impôts. Moi, je crois qu'il faut dire des choses très claires, aujourd'hui la deuxième tranche qui est beaucoup trop forte et inéquitable doit être divisée, il faut que les gens, jusqu'à par exemple 1,5 SMIC ne payent pas d'impôts ou leurs impôts soient vraiment baissés. Il faut que ça se voit, ça ne peut pas être des mesurettes, c'est cela qu'attendent les Français, c'est cela la réponse qu'a apporté Emmanuel MACRON à ce mouvement.

GERARD LECLERC
Alors autre annonce qui était très vague aussi du président de la République, il a parlé d'un nouvel acte de décentralisation portant notamment a-t-il dit sur les transports, sur le logement, quelle forme ça va prendre, ça vous intéresse directement, c'est un ancien sénateur, vous avez été élu local, qu'est-ce que vous attendez de cette décentralisation ?

DIDIER GUILLAUME
Vous voyez Gérard LECLERC, vous dites des mesures vagues, il fixe le cap, il trace la voie, charge au Parlement, aujourd'hui il y aurait des parlementaires de la majorité en deuxième partie du séminaire, au gouvernement de mettre en place, puis il y aura un grand débat avec les élus locaux. Il a voulu remettre la place du maire au coeur de notre société, il a eu raison le président de la République, le maire est encore aujourd'hui la clé de voûte de ce qui se passe sur le territoire. On va voir le maire pour tout et pour rien, souvent pour l'engueuler, parfois pour le remercier et plus rarement, mais toujours pour lui poser des questions. Le maire est celui qui tient la République à bras le corps sur notre territoire. Il devait être remis au centre. Et puis la décentralisation c'est très simple, ce que nous ont dit les gens depuis quelques mois, mais ce que nous constatons nous, élus locaux, c'est que depuis trop longtemps toutes les mesures ont été prises à Paris, il y a eu des mesures de décentralisation, la grande décentralisation de MITTERRAND-DEFFERRE de 82. Il y en a une autre après RAFFARIN etc… Mais toujours ça a été fait par des bouts, on nous décentralise le RMI devenu RSA, mais on ne décentralise pas l'argent. On nous décentralise telle ou telle chose, mais on ne décentralise pas les moyens qui vont avec. Or là la volonté du chef de l'Etat, c'est de dire, on fait un grand acte de décentralisation et de déconcentration puisqu'il a dit qu'il y avait trop de monde dans les administrations centrales d'Etat et pas assez de monde dans les administrations sur le terrain, cette vague de décentralisation nouvelle, il faut l'accompagner, il faut en parler avec les élus locaux en concertation et avec un vote du Parlement. C'est quelque chose de très important, relier les deux bouts de notre pays, les villes et les campagnes, le peuple et l'élite.

GERARD LECLERC
Ça pourrait concerner 80 kilomètres-heure ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, ça je crois que ça a été déjà dit…

GERARD LECLERC
Donc il y aura bien une remise en cause, si je puis dire des 80 kilomètre-heure transférés aux départements ?

DIDIER GUILLAUME
Je pense que ça a déjà été évoqué, peut-être sous l'autorité du préfet avec le président du département, avec les associations de prévention routière, etc… de voir comment, à quel et quel d'endroit, ça pourrait changer et d'autres pas.

GERARD LECLERC
Alors on a souligné qu'il y avait une absente à la conférence de presse du président de la République, en matière d'annonce, ça concerne la transition écologique, on n'en a quasiment pas parlé. Ça ravi peut-être le ministre de l'Agriculture, non ?

DIDIER GUILLAUME
Non pas du tout, alors moi je suis un écologiste dans l'âme, je suis pour la transition, la transition Agro-écologique.

GERARD LECLERC
Oui mais les agriculteurs le sont moins souvent.

DIDIER GUILLAUME
Non, mais ils sont en train de bouger, vous savez les agriculteurs, il faut éviter, c'est parce que vous faites les caricatures, tout le monde a bien compris que l'enjeu planétaire et l'enjeu du climat, l'enjeu de la transition écologique et agro-écologique, en ce qui nous concerne, donc non les choses vont dans cette direction et vous savez, on en a peu parlé parce qu'aucun journaliste n'a posé la question sur le climat. Je suis désolé, il y a eu beaucoup de questions, aucun journaliste n'a posé de questions sur le climat. Peut-être ils étaient plus intéressés par d'autres sujets, ce n'est pas le problème. Le président de la République a dit qu'il allait mettre un comité de citoyens très vite avec le Conseil économique et social et environnemental justement pour regarder, faire le point et faire les premières propositions. L'écologie n'est pas l'absente, mais l'écologie c'est notre vie de tous les jours, en agriculture, dans le social, dans l'éducation, on ne parle que d'écologie, les mômes sont vraiment motivés par cela, donc ce n'est pas une absente, c'est au contraire ce qui va guider l'avenir de notre travail.

GERARD LECLERC
Les gilets jaunes étaient moins nombreux samedi, 23000, mais ils sont toujours aussi motivés et ils appellent pour le 1er mai à un acte ultime à Paris, capitale de l'émeute, ça vous inquiète ?

DIDIER GUILLAUME
Ca m'attriste surtout, ce n'est pas que ça m'inquiète parce que je pense que les forces de sécurité, une nouvelle fois seront là, elles travaillent beaucoup week-end après week-end, ces actes d'émeutes, ces actes, c'est insupportable.

GERARD LECLERC
Il faut que ça s'arrête selon vous ?

DIDIER GUILLAUME
Il faut que ça s'arrête, nous devons vivre dans un pays de la Concorde, dans un pays de la réconciliation, dans un pays de l'unité nationale, pas un pays de la division totale…

GERARD LECLERC
Oui mais ça traduit une colère qui persiste non ?

DIDIER GUILLAUME
En même temps cette colère, c'est une colère très violente, mais elle ne concerne plus qu'une minorité de gens, ceux qui viennent, comme ils disent, rendez-vous des émeutes, c'est absolument scandaleux d'ailleurs d'appeler à l'émeute, mais c'est une infime minorité. Ce n'est pas à ces gens-là, j'allais dire, qu'il faut répondre parce que ces gens-là ne veulent pas écouter. Vous savez, si on peut proposer ce que l'on veut, la Lune à ces gens-là, ils diront, ce n'est pas assez. Moi ce qui m'importe, c'est que le président de la République, le gouvernement, le Parlement, les syndicats apportent une réponse aux Françaises et aux Français qui sont eux-mêmes gilets jaunes, parce que les Françaises et les Français se sentent gilets jaunes, se sentent gilets jaunes sur les sujets dont nous avons parlé jusqu'à maintenant et il faut répondre. Le pouvoir d'achat est indispensable.

GERARD LECLERC
Vous êtes ministre de l'Agriculture et donc vous défendez la loi agriculteurs-alimentation qui était votée il y a un an, le problème c'est que les agriculteurs sont déçus, on leur avait dit que le prix de leurs produits augmenterait, leur permettrait de vivre, que la grande distribution ferait en sorte que justement ces prix soient revalorisés et ils sont déçus aujourd'hui. Vous-même vous avez dit, le compte n'y est pas.

DIDIER GUILLAUME
Oui, ils ont raison d'être déçus et moi-même je suis déçu de ces premières négociations commerciales, en même temps la loi a été promulguée le 1er novembre, les ordonnances ont été prises en février, et les négociations commerciales ont commencé en décembre, donc c'est normal que cette première année les choses ne soient pas allées comme elles auraient dû aller. Aujourd'hui le compte n'y est pas parce que les agriculteurs ne vivent pas des revenus de leur travail.

GERARD LECLERC
Alors qu'est-ce qu'on fait ?

DIDIER GUILLAUME
Il faut continuer…

GERARD LECLERC
Il faut refaire une nouvelle loi ?

DIDIER GUILLAUME
Mais pas du tout, les premières négociations ont eu lieu, dans certaines filières, ça a déjà marché, il y a eu une sorte de rebond. Quand je dis le compte n'y est pas, ça veut dire qu'il ne s'est rien passé, les négociations commerciales qui dure 3 mois dans l'année pour les grandes surfaces et les acheteurs et les vendeurs, se sont plutôt mieux passées que d'habitude, mais il faut aller plus loin encore toute l'année. Il y aura des marques distributeurs qui vont arriver, il y aura de nouvelles négociations, le Parlement a choisi de mettre en place une commission d'enquête sur les pratiques de la grande distribution qui devront mettre tout à plat, il ne faut pas opposer le consommateur et le producteur ou l'agriculteur, il ne faut pas opposer les uns aux autres. Il y a un problème de pouvoir d'achat aujourd'hui notre pays, donc il y a des Français qui ne sont pas prêts à payer plus, mais en même temps je pense qu'il y a des Français qui sont prêts peut-être à payer un centime de plus sur tel ou tel produit s'ils savent que ça va pour le revenu de l'agriculteur, ça retombe dans la cour de ferme. C'est ce travail sur lequel je m'attelle tous les jours pour essayer d'avancer et je pense que nous y arriverons.

GERARD LECLERC
Pourquoi faire pression davantage sur la grande distribution ?

DIDIER GUILLAUME
Nous faisons pression, la DGCCRF, Bercy fait 6000 contrôles, 6000 contrôles pour les prix, en même temps, moi je veux la transparence totale, là encore n'opposons pas les uns et les autres, mettons tout sur la table.

GERARD LECLERC
Alors vous dites les consommateurs sont prêts à payer plus cher, c'est vrai notamment pour le bio, le seul problème c'est que le bio on n'en produit pas assez en France, on continue à en importer en Allemagne, qu'est-ce qui se passe, pourquoi…

DIDIER GUILLAUME
On en importe de Bulgarie, d'ailleurs, enfin peu importe…

GERARD LECLERC
Pourquoi, est-ce que là il n'y a pas une responsabilité aussi du ministre de l'Agriculture d'inciter les agriculteurs à faire du bio puisque c'est ce que demandent les Français ?

DIDIER GUILLAUME
Mais nous incitons…

GERARD LECLERC
Oui mais pour l'instant ça ne progresse pas.

DIDIER GUILLAUME
Bien sûr parce que la demande est beaucoup plus forte que ce qui peut se passer. L'objectif, c'est que la France soit le leader européen au niveau de l'agriculture biologique, au niveau de la fin des pesticides, des produits phytopharmaceutiques, et au niveau des produits bio dans les cantines scolaires, vous vous rendez compte, champion d'Europe, nous allons y aller. Mais la demande de nos concitoyens, des consommateurs est beaucoup plus forte, donc c'est pour ça que la transition agro-écologique que je porte, que nous portons avec les agriculteurs, toutes tendances confondues, va dans cette direction. Mais il n'y a pas que le bio, il faut évidemment faire de la conversion en bio, mais c'est tout l'agriculture qu'il faut convertir, en agriculture raisonnée, en agriculture qui permet d'utiliser plus de glyphosate, qui permet d'utiliser moins de produits phytosanitaires. C'est ça l'objectif, arrêter la dépendance aux produits phytosanitaires, nous serons, Gérard LECLERC, le premier pays en Europe à le faire.

GERARD LECLERC
Oui, mais pour l'instant ce n'est toujours pas le cas.

DIDIER GUILLAUME
Pas assez.

GERARD LECLERC
Et on s'en inquiète de plus en plus. Il y a aujourd'hui à Paris une réunion d'experts sur justement la biodiversité, la disparition d'un million d'espèces. Il y a ce soupçon qu'il y a sur les pesticides, sur le glyphosate, par exemple dans certaines régions avec des enfants qui naissent sans bras. Est-ce qu'il ne faut pas accélérer ? Pourquoi attendre 2020, 2022 pour interdire définitivement…

DIDIER GUILLAUME
Eh bien nous essayons d'accélérer. Nous allons le plus vite possible. Sauf aujourd'hui de dire : si nous supprimons demain tous les produits phytopharmaceutiques, ce que j'aimerais vraiment moi qui ai fait de mon département le premier département bio de France, je sais de quoi je parle 50 % de bio dans les cantines. Si nous faisions ça demain, il y a tout un pan d'agriculture qui s'arrête. C'est des milliers de chômeurs.

GERARD LECLERC
On ne peut pas aller plus vite ?

DIDIER GUILLAUME
On peut aller plus vite mais on ne peut pas l'interdire du jour au lendemain. Par exemple si nous disions au 1er juillet ou au 1er janvier de l'année prochaine : « Nous supprimons les produits pharmaceutiques », nous mettons à mal notre agriculture et surtout, c'est ça que je veux faire comprendre aux Françaises et aux Français, nous mangerions des produits importés traités à base de glyphosate, de dimethoate ou de produits phytosanitaires. Notre difficulté, elle est là. C'est pour ça que je pense qu'il faut à la fois faire muter notre système agricole et le système agricole mute sans aucun problème. Mais arriver à faire en sorte que parallèlement nous ne mangions pas des produits traités avec des produits nocifs parce que sans ça, ça n'irait pas.

GERARD LECLERC
Alors en attendant, les tensions montent et on voit des exploitations agricoles qui sont attaquées, il faut le dire, par des éléments radicaux qui s'en prennent justement à une agriculture qui utilise trop de pesticides, les conditions de l'élevage etc. Là aussi ça vous inquiète ?

DIDIER GUILLAUME
Oui. Ça m'inquiète vraiment beaucoup. Dernièrement une personne me disait : j'étais dans mon champ, je traitais sur mon tracteur et quelqu'un est venu m'agresser verbalement en disant « pollueur, assassin, descends de ton tracteur », etc. On ne peut pas rester comme ça. Quand je parlais de la réconciliation entre l'urbain et le rural, on ne peut pas continuer comme cela. C'est bien qu'il y ait des gens qui viennent habiter en zone rurale mais en zone rurale il y a des agriculteurs. Il y a des agriculteurs qui traitent. Et d'ailleurs en bio aussi on traite. Pas avec les mêmes produits, mais enfin on traite aussi. Donc ce qu'il faut, c'est arrêter cela. C'est pour ça que dans le département de la Drôme a été installé vendredi un observatoire contre l'agribashing. Parce qu'il faut vraiment bien s'expliquer. Nous mettons en place des chartes de zones de non-traitement. Qu'est-ce que c'est ces zones de non-traitement ? C'est-à-dire au bord d'un EHPAD, d'une maison de retraite, au bord d'une école etc, sur place on va mettre en place en concertation avec le maire, des agriculteurs, des associations, des chartes en disant : « Là on ne va pas traiter au cas où… » Mais d'ores et déjà aujourd'hui, quand il y a du vent, il est interdit de traiter. Vous voyez, il y a des mesures qui prises. La transition agro-écologique, elle est irréversible. Irréversible.

GERARD LECLERC
Les élections européennes. Laurent WAUQUIEZ a présenté Les Républicains ce week-end comme le parti de l'agriculture et des exploitations familiales.

DIDIER GUILLAUME
Oui.

GERARD LECLERC
Qu'est-ce qu'en dit le Ministre de La République en Marche ?

DIDIER GUILLAUME
Ça me laisse sans voix. D'abord on sait bien depuis CHIRAC, l'agriculture est censée être plus proche de la droite.

GERARD LECLERC
Oui, mais CHIRAC justement c'était l'ancêtre des Républicains, si je puis dire.

DIDIER GUILLAUME
Mais enfin quand Laurent WAUQUIEZ dit ça, pour lequel j'ai du respect : c'est mon président de région, mais je ne vois pas dans quelle direction. Vous savez, nous ce que nous faisons aujourd'hui, la politique menée par les états généraux de l'alimentation, elle a été mise en place par les syndicats agricoles, par les industries agroalimentaires et par la grande distribution. Ce n'est pas le gouvernement, c'est le président de la République qui a lancé des orientations, mais c'est de la concertation. Et aujourd'hui, je pense que les choses avancent et puis nous avons sur notre liste un ancien président du syndicat agricole Jérémy DECERLE qui fait un travail remarquable. Je pense vraiment qu'il faut arrêter de l'opposition. Moi ce qui m'importe dans le prochain Parlement européen, c'est qu'il y ait suffisamment de députés européens qui connaissent l'agriculture pour pouvoir travailler sur la politique agricole commune et sur ces mesures-là. Et je crains que ce ne soit pas assez le cas.

GERARD LECLERC
Rapidement. Il y a eu une intoxication de treize enfants un peu partout en France qui auraient été intoxiquées par des fromages saint-marcellin, saint-félicien qui a priori sont produits dans votre département.

DIDIER GUILLAUME
Oui, oui. En plus, c'est ma commune quasiment. Il y a une intoxication alimentaire à l'Escherichia coli, Toutes les mesures ont été prises. En moins de 48 heures, les services sanitaires du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Santé ont regardé, ont retiré tous les lots. A ce niveau-là, ça a bien… Il y a des drames évidemment, il y a des enfants qui ne vont pas bien. Je veux redire ici, devant vous à votre antenne, que pour les enfants on ne mange pas de lait cru. On ne boit pas de lait cru, on ne mange pas de fromage au lait cru. Pour les enfants jusqu'à trois ans, jusqu'à cinq ans, c'est plutôt de la pâte molle si on veut en manger. Il n'y a pas forcément de danger mais là en l'occurrence, il y a eu une intoxication et ça peut avoir des répercussions.

GERARD LECLERC
On termine avec les élections espagnoles avec la résurrection du Parti socialiste qui arrive en tête mais qui n'a pas de majorité absolue, et puis la poussée de l'extrême droite du parti Vox, 10 %. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

DIDIER GUILLAUME
Eh bien, ça m'inspire que dans tous les pays d'Europe aujourd'hui, l'extrême droite entre au Parlement, pousse. Là ils font une entrée massive, c'est la première fois depuis Franco. Et ça m'inspire aussi que, voilà, notre système constitutionnel est peut-être tout ce qu'il y a de plus mauvais, enfin il permet d'avoir des majorités. En Espagne, avec la proportionnelle intégrale à un tour, on se retrouve avec un parti qui arrive en tête. Pedro SANCHEZ a fait un bon résultat mais enfin, il n'a pas pour l'instant de majorité et il faudra trouver des coalitions…

GERARD LECLERC
Donc il faudra y aller doucement sur la réforme des institutions.

DIDIER GUILLAUME
Oui. Je pense que les institutions, il faut les réformer. Le président de la République l'a dit. Baisser le nombre de parlementaires, mettre de la proportionnelle : je suis très favorable à une forte dose de proportionnelle comme l'a dit le président de la République, mais il faut qu'il y ait des majorités. On gère un pays sur des majorités stables.

GERARD LECLERC
Merci Didier GUILLAUME. Bonne journée et bon séminaire.

DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.

GERARD LECLERC
C'est dans une heure.

DIDIER GUILLAUME
Oui.

GERARD LECLERC
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2019