Texte intégral
DAMIEN GOURLET
Edouard PHILIPPE réunit son gouvernement à neuf heures pour réfléchir à la mise en pratique des réponses à la crise des gilets jaunes. Avec nous pour en parler la Secrétaire d'Etat à la Transition écologique Brune POIRSON. Merci d'être avec nous.
BRUNE POIRSON
Bonjour à vous.
DAMIEN GOURLET
On vous libérera en temps et en heure pour que vous puissiez être à l'heure Matignon. Laurent NEUMANN est aussi présent.
ADELINE FRANÇOIS
Brune POIRSON, d'abord une question. Avant ce séminaire gouvernemental, il y a une autre réunion qui est capitale aussi aujourd'hui.
BRUNE POIRSON
Absolument.
ADELINE FRANÇOIS
Ça se passe à Paris : c'est cette réunion sur la biodiversité qui va qui réunir des experts pour parler de la prochaine extinction de masse. Ça aussi c'est un thème majeur en ce moment.
BRUNE POIRSON
Tout à fait. Nous vivons et nous sommes en train de vivre, c'est ça qui est triste… Vous dites la prochaine mais nous sommes déjà en train de la vivre. C'est la sixième extinction des espèces. On le sait, l'humanité n'a peut-être jamais connu un effondrement tel de la nature. Ce qui remet en question beaucoup, beaucoup de choses pour non et potentiellement tout notre système alimentaire. Et c'est pour ça que la France a tenu à être la nation, peut-être la nation la plus moteur ou en tout cas une des nations les plus moteurs, pour lutter contre cette disparition de la nature. Et c'est pour ça que nous accueillons cette année à Paris ce qu'on appelle l'IPBES. C'est un groupe de scientifiques qui travaillent, qui sont hébergés par l'ONU et qui vont travailler et nous présenter les résultats, leurs analyses, l'évaluation de l'état de la biodiversité dans le monde.
ADELINE FRANÇOIS
Et ils peuvent prendre des mesures, ils peuvent demander des mesures au gouvernement comme le GIEC en a demandé ?
BRUNE POIRSON
Exactement. En fait, c'est l'équivalent, tout à fait. Le GIEC, c'est pour le climat et les émissions de CO2. Et le pendant du GIEC, eh bien c'est l'IPBES. Ce sont tous ces scientifiques qui se réunissent là. Nous la France, nous avons beaucoup insisté pour que cette réunion, elle ait lieu à Paris. Parce que nous voulons que nos politiques publiques, elles se nourrissent de cette science-là. Et parce que la voix… La France a une vraie voix à l'échelle internationale et nous voulons créer un mouvement très fort en faveur de la biodiversité de la nature. Le président de la République en a parlé. C'est très rare qu'un chef d'Etat se saisisse de cette question-là. Et ce qu'on veut faire, parce qu'en fait pourquoi est-ce que c'est si important maintenant et pourquoi est-ce qu'on en parle maintenant ? Parce que les dix années qui viennent, en matière de biodiversité elles sont cruciales. Cruciales notamment parce qu'en Chine l'an prochain va avoir lieu la COP15 de la biodiversité qui est aussi centrale que la COP21 a pu l'être pour le climat, pour les émissions de CO2.
DAMIEN GOURLET
Brune POIRSON, on a vu le climat, les accords de Paris : personne ne les respecte.
BRUNE POIRSON
Alors nous sommes en train…
DAMIEN GOURLET
La France par exemple ne les respecte pas.
BRUNE POIRSON
Non mais partout nous sommes… Ce n'est pas que nous ne respectons pas : c'est qu'il faut que nous changions. Vous avez raison, personne n'en fait assez en matière de lutte contre les émissions de CO2. Mais ce cadre-là, cet accord de Paris-là, il est central parce qu'il sert de référence à tous les Etats dans le monde. Et les Etats se mettent la pression les uns aux autres en disant : « Est-ce que vous intégrez au moins dans l'élaboration de vos politiques publiques les objectifs de l'accord de Paris ? » Mais maintenant, il faut faire la même chose pour la nature. Parce que c'est très bien le CO2 et c'est fondamental de lutter contre ça, mais il y a quelque chose qui est aussi important, c'est la préservation de la biodiversité de la nature. Et donc il y a plus qu'urgence et l'année qui arrive là, l'année qui s'ouvre, elle est cruciale. Si on rate ce passage-là, alors à ce moment-là eh bien on est potentiellement reparti sur une trajectoire très mortifère. Et donc, c'est pour ça que c'est crucial.
ADELINE FRANÇOIS
En tout cas, ce ne sera pas dans le séminaire gouvernemental a priori puisque c'est surtout…
BRUNE POIRSON
Si, nous allons en parler. Nous allons parler des transitions.
ADELINE FRANÇOIS
De la transition écologique notamment.
BRUNE POIRSON
En particulier.
ADELINE FRANÇOIS
Mais Nicolas HULOT justement regrettait hier soir que la biodiversité n'ait pas du tout fait partie des thèmes qui vont être abordés dans les ateliers du jour dans ce séminaire gouvernemental.
BRUNE POIRSON
Mais elle va être abordée de façon totalement transversale. Et c'est dans l'esprit d'ailleurs de ce que saluait Nicolas HULOT hier, c'est-à-dire du Conseil de défense écologique. L'environnement doit être transversal.
ADELINE FRANÇOIS
Puisque vous en parlez, on va l'écouter. On va écouter Nicolas HULOT parce qu'à la fois il saluait cette initiative mais il y avait un petit bémol. On l'écoute.
NICOLAS HULOT, ANCIEN MINISTRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Il ne faut pas attendre ces nouvelles instances et ces nouveaux comités pour fixer les objectifs et pour démarrer l'action, parce qu'on est en 2019 et on sait déjà ce qu'il faut faire. On a une certaine tendance à se débarrasser des sujets en faisant des plans, et puis on attend deux ou trois ans pour s'apercevoir qu'on n'a pas les moyens et qu'on n'a pas suivi les objectifs.
DAMIEN GOURLET
Il disait aussi, Brune POIRSON : « C'est bien d'avoir des citoyens qui vont s'exprimer sur la question, il faut aussi écouter les scientifiques. Ils sont où ? »
BRUNE POIRSON
Alors plusieurs choses. Déjà j'entends Nicolas HULOT qui parle de plan, mais qu'est-ce que nous sommes en train de faire ? Je peux vous dire, parce que j'ai… Nous sommes en train de mettre en oeuvre les plans qu'il a élaborés. Quand il est arrivé au gouvernement, il a fait un plan climat, il a fait un plan biodiversité. Il a fait toute une série de plans Nicolas HULOT. Des plans ambitieux que nous sommes en train de mettre en oeuvre et ce n'est pas toujours facile. Il y a un plan sur l'énergie aussi par exemple : on va fermer des centrales à charbon. Ça veut dire des personnes qui vont se retrouver potentiellement sans emploi. Donc nous sommes en train de mettre en oeuvre ces plans d'une part. D'autre part la science, Nicolas HULOT en parlait, les scientifiques sont pour nous fondamentaux et au coeur de l'élaboration de nos politiques publiques. La preuve : nous voulons accueillir ici tous et nous accueillons ici en France tous les scientifiques qui travaillent sur la nature avec l'IPBES. On en parlait il y a deux minutes. Et troisièmement, Nicolas HULOT il n'en avait parlé dans l'Emission politique et le président de la République l'a annoncé, nous allons mettre en oeuvre ce Conseil de défense écologique. Et ces citoyens qui seront tirés au sort, c'est une façon aussi de dire aux Français : choisissez comment vous voulez mettre en oeuvre la transition écologique. Parce qu'effectivement, là où Nicolas HULOT a raison, vous savez que maintenant il faut rentrer dans le comment, dans la mise en oeuvre, dans la mise en oeuvre des plans qu'il a lui-même élaborés.
ADELINE FRANÇOIS
Et dans le calendrier.
LAURENT NEUMANN
Oui, mais c'est toute la difficulté en réalité. Le président a fixé le cap sur des tas de sujets : sur la transition écologique, mais sur les impôts, le pouvoir d'achat, les retraites, la dépendance. Il y a toute une série de sujets et aujourd'hui ce séminaire de l'exécutif, en réalité de toute la majorité pas seulement du gouvernement, va fixer le calendrier.
ADELINE FRANÇOIS
Parce qu'il y a les parlementaires qui arrivent cet après-midi.
LAURENT NEUMANN
Très bien. Ça, c'est très bien, c'est très clair. Il faut que chaque Français ait une vision de ce qui va se passer dans les douze mois qui viennent. Parfait. La question, c'est la preuve par les résultats. Est-ce que ces mesures provoquent des résultats immédiats ? Et c'est toute la difficulté politique du moment. Est-ce que ces mesures sont applicables immédiatement ? Eh bien l'impôt sur le revenu, c'est pour l'année prochaine. Le conseil, cette convention de citoyens tirés au sort, c'est peut-être une bonne idée mais elle se traduira dans les faits sans doute dans de longs mois. Et toutes la difficulté politique du moment est là. Montrer évidemment que le gouvernement est au travail et assure l'intendance de ce que le président a fixé comme cap, mais surtout montrer aux Français qu'il y a des résultats et le plus vite possible. Et c'est peut-être là où bât blesse.
BRUNE POIRSON
Alors, moi je veux bien entendre que le bât blesse mais nous avons mis onze milliards d'euros sur la table et les Français l'ont vu.
LAURENT NEUMANN
Ça, c'était le 10 décembre.
BRUNE POIRSON
Il y a autre chose aussi qu'ils ont vu. C'est que depuis 2007, aucun gouvernement n'avait réussi à stopper les prélèvements, la hausse des prélèvements obligatoires. Nous l'avons fait. Tout ça, ce sont des choses que les Français sentent. Il y a 500 000 emplois par exemple qui ont été créés. Une croissance économique qui est supérieure au reste de l'Europe.
ADELINE FRANÇOIS
Comment vous expliquez que depuis jeudi, on entend les gilets jaunes, l'opposition dire : « Le compte n'y est pas, on n'est pas à la hauteur » ?
BRUNE POIRSON
Mais vous me parlez…
ADELINE FRANÇOIS
Ce matin il y a Christian JACOB qui dit dans Le Figaro : « C'est plutôt un effet plouf qu'un effet wahou. »
BRUNE POIRSON
Mais là, il fait de la politique politicienne. Moi je veux bien entendre tous ces éléments de langage, plouf, wahou, etc. C'est peut-être joli mais enfin concrètement, qu'est-ce qu'il propose ? Là je crois que nous sommes à un moment en France, pour le coup à un moment de transition, où les Français nous ont envoyé un message très clair et très important avec ce mouvement des gilets jaunes : c'est la mobilisation nationale. Et je crois que c'est indispensable et il faut que les oppositions aussi se sentent partie de ça. Parce que toute la remise en question des institutions, par exemple du Sénat mais aussi des responsables politiques, ça ce sont des questions qui touchent tout le monde. Où que vous soyez sur l'équilibre politique si vous êtes un responsable politique. Il ne faut pas croire que cette crise-là, elle a été provoquée du jour au lendemain par des mesures gouvernementales. Elles datent depuis beaucoup d'années.
LAURENT NEUMANN
Le problème, disons-le, c'est l'argent. L'argent manque. Or tous les plans qui ont été lancés par le président de la République coûtent de l'argent. La baisse des impôts, la réindexation des retraites, même la transition écologique. Ça coûte beaucoup d'argent, il faut avoir le courage de le dire, et la difficulté c'est peut-être de savoir où on trouve l'argent pour chacun de ces plans.
BRUNE POIRSON
Ça fait partie des difficultés, on va en parler aujourd'hui, mais la contrainte est aussi importante. Elle va nous permettre d'aller chercher vraiment dans le détail là où il y a des économies à faire. Et il y en a encore beaucoup à faire.
ADELINE FRANÇOIS
On va poser la question dans un instant à Emmanuel LECHYPRE. Merci Brune POIRSON d'avoir été avec nous ce matin.
BRUNE POIRSON
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2019