Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour François de RUGY.
FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous, vous êtes ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire. Elle est passée où l'écologie ?
FRANÇOIS DE RUGY.
L'écologie, voyez-vous, au conseil des ministres ce matin, c'est-à-dire dans une heure, je présenterai une loi sur l'énergie et le climat, donc vous voyez que c'est à la fois de l'action, j'allais dire quotidienne dans l'action politique du gouvernement. Nous déployons un certain nombre de mesures et en même temps ce sont des projets pour l'avenir, pour l'avenir proche puisque nous allons innover sur la méthode comme le président de la République l'a souhaité avec la convention citoyenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous comprenez bien pourquoi je vous pose la question, vous étiez, j'étais à la conférence de presse du président jeudi, il était très attendu, et d'ailleurs il a commencé par dire il y a urgence climatique, je le cite, c'est la première des transitions la plus urgente, la plus impérieuse, c'est le climat, elle doit être au coeur du projet national et européen. Ok et donc ? Eh bien donc on va créer un conseil de défense écologique avec une convention citoyenne…
FRANÇOIS DE RUGY
Oui pour mobiliser tout le gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
On va proposer 150 citoyens tirés au sort et puis c'est tout.
FRANÇOIS DE RUGY
Vous avez remarqué aussi puisque vous, vous étiez dans celles et ceux qui pouvaient poser des questions, que sur les 15 questions posées au président de la République après son intervention, 0 questions sur l'écologie.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un petit peu facile quand même…
FRANÇOIS DE RUGY
Non, mais c'est un peu dommage aussi, moi je le dis franchement.
APOLLINE DE MALHERBE
De nous renvoyer la responsabilité, spontanément Emmanuel MACRON a parlé pendant près d'une heure, l'écologie est arrivée à la 45ème minute et ça n'a duré que 3 minutes sur près d'une heure de discours, est-ce que vous vous en contentez ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, mais moi je ne me contente pas en effet de discours, je ne me contente pas de telle ou telle minute, ce qui compte c'est l'action. Depuis le premier jour où j'ai été nommé, moi je le dis toujours, l'écologie qui agit. On en a eu tellement d'ailleurs de discours sur l'écologie, mais qui n'ont pas débouché, de grandes ambitions affichées qui n'ont pas eu de traduction concrète que je crois que ce qui compte aujourd'hui plus que jamais, c'est l'action. Alors après il y a plusieurs façons d'agir, encore une fois, je le disais, nous déployons un certain nombre d'actions. Par exemple depuis le début de cette année, nous avons déployé un processus qui permet aux ménages les plus modestes de changer leur chaudière, leur vieille chaudière au fioul, qui à la fois émettent des gaz à effet de serre et coûtent cher dans la facture, eh bien ces vieilles chaudières au fioul on peut les changer pour un euro, en cumulant toutes les aides par exemple pour les ménages qui gagnent moins de 2000 euros par mois. Ca c'est concret, c'est une action qui se déploie. Nous en avons d'autres sur l'isolation des logements, nous en avant d'autres sur les voitures, vous savez que la prime à la conversion des voitures l'année dernière près de 300000 Français ont changé de voiture grâce à cette aide du gouvernement, cette année si on continue sur le rythme du 1er trimestre, on va être à 400000.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ce n'était pas le moment, François de RUGY, de lancer là aussi une véritable révolution ? Il y a eu la conquête de l'espace, il y a eu… est-ce qu'il n'y a pas un moment où l'écologie plutôt que de faire comme ça des machins où il va y avoir des citoyens qui vont réfléchir, on a déjà beaucoup réfléchi, est-ce qu'il est encore temps de dire on va réfléchir et ensuite on verra ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non il ne s'agit pas tellement de réfléchir, comme vous dites, les réflexions…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas moi, c'est la mission qui a été donnée aux 150 citoyens qui seront tirés au sort.
FRANÇOIS DE RUGY
La mission qui va être donnée aux 150 citoyens tirés au sort, c'est en quelque sorte une petite assemblée citoyenne et j'ai envie de dire une assemblée citoyenne constituante qui va rédiger la Constitution écologique de la France. C'est-à-dire qui va rédiger un texte dans lequel il y aura les grands choix et ce texte il sera soumis au peuple français, soit par référendum, soit au Parlement pour ratification. C'est-à-dire que ce sont ces citoyens qui vont faire des propositions de choix. Je vais donner un exemple concret qui est à mon avis une bonne analogie, la lutte contre le tabagisme. Vous vous souvenez, il y a quelques années des débats sans fin, est-ce qu'il faut interdire de fumer dans les lieux publics, sur les lieux de travail, dans les restaurants, dans les transports, dans les cinémas, peut-être sur ce plateau télévisé, il y a quelques années on aurait fumé et puis aussi est-ce qu'il faut augmenter le prix du paquet, est-ce qu'il faut financer des patchs qui permettent de se libérer du tabac ? Eh bien à un moment donné il a fallu faire des choix qui étaient parfois des contraintes, parfois des incitations. En matière d'écologie c'est pareil, est-ce qu'il faut poursuivre la taxe carbone oui ou non ? Est-ce que c'est efficace, est-ce qu'il faut des mesures d'accompagnement beaucoup plus fortes, donc des dépenses plus importantes pour l'isolation des logements, pour aller vers les voitures électriques ? Est-ce qu'il faut d'ailleurs développer prioritairement la voiture électrique, ça a été contesté ça par exemple dans le mouvement des gilets jaunes, et bien sûr ces choix-là, les Français eux-mêmes…
APOLLINE DE MALHERBE
On en est encore au moment des questions, François de RUGY ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, on n'en est pas aux questions, on en est aux solutions qu'il faut privilégier et les Français pourront se prononcer. Vous savez, ça a été fait en Allemagne l'année dernière sur comment sortir des centrales à charbon, ce sont 21 citoyen de la même façon qui ont travaillé et ils ont fait un paquet de propositions et le Parlement allemand va le ratifier.
APOLLINE DE MALHERBE
François de RUGY, créer un conseil de défense écologique, est-ce que ce n'est pas juste un peu la deuxième fois quand même que vous nous faites le coup, parce qu'en novembre dernier, le président avait annoncé le Haut Conseil pour le climat, à chaque fois c'est quand même des instances plutôt que des mesures.
FRANÇOIS DE RUGY
Non, ça n'a jamais existé, non, non, le Haut Conseil pour le climat, ce sont des experts qui diront tous les ans, qu'ils feront un rapport annuel pour savoir si on va dans la bonne direction en France.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un peu la même chose que ce que vous demandez quand même…
FRANÇOIS DE RUGY
Non, non, comme on avait le Haut Conseil pour les finances publiques qui sont là pour dire tous les ans, est-ce que la dette s'améliore ou pas, est-ce que le déficit s'améliore ou pas ? C'est le même raisonnement sur l'écologie et sur le climat. Le Conseil de défense, c'est un peu le même raisonnement que sur la sécurité intérieure et extérieure, le Conseil de défense en France il réunit autour du président de la République, le Premier ministre, le ministre de la Défense, ministre de l'Intérieur et ensuite les ministres concernés par tel ou tel sujet. Mais on va faire la même chose, on dit sur le climat, c'est un peu la guerre à l'effet de serre, c'est un peu la mobilisation générale, certes en temps de paix, mais la mobilisation générale. Et donc au sein du gouvernement ça doit être de la même façon, la mobilisation générale de tous les ministères concernés et on va leur demander de rendre des comptes régulièrement, on se réunira tous les mois sans doute et on rendra des comptes régulièrement. Je demanderai par exemple au ministre de l'Education, on a dit qu'on allait développer des projets éducatifs écologiques dans chaque établissement scolaire, où est-ce qu'on en est, combien ont été déployés et ainsi de suite.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous aviez pourtant été assez ambitieux pour le coup à la sortie de ce Grand débat, vous aviez eu notamment deux propositions, une loi de programmation pour l'écologie et même peut-être un référendum, vous aviez parlé d'un référendum.
FRANÇOIS DE RUGY
C'est ce que nous allons faire avec l'Assemblée citoyenne.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura un référendum ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est tout à fait possible, le président l'a dit dans sa conférence de presse.
APOLLINE DE MALHERBE
Un référendum sur le climat ?
FRANÇOIS DE RUGY
Personne ne l'a relevé, mais il a dit dans sa conférence de presse…
APOLLINE DE MALHERBE
Précisément dites-nous, expliquez-nous.
FRANÇOIS DE RUGY
Eh bien je suis là pour répondre aux questions qui n'ont pas été posées jeudi dernier.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est intéressant, il y aurait un référendum sur le climat.
FRANÇOIS DE RUGY
Et oui le président de la République a dit les citoyens, ils vont en quelque sorte rédiger cette loi de programmation pour le climat …
APOLLINE DE MALHERBE
Sur laquelle il pourrait y avoir un référendum national.
FRANÇOIS DE RUGY
Voilà, elle pourrait être soumise au référendum pour que les Français dans leur ensemble, si on considère que ça doit entraîner tous les Français, que est tous les Français, c'est l'affaire de tous la question du climat, ce n'est pas simplement l'affaire de l'Etat ou des collectivités locales, eh bien à ce moment-là moi je pense que d'ailleurs la meilleure voie pour entraîner tout le monde, ce serait le référendum.
APOLLINE DE MALHERBE
Un référendum sur oui ou non pour cette loi ou un référendum aussi sur le contenu de cette loi ?
FRANÇOIS DE RUGY
Sur le contenu de cette loi bien sûr, c'est sur des mesures.
APOLLINE DE MALHERBE
Avec éventuellement plusieurs choix possibles.
FRANÇOIS DE RUGY
Pas sur est-ce que vous êtes pour que l'on fasse la guerre à l'effet de serre ? Ca aujourd'hui tout le monde est pour, enfin il y a une très, très grande majorité de Français qui sont pour agir, après la question, c'est les solutions. On voit bien qu'il y a un consensus…
APOLLINE DE MALHERBE
Et ça pourrait être quand, dans un an, vous ne savez dire à peu près ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui dans moins d'un an parce que nous considérons que cette assemblée citoyenne va travailler pendant 6 mois, jusqu'à la fin de cette année, elle sera installée en juin, elle travaillera jusqu'à la fin de cette année et ensuite eh bien on pourrait faire cela au printemps 2020.
APOLLINE DE MALHERBE
Au printemps 2020 il pourrait y avoir un grand référendum sur la question écologique, c'est ce que vous nous dites ce matin. Vous aviez également une autre idée, la modulation de la TVA en fonction de l'empreinte écologique, là aussi ça pourrait faire parce que cette loi ?
FRANÇOIS DE RUGY
Mais bien sûr parce qu'aujourd'hui on voit bien que sur la fiscalité, dès qu'on parle de fiscalité, c'est très sensible, sauf si évidemment on parle de baisser les impôts et c'est très bien on va baisser l'impôt sur le revenu. J'y étais personnellement très favorable. Mais on voit bien que sur la question écologique, souvent on dit, en fait l'écologie est un prétexte pour augmenter les taxes, eh bien moi je pense qu'en effet il faut qu'on puisse démontrer qu'on module. Il y a des taxes qui vont être augmenter sur ce qui polluent le plus et puis il y en a d'autres qui doivent baisser sur ce qui polluent le moins, sur ce qui permet de faire des économies d'énergie.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça pourquoi il ne l'a pas annoncé jeudi ?
FRANÇOIS DE RUGY
Mais vous savez, d'abord il y a déjà des choses qui existent par exemple la TVA sur les travaux de rénovation des logements est à 5,5 % et moi je me bats, j'allais dire presque tous les jours, pour qu'on maintienne ce taux réduit de TVA sur les travaux d'isolation des logements, parce que ça c'est une mesure concrète et simple qui permet de baisser le coût des travaux pour les Français qui peuvent en faire. Et puis après il y a d'autres choses qui doivent se déployer.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors baisser les coûts pour les particuliers et l'idée de taxer le kérosène, c'est définitivement enterré ?
FRANÇOIS DE RUGY
Ca aussi les citoyens auront à se prononcer.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais vous ne pouvez pas me répondre que tout est ouvert, que peut-être… clairement on a quand même besoin de réponse.
FRANÇOIS DE RUGY
Non, on est sur des sujets concrets, mais vous savez sur le kérosène, moi j'ai déjà eu l'occasion de le dire souvent, moi je considère que ça ne peut pas durer, on ne peut pas continuer sur un accord mondial qui date de 1944. La convention de Chicago, c'est un accord international que la France a signé à l'époque et qui disait on ne doit pas taxer le kérosène. Bon en 1944 personne ne parlait du dérèglement climatique, personne ne parlait de l'effet de serre, les choses ont changé. Alors on sait bien qu'il y a des pays comme les Etats-Unis d'Amérique qui ne veulent rien changer, mais nous en France, en Europe…
APOLLINE DE MALHERBE
Evidement c'est la difficulté aussi de pouvoir le faire avec les autres.
FRANÇOIS DE RUGY
Donc moi je souhaite qu'après les élections européennes, d'ailleurs toutes les listes devraient se prononcer là-dessus, est-ce que les parlementaires européens, les parlementaires français élus au Parlement européen le 26 mai, ils se battront pour cela, ceux de la liste Renaissance européenne conduite par Nathalie LOISEAU et Pascal CANFIN, ils s'engagent sur cela,, pour que l'Europe soit au niveau international la force qui dira il faut taxer le kérosène des avions et qu'on le fasse aussi pour tous les vols internes à l'Union européenne. Voilà des choses concrètes mais sur lesquelles les citoyens pourront également se prononcer.
APOLLINE DE MALHERBE
Taxer le kérosène donc ce n'est pas encore fait, alors que pour le coup taxer le carburant des particuliers là on est quand même en plein dedans, vous avez vu les prix de l'essence, les prix du super et du diesel au moment où on se parle, ils sont entre 1,45 et 1,60 du litre, au plus haut depuis 6 ans. Est-ce que vous avez une solution, est-ce que vous allez faire quelque chose ?
FRANÇOIS DE RUGY
D'abord je vous fais observer qu'au mois de novembre beaucoup de gens, des responsables politiques, pas tellement les gilets jaunes d'ailleurs, mais les responsables politiques ont dit « ah si les prix du carburant ont augmenté, c'est à cause de la taxe carbone », c'était un mensonge puisque c'était les prix du pétrole sur les marchés mondiaux. Nous avons stoppé la hausse de la taxe carbone…
APOLLINE DE MALHERBE
Non vous avez renoncé à l'augmenter.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui mais nous avons stoppé les hausses prévues au 1er janvier 2019.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n'avez pas reculé, vous n'avez pas baissé.
FRANÇOIS DE RUGY
Pour autant vous voyez que les prix du pétrole sur les marchés mondiaux, ils augmentent et que ça se répercute bien sûr à la pompe.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous avez une marge ?
FRANÇOIS DE RUGY
Quand je disais à l'automne dernier, il faut permettre aux Français de se libérer du pétrole, se libérer du pétrole pour le chauffage, se libérer du pétrole pour les voitures, en ayant des voitures hybrides, en ayant des voitures électriques, c'est parce que moi je pense d'abord et avant tout à cet enjeu à la fois écologique et économique. Ecologique parce qu'on sait bien que les émissions de gaz à effet de serre, elles viennent de la consommation de pétrole, mais on sait aussi que si on ne fait rien en effet, il y a des hausses sur les marchés mondiaux des prix du pétrole, des sujets sur lesquels on n'a pas de prise, c'est les conflits entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran.
APOLLINE DE MALHERBE
On l'a bien compris, mais vous avez des prix sur … vous avez prise sur les taxes en l'occurrence quand on compare avec le prix de l'essence en Allemagne ou en Espagne qui est 20 centimes de moins à l'heure où on se parle, ça veut bien dire que ça c'est une marge que vous avez 20 centimes de moins par litre, c'est quand même une grosse marge, est-ce que vous allez mettre en place une sorte de TIPP flottante comme ça s'appelait avant, maintenant s'appelle TICPE, Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques, elle est fixe, est-ce que vous allez la rendre flottante pour pouvoir justement faire évoluer ou adapter en fonction de la hausse du prix ?
APOLLINE DE MALHERBE
Moi je l'ai déjà dit quand on parlait de la taxe carbone, je ne serais pas contre qu'il y est en effet en quelque sorte une corde de rappel et que le gouvernement puisse moduler temporairement, lorsqu'il y a des pics sur les marchés mondiaux du pétrole. Ca il faudrait changer les règles.
FRANÇOIS DE RUGY
Si vous n'êtes pas contre pourquoi vous ne le faites pas ?
APOLLINE DE MALHERBE
Il faut changer les règles parce qu'aujourd'hui vous savez que pour toute modification de taxes, il faut passer par le Parlement et que c'est extrêmement long. Mais par ailleurs…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand on veut être rapide, on l'a vu, vous êtes capable de l'être.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais vous avez vu aussi qu'au Parlement quand on veut être lent, on est tout capable de lettres et les oppositions y mettent dans ces cas là beaucoup d'énergies pour nous retarder.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est clair. François de RUGY, vous ne pouvez pas me dire, j'y serais favorable, vous êtes ministre.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui d'accord, mais vous savez que je ne suis pas le ministre en charge du Budget. Je ne suis pas le ministre en charge des comptes publics…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils vous bloquent là-dessus ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non mais enfin vous savez qu'il y a quand même un budget de la France à tenir, qu'on a d'ailleurs fait beaucoup de dépenses supplémentaires ces derniers mois, mais ce que je voudrais dire surtout, non mais Madame de MALHERBE, on ne peut pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais juste, si on s'arrête là-dessus, sur cette question du prix de l'essence…
FRANÇOIS DE RUGY
Il faut dire la vérité aux Français sur les prix du pétrole, ce n'est pas la première fois qu'ils augmentent, en 2008 on a atteint 150 dollars le baril de pétrole, aujourd'hui on a 70, vous voyez déjà comme c'est difficile. En 2008, il y a 11 ans, qu'est-ce qu'on a fait depuis, qu'est-ce qu'on a fait à l'époque ? On a attendu que ça passe. Moi je n'ai pas envie qu'on attende simplement que ça passe ou qu'on trouve des petits artifices parce que ce seront des petits artifices uniquement autour de la modulation des taxes…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin les petits artifices, ça peut quand même permettre au quotidien pour ceux qui doivent utiliser leur voiture…
FRANÇOIS DE RUGY
La vraie solution, on le sait très bien, c'est d'avoir des voitures qui consomment moins dans un premier temps, ensuite d'avoir des voitures hybrides ou électriques qui ne consommeront plus de pétrole et qui auront donc, vous savez ce que c'est, vous savez combien ça coûte…
APOLLINE DE MALHERBE
D'accord, là moi je vous parle simplement du quotidien en ce moment, mais on est bien d'accord.
FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez combien ça coûte le plein d'une voiture électrique, vous savez combien ça coûte ?
APOLLINE DE MALHERBE
Quasiment rien.
FRANÇOIS DE RUGY
J'ai rencontré quelqu'un qui a une Zoé, 5 euros. 5 euros voilà pour faire près de 300 kilomètres, donc ça, c'est ça la réalité c'est ce vers quoi on doit aller. Et puis aussi le développement des transports en commun, là aussi quelqu'un qui compare entre le coût de son abonnement de transport en commun…
APOLLINE DE MALHERBE
Là vous répondez long terme, mais vous avez bien raison parce que c'est aussi votre rôle, mais simplement aujourd'hui, quand on a un litre qui est entre 1,45 et 1,60 et qu'on sait que vous avez là-dessus de la taxe, malgré tout on peut se poser la question de savoir si dès demain vous ne pourriez pas rendre cette taxe flottante, ça aurait un effet immédiat ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non mais vous savez la taxe flottante, elle a existé, elle avait été mise en place par Lionel JOSPIN, en 2000 et justement elle a été supprimée parce qu'elle n'avait pas d'effet, pour une raison simple, c'est que si elle flotte, vous savez ce que ça veut dire flotter, c'est-à-dire qu'elle suit le niveau de l'eau, donc que quand ça augmente, elle finit toujours par augmenter. Non, ça, ça ne marche pas, c'est pour ça que ça n'a pas été gardé après les années 2000.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne ferez pas la TICPE flottante.
FRANÇOIS DE RUGY
Non mais ça, ça n'a jamais marché donc on ne refera pas quelque chose qui ne marche pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais la baisser définitivement sans la rendre flottante, ça ce serait possible ?
FRANÇOIS DE RUGY
Après le problème, c'est que si on fait ça, un, on a des recettes budgétaires en moins, c'est toujours le sujet, c'est pour ça que moi je dis qu'il faut vraiment qu'on tranche cette question de qu'est-ce qu'on fait de la fiscalité sur les carburants notamment, mais on pourrait parler de la fiscalité sur le gaz, pour le chauffage, la fiscalité sur l'électricité, par exemple en France les taxes sur l'électricité sont beaucoup moins élevées. Vous parliez de l'Allemagne, vous parliez de l'Allemagne tout à l'heure, en Allemagne les taxes sur l'électricité sont beaucoup plus élevées qu'en France. Nous en France, on a fait un choix, c'est de taxer davantage les carburants parce qu'il y a des émissions de gaz à effet de serre et de taxer moins l'électricité parce qu'en France l'électricité n'émet pas ou de moins en moins de gaz à effet de serre.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf qu'il y a une difficulté à très brève échéance, c'est qu'effectivement les prix de l'électricité vont augmenter de 6 % cet été, est-ce que là encore vous avez une marge de manoeuvre, est-ce que vous pourrez faire quelque chose ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui alors moi je ne me résigne pas à ce mode de calcul que nous avons hérité, il a été voté en 2010 et confirmé en 2015, donc sous une majorité de droite, la présidence de Monsieur SARKOZY et sous une majorité de gauche la présence de monsieur HOLLANDE. Et donc moi je ne me résous pas à ce mode de calcul qui était fait au départ sur le grand principe, pour que les prix des tarifs régulés de l'électricité couvrent les coûts de production, pas plus, pas moins et aujourd'hui on se rend compte qu'il y a une distorsion avec un mode de calcul qui ne correspond plus à la réalité du marché de l'électricité français d'aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez donc changer ce mode de calcul ?
FRANÇOIS DE RUGY
Donc je proposerai dans la loi énergie-climat qui va passer en conseil des ministres…
APOLLINE DE MALHERBE
Que vous présentez dans quelques heures…
FRANÇOIS DE RUGY
… de changer ce mode de calcul. Donc là vous voyez, c'est concret, immédiat, on va le débattre au Parlement.
APOLLINE DE MALHERBE
Les 6 % on va quand même les avoir.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui parce que ça, c'est le mode de calcul sur l'année précédente, il est fondé sur l'année précédente et je veux que dès l'année prochaine…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas prise sur ces 6 % ?
FRANÇOIS DE RUGY
… le mode de calcul, le nouveau s'applique et que cela permettra de mieux maîtriser les prix de l'électricité en France, en collant au plus près à ce que sont les coûts de production et pas plus pour qu'on ne fasse pas payer plus aux Français que l'évolution des coûts de production de l'électricien de France. Et je rappelle quand même que dès aujourd'hui les Français peuvent faire appel à d'autres contrats de fourniture d'électricité que les tarifs régulés, d'ailleurs de plus en plus le font, même EDF propose des contrats qui ne sont pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous les y encouragez ?
FRANÇOIS DE RUGY
… quand ça permet de payer moins, oui. J'ai rencontré une directrice d'un office HLM la semaine dernière qui m'a dit, nous dans notre office HLM, on va proposer aux locataires un contrat d'achat groupé et ça fera une baisse de 17 %, 17 % de moins sur la facture d'électricité. Donc évidemment il faut aussi développer ces nouvelles pratiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Et contourner donc ces 6 % d'augmentation. Deux questions très concrètes, l'une sur la montagne d'or en Guyane, c'est ce projet de mine industrielle, il y a quelques mois lorsque vous étiez interrogé sur ce projet y compris par Jean-Jacques BOURDIN ici même, vous disiez on ne peut pas le faire tel quel, vous en êtes où, est-ce que vous allez empêcher ce projet ?
FRANÇOIS DE RUGY
En tout cas moi je vais me rendre en Guyane au mois de juin pour pouvoir voir sur place avec les acteurs, j'ai déjà rencontré beaucoup d'interlocuteurs sur ce sujet, des gens qui sont pour, des gens qui sont contre, dans mon bureau à Paris mais je souhaitai me rendre sur place et je proposerai par ailleurs que là aussi on ne se contente pas de dire, est-ce qu'on est pour ou contre ce projet, ce projet il ne rentre pas dans nos standards environnementaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on dit non.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui mais par ailleurs aujourd'hui on a là aussi un code minier qui date, même pas du XXe siècle mais du XIXe siècle, d'une époque qui n'a plus rien à voir avec…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais on a quand même l'impression qu'à chaque fois vous dites, on ne peut pas, ça on aimerait bien…
FRANÇOIS DE RUGY
… donc je vais réformer. Mais si, si, on peut parfaitement, par ailleurs, si parce qu'aujourd'hui le projet…
APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu'une fois que c'est fait, c'est fait, 57 000 tonnes d'explosifs, 195 millions de litres…
FRANÇOIS DE RUGY
Je connais tous ces chiffres, mais le projet Montagne d'Or pour l'instant il n'est pas déposé, mais s'il demandait une autorisation en l'état, de toute façon, ils ne l'auraient pas.
APOLLINE DE MALHERBE
D'accord ils ne l'auraient pas.
FRANÇOIS DE RUGY
… sur les bases qu'ils ont donné aujourd'hui, mais moi ce que je veux c'est que justement ces consortiums miniers internationaux ne puissent pas se jouer d'un droit qui est complètement obsolète et donc je veux réformer les règles qui permettent d'attribuer ou pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Et ce ne sera pas trop tard ?
FRANÇOIS DE RUGY
Pas du tout, ce ne sera pas trop tard, il faudra évidemment que le Parlement puisse voter ces nouvelles règles le plus rapidement possible.
APOLLINE DE MALHERBE
Une dernière question, un rapport qui encourage à baisser la vitesse sur le périphérique de 70 à 50 kilomètre-heure, est-ce que vous y êtes favorable ?
FRANÇOIS DE RUGY
Là c'est les élus parisiens qui auront à se prononcer, vous savez, moi j'ai vécu à Nantes sur le périphérique nantais, on est passé de 90 à 70 sur certaines portions et ça a été d'ailleurs plutôt bien respecté, mais c'est vrai qu'à un moment donné la question se pose quand on est en milieu urbain, le périphérique parisien, c'est à la fois une voie qui ressemble à une autoroute parce qu'il y a parfois 4 voies de circulation dans le même sens, mais en même temps elle est bordée d'immeubles, elle est bordée d'habitations, on est en pleine ville, donc la question peut se poser, ce n'est au ministre… là d'ailleurs il faut qu'on soit clair sur qui est responsable de quoi. Moi je ne souhaite pas que ce soit le ministre des Transports, moi j'ai sous mon autorité la ministre des Transports qui décide de la vitesse sur le périphérique parisien ou sur une autre route, sur une autre route en France.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez dire que c'est un peu comme le 80 km/h, on ne va pas faire la même erreur.
FRANÇOIS DE RUGY
Je pense que c'est des choses qui doivent être vue avec les élus locaux qui sont responsables devant leur population, d'ailleurs il y aura des élections municipales dans moins d'un an à Paris comme dans toutes les autres communes et villes de France, eh bien ces questions-là, elles doivent être traitées dans ce cadre là.
APOLLINE DE MALHERBE
On sent bien que sur la méthode, ça a changé depuis le 80 kilomètre- heure. Merci beaucoup François de RUGY…
FRANÇOIS DE RUGY
Moi, j'ai été en charge des transports à Nantes et c'est toujours comme ça que j'ai agi.
APOLLINE DE MALHERBE
En donnant la parole aux élus locaux, merci François de RUGY d'avoir été avec nous, vous êtes ministre de la Transition écologique et solidaire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mai 2019