Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, à France Bleu Belfort le 22 mars 2019, sur l'industrie dans le Nord Franche-Comté.

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Média : France Bleu

Texte intégral

FLORENT LORIOL
Après Vesoul hier, Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Economie et des Finances, est attendu ce matin dans le pays de Montbéliard.

SOLINE DEMESTRE
Oui, et il est avec nous ce matin en direct au téléphone. Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
Bonjour.

SOLINE DEMESTRE
Alors avec vous, on va aborder les dossiers économiques qui font l'actualité dans le Nord Franche-Comté et il y en a. Commençons par le site PSA d'Hérimoncourt, berceau de la marque PEUGEOT. L'activité doit être transférée vers le site de Vesoul l'année prochaine. On sait déjà que PSA ne fera pas marche arrière. En février, vous promettiez de vous battre pour le site d'Hérimoncourt. Qu'est-ce que vous pouvez faire aujourd'hui concrètement ?

BRUNO LE MAIRE
Je continue de demander à PSA de trouver une nouvelle activité sur le site d'Hérimoncourt. Je trouve que le projet de PSA sur les pièces détachées est un beau projet qui va donner de l'activité à Vesoul, qui va permettre d'être plus vertueux du point de vue environnemental puisqu'on va recycler des pièces détachées donc c'est une bonne chose. Mais PSA ne peut pas laisser tomber le site d'Hérimoncourt et il doit apporter une solution aux plus de 200 salariés qui sont à Hérimoncourt. Il faut trouver une autre activité. Je sais que PSA y travaille mais je continue à suivre les choses de près. Hérimoncourt, c'est le siège historique de PSA donc PSA doit trouver une solution alternative pour les salariés d'Hérimoncourt.

SOLINE DEMESTRE
Alors il y a un autre dossier qui inquiète les Nord-Francs-comtois, c'est celui de GENERAL ELECTRIC. Les syndicats craignent un plan de suppression de postes de très grande ampleur. 800 postes sur 1900 dans la branche turbines à gaz sur les sites du Territoire de Belfort, ce serait pour après les élections européennes de mai prochain. Est-ce que vous confirmez cette information ?

BRUNO LE MAIRE
Moi je ne confirme aucune information, mais ce que chacun voit bien, c'est qu'il y a une évolution du marché de l'énergie qui est extraordinairement rapide et qui bouscule beaucoup de sites industriels à travers le monde. Les turbines à gaz aujourd'hui se vendent beaucoup moins bien. On le sait, c'est une réalité. Donc qu'est ce qui est essentiel à mes yeux ? C'est que nous trouvions avec GENERAL ELECTRIC, avec les élus de Belfort - je suis en discussion très régulière avec le maire de Belfort et avec les autres élus - des solutions de développement de nouvelles activités industrielles sur Belfort. Nous avons déjà 50 millions d'euros qui sont disponibles, qui ont été fournis par GE pour réindustrialiser.

SOLINE DEMESTRE
La somme a été versée ? Cette pénalité, elle a déjà été versée ? C'était pour ne pas avoir respecté les promesses d'emploi.

BRUNO LE MAIRE
La somme sera disponible dans les meilleurs délais et c'est les projets qui comptent aujourd'hui. L'engagement a été pris, les accords ont été signés donc les 50 millions d'euros seront effectivement disponibles. J'ai demandé à ce que les élus de Belfort soient directement associés au comité de pilotage de ces 50 millions d'euros et il faut que nous regardions quels projets industriels peuvent se développer sur Belfort.

SOLINE DEMESTRE
Alors justement…

BRUNO LE MAIRE
Et je suis en discussions régulières avec GE sur ce sujet, mais ce qui compte vraiment pour moi c'est que nous réfléchissions aux nouvelles activités industrielles qui peuvent se développer sur Belfort.

SOLINE DEMESTRE
Et alors justement, les syndicats et les élus aussi du territoire de Belfort militent depuis des semaines pour un rapprochement avec le groupe aéronautique SAFRAN. Je vous propose d'écouter Xavier LE COQ qui fait partie de la CFE-CGC chez GE. Il a une question pour vous.

XAVIER LE COQ, DELEGUE CFE-CGC
Monsieur le ministre, en cette semaine de l'industrie, qu'est-ce que vous êtes prêt à faire aujourd'hui, demain, auprès de GENERAL ELECTRIC et de SAFRAN si nécessaire pour créer de l'activité aéronautique à Belfort ?

SOLINE DEMESTRE
Est-ce que c'est un projet que vous soutenez déjà Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Alors c'est un projet que j'étudie. Moi je soutiens toutes les propositions de développement industriel sur Belfort. Belfort, c'est une grande cité industrielle, elle doit le rester. Mais il faut penser aux industries d'avenir et pas nécessairement s'accrocher à des industries qui vont forcément faiblir parce que la demande n'est plus là. Et c'est le cas, nous le savons tous, pour les turbines à gaz et je pense que ce serait mentir aux gens que de dire : on va développer les turbines à gaz alors même que les commandes sont en diminution. Il y a une perspective aéronautique, nous discutons avec SAFRAN, mais ça demande des investissements notamment en termes de machines qui sont extrêmement élevés. Donc il faut regarder cette piste-là, voir si elle est jouable, voir les investissements sont compatibles avec les financements disponibles. Et évidemment que je vais regarder avec SAFRAN, GE, avec les élus locaux si cette piste est possible. Est-ce qu'il y a d'autres pistes aussi à étudier ? C'est ce que nous regardons. Nous allons regarder toutes les pistes industrielles possibles pour maintenir l'emploi à Belfort et offrir des perspectives aux salariés de GE.

SOLINE DEMESTRE
Alors il y a un autre dossier qui avait occupé le Nord Franche-Comté un moment, c'était celui d'ALSTOM TRANSPORT. Le mariage avec l'allemand SIEMENS avait été rejeté. Vous aviez fait part d'un certain agacement à l'époque. Selon vous, l'Europe a fait une erreur en refusant cette fusion ?

BRUNO LE MAIRE
J'en suis persuadé. Je suis persuadé qu'on verra très vite ce que ça veut dire, cette erreur. Ça veut dire l'arrivée de trains chinois en Europe. Ça commencera par l'Europe de l'Est et puis ça se répandra dans d'autres pays de l'Europe. Donc je considère que c'est une erreur de ne pas construire des champions industriels notamment dans le secteur du ferroviaire pour faire face à une Chine qui a aujourd'hui des capacités de production et des entreprises qui sont beaucoup plus importantes en taille, en chiffre d'affaires, en investissement que les nôtres. Donc l'union fait la force, c'est vrai en matière politique, c'est vrai aussi en matière industrielle. Maintenant cette fusion a été refusée. Je pense d'abord qu'il faut en tirer des conséquences sur notre politique industrielle européenne. Il faut changer la politique industrielle européenne, il faut avoir une préférence communautaire sur les biens industriels réalisés en Europe et il faut se donner les moyens de changer le droit de la concurrence pour que nous puissions construire des champions industriels européens qui résisteront à la concurrence chinoise et qui résisteront à la concurrence américaine.

SOLINE DEMESTRE
Mais il y avait quand même…

BRUNO LE MAIRE
Après, je n'ai pas d'inquiétude pour ALSTOM parce que c'est une entreprise magnifique qui fait des produits de très grande qualité. Elle a des commandes devant elle, elle a des perspectives devant elle. Il faut réfléchir à la manière dont on consolidera par la suite.

SOLINE DEMESTRE
Il y avait quand même beaucoup de crainte par rapport à ce rapprochement entre ALSTOM et SIEMENS, notamment des syndicats. Certains économistes l'ont dit aussi. Est-ce qu'il n'y avait pas un risque que SIEMENS absorbe complètement ALSTOM et puis qu'il y ait des suppressions d'emplois aussi ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne crois et je crois que ce qui fait les suppressions d'emplois, on le voit dans d'autres secteurs d'activité, c'est quand on n'est pas capable de soutenir la concurrence avec les géants chinois où les géants américains. Et au bout du compte on se fait racheter, les emplois disparaissent et les compétences avec. Donc moi je crois profondément à la nécessité de consolider des secteurs industriels européens. C'est vrai pour le ferroviaire, c'est vrai pour la construction navale, c'est vrai dans le domaine automobile, c'est vrai aussi dans l'intelligence artificielle ou dans le domaine numérique et ça renforcera les capacités françaises. Nous avons des capacités industrielles exceptionnelles. Si on les appuie sur d'autres champions européens, eh bien nous serons à mon sens parmi les industries les plus performantes au monde.

SOLINE DEMESTRE
Alors l'industrie qui souffre encore parfois d'une image négative. Il y a certaines entreprises qui ont du mal à recruter notamment dans les PME. Ç'avait été le cas chez PSA aussi à l'époque où il cherchait des intérimaires. Comment est-ce qu'on peut résoudre ce problème selon vous ?

BRUNO LE MAIRE
Il faut revaloriser avec beaucoup de force les métiers industriels. Les métiers industriels, ce sont des métiers qui sont bien payés. C'est des métiers où on acquiert une formation et une qualification progressivement. C'est des métiers qui n'ont plus rien à voir avec ce qu'était l'industrie du début du XXème ou de la fin du XIXème siècle. C'est de l'impression 3 D, c'est de la créativité, il y a de la robotique, les tâches pénibles sont supprimées progressivement. Donc il faut impérativement, et c'est tout l'objet de cette semaine de l'industrie, revaloriser les métiers industriels auprès des jeunes. C'est des beaux métiers, c'est des métiers créatifs, c'est des métiers qui vous donnent un emploi stable pour de nombreuses années. Et moi je suis très heureux de voir que l'industrie française relève enfin la tête. C'est la première fois depuis dix ans que nous créons à nouveau des emplois industriels en France. C'est la première fois que nous ouvrons plus de sites industriels en France que nous n'en fermons. Il y a eu une hémorragie industrielle depuis dix ans en France qui est révoltante. Nous avons perdu un million d'emplois industriels. Nous avons fermé cent usines par an. C'est révoltant. Eh bien nous sommes totalement déterminés à prendre toutes les mesures nécessaires pour redresser l'industrie française. C'est de la formation, c'est de la qualification, c'est des modifications aussi de notre fiscalité pour alléger la fiscalité sur le capital, parce que les entreprises industrielles demandent beaucoup de capital. Et puis c'est le soutien à l'innovation parce qu'il n'y a pas d'industrie pour le XXIème siècle sans une innovation forte. C'est tout ce que nous faisons et qui commence enfin à donner des résultats.

SOLINE DEMESTRE
Merci Bruno LE MAIRE d'avoir été avec nous ce matin, ministre de l'Economie et des Finances.

BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.

SOLINE DEMESTRE
Vous serez donc tout à l'heure à Allondans sur le site d'HERMES dans le pays de Montbéliard. Bonne journée.

BRUNO LE MAIRE
Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2019