Interview de Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, à Sud Radio le 26 mars 2019 sur les objectifs de la loi d'orientation sur les mobilités, notamment en faveur des "transports du quotidien".

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

CECILE DE MENIBUS
Une invitée exceptionnelle, Elisabeth BORNE, ministre chargée des Transports, ce matin.

PATRICK ROGER
Bonjour Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

PATRICK ROGER
Vous défendez votre Loi mobilités actuellement, qui est au Sénat, donc notamment pour faire face à la galère dans les transports en commun et améliorer les choses, notamment soulevées par les gilets jaunes. Il y a un autre problème qui a été soulevé par le mouvement des gilets jaunes, c'est le coup de chaud à la pompe, là on voit que les prix de l'essence continuent d'augmenter, que le prix du diesel est même supérieur à celui de l'essence dans une station sur cinq. Est qu'il n'y a pas de possibilité d'intervenir pour limiter cette hausse quand même ?

ELISABETH BORNE
Vous voyez, c'est la preuve qu'être dépendant du cours des hydrocarbures c'est une vraie difficulté, c'est bien pour ça que la Loi mobilités que je défends actuellement au Sénat, elle vise à permettre à tous ces Français qui sont totalement dépendants de la voiture, d'avoir d'autres solutions, et puis aussi de passer à des voiture qui consomment moins.

PATRICK ROGER
Oui, mais enfin bon, d'autres solutions d'accord, mais enfin, vous, vous n'êtes pas venue en vélo ce matin, par exemple.

ELISABETH BORNE
Je vous confirme que je ne suis pas venue en vélo, mais je prends les transports en commun…

PATRICK ROGER
Bon ben voilà, donc…

ELISABETH BORNE
Et je pense qu'il y a beaucoup de Français qui aimeraient bien avoir d'autres solutions, parce qu'aller au travail…

PATRICK ROGER
Oui, mais il y a beaucoup d'autres Français qui ne peuvent pas prendre en fait les transports en commun.

ELISABETH BORNE
Mais je suis bien consciente.

PATRICK ROGER
Vous le savez, puisque vous étudiez en fait, et vous êtes en charge de ce problème, donc à un moment donné est-ce que le gouvernement ne devrait pas intervenir pour limiter ? Quand on voit à 1,50 € et que l'on doit faire beaucoup de kilomètres pour aller travailler, c'est difficile.

ELISABETH BORNE
Alors, je vous confirme que là il ne s'agit pas de taxes, il s'agit d'un cours du Baril…

PATRICK ROGER
Ah ben y'a des taxes, attendez, il y a des taxes.

ELISABETH BORNE
Il s'agit d'un cours du Baril qui évolue, dans les écarts entre le diesel et l'essence c'est aussi une question de demande sur le diesel, on a vu qu'effectivement, même cet hiver, le diesel s'était mis aussi à augmenter, donc je pense que ça doit nous conforter dans l'idée qu'il faut effectivement proposer d'autres solutions et vous me dites « il n'y a pas d'autre solution », je pense qu'il y a beaucoup de Français qui aimeraient bien qu'on remette leur réseau ferré en bon état, c'est bien ce que je porte dans le cadre de la loi, investir plus pour remettre les réseaux en état, pour sortir d'une France à deux vitesses où on a consacré beaucoup d'argent…

PATRICK ROGER
Oui mais on a du mal à comprendre, Elisabeth BORNE, parce qu'à un moment donné on a dit qu'il fallait fermer les petites lignes, parce qu'elles n'étaient plus rentables, et puis vous dites…

ELISABETH BORNE
Ah ce n'est pas moi, moi je n'ai jamais dit ça.

PATRICK ROGER
Attendez…

ELISABETH BORNE
Non, parce que je peux vous assurer que je n'ai jamais dit ça.

PATRICK ROGER
Ah bon ?

ELISABETH BORNE
Moi, j'entends les Français qui ont un sentiment d'injustice, qui disent : pendant qu'on a fait des TGV pour les métropoles on a laissé les voies ferrées, les réseaux ferrés, les routes se dégrader, et c'est bien de sens de la réorientation de la politique que je porte, investir pour remettre notamment ces lignes ferrées en bon état, parce qu'on a beaucoup de Français, vous savez quand vous habitez à Rouen, vous mettez une demi-heure de plus pour venir à Paris que vous ne le faisiez il y a quelques décennies. Et ça c'est insupportable d'avoir à la fois des lignes à grande vitesse qui rapprochent Bordeaux par exemple de Paris, et dans le même temps vous mettez plus de temps pour aller de Limoges à Paris où vous mettez quasiment autant de temps…

PATRICK ROGER
Oui même pour contourner la ville de Rouen puisque vous citez Rouen.

ELISABETH BORNE
Et vous mettez quasiment autant de temps pour faire les 40 km qui vous séparent de Bordeaux quand vous habitez à Marsas, que pour aller de Bordeaux à Paris. Donc c'est vraiment tout le sens de ce que je porte, investir dans les transports du quotidien, investir plus et puis proposer des solutions alternatives et accompagner les Français pour qu'ils achètent des voitures qui consomment moins.

PATRICK ROGER
Plus de 13 milliards d'euros d'investissements, c'est ce qui est prévu.

ELISABETH BORNE
Absolument.

PATRICK ROGER
Pour les infrastructures.

ELISABETH BORNE
Ça fait quatre milliards de plus que dans le précédent quinquennat et c'est surtout une réorientation, je vous dis, sur les transports du quotidien.

PATRICK ROGER
Mais alors c'est bien, mais les sénateurs disent, « oui d'accord, mais il n'y a pas de financement ».

ELISABETH BORNE
C'est un débat qu'on a eu au sénat, pour 2019, on a un budget qui a été voté, il y a quelques semaines, qui est en augmentation de 10 % par rapport à l'an dernier. Et puis on a une discussion à avoir, un débat à avoir sur les ressources qu'on va dégager à partir de 2020, mais dont ce n'est pas le sujet de maintenant, c'est le sujet des prochains mois. Moi, je veux aussi prendre en compte les conclusions du Grand débat…

PATRICK ROGER
Mais pour ce financement, est-ce qu'une vignette poids lourd par exemple ne serait pas la bonne idée ?

ELISABETH BORNE
Moi, j'ai entendu dans le débat beaucoup de Français qui ne comprennent pas qu'on ait des files de poids lourds qui font le plein au Luxembourg, en Belgique, qui traversent notre pays et qui refont le plein en Espagne, et donc qui utilisent, encombrent nos chaussées, qui les usent, et qui ne participent absolument pas à l'entretien des infrastructures. Donc c'est une proposition qui est sur la table, on va écouter les autres propositions qui sont dans le débat pour prendre des décisions.

PATRICK ROGER
Mais ça c'est une piste sérieuse quand même ?

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est une piste qui est légitime, il n'y a pas de décision qui est prise à ce stade, puisqu'il faut qu'on fasse… on regarde la fin des conclusions…

PATRICK ROGER
Mais comment faire pour les routiers étrangers par exemple qui traversent notre pays ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, chez nos voisins d'autres ont trouvé des solutions et je pense qu'il faut qu'on travaille sur ce sujet, et moi je vous dis, j'entends cette attente des Français qui ne comprennent pas pourquoi quand vous habitez, vous savez, dans des bourgs où on a des camions qui passent le long des façades, les gens nous disent, « pourquoi ces camions ne participent pas à l'entretien de nos infrastructures ? ».

PATRICK ROGER
Alors justement, mais comment faire parce que ça fait 20 ans qu'on entend ce débat ?

ELISABETH BORNE
C'est un sujet sur lequel on va travailler, c'est une des pistes, il y en a d'autres, mais en tout cas je pense, voilà il faut qu'on entende aussi cette attente des Français.

PATRICK ROGER
Alors attendez, je n'ai pas compris Elisabeth BORNE, pardon mais, vous êtes favorable à une taxe véritablement pour les poids lourds ou pas ? Et une taxe aussi pour les transporteurs étrangers ?

ELISABETH BORNE
Je dis que c'est légitime de se poser la question, de la façon dont ces poids lourds qui aujourd'hui ne participent pas du tout à l'entretien de nos infrastructures, ils peuvent y participer.

PATRICK ROGER
Vous mettez l'accent aussi sur le covoiturage ?

ELISABETH BORNE
Je pense que le covoiturage, c'est effectivement une bonne solution, c'est pour ça qu'on a mis en place, on propose dans la loi un forfait mobilité pour que les employeurs, vous savez, il y a aussi un autre sentiment d'injustice, c'est quand vous habitez dans une grande ville, vous avez des transports en commun et votre employeur vous rembourse 50 % de votre abonnement. Quand vous êtes dans une zone où il n'y a pas de transport en commun, vous êtes doublement pénalisé, non seulement vous n'avez pas le choix, vous devez prendre votre voiture, mais en plus votre employeur ne vous accompagne pas. Donc il y a une proposition dans la loi que je porte d'un forfait mobilité jusqu'à 400 euros sans charge fiscale, sans charge sociale pardon, et sans fiscalité. Ce forfait est aujourd'hui facultatif et la discussion qu'on a avec les employeurs aujourd'hui, avec les partenaires sociaux, c'est de voir comment il pourrait être plus systématique. Je pense qu'il y a beaucoup de Français qui trouveraient légitimes, y compris quand ils n'ont pas de transport en commun, d'avoir une aide de leur employeur.

PATRICK ROGER
Oui, dans le viseur également des sénateurs, la limitation aux 80 kms/heure, quelles préconisations, on peut revenir dessus ?

ELISABETH BORNE
C'est aussi un sujet du débat. Vous savez, on a toujours dit qu'il y aurait une évaluation début 2020 de cette mesure, dont il faut quand même dire qu'elle a permis d'épargner des vies en 2018, on a des demandes d'avoir des possibilités d'adapter localement, je pense que c'est des choses aussi qu'on entend, il ne faut évidemment pas qu'on recule sur les objectifs de sécurité…

PATRICK ROGER
Emmanuel MACRON l'a dit, il faudrait peut-être revenir à une expérimentation par département, vous allez le lancer ou pas ?

ELISABETH BORNE
Ça fait partie des propositions qui sont sorties dans le débat et donc on verra comment on peut, le cas échéant, donner plus de souplesses…

PATRICK ROGER
Dans le Grand débat, vous voulez dire que peut-être dans les semaines qui viennent donc on va y revenir ?

ELISABETH BORNE
C'est des propositions qui sont aussi sorties dans le Grand débat, oui.

PATRICK ROGER
Un dernier mot de la réforme de la SNCF, Laurent MAUDUIT en parlait tout à l'heure, est-ce normal que c'est le réseau justement SNCF Ferré qui négocie actuellement avec la concurrence ?

ELISABETH BORNE
Va fait partie effectivement de la nouvelle organisation, vous avez celui qui gère les voies ferrées, qui s'adresse à toutes les entreprises, évidement à la SNCF qui est l'entreprise qui assure la plupart des offres de transports ferroviaires, mais il y a d'autres entreprises qui veulent venir, qui auront des propositions, peut-être de tarifs moins chers, qui viendront aussi à des endroits où aujourd'hui il n'y a plus de transport ferroviaire. Je pense que c'est une bonne nouvelle qu'on ait d'autres entreprises qui puissent le cas échéant, apporter plus de services et des services moins chers.

PATRICK ROGER
Elisabeth BORNE, un dernier mot, donc on a parlé du diesel en fait tout à l'heure, alors il y a les batteries électriques, enfin le véhicule électrique, le problème, c'est que les batteries, on les fabrique en Chine.

ELISABETH BORNE
Je peux vous assurer que le gouvernement est déterminé à ce qu'on les fabrique en Europe, c'est bien le sens du projet qui est porté avec l'Allemagne.

PATRICK ROGER
En France, pourquoi pas aussi ?

ELISABETH BORNE
Bien sûr évidemment, on souhaite avoir une usine en France, c'est pour ça qu'on va y consacrer 700 millions d'euros, pour pouvoir développer une filière française de batteries.

PATRICK ROGER
Merci Elisabeth BORNE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mars 2019