Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à BFMTV le 14 octobre 2019, sur l'islam et la laïcité et la politique fiscale du gouvernement.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. On va commencer avec la lutte contre l'hydre islamiste, pour reprendre l'expression d'Emmanuel MACRON, « notre République est attaquée par l'islam terroriste, l'islamisme politique. » Attaquée, notre République aujourd'hui ?

GERALD DARMANIN
Ah oui, nous sommes en guerre contre une forme de terrorisme islamiste évidemment, les attentats multiples sur le sol national l'ont montré.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, cinq arrestations d'ailleurs, dans le cadre – cinq arrestations, cinq interpellations ce matin – dans le cadre de l'enquête sur ce qui s'est passé à la préfecture de police de paris. Est-ce que la République est assez ferme, franchement ? Est-ce que la réponse, notre réponse, la réponse de la République est assez ferme aujourd'hui ?

GERALD DARMANIN
On est en guerre, on est en guerre contre le terrorisme islamiste, et je pense que dans ce moment très particulier, quand on est en guerre, il faut savoir à la fois être très ferme, peut-être plus ferme, et en même temps garder raison sur un certain nombre de sujets. Moi je ne confonds pas, je n'ai jamais confondu, pour des raisons qui me sont à la fois personnelles, parce que je suis un élu local des territoires qui connaissent parfois des attaques du communautarisme, mais aussi parce que je crois à la concorde nationale et à la promesse républicaine, les musulmans et ceux qui dévoient une religion et qui effectivement sont en guerre contre nous, et ça c'est un point très important à souligner, la liberté religieuse il faut la consacrer, et c'est un point très important, et il faut en même temps être très ferme. On a eu l'occasion d'en discuter récemment à propos des listes dites communautaires aux élections, j'étais un de ceux, avec d'autres, à constater qu'aux élections européennes la liste « musulmane », je mets des guillemets, chacun comprendra ce que cela veut dire parce qu'elle a été présentée comme ça, elle a eu moins de 1% des votes nationalement. Les musulmans de France, ils sont Français, ils ne votent pas selon leur religion, ils votent selon leurs opinions politiques, évidemment, mais dans certains quartiers de nos territoires, ça a été le cas du quartier des Ecrivains à Maubeuge, plus de 40%, me semble-t-il, de votes pour cette liste où il fallait imprimer son bulletin de vote, ou dans certaines villes d'Ile-de-France, ou du Sud de la France, cette liste a fait des scores très importants et fait naître, c'était la demande de ceux qui portaient cette liste « européenne », je mets encore une fois des guillemets, des candidatures aux élections municipales. Moi j'ai fait partie de ceux qui pensent qu'il faut sans doute réfléchir à cette question et voir comment on peut interdire, comment la République peut être plus ferme sur…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez l'interdiction de ces listes communautaires lors des prochaines élections ?

GERALD DARMANIN
Ça ne veut pas dire grand-chose une liste communautaire à une élection, donc il ne faut pas tomber dans la facilité, et Christophe CASTANER a eu raison de le dire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, que demandez-vous ?

GERALD DARMANIN
Mais par exemple, moi j'ai été élu local, et je constate aujourd'hui qu'il n'y a pas grand-chose dans la loi, c'est le moins qu'on puisse dire, qui obligerait un élu local à respecter intégralement la laïcité, la même qu'on demande à ses agents publics. Le maire, lorsqu'il marie ne doit – c'est le code général qui le dit – ne doit pas montrer des signes religieux, mais moi je serai favorable, c'est une position que je donne dans l'opinion, puisque vous me posez la question de la fermeté, je serai favorable à ce que tous les élus de la République, les élus locaux, respectent la neutralité, la laïcité, évidemment, par principe, et que nous puissions empêcher par exemple quelqu'un de porter un signe religieux alors qu'il est élu municipal, dans sa vie d'élu local évidemment, dans sa vie privée il fait ce qu'il souhaite.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment faire, en signant une charte ?

GERALD DARMANIN
Non, mais c'est très simple. Comment vous faites dans les agents ? Les agents, dans les mairies, ils respectent la laïcité, la dame qui porte un foulard, elle a tout à fait le droit de le porter dans la rue si elle le souhaite, chez elle, mais si elle est agent municipal elle le retire et elle travaille de façon neutre. Pourquoi ? Parce que la personne qui vient à la mairie n'a pas à connaître votre religion, évidemment. Donc on pourrait évidemment appliquer, étendre, cette obligation de neutralité à tous les élus locaux. Vous savez, il y a très peu de jurisprudence aujourd'hui, il y a très peu de questions qui sont posées, parce que jusqu'à présent on ne se posait pas cette question, moi je pense qu'elle se pose demain. Un élu qui demain dirait « moi je rends obligatoires les repas confessionnels dans toutes les cantines », ou « j'interdirai aux femmes d'avoir des contacts avec les hommes », aujourd'hui ce n'est pas arrivé, imaginons que demain cela puisse arriver, la République elle doit se défendre, ça n'a rien à voir avec l'islam, ça n'a rien à voir avec la religion, la République doit se défendre et doit interdire ce genre de comportements. Donc moi je suis à a fois pour qu'on comprendre que, les Français musulmans, ils ont une envie très forte, c'est qu'on arrête de les distinguer par leur religion. Moi mon grand-père il était musulman, il a servi la République, il était Harki, il y a plein d'enfants et petits-enfants de Harkis dans la République, leurs parents, leurs grands-parents, sont morts, ont été blessés, ont prié Dieu et en même temps le drapeau tricolore, et ils ont choisi la France à un moment très difficile par exemple, on ne va pas aujourd'hui les montrer du doigt, comme cet élu du Front national l'a fait, de façon tout à fait provocante, en revanche on doit être très ferme sur le fait de dire qu'on se fiche de la religion dans l'espace privé et public, simplement dans des fonctions, celles de représentant de la République, dans l'application des règles de la République, il n'y a pas de distinction à faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER préfère qu'une mère accompagnatrice de sorties scolaires ne porte pas le voile, vous aussi ?

GERALD DARMANIN
Oui, je pense que le ministre de l'Education nationale a raison, simplement moi je préférerai d'autant plus que les petits enfants de la République continuent à aller dans les écoles publiques et privées sous contrat de notre pays.

JEAN-JACQUES BOURDIN
« Le voile n'est pas souhaitable dans notre société » dit Jean-Michel BLANQUER, vous êtes d'accord ?

GERALD DARMANIN
Moi je dis qu'il y a aujourd'hui un grand problème – avant de rentrer sur cette question qui est très intéressante, mais qui nous prendrait un certain temps – le grand problème ce n'est pas tout à fait celui-là le premier des problèmes que j'ai vus dans j'étais maire de Tourcoing, le premier problème c'est que les petites filles de la République elles ne vont pas toutes à l'école le grand problème c'est qu'il y a aujourd'hui des enfants qui sont déscolarisés, vous savez qu'aller à l'école n'est pas obligatoire, c'est l'instruction qui l'est, et aujourd'hui il y a dans des écoles hors contrat, et que Jean-Michel BLANQUER contrôle de plus en plus grâce notamment à une proposition de loi d'un sénateur, Monsieur GATEL, qu'on adoptée et qu'on applique, la République est ferme sous Emmanuel MACRON de ce point de vue, et il y a plein d'enfants qui ne vont même plus à l'école, même plus à l'école hors contrat. Et il y a des déséquilibres dans des quartiers de la République, moi je l'ai constaté chez moi, ça a été mon quotidien, qu'il y avait moins de petites filles que de petits garçons dans les écoles, on ne le voit jamais, c'est des invisibles de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors que faire ?

GERALD DARMANIN
C'est ça, c'est un travail très important que nous mettons en place, alors peut-être que le gouvernement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sanctionner les parents ?

GERALD DARMANIN
Je crois que la question se pose, et vous savez aujourd'hui l'Education nationale fait ce travail. Moi je constate, encore une fois…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que si des parents n'envoient pas leur petite fille à l'école, pour des raisons confessionnelles par exemple, on leur enlève leur, je ne sais pas, les allocations familiales par exemple ?

GERALD DARMANIN
Monsieur BOURDIN, aujourd'hui c'est une liberté aujourd'hui le droit, la loi, c'est que vous avez le droit de ne pas mettre votre enfant à l'école à condition, et il faut le contrôler, que votre enfant suit une scolarité

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors il faut changer la loi ?

GERALD DARMANIN
Non mais attendez, on va déjà continuer, et ça me donne l'occasion de vous le dire aujourd'hui, de faire ce qu'on fait. Jean-Michel BLANQUER il fait un travail très important de lutte contre le communautarisme, nous avons fermé des écoles hors contrat qui ne respectaient pas les principes de la République, nous avons fermé d'ailleurs de nombreux lieux de radicalisation. Rien que dans mon département du Nord, les habitants du département du Nord le savent, à Grande-Synthe par exemple, le préfet, sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, a pris ses responsabilités, il l'a fait également à Aumont, nous fermons des lieux de culte qui sont contraires aux valeurs de la République, nous expulsons des imams qui sont contraires aux valeurs de la République, et pardon de le dire, nous fermons des écoles hors contrat, ou nous luttons très fortement contre le communautarisme, simplement peut-être que le gouvernement ne le dit pas assez, il faut continuer ce travail. C'est très important cette histoire de petites filles qui ne vont pas à l'école, c'est très important, et ça, ça prépare des drames pour demain, et l'égalité républicaine c'est que tous les enfants de la République…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc sanctionner les parents, éventuellement.

GERALD DARMANIN
Et c'est surtout continuer à faire le travail que nous faisons, c'est-à-dire effectivement contrôler et remettre dans le champ visible de la République tous les enfants, quelle que soit la religion de leurs parents, quelle que soit la couleur de peau de leurs parents, quelle que soit la nationalité de leurs parents, c'est ça la promesse républicaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière chose, et puis je vais passer au budget, je voudrais revenir sur le voile à l'école, l'accompagnement des enfants en sorties scolaires, est-ce qu'il faut interdire le voile pour les mamans qui accompagnent les enfants ?

GERALD DARMANIN
Alors d'abord moi je n'aime pas qu'on utilise le mot voile…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin foulard

GERALD DARMANIN
Eh bien oui, mais c'est très différent

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui d'accord, je suis d'accord, alors foulard.

GERALD DARMANIN
Aujourd'hui les accompagnants scolaires, la loi leur permet d'accompagner en gardant des signes religieux. Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas payés par le service public.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il faut changer la loi ?

GERALD DARMANIN
Moi je crois que, je vous ai répondu, je suis comme le ministre de l'Education nationale, je préférerai que les femmes, en République, en France, ne portent pas le foulard, je respecte le fait qu'elles le portent, on a le droit d'avoir des préférences et de respecte le fait qu'elles le portent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne change pas la loi ?

GERALD DARMANIN
Pardon de le dire, je pense que le premier problème c'est la scolarisation des enfants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord, mais je vous pose la question, on ne change pas la loi ?

GERALD DARMANIN
Mais Monsieur BOURDIN, mais moi je vais vous dire, j'ai une vision… je n'ai pas une vision idéologique ou livresque des choses, j'ai été, et je suis toujours, élu de Tourcoing, il y a des mamans qui accompagnent les enfants en sorties d'école, elles portent le foulard et elles font les gâteaux pour la fête des classes, et vous leur dites « bonjour », et ça se passe très bien, ce n'est pas ça le problème de la République, le problème fondamental de la République c'est que les petites filles de la République elles ne vont pas toujours à l'école de la République, c'est ça mon problème d'élu de Tourcoing. Après, dans un monde de préférences, je préférerai….

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on oblige les parents à scolariser les enfants, qui n'y vont pas, à l'école

GERALD DARMANIN
Je pense qu'en tout cas il faut s'assurer, s'assurer, comme le fait aujourd'hui l'Education nationale, et le dire encore plus, s'assurer que tous les enfants de la République suivent une scolarité qui n'est pas un embrigadement religieux, et je crie, moi, quelque chose que les élus locaux savent, c'est qu'il y a de moins en moins de petites filles, dans certains quartiers, qui vont à l'école, par rapport aux petits garçons, et ça c'est inacceptable, et chacun devrait s'intéresser à cette question, qui nous prépare des lendemains difficiles, si la République ne s'affirme pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Projet de loi de Finances, budget débattu à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Budget, certains l'ont qualifié « le budget des gilets jaunes », que répondez-vous ?

GERALD DARMANIN
C'est un budget de baisses d'impôts, dans la revendication des gilets jaunes il y avait aussi des baisses d'impôts. L'impôt baisse, et l'impôt baisse partout. Baisse d'impôt sur le revenu, à partir du mois de janvier, grâce à l'impôt à la source, vous le verrez sur vos feuilles de salaire et vos feuilles de retraite. Baisse de la taxe d'habitation, pour tous ceux qui ont moins de 2500 euros par mois, moins de 2500 euros par mois, ça fait du monde, il n'y aura plus de taxe d'habitation dès l'année prochaine, plus du tout, ça c'est 4 milliards.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pour les autres une augmentation de la taxe d'habitation, 1,1% c'est ça, ou 2%, non ?

GERALD DARMANIN
Ce n'était pas la position du gouvernement, le rapporteur général, qui fait partie de la majorité, souhaite qu'on revalorise des bases, puisque vous l'évoquiez aussi, chaque année on le fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, c'est pour ça que je vous le dis.

GERALD DARMANIN
Les élus locaux le souhaitent, nous accepterons positivement l'amendement du rapporteur général.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une augmentation de la taxe d'habitation pour ceux qui vont continuer à la payer.

GERALD DARMANIN
D'à peu près 1%, pour les 20% qui restent, comme chaque année, si j'ose dire. Les élus locaux peuvent, s'ils le souhaitent, baisser le taux de la taxe d'habitation par ailleurs. Mais, Monsieur BOURDIN, les gens qui manifestaient parmi les gilets jaunes, ils étaient peut-être plutôt du côté des gens qui gagnaient moins de 2500 que plus de 2500, il pouvait y avoir des exceptions, mais enfin c'est ce que j'ai compris plutôt de mes contacts avec ceux qui manifestaient. Baisse de l'impôt sur le revenu donc, baisse de la taxe d'habitation, défiscalisation totale des heures supplémentaires, ce n'était même pas dans le programme du président de la République, il l'a acceptée et il a écouté une revendication très forte. Par ailleurs, nous continuons à baisser l'impôt pour les entreprises, notamment l'impôt sur les sociétés, c'est une baisse d'impôts massive que le budget que je présente aujourd'hui avec Bruno LE MAIRE

JEAN-JACQUES BOURDIN
Si on réfléchit bien, ce n'est pas grand-chose cette affaire de gilets jaunes, vous avez vu ce qu'a dit François FILLON ?

GERALD DARMANIN
Je n'ai pas vu ce qu'a dit François FILLON, j'ai lu les dépêches…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous avez entendu, vous avez lu du moins, ce qu'il a dit, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est un budget, effectivement on baisse les impôts, on baisse les impôts payés par les sociétés, un peu moins que prévu, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on ne touche pas au déficit public, qu'on ne baisse pas le déficit public, la dette publique.

GERALD DARMANIN
Non, c'est tout à fait faux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est faux ?

GERALD DARMANIN
C'est tout à fait faux. Quand je suis arrivé en responsabilité sous l'autorité du président on était à 3,4%, aujourd'hui on est à 2,2, on a baissé le déficit public de plus d'1 point, plus d'1 point c'est plus de 20 milliards d'euros, ça veut dire ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors c'est quoi, c'est la dette publique qui ne baisse pas ?

GERALD DARMANIN
La dette publique effectivement elle est stabilisée, chaque année elle augmentait, et là elle est stabilisée, alors elle est stabilisée, et par ailleurs Monsieur BOURDIN, pardon de le dire, mais on a été aussi plus sincères que nos prédécesseurs, puisque dans la dette publique d'aujourd'hui, alors qu'elle est la même que l'année dernière, il y a la dette de la SNCF, rappelez-vous c'était un débat, il y a quelques mois encore les Français, une partie des Français bloqués, en jours de grève, la réforme de la SNCF que nous faisions. Ce que nous avons choisi de faire, Monsieur BOURDIN, c'est sûr, c'est de continuer à être sérieux, mais particulièrement à écouter la France populaire et la France qui travaille, donc effectivement la politique ce n'est pas de rester sur son l'Aventin et de ne pas écouter le peuple, si c'est ça effectivement, ça se termine mal, la politique c'est effectivement écouter ceux qui disent, dans les classes populaires, dans les classes moyennes, « on veut vivre du fruit de notre travail », c'est ce qu'a fait le président de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, les amendements, il va y en avoir, beaucoup…

GERALD DARMANIN
Oui, plus de 3000.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 3000. Le MoDem par exemple, va proposer 10 tranches d'imposition, 5 aujourd'hui, accepté ou pas ?

GERALD DARMANIN
Non, nous on ne souhaite pas faire le grand soir fiscal chaque année, parce que les Français ils nous demandent deux choses, ils nous demandent de baisser les impôts, de bien utiliser leur argent public, et puis par ailleurs de ne pas changer la loi fiscale chaque année. Chaque année un changement, ce n'est pas bon.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de tranche supérieure à 45% ?

GERALD DARMANIN
Non, il n'y aura pas d'augmentation d'impôt, pour personne, il y aura une baisse pour la très grande majorité des Français, et par ailleurs on va se réjouir de l'impôt à la source, qui a bien fonctionné, et qui nous permettra dès le mois de janvier de faire baisser l'impôt des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La fiscalité sur les carburants, pas de retour de la taxe carbone, ça on est bien d'accord…

GERALD DARMANIN
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non. Pas de baisse de la fiscalité sur les carburants.

GERALD DARMANIN
Non, il y a une question pour les poids lourds de 2 centimes, pour payer la route, mais je crois qu'il y a un débat en ce moment entre le ministre des Transports, Monsieur DJEBBARI…

JEAN-JACQUES BOURDIN
2 centimes, vous confirmez !

GERALD DARMANIN
C'est un travail que fait aujourd'hui le secrétaire d'Etat avec les professionnels

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les années d'après ?

GERALD DARMANIN
Non mais moi je parle… un budget… une après l'autre ! Comme disait ma grand-mère, on va d'abord s'occuper de trucs qui arrivent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le malus automobile, j'ai vu un amendement qui propose que le malus automobile soit aussi calculé en fonction du poids du véhicule, vous êtes favorable ou pas ?

GERALD DARMANIN
Moi je n'y suis pas favorable, parce que je comprends la question, il y aura un débat dans l'hémicycle…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous direz non.

GERALD DARMANIN
J'explique pourquoi, sinon ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais vous direz non, le gouvernement dira non.

GERALD DARMANIN
En tout cas moi j'y suis défavorable. J'y suis défavorable, mais ça c'est un amendement qui a été adopté vendredi, donc il faut prendre le temps de discuter, y compris avec la majorité parlementaire. Aujourd'hui, si vous avez une 3008, une voiture familiale, vous paierez ce malus, ce serait un mauvais coup porté aux familles, alors peut-être que votre voiture elle produit moins de CO2 que la FERRARI, et la FERRARI elle est souvent moins lourde que la DACIA ou la PEUGEOT 3008, voilà. Donc on aura ce débat. Je ne suis pas sûr que le poids du véhicule soit la mesure exacte de la pollution sur la route. En revanche, nous allons continuer à avoir des malus pour les voitures qui polluent et des bonus pour les voitures qui ne polluent pas, et ça c'est le travail très important…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le malus va être augmenté ?

GERALD DARMANIN
Non, non, on est en train de faire une refonte de la fiscalité écologique, mais elle ne doit pas toucher les familles, elle ne doit pas toucher les… je voudrais juste faire un point. On a fait l'année dernière quelque chose qui fonctionne par exemple. Quand on a supprimé l'ISF on a fait une taxe sur les voitures de luxe, au bout du 36e CV…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça marche mieux que les yachts !

GERALD DARMANIN
Ah ça marche mieux que les yachts, mais pour des raisons assez faciles, vous ne délocalisez pas votre voiture de luxe.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est sûr.

GERALD DARMANIN
36 CV, au-dessus par cheval fiscal il y a un paiement d'une taxe supplémentaire, ça rapportera 30 millions d'euros, voilà une fiscalité à la fois écologique, et je crois équitable, et cet argent permettra de financer un certain nombre d'autres choses dans le budget.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque vous parlez de fiscalité écologique, écotaxe sur les billets d'avion, on est bien d'accord ?

GERALD DARMANIN
Il y a une fiscalité sur les billets d'avion, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel montant ?

GERALD DARMANIN
Je crois qu'elle est de 2 euros dans la classe Affaires, me semble-t-il.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2 euros, vous êtes sûr, bon d'accord…. On est d'accord, 2 euros. L'IFI, impôt sur la fortune immobilière, qui ne rapporte pas, enfin qui ne sert pas – qui est le remplaçant de l'ISF- qui ne sert pas l'économie, l'investissement. Vous avez vu le rapport du Sénat ?

GERALD DARMANIN
J'ai vu tous les rapports, le rapport du Sénat, le rapport du gouvernement, et vous savez quoi ? l'ISF a été supprimé il n'y a pas 2 ans, l'année dernière c'est la première année que les Français qui payaient l'ISF, ce n'est pas mon cas, je ne suis pas…. ne le payent pas, je constate que, par ailleurs, il n'y a jamais eu autant d'investissements en France, jamais eu, alors qu'il y a des crises économiques partout en Europe, il n'y a jamais eu autant d'investissements en France, et le chômage n'a jamais autant baissé. Alors, moi je veux bien qu'on n'en parle plus du tout, que les impôts baissent continuellement depuis qu'Emmanuel MACRON est président de la République, continuellement, et que le chômage baisse continuellement depuis qu'Emmanuel MACRON est président de la République, on a l'impression que les deux grands maux des Français depuis que je suis tout petit, que je regarde la télévision, les problèmes des Français c'est les impôts et le chômage. Les impôts baissent, le chômage baisse. Alors, je veux bien que ça n'intéresse plus, mais peut-être que c'est la conséquence d'une politique économique et fiscale courageuse. Donc, ce qu'on va faire, le président de la République l'a dit, on va évaluer notre politique fiscale, notamment est-ce qu'il fallait ou pas supprimer l'ISF, est-ce que ça a marché, mais on ne le fait pas au bout d'une année. Vous ne jugez pas le type qui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evaluation quand ?

GERALD DARMANIN
Le type qui fait les 42 kilomètres du marathon, au bout du 12e kilomètre on ne lui dit pas « est-ce que vous allez gagner la course ? »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evaluation quand de la suppression de l'ISF ?

GERALD DARMANIN
Sans doute l'année prochaine, on aura fait deux années pleines, on pourra commencer à regarder.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes capable de rétablir l'ISF si jamais ça ne marche pas ?

GERALD DARMANIN
Le président de la République a dit que si on évalue et qu'on voit bien que l'objet n'est pas en rapport avec ce qu'on avait souhaité, qu'on allait faire des modifications.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous rétablirez ?

GERALD DARMANIN
Personnellement je fais attendre l'évaluation, et je crois que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, tout le monde va attendre l'évaluation, vous le premier.

GERALD DARMANIN
Mais, si vous voulez, mon avis personnel c'est que je crois que la surfiscalité du capital, qu'était l'ISF, ne marchait pas, et d'ailleurs ce n'était pas la peine de déposer un brevet…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'y aura pas de rétablissement de l'ISF, après évaluation.

GERALD DARMANIN
C'était copié dans aucun pays. Et c'est tellement vrai, pardon de le dire, qu'aujourd'hui je constate que les mêmes qui nous disaient « il fallait peut-être poser la question sur l'ISF », votent des niches fiscales sur l'impôt sur la fortune immobilière. C'est quoi la niche fiscale…

JEAN-JACQUES BOURDIN
46 niches fiscales en France.

GERALD DARMANIN
Oui, qui nous coûtent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez en supprimer, là, quelques-unes ?

GERALD DARMANIN
Qui nous coûtent 90 milliards d'euros.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous en supprimez quelques-unes, combien ?

GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr, on en supprime, me semble-t-il, 18 dans le projet de loi de Finances, mais je constate que les parlementaires, et parfois nous, on en crée 16, donc on en supprime 2, ça fait +16, -18, voilà. Mais pourquoi des niches fiscales ? C'est intéressant. En France l'impôt est très très haut, très très haut, parce qu'on fait aussi de l'impôt idéologique, et on crée des niches un peu comme on fait des trous dans un gruyère qui est trop lourd, et on fait des niches pour permettre – alors il y a des niches tout à fait favorables…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Coût pour l'Etat 100 milliards.

GERALD DARMANIN
90…

JEAN-JACQUES BOURDIN
90 milliards, bon d'accord.

GERALD DARMANIN
Ça baisse, ça baisse, 90 milliards de niches fiscales sur 468 niches, donc on va écouter le rapporteur général, qui a dit on va regarder tout ça, on va les borner et on va les évaluer, voilà, positivement. Il y en a qui sont très utiles, il y en a qui le sont moins.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'ai deux questions encore. La loi autonomie vieillesse…

GERALD DARMANIN
Oui, dépendance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Décembre – dépendance oui…

GERALD DARMANIN
Le gouvernement proposera un projet de loi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Là il va falloir dégager de l'argent !

GERALD DARMANIN
Ah ben oui, parce que c'est un grand sujet…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien par an, entre 6 et 10 milliards d'euros ?

GERALD DARMANIN
Alors, dedans il y a de l'argent privé, donc il faut regarder les choses. Le rapport Libault, qui a été commandé par le gouvernement, prévoit effectivement beaucoup d'argent, parce qu'il faut qu'on puisse se dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On a l'argent pour ça ?

GERALD DARMANIN
C'est un choix évidemment…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous, vous êtes ministre des Comptes publics.

GERALD DARMANIN
Oui, je crois qu'on a l'argent pour ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat va dégager combien pour cette loi ?

GERALD DARMANIN
Alors, ce qui est intéressant, Monsieur BOURDIN, c'est de regarder, sur 100 % de nos dépenses il y en a déjà 55, 56%, 56 euros sur 100 qui sont sur les dépenses sociales, nous dépensons déjà beaucoup d'argent pour la dépendance, simplement c'est pris aujourd'hui dans les dépenses, de santé en général. Nous commençons à mettre les premières briques, pardon de le dire comme ça, d'argent pour la dépendance. Il y a plus de 500 millions d'euros qu'on met avant même le projet de loi, notamment Madame BUZYN elle a porté quelque chose de très courageux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 500 millions, mais ce n'est rien à côté des 6, 7, 8 milliards…

GERALD DARMANIN
La loi n'est pas encore déposée, donc avant même, pour montrer à quel point le gouvernement est au rendez-vous, avant même que la loi ne soit discutée et déposée, on met déjà une première brique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous en mettrez d'autres ?

GERALD DARMANIN
Mais oui, mais l'Etat…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est budgété ?

GERALD DARMANIN
Mais bien sûr, mais l'Etat fait déjà beaucoup avec la Sécurité sociale, avec les collectivités locales. Moi j'ai géré quatre EHPAD quand j'étais maire, ces EHPAD…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir faire beaucoup plus Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Je suis tout à fait d'accord, et j'aurais aimé qu'avant, alors qu'on voyait que la dépendance arrivait, on en fasse beaucoup plus aussi, donc on va créer ce « cinquième » risque si j'ose dire, pardon de le mettre entre guillemets.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez le créer ?

GERALD DARMANIN
On va en tout cas discuter de savoir comment on paye la dépendance, et ce paiement de la dépendance il est très important pour qu'on fasse des choses positives, mais ce n'est pas que l'Etat qui peut faire, il y a aussi les collectivités locales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat va être obligé de s'engager à plusieurs milliards d'euros chaque année.

GERALD DARMANIN
Mais bien sûr, parce que vous allez connaître sans doute la dépendance et vos enfants seront peut-être dépendants pendant que vous serez dépendants, ça sera ça les 40 ou 50 prochaines années.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question, l'EPR de Flamanville, 8 ans de retard, on en est à 12 milliards 400 millions d'euros, vous n'en avez pas assez, vous ministre des Comptes publics franchement ?

GERALD DARMANIN
EDF est une grande entreprise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui non mais oui.

GERALD DARMANIN
Elle a par ailleurs des difficultés mais je vous le dis, c'est une grande entreprise et moi je suis très fier d'EDF, c'est un très beau fleuron français, elle a par ailleurs des difficultés parce que c'est à la fois une entreprise endettée et c'est entreprise qui essaie de répondre à l'injonction contradictoire de la société et ce que fait monsieur LEVY, qui est le PDG d'EDF, est un grand président, ce que fait monsieur LEVY, aidé par le gouvernement, ce sera une réforme de l'EDF qui permettra peut-être de régler un certain nombre de problèmes et parmi les problèmes, il y a effectivement le fait que l'EPR ne sorte pas, donc on aura l'occasion d'en reparler je ne suis pas ministre en charge de l'EDF mais en tant que ministre des Comptes publics, il m'arrive de recevoir périodiquement et c'est toujours un plaisir le président d'EDF et de discuter avec lui de ces sujets très importants pour le portefeuille des français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ce n'est pas un plaisir de voir la facture s'alourdir j'imagine.

GERALD DARMANIN
Non mais en même temps, ok, il y a peut-être une difficulté que chacun voit, la filière nucléaire française c'est une belle filière et en même temps la consommation d'énergie en France pour les entreprises comme pour les ménage, elle est moins chers qu'ailleurs. Et même temps la France, elle est autonome en énergie par rapport à ses voisins donc il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain et moi je ne suis pas de ceux qui appuient sur les difficultés lorsqu'il y en a.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Gérald DARMANIN.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 octobre 2019