Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).
(...)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Pour commencer, je souhaite un bon anniversaire à M. le rapporteur général, ainsi qu'à Émilie Cariou, qui est née le même jour si je ne me trompe. (Sourires et applaudissements.)
M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Oh, il y a beaucoup moins longtemps !
M. Gérald Darmanin, ministre. Comme la vie est bien faite, nous entamons l'examen du projet de loi de finances pour votre anniversaire !
Nous voilà donc repartis pour quelques semaines, jours et nuits, voire quelques mois de débat budgétaire. Nous sommes très heureux de vous présenter pour la troisième année consécutive – et ne dit-on pas que l'amour dure trois ans ? –…
M. Maxime Minot. Mon Dieu ! On n'est pas rendu !
M. Gérald Darmanin, ministre. …le projet de loi de finances, après son passage en conseil des ministres et son examen en commission il y a quelques jours.
Ce texte obéit à une logique qui prévaut depuis le début du quinquennat, conforme aux objectifs fixés par le Président de la République comme au vote des Français lors des élections législatives. Pour le montrer, je m'attarderai sur trois thèmes qui feront l'objet de débats, et peut-être de controverses. D'abord, du point de vue des dépenses, je montrerai que la République s'arme pour aujourd'hui et pour demain. Ensuite, pour ce qui est des recettes, j'essaierai de résoudre devant vous l'énigme qu'un grand journal économique relevait ce matin :…
M. Éric Coquerel. Les Échos !
M. Gérald Darmanin, ministre. …oui, les impôts baissent et oui, les recettes augmentent !
M. Fabrice Brun. Quel tour de passe-passe !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous verrez : en vous concentrant un peu, vous allez réussir à comprendre.
M. Bruno Le Maire, ministre. C'est magique !
M. Gérald Darmanin, ministre. Enfin, j'insisterai sur l'hygiène budgétaire et fiscale que nous respectons depuis trois ans, conformément au principe de sincérité budgétaire et en lien avec des remarques formulées dans différents rapports parlementaires.
Oui, donc, s'agissant des dépenses, la République s'arme pour aujourd'hui et pour demain. Je veux souligner les efforts substantiels de la nation pour se préparer aux combats actuels et futurs, notamment dans le domaine régalien, avec par exemple l'augmentation de 1,7 milliard d'euros des crédits de l'armée – la hausse constatée depuis trois ans est sans équivalent depuis la guerre froide –, le renforcement très significatif de la dissuasion, l'action sur internet – le cyber étant particulièrement mis en avant par la ministre des armées – et l'augmentation des effectifs dans le renseignement. S'y ajoutent 700 millions d'euros de hausses de crédits pour la police et la gendarmerie et 2 500 postes, qui viennent crédibiliser l'annonce des 10 000 recrutements décidés par le Président de la République. Pour la justice, il faut noter une hausse de quelque 200 millions d'euros, conformément à la loi de programmation et de réforme pour la justice, et 1 500 postes dans l'administration pénitentiaire. Nous aurons l'occasion d'en reparler tout au long de nos débats.
La République s'arme pour aujourd'hui et pour demain, et surtout pour demain, dans l'éducation et la recherche, avec plus de 1 milliard d'euros de hausse de crédits pour l'éducation nationale ; avec la limitation de l'effectif par classe à vingt-quatre élèves, douze dans l'éducation prioritaire, grâce au dédoublement des classes – une très belle politique publique qui témoigne de l'égalité des chances que nous offrons aux enfants de la République ; et enfin avec l'augmentation du revenu des professeurs, singulièrement des primes pour ceux qui exercent dans des quartiers difficiles. Cela se traduit également par la concrétisation et la crédibilisation budgétaire du service national universel et par l'importance accordée au service civique.
En outre, 500 millions d'euros supplémentaires sont alloués à la recherche avant même la loi de programmation pluriannnuelle de la recherche, dont 200 millions pour la recherche spatiale, l'un des grands enjeux à venir, qui concerne évidemment notre territoire et nos industriels, car il engage notre capacité à protéger l'espace. Ce poste bénéficie d'une augmentation de 10 % de crédits alors que notre pays se prépare à être au rendez-vous de la souveraineté spatiale dans quelques semaines à Séville.
Le troisième domaine dans lequel la République s'arme pour aujourd'hui et pour demain est bien sûr l'écologie, forte de 800 millions d'euros de crédits supplémentaires. Il s'agit ici du financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF –, un gros dossier sur lequel vous et nous avons beaucoup travaillé, par exemple dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités, ainsi que des ressources nécessaires au percement du canal Seine-Nord Europe, une grande infrastructure de transport que nous sommes heureux de pouvoir finaliser, avec l'aide précieuse de l'Europe, alors que le projet attendait d'être budgétisé depuis Napoléon Ier !
De plus, 3,5 milliards d'euros sont consacrés à l'aide à la rénovation énergétique pour les particuliers. Cela recouvre le dispositif des certificats d'économie d'énergie, mais aussi, élément important du budget, la transformation en prime du crédit d'impôt pour la transition énergétique – CITE –, ce qui permettra aux classes moyennes et populaires, sur lesquelles la nécessité d'une avance de trésorerie avait un effet dissuasif, de lancer les travaux beaucoup plus rapidement.
La République protège également ses enfants. L'engagement du Président de la République s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés – AAH – est tenu. Elle est portée à 900 euros par mois à partir de novembre 2019, ce qui représente une hausse de plus de 1,2 milliard d'euros par rapport à 2017, pour 1,2 million de foyers. Quant aux mesures touchant la prime d'activité, qui figuraient dans le programme présidentiel, leur mise en oeuvre a été accélérée à la suite du grand débat.
J'appelle votre attention sur ce point : en 2017, lorsque nous sommes arrivés, il était prévu de consacrer à la prime 4 milliards d'euros et nous en sommes à 9,5 milliards dans le projet de loi de finances pour 2020. Nous avons donc plus que doublé le montant de cette prestation liée au travail.
M. Fabien Roussel. À la place des entreprises !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce sont ainsi 4 millions de foyers français qui touchent 200 euros de plus en moyenne. Voilà une belle politique qui illustre les propos de M. le ministre de l'économie et des finances sur la France qui travaille, comme le font nos mesures fiscales touchant la taxe d'habitation, la baisse de l'impôt sur le revenu et la défiscalisation des heures supplémentaires.
Deuxième thème : oui, les impôts baissent tandis que les recettes augmentent.
M. Fabien Roussel. Pour les multinationales !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est Laffer à l'envers, monsieur Roussel ! Moins d'impôt crée la recette. Cette dynamique fiscale explique, notamment grâce au travail fourni par le Gouvernement et par la majorité parlementaire, les recettes supplémentaires que nous constatons.
Prenons le cas si intéressant de l'impôt sur le revenu. Peut-être cela me permettra-t-il de résoudre l'énigme, l'illusion d'optique dont on peut être victime quand on regarde les choses d'un peu loin – car vues de plus près, elles sont limpides. Disséquons donc, comme dans le tableau de M. Rembrandt. (Sourires.)
En 2018, l'impôt sur le revenu représentait 73 milliards d'euros. En 2019, mesdames et messieurs les députés, vous avez voté une prévision d'impôt de 70 milliards d'euros. Ici même, à droite, on a pu entendre – à propos, vous vous en souvenez, du prélèvement à la source, soutenu très largement sur tous les bancs de l'hémicycle, comme chacun sait… – M. de Courson, Mme Louwagie ou Mme Dalloz crier au scandale : nous allions faire perdre de l'argent au pays, en ramenant les recettes à 70 milliards ! Et nous l'avouions nous-mêmes dans le projet de loi de finances ! Le rapporteur général avait été criblé de questions par M. Le Fur - qui évoquera peut-être cette année encore le prélèvement à la source comme on parle d'une guerre que l'on a perdue…
Bref, regardons ce qui s'est passé en 2019 : nous avons recouvré plus que les 70 milliards prévus dans le projet de loi de finances, et cela parce que nous avons amélioré le recouvrement, de plus de 2 milliards. Sur ce montant, un peu plus de 1 milliard provient des revenus exceptionnels de l'année blanche – je pense aux gens qui se sont versé des dividendes plus importants que d'habitude, que nous avons évidemment fiscalisés, ce qui a permis d'éviter une optimisation fiscale agressive – et le reste d'une meilleure rentrée de l'impôt sur le revenu : on est passé d'un taux de recouvrement de 97 % à 98,5 %, ce dont chacun se félicite.
Suivez bien : nous en sommes donc à un peu plus de 72 milliards. Mais nous savons qu'en 2020, les recettes de l'impôt sur le revenu augmenteront de 5 milliards, puisqu'en 2019 nous l'avions calculé sur onze mois seulement, en raison du décalage dû au passage au prélèvement à la source, et qu'un mois représente 5 milliards. Sauf que nous en retirons 5 milliards, selon la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le Président de la République lors du grand débat. Les deux mouvements s'annulent, et nous en sommes toujours à 72,6 milliards.
Par ailleurs, l'activité économique dans notre pays est soutenue et je crois que chacun peut constater une évolution qui a été largement commentée : le pouvoir d'achat des Français augmente…
M. Fabien Roussel. Non !
M. Gérald Darmanin, ministre. …et le chômage baisse.
M. Fabrice Brun. Très inégalement selon les territoires !
M. Gérald Darmanin, ministre. L'impôt sur le revenu étant progressif, les recettes constatées augmentent de 2,4 milliards, et le taux de recouvrement sera encore amélioré l'année prochaine, monsieur le président de la commission des finances. C'est une information importante dont j'ai réservé la primeur à la représentation nationale : je pense que nous allons pouvoir passer de 98,5 % à 99 %, soit 600 millions d'euros supplémentaires. Il serait même envisageable d'atteindre, après les contrôles fiscaux, quasiment les 100 % en 2021 – on n'y sera jamais évidemment tout à fait.
Récapitulons : outre le calcul sur onze mois seulement en 2019, il faut prendre en compte l'évolution spontanée de la richesse de nos compatriotes qui payent l'impôt sur le revenu, d'ailleurs illustrée par les changements de taux d'imposition qu'autorise le prélèvement à la source. Une majorité de Français ont baissé leur taux : les nouveaux retraités, les personnes dont l'activité économique s'était réduite dans l'année, ou encore celles qui avaient droit à une demi-part fiscale supplémentaire. En revanche, certains ont vu leur taux augmenter, parce qu'ils gagnaient plus d'argent. Il y a eu plus de gens qui ont payé moins d'impôt que de gens qui en ont payé davantage. C'est le principe de simplicité du prélèvement à la source.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les députés, je peux affirmer que le Gouvernement, parce que sa politique fiscale et économique fonctionne et qu'il a mené avec la plus grande transparence une grande réforme du recouvrement qu'il doit avant tout aux agents publics, a réussi à baisser de 5 milliards d'euros l'impôt sur le revenu dans le PLF qu'il vous présente tout en augmentant les recettes en faisant payer ceux qui ne payaient pas. Alors oui, l'énigme est ainsi résolue. Il fallait sans doute s'y pencher un peu plus et je suis heureux de le faire devant vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Joël Giraud, rapporteur général. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce projet de loi de finances contient également des dispositifs très importants concernant la fiscalité locale. Ainsi, la taxe d'habitation sera supprimée pour les 20 % de contribuables qui la payaient encore,…
M. Fabien Roussel. Bernard Arnault va vous remercier !
M. Gérald Darmanin, ministre. …remplacée par une fraction de TVA. Nous aurons par ailleurs l'occasion d'expliquer pourquoi le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement du rapporteur général qui prévoit la revalorisation des bases qu'il a fait adopter. M. le secrétaire d'État Olivier Dussopt sera au banc pour présenter, je l'en ai chargé, les dispositions relatives à la fiscalité locale et plus généralement aux dotations aux collectivités, qui non seulement ne baisseront pas mais augmenteront même de 600 millions d'euros dans ce PLF.
J'en viens à la question de l'hygiène budgétaire et fiscale. C'est un point important, le fil rouge de ce que le ministre de l'économie et des finances et moi-même, ainsi que, dans une certaine mesure, la ministre de la santé et des solidarités dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, avons fait depuis trois exercices.
Je parle d'hygiène tout d'abord parce que le Gouvernement croit à ses chiffres. Ils sont sincères et qualifiés comme tels par vous, monsieur le rapporteur général, ainsi que par M. le président de la commission des finances me semble-t-il – même s'il n'est pas forcément d'accord sur leur opportunité –, par la Cour des comptes, par le Haut Conseil des finances publiques, par la Commission européenne et par les observateurs.
Nous continuons, pour la troisième année de suite, à proposer un gel de seulement 3 %, au lieu de 8 % lorsque nous sommes arrivés en responsabilité. J'ai précisé aux commissaires des finances que ce gel sera cette année « sincérisé », puisqu'il ne portera que sur les lignes pilotables, donc pas sur des crédits dont on sait qu'ils ne pourraient être gelés, notamment les prestations sociales – ce qui était encore le cas dans le budget pour 2019. C'est une manière des responsabiliser les acteurs et c'est surtout respectueux de l'autorisation parlementaire. Monsieur le président de la commission des finances, vous aurez constaté que, hormis en été 2017, puisque ce n'est pas nous qui avions préparé le budget, aucun décret d'avance n'a été présenté aux assemblées, pour la première fois depuis l'application de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF. Cela nécessite évidemment un très gros travail de suivi, mais c'est le moindre de nos devoirs vis-à-vis du Parlement. Le Gouvernement entend évidemment poursuivre dans cette voie respectueuse de l'autorisation parlementaire.
Nous continuons également le travail souhaité par l'Assemblée nationale, singulièrement par M. Laurent Saint-Martin, que je tiens à saluer ici, en matière de petites taxes. Certaines propositions émanent du Gouvernement, d'autres des parlementaires, dont certaines ont été adoptées en commission – pourquoi pas bientôt dans l'hémicycle ? Vous savez que nous sommes très attentifs à la suppression de ces petites taxes qui permet de simplifier notre droit conformément à ce que veulent nos compatriotes.
La question des niches fiscales va sans doute, comme d'habitude, intéresser l'hémicycle, car nous pouvons tous mieux faire en la matière. Il y a 468 niches, dont vous aurez constaté, monsieur le rapporteur général, que leur montant global baisse, puisqu'il est passé de 100 milliards à 90 milliards à la faveur d'une transformation structurante. Mais si nous avons supprimé 18 niches, nous en créons collectivement 16 – parfois même, permettez-moi de le dire, à l'initiative de la commission. Le solde est donc de moins 2 niches. Sans doute y a-t-il encore un travail de simplification à faire mais je constate qu'à cet égard, le diable n'est pas toujours que dans les propositions gouvernementales, nous aurons l'occasion d'y revenir.
Il y a deux façons de voir la question des niches. Vous, monsieur le rapporteur général, souhaitez en supprimer une grande partie afin de savoir si les chiens privés de leur niche se réveilleront, puis si leurs aboiements peuvent porter à réflexion. Nous débattrons de l'amendement que vous avez fait adopter à cet effet. Le Gouvernement, lui, propose le bornage : il ne s'agit pas de supprimer la niche considérée – comme le crédit d'impôt famille, un dispositif qu'il faut maintenir au moins en grande partie, peut-être intégralement – mais de l'évaluer. Et c'est bien la faiblesse de notre dispositif s'agissant des niches fiscales que le manque d'évaluation du Gouvernement comme du Parlement, car si ces mesures sont à n'en point douter très utiles à la politique publique, elles engagent beaucoup d'argent. Je rappelle que 90 milliards d'euros, c'est supérieur à ce que rapporte l'impôt sur le revenu ! Cela mérite que le Parlement contrôle l'action gouvernementale et singulièrement l'utilisation des deniers à laquelle il a consenti. Nous aurons l'occasion d'en reparler, monsieur le rapporteur général, mais vous connaissez l'attention que je porte à votre souci légitime d'évaluation.
Autre mesure relevant de l'hygiène budgétaire et fiscale : la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons beaucoup avancé sur ce sujet, je m'en suis expliqué à plusieurs reprises en commission – je pense au règlement de contentieux fiscaux très importants. En étudiant le projet de loi de règlement, vous constaterez que 2019 aura été l'année la plus importante, en numéraire, en matière de lutte contre la fraude fiscale. Le Gouvernement a décidé de faire preuve devant vous d'une transparence absolue, puisqu'il ne transmettra plus seulement les notifications du contrôle fiscal, une indication qui ne renseigne pas sur le recouvrement effectif, mais bien ce que l'État aura reçu dans ses caisses. De ce point de vue, je crois que nous attendons tous avec intérêt le rapport de la Cour des comptes sur l'évaluation de la fraude, conformément à la demande du Président de la République formulée lors du grand débat.
M. Fabien Roussel. Et un débat au Parlement !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais bien sûr, monsieur Roussel. Le temps est aussi venu d'appliquer la législation considérable que le Parlement a adoptée. À cet égard, le PLF pour 2020 ne fait pas exception puisque la lutte contre la fraude à la TVA – je pense notamment aux plateformes étrangères –, lutte encouragée par la Commission européenne, fait l'objet d'une disposition très importante, en dur dans le texte. J'ai refusé que cette disposition soit introduite par ordonnance afin que l'on puisse en discuter au fond. Il convient de dire que l'Assemblée nationale mais aussi le Sénat ont beaucoup insisté pour que ce point soit inscrit à leur ordre du jour, et c'est le cas. J'ai associé à l'élaboration de cette mesure les parlementaires de tous bords qui ont bien voulu y travailler. Ce sera un moment très important dans la lutte contre la fraude fiscale, à l'instar de ce qu'ont fait nos amis britanniques, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2021. En outre, la mise en place de la facturation électronique le 1er janvier 2023 sera une bonne manière de lutter très fortement contre la fraude à la TVA. Je rappelle que l'État est déjà passé à la facturation électronique.
Le Président de la République a souhaité que soit concrétisée dans ce projet de loi de finances une disposition qu'il a évoquée lors du grand débat permettant de déterminer la domiciliation fiscale à retenir pour les dirigeants d'entreprises, y compris celles dont l'État est actionnaire. Nous avons proposé que cette disposition s'applique aux entreprises à partir de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaire. En commission, un amendement communiste a proposé de baisser ce seuil à 250 millions d'euros. Je lui donnerai un avis favorable, pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale ou contre l'optimisation très agressive.
M. Éric Coquerel. C'est un amendement de M. Mattei et moi…
M. Jean-Paul Dufrègne. Mais c'est bien un amendement communiste !
M. Gérald Darmanin, ministre. En tout cas, c'est un amendement de camarades ! « C'est un joli nom camarade », monsieur Coquerel, et « l'amour est cerise » !
Puisque cet amendement améliore la proposition gouvernementale, je répète que le Gouvernement y sera favorable. Il y aura bien sûr une discussion au regard de l'applicabilité de la loi fiscale, mais ce sera un élément très important, à rapprocher de la discussion que nous aurons sans doute sur les paradis fiscaux ainsi que, je tiens à le souligner, de l'article 57, qui prévoit l'utilisation de données numériques de domiciliation pour le contrôle fiscale de grands fraudeurs – ce que la presse a parfois qualifié abusivement de données sur les réseaux sociaux. Cette mesure aurait pu être prise par voie réglementaire, mais j'ai souhaité qu'elle soit présentée au Parlement, qui la modifiera, la supprimera ou l'adoptera, après des débats qui seront, j'en suis sûr, passionnants.
Dernier aspect de l'hygiène budgétaire et fiscale : le recouvrement. Un très gros travail a été fait suite au rapport remis au Gouvernement par M. Gardette, qui souligne l'intérêt, dans le cadre de la grande réforme CAP 2022, d'une part de réunir les activités de recouvrement fiscal, qu'elles soient opérée par la direction des douanes ou par la direction générale des finances publiques – DGFIP –, tout ce qui n'est pas proprement douanier allant à la DGFIP – le PLF prévoit une date d'entrée en vigueur – et d'autre part de réformer le recouvrement social à travers l'AGIRC-ARCCO – association générale des institutions de retraite des cadres et association des régimes de retraite complémentaire – et l'ACOSS – agence centrale des organismes de sécurité sociale. D'autres sujets relatifs au recouvrement sont envisagés l'année prochaine concernant la fonction publique, la question des professions libérales demandant encore un peu de travail de concertation.
Notre pays doit aller vers une unification du recouvrement, qui doit être plus simple pour les entreprises : il est parfois compliqué de savoir à qui l'on doit payer ce que l'on doit de fiscal ou de social, et c'est source d'erreurs et de contrôles. Notre administration gagnera ainsi du temps et de l'énergie, permettant aux agents d'agir plus rapidement et plus simplement dans leur mission de recouvrement. Le prélèvement de l'impôt à la source a montré à quel point les réformes en ce domaine permettaient de gagner de l'argent en faisant payer ceux qui en doivent sans alourdir l'impôt des autres.
Voilà, mesdames, messieurs les députés : des réformes structurelles importantes, des crédits pour armer la République, de la fiscalité locale bien sûr, la question du CITE, de la lutte contre la fraude fiscale, un budget sincère, avec des inscriptions et des prévisions jugées conformes… Je ne sais pas si c'est le budget de l'acte II, mais c'est sans doute la scène III, jouée par M. le ministre de l'économie et des finances et moi-même et qui sera, je l'espère, appréciée par la majorité parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Lise Magnier applaudit également.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 octobre 2019