Texte intégral
Mesdames et Messieurs bonjour,
Je tenais à passer ce moment avec vous, à la suite de mon intervention de ce matin, pour échanger, si vous le souhaitez, sur les points que vous désirez.
Je suis venu ici pour participer à la manifestation dite "état de l'Union" organisée par l'institut universitaire européen de Florence, à leur invitation. J'ai pensé que c'était un bon moment pour venir, d'abord parce que nous sommes dans la proximité d'une échéance très importante pour l'avenir de l'Union européenne - c'est ce que j'ai dit dans mon discours ce matin - et aussi parce que nous sommes à un moment important de nos relations entre la France et l'Italie, un jour après les manifestations qui ont célébré le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci et la rencontre entre le président Mattarella et le président Macron. Mais il se trouve que je suis déjà venu en Italie il y a 10 jours.
Donc les relations entre la France et l'Italie se portent plutôt bien, finalement, au moins dans la clarté. Cette présence ici est aussi un signe pour manifester notre engagement dans le combat européen, aussi avec l'Italie, puisque l'Italie est membre fondateur.
Q - J'ai l'impression, sur la Libye, qu'il y a toujours un peu de froid avec le gouvernement italien et le gouvernement français.
R - Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Ça m'intéresse. Le froid, vous l'avez senti où ?
Q - Sur le dossier libyen.
R - Oui mais vous l'avez senti quand ?
Q - C'est au niveau du soutien à Sarraj ou Haftar en Libye (inaudible) Ma deuxième question concerne l'Europe : qui considérez-vous comme dirigeant de la politique européenne en Italie, le président Mattarella ou le gouvernement, Salvini et Di Maio ?
R - Je vais vous répondre sur la première question en reprenant des propos du président Conte. Il me semble - mais quelqu'un me précisera le jour - qu'il y a quelques temps, s'exprimant sur la Libye, on interrogeait le président Conte pour savoir s'il était plutôt pour untel ou pour untel. Il a répondu : "je suis pour le peuple libyen". Je partage ce point de vue, parce que ce qui est certain, c'est qu'en Libye, il n'y aura pas de solution militaire. Et donc il faut tout mettre en oeuvre pour aboutir à une solution politique. C'est ce à quoi nous sommes attelés, la France, mais aussi l'Italie, dans un processus qui a eu plusieurs étapes. Il y a eu l'étape de la Celle-Saint-Cloud initiée par le président français, puis l'étape de l'Elysée au mois de mai 2018, puis l'étape de Palerme initiée par le président Conte et par M. Moavero, à laquelle j'assistais, puis l'étape d'Abou Dabi initiée par les autorités des Emirats. Il y avait un fil commun dans toutes ces étapes : trouver un processus de transition politique, qui passe aujourd'hui par l'arrêt des combats, je vais y revenir, mais qui passe par une conférence nationale et un dispositif électoral permettant d'avoir un gouvernement avec une légitimité démocratique. Et sur ce point, nous sommes entièrement d'accord avec les autorités italiennes. Et je suis entièrement d'accord avec mon collègue Moavero. D'autant plus que c'est mon collègue italien et moi-même qui contribuons à préparer le texte qui servira de base aux ministres des affaires étrangères de l'Union européenne qui se réuniront le 13 mai prochain à Bruxelles. Nous complétons ce propos aujourd'hui par l'impératif d'un cessez-le-feu. Et nous avons dit ceci ensemble à Rome, vous n'étiez pas là, mais vous auriez pu ne pas sentir le froid mais le chaud, ensemble à Rome, il y a dix jours.
Je veux rajouter deux points : le premier c'est qu'il n'y aura pas de résultat positif en Libye s'il n'y a pas une entente entre l'Italie et la France. Et nous le savons bien l'un et l'autre. C'est pour cette raison que nous travaillons ensemble. Et ce n'est pas nouveau. Nous avons travaillé ensemble le long du processus que je vous ai décrit. Mais, c'est le deuxième point : il y a un certain nombre d'interférences qui voudraient instrumentaliser des différends. En particulier en Libye, et nous ne nous y prêtons pas.
Sur l'Europe, votre question c'est : qui est l'interlocuteur ? Les interlocuteurs sont désignés par les institutions. Nous n'avons pas à identifier tel ou tel interlocuteur, au Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement siège le président du Conseil italien, M. Conte. Le président Mattarella a par ailleurs des responsabilités particulières, différentes de celles du président de la République française, mais des responsabilités d'incarnation de la République italienne. Et c'est à ce titre qu'il a participé hier aux cérémonies liées à l'anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. L'un et l'autre ont tenu des propos extrêmement forts, hier soir, sur le lien indéfectible, indestructible qui existe entre l'Italie et la France. Cette force du propos dépasse, à mon avis, toutes les péripéties récentes.
(...)
Q - J'ai deux questions. Déjà comment la France va répondre et se préparer à la fin de la dérogation de l'Union européenne de l'acte Helms-Burton ? Et ensuite, pour l'Iran, où en est-on avec la mise en place du véhicule INSTEX ?
R - Sur le premier point, comme vous êtes à Bruxelles, vous savez que l'Union européenne a réagi fermement et clairement sur ce sujet, la France aussi. Nous estimons que cette initiative n'est pas conforme au droit et, en plus, pénalise beaucoup d'entreprises, dont des entreprises françaises, et pénalisera le peuple cubain et que ce n'est sans doute pas la meilleure manière d'inciter à l'évolution politique à Cuba.
Sur la situation en Iran et la mise en oeuvre de mesures visant à tempérer l'application extraterritoriale d'une décision américaine, nous avons, vous le savez, un désaccord sur la manière d'agir des Etats-Unis concernant le JCPoA. Ce désaccord se double d'un désaccord sur la mise en oeuvre de mesures extraterritoriales. Nous considérons aujourd'hui que l'Iran remplit totalement les obligations de l'accord de Vienne. En conséquence, ils ne peuvent pas être pénalisés, précisément, parce qu'ils respectent l'accord de Vienne. Cette position est partagée par l'Allemagne et la Grande-Bretagne et c'est pour cette raison que nous avons mis en place un véhicule financier susceptible de permettre à l'Iran de continuer à avoir des échanges économiques, en particulier sur les deux secteurs qui ne sont pas soumis aux sanctions, c'est-à-dire l'agroalimentaire et le secteur de la santé et de la pharmacie. Ce dispositif, qui s'appelle INSTEX, du côté européen, fonctionne. Il importe maintenant que les Iraniens établissent un dispositif miroir du dispositif INSTEX. Et il est par ailleurs ouvert à d'autres partenaires, si nécessaire. Ceci étant, nous pensons que ces mesures américaines, la suppression des exonérations, vont avoir des conséquences difficiles pour l'Iran. Et nous disons aux Iraniens que nous souhaitons que l'Iran continue à respecter intégralement le JCPoA. Parce que ce traité est un élément de paix et de sécurité pour tout le monde.
Q - Pour revenir à la campagne européenne, quelles sont les perspectives de réformes des accords de Dublin sur la question migratoire, sachant que le sujet est dans tous les pays relativement brûlant ? Quelle position va défendre la France et de quelle manière avec les institutions européennes actuelles on peut arriver à un accord à 27 ou 28 ?
R - Vous suivez de près les questions européennes. Vous savez très bien qu'il y a un paquet "asile" globalement qui est en discussion, un paquet "migration" plus général, qu'ils bloquent en particulier sur le dispositif de Dublin, et qu'il n'est pas envisageable, ou alors il faudrait que ce soit de l'ordre du miracle, que cet accord puisse avoir lieu avant les élections européennes.
Q - Non, je pensais plutôt après, excusez-moi.
R - Le dispositif tel qu'il est proposé aujourd'hui par la feuille de route, le papier franco-allemand qui a été déposé il y a peu de temps, devrait pouvoir être la base d'un accord sur le droit d'asile. Nous souhaitons que cela puisse être le cas et que cela puisse débloquer la situation. On en est là pour l'instant. On reprendra ce dispositif, après les élections, avec le nouveau parlement. Tout me laisse à penser qu'on pourra, à partir de cette base-là, trouver un accord général, parce qu'il faudra bien trouver un accord général. Ou alors, il y aura des postures de repli sur soi qui ne permettront pas de régler la situation à 27 et qu'il faudra l'envisager autrement. Mais j'espère que cette hypothèse ne sera pas d'actualité. (...).
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2019