Texte intégral
LEA SALAME
Bonjour à vous Brune POIRSON.
BRUNE POIRSON
Bonjour Léa SALAME. Bonjour Nicolas DEMORAND.
LEA SALAME
Et merci d'être avec nous ce matin. On va parler du système de consigne dont parlait Dominique SEUX dans un instant, mais d'abord Greta THUNBERG a donc déposé hier une plainte en justice pour attaquer la France et quatre autres pays, l'Allemagne, l'Argentine, le Brésil et la Turquie, en dénonçant, je cite, « leur inaction contre le réchauffement climatique comme une atteinte à la convention de l'ONU sur les droits de l'enfant. » Saisir la justice ainsi, l'action est inédite, est-ce que vous dites que là elle va trop loin Greta THUNBERG ?
BRUNE POIRSON
Non, pas nécessairement, moi je pense que c'est très important d'avoir des personnes qui éveillent les consciences, maintenant il y a plusieurs choses. Derrière – bon, je ne vais pas commenter sur le fait pourquoi la France et l'Allemagne, et pas d'autres pays, etc., ça je ne vais pas aller dans…
LEA SALAME
Vous pourriez, vous pourriez dire pourquoi ces cinq pays-là ?
BRUNE POIRSON
Je crois qu'il faut voir… j'espère, et j'ose espérer, que derrière ça il y a une logique qui est celle de la mobilisation, et je pense qu'effectivement c'est utile, ça fait partie aussi de ces grands discours de vérité qu'il faut avoir à certains moments peut-être dans l'Histoire. Alors, je ne vais pas comparer CHURCHILL et Greta THUNBERG, mais CHURCHILL a tenu un certain discours de vérité à un moment, sauf qu'au bout du tunnel il y avait la victoire, il y avait l'espoir, il y avait des solutions concrètes. Et là Greta THUNBERG c'est bien, c'est important, elle mobilise, mais quelles sont les solutions qu'elle met sur la table ? Je ne sais pas, et je ne crois pas qu'on puisse mobiliser la population avec du désespoir, avec presque de la haine et en montant les uns contre les autres, au final, parce que c'est ça, parfois, c'est ce vers quoi on peut finir par tendre.
LEA SALAME
Vous avez l'impression qu'elle a des discours de haine ?
BRUNE POIRSON
Non, je n'ai pas cette impression-là, et je ne dis pas ça, ce que je dis simplement, je pense encore une fois que c'est utile ce qu'elle fait Greta THUNBERG, parce qu'on a besoin qu'elle nous pousse dans le XXe siècle, ce que je dis simplement c'est qu'il faut faire attention à ne pas créer des fossés qui sont irrémédiables et qui sont infranchissables. Mais je voudrais aussi – au sein de la société – mais je voudrais aussi rappeler quelque chose. Moi je suis en charge des négociations internationales et des négociations européennes, la France, et Léa SALAME vous pouvez le retourner dans tous les sens, dans n'importe quel sens, la France est moteur, nous sommes moteur, nous entraînons les autres pays, et c'est peut-être aussi ce qu'a voulu dire le président de la République quand il a parlé de la Pologne, il faut que nous ayons, et que nous arrivions à faire pression plus encore sur certains pays qui nous freinent.
LEA SALAME
On va y aller, mais si vous le voulez bien je voudrais qu'on l'écoute Greta THUNBERG, hier, à l'ONU, ce discours très virulent où elle a laissé éclater des larmes de colère, écoutez.
GRETA THUNBERG
Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses, et encore, je fais pourtant partie des chanceux. Les gens souffrent, ils meurent, des écosystèmes entiers s'effondrent, nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez c'est d'argent et de contes de fées de croissance économique éternelle. Comment osez-vous ?
LEA SALAME
« How dare you ? » dit-elle à tous les dirigeants. Là, quand vous l'entendez comme ça, vous avez envie de lui dire quoi si vous l'aviez en face de vous, « tu as raison de continuer à être enragée, habitée ainsi », ou vous avez envie de lui dire « vas manifester en Pologne Greta » ?
BRUNE POIRSON
Non, je lui dirai les deux. Je lui dirai, un, continue, il faut mobiliser, il faut l'éveil des consciences, il faut pousser à l'action, parce que, on le voit très bien, il y a des Etats sur lesquels il faut impérativement faire pression, mais ce que je lui dirai aussi c'est « viens Greta, maintenant on s'assied autour de la table, on se retrousse les manches, et comment on fait ? » Parce que le quoi, le constat, on est tous d'accord, il faut continuer à le marteler, je le répète, c'est important, mais le comment, rentrer dans le détail des choses, je peux vous dire, je le fais au quotidien. Et regardez, quelque chose aussi, qui paraît presque intuitivement aussi simple que lutter contre le gaspillage, est quelque chose d'extrêmement technique et très difficile, et c'est tout l'objet du projet que je porte.
LEA SALAME
On y va. La petite phrase d'Emmanuel MACRON hier a remué un petit peu, « défiler tous les vendredis pour dire que la planète brûle c'est sympathique, mais ce n'est pas le problème, qu'ils aillent manifester en Pologne » ?
BRUNE POIRSON
Mais, il disait ça dans un contexte européen. Alors d'abord, un, c'est un contexte « of » - je ne sais pas, je n'étais pas là, c'est peut-être un peu hors contexte – un, le président de la République a dit « oui, qu'ils continuent à manifester en France », mais deuxièmement « allez aussi, mettez d'autant plus la pression sur ceux qui nous freinent. » Vous savez, moi, en Europe, je fais ces négociations européennes, je peux vous dire qu'autour de la table du Conseil des ministres de l'environnement de l'Europe il y a des nations qui nous empêchent d'avancer, c'est ça la réalité, et là, oui, on aurait besoin que la société se mobilise, la société civile se mobilise pour aller faire pression sur ceux-là mêmes. Est-ce que vous vous rendez compte que ça fait des mois qu'on est en train de discuter de si oui ou non on se met d'accord pour obtenir la neutralité carbone en 2050, alors que ce n'est qu'une chose, c'est respecter l'Accord de Paris, c'est ça la réalité, même en Europe on a du mal.
LEA SALAME
Pardon, l'Accord de Paris qu'on ne respecte toujours pas la France, on est à 4,5 % de plus !
BRUNE POIRSON
Malheureusement vous avez raison, aucun pays dans le monde… mais simplement, aucun pays dans le monde ne le respecte, mais il y a des pays qui se mettent en ordre de marche pour le faire, et qui le font avec beaucoup de volontarisme, de sincérité, et en mobilisant les autres, c'est le cas de la France, ce n'est pas le cas de beaucoup de pays dans le monde, dois-je vous parler des Etats-Unis, dois-je vous parler en Pologne, dois-je citer le Brésil ?
LEA SALAME
Non, vous allez nous parler du gaspillage Brune POIRSON, parce que vous êtes là pour parler de ça ce matin. Donc votre texte arrive au Sénat aujourd'hui, l'objectif c'est de parvenir à 100 % de plastiques recyclés en France en 2025, pour cela vous avez une grande idée, donc, le retour de la consigne. Qu'est-ce que c'est, expliquez-nous très très concrètement qu'est-ce qu'on fait avec notre plastique ?
BRUNE POIRSON
Alors déjà plusieurs choses. Ce n'est pas La grande idée du projet de loi, c'est un projet de loi anti-gaspillage – je pense que c'est important – qui vise vraiment à faire basculer le système dans une économie qui est plus circulaire, c'est-à-dire une économie dans laquelle on sort de cette phase linéaire où, dès qu'on a quelque chose… c'est la société du tout jetable, quand on a quelque chose dans la main il finit dans une poubelle. On veut faire des déchets une ressource, c'est-à-dire aller vers une société où on consomme différemment, où on produit différemment, où on réemploie, où on réutilise les objets que nous avons, plutôt que d'aller remplir des décharges et avant cela des poubelles. Une des solutions…
LEA SALAME
Qu'est-ce qu'on fait avec notre bouteille d'eau ?
BRUNE POIRSON
Une des solutions, et là je ne vous parlerai pas de toutes les autres mesures qui entourent ça, une des solutions que nous voulons et sur laquelle nous travaillons, c'est la mise en place d'une consigne pour recyclage pour réutilisation et pour réemploi, les trois. Concrètement, ce que ça veut dire, c'est que quand vous avez par exemple…quand vous avez une bouteille en plastique, ou alors une un Tetra Pak, ou alors une canette en aluminium ou en acier, c'est que dans le prix de cet emballage il y a une petite somme, par exemple 10, 15 centimes, que vous récupérez quand vous rapporter, au bon endroit, cet emballage.
LEA SALAME
C'est quoi le bon endroit ?
BRUNE POIRSON
Le bon endroit…
LEA SALAME
Expliquez-nous d'abord ce que c'est.
BRUNE POIRSON
C'est vrai. Le bon endroit c'est une machine à déconsignation, c'est-à-dire vous mettez ensuite, vous achetez par exemple une canette ou une bouteille en plastique, eh bien ensuite vous allez la remettre dans une machine à déconsignation, qui vous rend…
LEA SALAME
Elles seront où ces machines ?
BRUNE POIRSON
Elles seront – alors ça c'est la grande la grande discussion que nous avons en ce moment – moi je souhaite, pourquoi est-ce qu'on parle de ça, pourquoi est-ce qu'on a voulu mettre en place un système de consigne ? Un, premièrement, parce que chaque année, selon les estimations les plus conservatrices, chaque année il y a 200 millions de bouteilles en plastique qui se retrouvent dans la nature en France, c'est ça la réalité, à minimum 200 millions…
LEA SALAME
Ce qui veut dire ?
BRUNE POIRSON
C'est-à-dire probablement plus en réalité, premièrement. Et deuxièmement, aujourd'hui se met en place des systèmes, ce que j'appelle des systèmes de consigne sauvages, c'est-à-dire que vous avez des grands industriels de l'agroalimentaire, de la boisson, qui vont faire des partenariats avec des entreprises de la grande distribution et qui instamment des systèmes en vase clos où ils récupèrent la matière, c'est-à-dire ils récupèrent les emballages en plastique, sans jamais mettre les collectivités locales dans la boucle, donc ils mettent, par-là, en péril le système public de gestion des déchets.
LEA SALAME
Jusque-là, pardon, pour simplifier les choses, jusque-là le recyclage c'était les mairies qui l'organisaient puisqu'ils ont mis un système en place il y a une dizaine d'années, un système qui coûte cher, qui a coûté cher, mais qui leur rapporte un petit peu, où ils prennent tous les plastiques utilisés, les fameuses poubelles jaunes, et ils s'en occupent et ça leur rapporte un petit peu. Et les maires ils ne sont pas contents, ils vous disent, Brune POIRSON, vous êtes en train de nous enlever ces moyens-là pour les donner aux grandes enseignes et aux grandes distributions, vous leur répondez quoi ?
BRUNE POIRSON
C'est faux, c'est entièrement faux. Moi d'abord, je voudrais dire une chose, là-dessus, sur la question de la consigne, je ne me bats pas seule, je ne me bats pas seule, les Français nous l'ont demandé, et c'est pour ça que nous y travaillons depuis plusieurs temps. Et deuxièmement, vous savez qui j'ai en face de moi ?
LEA SALAME
Qui ?
BRUNE POIRSON
J'ai des gros recycleurs, c'est-à-dire des grosses entreprises qui fonctionnent et qui vivent du système actuel de gestion des déchets, qui en France est opaque, qui en France n'est pas clair, qui en France fait que les Français n'en n'ont pas pour leur argent, donc le problème…
LEA SALAME
Donc le problème ce sont des lobbies des recycleurs.
BRUNE POIRSON
C'est les lobbies des gros recycleurs. Vous savez ce qu'ils font, demandez-leur ce qu'ils font du plastique.
LEA SALAME
Qu'est-ce qu'ils font ?
BRUNE POIRSON
En partie ils l'envoient en Afrique, ils l'envoient en Asie, c'est ça la réalité. Et donc oui, vous avez des maires qui travaillent d'arrache-pied, qui mettent en place un système de collecte des déchets, qui font de l'éducation au tri, de l'éducation au recyclage, et derrière, qu'est-ce qu'ils font ? Derrière vous avez des gros recycleurs qui prennent une partie de ces matières et qui les envoient en Asie. C'est pour ça - et moi je m'étonne que le Sénat n'ait pas mis en place toute une série de garde-fous pour empêcher ces consignes sauvages – c'est pour ça que nous, nous allons mettre en place une série de garde-fous, à commencer par le fait que les maires seront intégralement, recevront les mêmes sommes, et seront intégralement indemnisés, à la même hauteur.
LEA SALAME
Inarrêtable Brune POIRSON ce matin…
BRUNE POIRSON
…1 minute de plus.
LEA SALAME
Non, vous avez rendez-vous au Sénat, mais vous restez avec nous, merci à vous et belle journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er octobre 2019