Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à BFM TV le 5 avril 2019, sur les mesures du Gouvernement en faveur des écoles et les effectifs dans le primaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER est donc notre invité depuis ce matin sur RMC et RMC Découverte, et maintenant sur BFMTV. Jean-Michel BLANQUER, bonjour.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Jean-Michel BLANQUER, le Grand débat est maintenant terminé, il est derrière nous, on attend des décisions fortes du président de la République, parce que c'est lui qui décide, et d'ailleurs c'est ce qu'il dit :  "Celui qui décide, est responsable". Il va annoncer des décisions fortes ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Comme vous venez de le dire, ce sera lui qui le dira. Je pense que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, mais d'après ce que vous savez ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien d'abord, vous le savez, il fera un discours en avril qui sera un petit peu…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un discours en avril.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est comme ça que ça va se…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y aura un moment où il parlera, bien évidemment, et ce moment où il parlera…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais un discours où ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Honnêtement, sur ces sujets, c'est évidemment lui qui le détermine et qui le dira, je ne suis pas et mandaté pour faire des annonces de ce genre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais vous savez ce qui va être annoncé.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce que je sais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le savez aujourd'hui ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, sur l'état précis des choses, non, mais par contre, on commence évidemment à voir toute une série de propositions émerger, toute une série d'idées. Si je devais les résumer, si vous voulez, c'est, je considère qu'il faut réinventer le rapport au temps et à l'espace dans notre pays. Sur l'espace, c'est le sujet de la justice territoriale, c'est ce qu'on a beaucoup entendu depuis décembre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera le premier axe d'annonces, la justice territoriale.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que nous avons besoin de partir à la reconquête de notre territoire, d'une certaine façon, de considérer comme un atout le fait d'avoir ce magnifique pays, avec ses territoires. La ruralité n'est pas un problème, la réalité est un atout. De la même façon, la jeunesse n'est pas un problème, la jeunesse est un atout, et c'est notre rapport au temps cette fois-ci, et donc à l'éducation. Ces sujets-là sont essentiels, mais bien entendu c'est le président qui formulera…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça, on est d'accord, mais ce sera fort.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Nécessairement c'est fort, parce que nous sommes dans une époque qui nécessite du volontarisme politique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels que soient les engagements budgétaires.

JEAN-MICHEL BLANQUER
En étant bien entendu responsable sur le plan budgétaire, on ne peut pas faire n'importe quoi, mais par ailleurs, c'est à ça que sert la politique, et nous sommes un pays très politique, on vient de le voir fortement au cours de ces derniers mois. Donc il y a de la décision possible, il y a de l'avenir collectif qui peut se décider, ensemble, et c'est le président de la République qui bien sûr est celui qui cristallise tout ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, trois idées fortes, vous, si vous avez trois idées à avancer.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien la première d'entre elles a trait fortement à l'éducation, c'est-à-dire je pense que cet investissement dans l'école primaire que nous faisons très fortement déjà, nous pouvons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Va être renforcé ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous pouvons le renforcer. Le président de la République a commencé à le dire un peu, nous verrons comment nous le ferons, mais cette grande priorité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sera renforcée ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
... qui me permet déjà de dire que le taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre de professeurs par élève va s'améliorer dans chaque département de France, rentrée après rentrée, ce type de mesures, le dédoublement des classes de CP et de CE1 que nous renforçons, tous ces sujets-là vont évidemment sortir grandis, d'une telle façon.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On les connaît, on connaît tout cela.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais encore une fois, c'est au président de faire des choix, le moment venu, mais en tout cas que le domaine de l'éducation, et d'ailleurs de l'Enseignement supérieur de la Recherche, c'est-à-dire ce qui prépare l'avenir du pays, que ces domaines-là sortent renforcés du Grand débat, me semble être une option forte. A ce stade c'est-ce que je peux dire. Maintenant…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre, autre.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien on a vu émerger dans le Grand débat des sujets autour de la proximité des services publics, autour de la revitalisation de notre territoire. J'y ajoute l'enjeu démographique dont on parle trop peu. La France depuis 4 ou 5 ans, n'a pas assez d'enfants qui naissent, et c'est à la fois quelque chose qui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On va encourager la natalité ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est moi qui le dis, à ce stade, mais je considère que quand on fait de la justice territoriale on encourage la natalité, parce qu'en fait, ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est que des jeunes familles s'installent sur des territoires qui aujourd'hui se sentent en déclin. Nous avons besoin de leur donner des raisons pour cela, par exemple, vous voyez, quand il y aura le haut débit à la fin du quinquennat, partout, cela va dans le bon sens. Quand il y a des mesures pour le logement, des mesures pour que l'habitat soit conforme au développement durable, toutes ces choses qui dynamisent, et la société, et l'économie, sont bonnes, et c'est ce type de choses qui doivent sortir. Encore une fois…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et troisième axe ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, moi je considère que l'éducation est essentielle, les services publics sont essentiels…

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'éducation, les territoires, le service public dans les territoires.

JEAN-MICHEL BLANQUER
De façon générale, tout ce qui représente des investissements pour l'avenir, et je pense que l'on a aussi besoin d'infrastructures notamment pour aller dans le sens du développement durable. Voyez, aujourd'hui je réunis les lycéens, comme je l'avais promis, du Conseil national de la vie lycéenne, et nous allons parler environnement, nous allons parler changement climatique, et quelles sont les propositions des jeunes pour que l'environnement soit la priorité de nos investissements, dans tous les sens de ce mot, et donc je pense que de ce côté-là il y a aussi des choses qui d'ailleurs vont avec les deux points précédents, c'est-à-dire les territoires et la jeunesse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Jean-Michel BLANQUER, regardons votre domaine, mais auparavant la loi anticasseurs, partiellement censurée par le Conseil constitutionnel. Je vous posais la question tout à l'heure sur RMC, c'est un bon signal adressé aux casseurs ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est l'Etat de droit. Nous sommes dans un État de droit et nous devons nous en réjouir très fortement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous respectez cette décision.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Par définition.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est normal.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je respecte les institutions, et je pense que nous devons tous les respecter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous la regrettez ? Vous la regrettez cette décision ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Jamais une décision de justice, et en l'occurrence une décision du Conseil constitutionnel, nous ne devons jamais être dans la posture de dire que qu'on la regrette. C'était mon métier, à une époque, de travailler sur le Conseil national, je connais bien ce sujet, et donc j'ai du respect pour les institutions, ça va de soi, le président de la République a joué le jeu des institutions, il a fait quelque chose qui se passera rarement, c'est-à-dire que c'est lui, président de la République, qui a saisi le Conseil Constitutionnel, c'était un acte fort, ça permet en quelque sorte de se garantir, que la loi est conforme à la Constitution et que les libertés publiques sont bel et bien au centre de notre Etat de droit. Après, on peut regretter, en tant que membre du gouvernement je suis évidemment, j'aimerais qu'on ait tous les outils pour que la sécurité soit assurée. Eh bien je suis certain qu'on va trouver les formules qui permettent, dans le respect des libertés publiques, de faire en sorte qu'on sorte de cette situation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La loi sera maintenant promulguée, telle quelle, dans quelques jours.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, à partir du moment où le Conseil constitutionnel donne cette décision, pur jet de ce point, il y a promulgation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, parlons de l'école. La loi pour une école de la confiance, contestée ici ou là, on va être dans le concret et si vous voulez bien. Projet de loi qui sera au Sénat au mois de mai. Est-ce que vous allez amender votre texte ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, et je l'ai dit depuis le début, de même que je l'ai amendé à l'Assemblée nationale, et d'ailleurs cette mesure dont on parle beaucoup, alors qu'elle n'est pas la mesure principale de la loi, mais cette mesure sur les établissements publics des savoirs fondamentaux est le résultat d'un amendement parlementaire, et donc au Sénat nous nous le ferons évoluer pour tenir compte des instituts.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, qu'est-ce qui évoluera au Sénat ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est le fait déjà d'expliciter davantage le fait que tout doit reposer sur un consensus local, autrement dit ces établissements…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura aucun regroupement pédagogique entre les écoles et les collèges, sans consensus local.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le consensus local, qui va siéger pour trouver ce consensus ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est d'un côté les Conseils des écoles, qui réunissent justement notamment les directeurs et les professeurs, et puis d'autre part le maire. Parce que tout ce que nous avons fait, et contrairement à ce qui a été dit malheureusement, c'est pour renforcer l'école primaire rurale, c'est pour renforcer l'école primaire tout court, et c'est parfois même pour renforcer des collèges ruraux, c'est pour donner plus de force à tout le monde. Et c'est ni pour déménager, ni pour faire des économies, au contraire d'ailleurs, ni pour arriver à ce que les directeurs d'école soient affaiblis, c'est tout le contraire. Donc je suis prêt à amender le texte pour bien démontrer que c'est ça l'idée. Je pense qu'à la fin, si vous voulez, c'est peut-être…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Amender, c'est-à-dire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
On aura peut-être 2 à 5 % des gens qui décideront cela, et c'est donc un outil pour eux. Donc je pense qu'il ne faut pas non plus que ça monopolise le débat, mais c'est un sujet important, ça permet de souligner l'importance du lien écoles/collèges, et nous devons faire en sorte que les élèves de CM2, quand ils arrivent en 6ème, ne soient pas en quelque sorte perdus au collège, qu'ils n'arrivent pas dans un monde nouveau, qui les perde trop, et c'est aussi ça le sens du lien école/collège que nous voulons renforcer avec ce système.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura aucun caractère obligatoire.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Aucun caractère obligatoire, je l'ai dit depuis le début, d'ailleurs, pour tous ceux qui s'interrogent, je les invite beaucoup à regarder ce que j'ai dit au moment du vote de la loi à l'Assemblée nationale, puisqu'à l'époque personne ne s'est ému, et surtout j'avais déjà bien explicité le fait que ça devait reposer sur un consensus local.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, pour en terminer avec cet aspect de la loi, s'il y a regroupement, que deviendront les directeurs et directrices des écoles regroupées avec un collège ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, encore une fois ce sera un cas minoritaire, mais quand ça arrivera, là aussi il y aura du choix sur les modalités, donc vous pouvez tout à fait garder le système actuel, c'est-à-dire vous restez directeur de l'école, mais vous pouvez en plus, si c'est le choix que vous faites, avoir le titre de principal adjoint, ce qui d'ailleurs représentera des opportunités de carrière pour les intéressés. Mais j'insiste sur le fait que le directeur d'école sera toujours dans son école, au contact avec les parents, et donc renforcé dans le rôle essentiel qui est celui d'un directeur ou d'une directrice d'école aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Age de l'instruction…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que, ce qu'on ne sait pas suffisamment, c'est que cette fonction de directeur d'école, aujourd'hui, en réalité, n'est pas suffisamment forte justement, et que nous avons à travailler pour qu'elle soit plus forte, qu'elle soit un peu mieux rémunérée, qu'elle permette d'avoir plus d'aides administratives, etc.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les directeurs d'école seront mieux rémunérés ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est clairement un objectif que je me suis fixé sur la durée du quinquennat, bien entendu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien entendu.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parmi les objets, comme je vous le disais dans la partie précédente de l'interview, l'école primaire est une priorité, il se trouve que la rémunération à l'école primaire et des professeurs et des directeurs, est le sujet le plus, de plus grande faiblesse de la France jusqu'à présent. Donc c'est la priorité, dans le travail que nous menons, pour améliorer la situation du pouvoir d'achat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
80 € par mois, chaque année, d'augmentation, c'est cela ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ça c'est ce que je vous disais tout à l'heure, sur un professeur des écoles débutant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais du coup c'est encore un peu plus pour les autres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ça, vous vous engagez, jusqu'à la fin du quinquennat.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Jusqu'à fin du quinquennat et par ailleurs, il y a la prime pour ceux qui sont en REP+, comme je vous le disais tout à l'heure, de 2 000 € par an.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Jean-Michel BLANQUER, regardons encore votre projet. Ecole maternelle en danger ou pas ? Puisque l'âge de l'instruction obligatoire a baissé à 3 ans. Est-ce que ça met en danger les écoles maternelles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est tout le contraire, et c'est pour ça que c'est un peu étonnant de voir les débats qui ont lieu, parce que, la mesure phare de la loi c'est l'instruction obligatoire à 3 ans. C'est un signal que nous envoyons pour dire que l'école maternelle c'est fondamental, et que tous les enfants doivent y aller. Aujourd'hui c'est 97 % qui y vont, mais le 3 % qui manque, ça fait 25 000 enfants qui n'y vont pas, qui la plupart du temps sont de milieux sociaux très défavorisés. Donc c'est une mesure sociale et c'est une mesure qui sur le plan éducatif indique que l'école maternelle c'est absolument fondamental. Si on veut vraiment lutter contre les inégalités, il faut que tous les enfants aillent à l'école maternelle et que ça se passe bien, que ce soit épanouissant, que ce soit cette école de la confiance qui, par la musique, la poésie, les arts, permette de faire passer toute une série de choses, notamment le la richesse du vocabulaire dont un enfant a besoin pour ensuite bien réussir son parcours d'élève. Tout ça c'est ce qui est derrière cette loi. Alors j'ai été évidemment un petit peu marris de voir que c'était l'interprétation inverse qui a pu être donnée par certains, donc je j'en profite pour le dire, non seulement l'école maternelle n'est pas affaiblie, mais au contraire, elle est renforcée par la loi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les mairies seront obligées de financer les écoles privées, maternelles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et publiques, c'est-à-dire, en fait c'est une logique constitutionnelle, là aussi. A partir du moment où on dit que l'instruction est obligatoire à 3 ans, ça signifie que les mairies doivent payer ce qu'on appelle le forfait, notamment lorsqu'un élève va dans une école qui n'est pas de la commune où il réside. Et donc, automatiquement et juridiquement cela vaut, et pour les écoles publiques, et pour les écoles privées. Alors, ceux qui veulent attaquer la loi, insistent sur les écoles privées, mais c'est vrai aussi des écoles publiques, et nous remboursons aux communes le delta que cela leur coûte. Donc c'est une conséquence secondaire de la loi, ce n'est pas l'objet de la loi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, la formule parent 1, parent 2, sera utilisée dans tous les documents administratifs, ou pas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, j'ai tout de suite dit que je n'étais pas favorable à cet amendement parlementaire, qui a quand même été voté à l'Assemblée nationale, et donc au Sénats, nous avons vocation à le…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a quand même été voté, contre votre avis.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous avons vocation à le rediscuter et donc…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes toujours contre cet amendement, vous demandez sa suppression.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que nous avons des formules qui peuvent être très bien pour tenir compte des…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien c'est : père, mère. Tout simplement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, l'amendement…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Père, mère, deux fois, si vous voulez, donc comme ça on peut cocher la case que l'on veut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez faire en sorte que cet amendement soit retiré.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je l'ai dit dès le début, j'avais a émis un avis défavorable. Mais après tout, ça fait partie du débat démocratique. Vous savez, ce qui est un peu paradoxal, c'est que parfois on me reproche d'avoir joué le débat démocratique et parlementaire, c'est-à-dire de : j'arrive au Sénat comme à l'Assemblée nationale en disant « j'écoute ce que dit la gauche, ce que dit la droite, ce que disent les partis de la majorité, et j'essaie d'avancer avec bon sens sur ces questions ».

JEAN-JACQUES BOURDIN
La réforme du lycée et du bac, Jean-Michel BLANQUER. Alors là vous avez vu, il y a des enseignants qui protestent, qui ne font pas grève, certains disent même, franchement, parce que ça coûte cher de faire grève, ils ne font pas grève, mais ils distribuent des 19 sur 20 ou des 20 sur 20, à tous leurs élèves de seconde ou de 1ère, dans certains lycées, il y a aussi jusqu'en terminale, c'est 20 sur 20, et même certains disent : on va boycotter le bac. Que répondez-vous ? Que répondez-vous à ces enseignants ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord, une fois de plus on est amené à souligner un point, disons marginal par rapport au coeur de ce dont on doit parler, c'est-à-dire la réforme du baccalauréat et du lycée. Maintenant, dans de précédentes réformes il y a souvent eu ce type de menaces qui était brandi, évidemment ça ne me plaît pas, parce qu'on ne doit certainement pas faire payer aux élèves les conséquences de discussions, de débats qui peuvent avoir lieu dans le monde adulte, donc ça n'est pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est irresponsable ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien entendu, et je l'ai dit, et bien entendu je demande à tous ceux qui imaginent faire ça, et qui sont ultra-minoritaires, de ne pas le faire, bien entendu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, de ne pas le faire. Regardons cette réforme du bac, puisque le tronc commun ce sera 16 heures de cours par semaine en 1ère et 15 heures 30 en terminale. C'est bien cela ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, dans le tronc commun il y aura quoi ? Du français, de la philosophie, de l'histoire géographie, de l'enseignement moral et civique, de langues vivantes, du sport et un enseignement scientifique. On est bien d'accord.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ensuite. il y aura 12 spécialités possibles, l'élève devra en choisir trois, on est bien d'accord.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, en 1ère.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, trois questions. Ce qui pose problème aux enseignants, d'abord les maths, qui ne seront plus dans le tronc commun, on est bien d'accord, mais dans les spécialités.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y en a un petit peu au travers de la discipline qu'on appelle enseignement scientifique, qui est de 2 heures, et dans laquelle vous avez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais les maths seront en option.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous voulez, vous avez des élèves qui aiment les mathématiques et donc, ce qu'on leur recommande, c'est si vous aimez les mathématiques, choisissez-le en enseignement de spécialité, donc, et on sait déjà puisqu'on a des premières statistiques sur les désirs des élèves, que beaucoup choisissent mathématiques, donc fort bien pour eux. Ceux qui n'aiment pas les mathématiques ne le prendront pas et ils auront un peu de mathématiques dans le cadre de ce qu'on appelle enseignement scientifique, mais ils auront d'une manière je dirais plus vivante pour eux, c'est-à-dire par exemple si au travers d'objets scientifiques comme l'étude de la terre, voyez, le mot géométrie et le mot géographie ont la même racine et au travers de l'étude de la terre ils feront un peu de mathématiques. Mais on a toujours eu des élèves qui à partir de la 1ère n'avaient plus très envie de faire beaucoup de mathématiques, c'est le cas avec ceux qui font L aujourd'hui, ce sera le cas avec cette catégorie d'élèves, qui sera minoritaire mais qui est respectable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, il y aura beaucoup de spécialités, donc beaucoup de travail en petits groupes, on est bien d'accord. Comment allez-vous faire alors que vous supprimez 2 600 postes dans le secondaire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Par ailleurs j'augmente le nombre d'heures supplémentaires, ce qui fait qu'en termes de taux d'encadrement des élèves c'est à peu près neutre, autrement dit vous avez des professeurs qui feront…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une façon d'augmenter les professeurs.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, je l'assume complètement, c'est une mesure pouvoir d'achat. Vous avez des professeurs qui parfois, au lieu de faire 18 heures, feront 20 heures, et bien sûr que ça améliorera leur pouvoir d'achat, d'autant plus que les heures supplémentaires sont défiscalisées. Donc ça c'est ce que nous avons fait. Donc du point de vue du nombre d'élèves par classe, ça ne change presque rien. Par contre, ce qui est bien, c'est que la nouvelle organisation permet d'organiser mieux les classes, par exemple vous avez souvent aujourd'hui des lycées où vous avez une classe de S à 35 et une classe de L à 15, ça arrive souvent, ce type de déséquilibre, demain vous n'aurez plus ça, puisque vous aurez des élèves du tronc commun, ensemble, et puis ensuite ils se répartissent selon les enseignements de spécialités, ce qui leur permet d'ailleurs de voir d'autres camarades à d'autres moments, donc tout ça va, fait évoluer l'organisation du lycée dans un sens qui est beaucoup plus vivant, en réalité, et où la liberté joue un rôle très important. C'est-à-dire, je le répète, mon message principal vis-à-vis des élèves de seconde et de leur famille, c'est : choisissez des choses que vous aimez, et ainsi vous les approfondirez et ainsi que vous serez meilleur, c'est l'aspect simple de cette réforme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, tous les lycées, troisième objection, tous les lycées ne pourront pas proposer les 12 spécialités, donc les lycées dans des communes ou des régions devront s'associer en quelque sorte.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors ça c'est un point positif aussi, c'est que ça crée de la coopération supplémentaire entre des lycées, et puis surtout, ce qui est très important, c'est que si vous examinez le cas de chaque lycée de France, dans tous les cas il a…

JEAN-JACQUES BOURDIN
4 000 lycées.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il a une amélioration de l'offre proposée aux élèves de seconde. Au lieu d'avoir trois choix standardisés, vous allez en avoir 20, 30, de combinaisons diverses dans un établissement. Et vous savez, je vais beaucoup dans les établissements, dans toute la France, et je vois bien les élèves de seconde, mais souvent très enthousiastes, alors bien sûr comme à chaque fois qu'il y a une nouvelle liberté il y a des questions et elles sont légitimes, et c'est pour ça que je recommande à tout le monde de regarder ce site qui s'appelle Horizon2021.fr, qui perd de mieux, de bien guider ses choix. Mais moi je vois des élèves de seconde, si vous voulez, qui me disent : "Ah, j'ai regardé les programmes de l'année prochaine pour faire mon choix", eh bien je trouve que c'est très bien, ça veut dire qu'ils ont une curiosité sur la suite, non pas parce qu'ils devraient choisir leur métier à l'avance, ça n'a jamais été ça, mais par contre ils doivent se dire : "Tiens, qu'est-ce que j'aime finalement ?", et ça donne un sens à votre parcours plutôt que d'être dans un parcours standard.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais terminer avec les violences scolaires. Où en est votre plan contre les violences scolaires ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, il a deux parties. Il y a une première partie que j'ai déjà affirmée, qui a trait au signalement automatique et à la réaction automatique de l'institution, à partir du moment où un professeur ou un personnel signale un fait violent. Nous avons même installé donc une adresse dédiée pour les professeurs lorsqu'ils doivent, lorsqu'ils veulent se plaindre parce qu'ils estiment qu'il n'y a pas eu de suivi de d'une violence qu'ils ont vécue, verbale ou physique bien sûr, et puis il va y avoir un deuxième temps, au cours de ce mois d'avril, qui est plus interministériel, qui a nécessité du temps de travail, mais qui va être très fort, parce qu'il va nous permettre d'avoir une batterie de mesures pour mieux assurer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles mesures ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors les grandes catégories, c'est d'abord la sécurité aux abords des établissements donc dans un travail avec la police et la justice. Plus de présence aux abords des établissements, certaines rondes de police dans les établissements qui en ont besoin, dans des territoires qui en ont besoin. Deuxièmement, une capacité à associer les familles aux enjeux de la lutte contre la violence en ayant une approche au cas par cas. C'est-à-dire parfois la famille a besoin de soutien, parfois elle a besoin qu'on lui rappelle les règles donc il y a un côté…

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'être sanctionnée ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quelles sanctions ? Quelles sanctions ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est ce que nous verrons dans quelques jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais quelles sanctions ? Vous aviez proposé quelles sanctions ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ces sanctions… Réinvitez-moi, vous le saurez.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais Jean-Michel BLANQUER, vous le savez puisque vous avez parlé d'allocations familiales.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce ne sera pas les allocations familiales puisque ce n'est pas adapté au sujet des violences, ne serait-ce que parce que vous n'avez pas les mêmes allocations familiales selon le nombre d'enfants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quelles sanctions ça peut être ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça peut être… Il y a aujourd'hui toute une série de formules juridiques qui permettent de dire à une famille que si un certain nombre de choses ne sont pas rectifiées, il peut y avoir des conséquences de tous ordres pour cette famille.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ces conséquences, elles peuvent être pécuniaires par exemple mais ce qui est important…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pécuniaires. Des amendes ? Par exemple des amendes pour les familles parce que… ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce sont des choses qui ne sont pas encore pleinement tranchées mais encore une fois je vous les annoncerai…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On pénalise financièrement les familles…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Depuis le début ce que je dis de manière très claire c'est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais attendez, attendez. Quand il y a par exemple des élèves qui ne viennent plus en classe, ce sont des amendes donc pour les familles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors soyons concrets. Quand un enfant est violent, ce n'est pas nécessairement de la faute de sa famille. Il doit donc y avoir un dialogue avec la famille pour voir comment on résout le problème. Si vous êtes une jeune mère avec quatre enfants complètement débordée, ça n'a aucun sens de vous pénalisez. Ce qu'il faut, c'est au contraire voir avec vous comment au cours des prochains mois on va améliorer la situation, comment on va vous apporter une aide. Par exemple, comment il peut y avoir aussi un soutien à la parentalité. En revanche, si vous êtes quelqu'un qui a joué une logique de bande avec une fratrie, qui a après plusieurs rappels de la police pas écouté ce qu'on avait à dire, bien entendu qu'il doit y avoir une coopération avec la justice en particulier qui s'installe pour ce type de problème. Donc il doit y avoir une responsabilisation des familles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des amendes. Des amendes infligées aux familles.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pourquoi pas ? Parce qu'il peut y avoir des conséquences judiciaires, il peut y avoir ce genre de chose.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi pas des amendes infligées aux familles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et puis troisièmement, point très important, nous travaillons à l'existence de structures pour polyexclus parce que ce qui n'est pas normal, si vous voulez, c'est qu'on se renvoie des élèves très durs d'un établissement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des structures pour polyexclus.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Des structures dédiées pour les polyexclus, oui, tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est très important.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça, ça nécessite du temps, de l'investissement. Nous préparons cela pour la rentrée prochaine et je le préciserai au cours des prochains jours. Mais ce que je veux dire, c'est d'abord mon soutien complet aux professeurs, aux personnels de l'éducation nationale, aux chefs d'établissement face à ces violences de la société qui sont parfois importées par l'école. Et ce soutien signifie aussi un esprit concret et donc non seulement nous ne sommes pas dans la logique du pas de vague, de mettre les problèmes sous le tapis, nous sommes au contraire dans la logique du soutien de l'institution à chacun de ses membres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci Jean-Michel BLANQUER.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2019