Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
PATRICK ROGER
Le droit de retrait à la SNCF, la loi a-t-elle été détournée comme le dit Guillaume PEPY ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait, je crois que le droit de retrait il s'impose sur une géographie limitée et dans un temps limité, là on a affaire à un incident, qu'il ne faut pas sous-estimer, pour lequel on a lancé une enquête, pour savoir comment faire que pour, dans les mêmes conditions, par exemple le chauffeur conserve la possibilité de communiquer vers versus l'extérieur, mais on voit bien qu'on va au-delà de ce qui est raisonnable et qu'on prend en otages les Français, et ça ce n'est pas admissible, surtout à la veille des vacances…
PATRICK ROGER
La CGT a un comportement irresponsable pour vous ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, la CGT installe un rapport de forces, avec des arrière-pensées, et il nous appartient d'abord de faire respecter les Français, je crois que c'est la première chose. Les gens partent en vacances, ou les gens doivent circuler pour aller à leur travail, et je crois que ce n'est pas raisonnable de les prendre en otages.
PATRICK ROGER
Oui. C'est une forme d'avertissement aussi, de la CGT, peut-être avant la grève du 5 décembre, pour le gouvernement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est une façon d'essayer d'installer, dans le paysage, une tension, et c'est pour ça que nous restons très vigilants. D'abord il faut maintenir un canal de discussion avec l'ensemble des cheminots, il n'y a pas que la CGT qui parle, et la deuxième chose c'est qu'il faut aussi être très clair sur le fait que les Français ne doivent pas être les victimes de situations dont ils ne sont pas…
PATRICK ROGER
Dont ils ne sont pas responsables.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
PATRICK ROGER
Qu'ils subissent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Qu'ils subissent.
PATRICK ROGER
Est-ce que vous êtes favorable aussi à des sanctions individuelles envers les employés grévistes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que déjà il faut appliquer la loi, c'est-à-dire que quand on ne va pas travailler on n'est pas payé et on commence comme ça, il ne s'agit pas non plus d'envenimer le propos, le sujet c'est, on a une loi, on la respecte, c'est assez simple et ça permet d'avoir des règles claires ensuite, et avec les salariés, et avec les syndicats.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y a un impact pour les entreprises, vous avez pu déjà le chiffrer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
A ce stade il faut savoir raison gardée, c'était un vendredi, donc un jour de départs en vacances, samedi, dimanche, ce n'est pas les entreprises qui ont été les plus impactées, c'est plutôt les Français par rapport à leur vie quotidienne.
PATRICK ROGER
Qui vont être remboursés intégralement, c'est ce qu'a promis…
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce qu'a indiqué Guillaume PEPY, tout à fait.
PATRICK ROGER
Le Brexit, alors c'est la grande confusion quand même, la sortie est toujours envisagée le 31 octobre. J'ai lu que vous dénoncez toujours une impréparation du côté des PME, c'est ça, qui ne mesurent pas les effets, l'impact qu'il pourrait y avoir ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avons fait un sondage auprès d'un millier de PME, celles qui exportent, à partir du fichier des douanes, et elles nous disent elles-mêmes qu'à plus de 50 % elles n'ont pas pris de mesures pour préparer le Brexit, et ce que nous leur disons c'est que dans l'univers très incertain, dans lequel on évolue, un Brexit le 1er novembre est toujours possible, c'est une option, et par rapport à ça il faut se préparer à la situation. Et c'est très simple se préparer, c'est se connecter à brexit.gouv.fr, c'est faire l'autodiagnostic qui prend 5 à 10 minutes et qui permet de savoir si on est en risque haut, ou pas, et de savoir quelles sont les démarches que l'on doit faire, et, c'est s'inscrire au fichier des douanes.
PATRICK ROGER
Parce que globalement, elles le savent probablement les entreprises, non, ces PME, l'impact qu'il y aura, ou pas forcément ? Parce que ce n'est pas celles qui sont directement en lien avec…
AGNES PANNIER-RUNACHER
En réalité nous avons appelé celles qui exportaient, et ce qui est intéressant c'est qu'elles nous disent elles-mêmes, « je suis conscience qu'il y a le Brexit, mais je n'ai pas encore mis en place de mesures », parce que c'est incertain. Je veux dire, je me mets à la place des patrons de PME, ils ont le sentiment que, au fond, il va se passer encore des rebondissements et que ça ne va pas arriver, or si on regarde l'arbre de décisions, il est possible que ça arrive dans 10 jours, il est possible, on ne peut pas le valider de manière certaine, mais il est possible.
PATRICK ROGER
Vous avez toujours espoir, quand même, vous, de cette sortie négociée ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, parce qu'on a fait quand même quelques pas ces derniers jours, je rappelle qu'on avait un accord, en décembre dernier, qui a été refusé à trois reprises par le Parlement britannique, on a re-eu un accord avec Boris JOHNSON, donc incarnant ceux qui avaient refusé le précédent accord, qui a été repoussé, mais pas refusé par le Parlement britannique samedi, il y aura un vote dans les prochains jours, donc on attend ce vote pour savoir s'ils sont plutôt favorables ou pas, sachant que le Parlement exige d'avoir quelques jours supplémentaires pour analyser l'accord. Moi, ce que je retiens de ça c'est que, il y a des avancées, mais on ne peut exclure qu'il y ait un Brexit dans les 10 jours, et donc, le message principal c'est que c'est aux chefs d'entreprise de prendre maintenant le sujet à bras-le-corps.
PATRICK ROGER
En tout cas de se renseigner.
AGNES PANNIER-RUNACHER
De se renseigner.
PATRICK ROGER
Prendre des décisions c'est difficile parce que vous-même vous…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si, très simple, vous vous inscrivez sur les douanes…
PATRICK ROGER
Non mais d'accord, s'inscrire, mais après…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est le début de la sagesse, c'est-à-dire que si vous pouvez avoir 2 minutes pour dédouaner vos marchandises plutôt que plusieurs heures, je pense que c'est très… enfin, on voit bien le sens de l'Histoire, donc il faut être prêt, savoir les points d'accrochage, on n'est pas obligé de dépenser de l'argent pour un Brexit qui n'arriverait peut-être pas, mais en tout état de cause il ne serait pas responsable de ne pas savoir très exactement où sont les points de frottement.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y a aussi des échanges avec les Français qui sont à Londres, parce qu'on a estimé à environ 600.000, dans le grand Londres, les Français qui vivent là-bas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, il y a des échanges avec les Français qui sont à Londres, il y a un certain nombre de reconnaissances qui ont été prévues d'ailleurs, il y a des mesures de contingence qui ont été prises par le Royaume-Uni et inversement par la France, mais effectivement, là encore, il faut que les Français soient prêts pour le jour J, mais ils le sont, il y a une très bonne dynamique à Londres et le Royaume-Uni avait déjà commencé, en fait, à recenser, à proposer aux Français de s'inscrire pour le cas où le Brexit arriverait…
PATRICK ROGER
Agnès PANNIER-RUNACHER, donc vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, en ça vous êtes concernée aussi par le bilan de la loi alimentation Egalim, qui va être établie ce matin en Conseil des ministres. Alors, il y a une étude de l'UFC Que Choisir qui dénonce l'échec de cette loi et qui dit que c'est une forme de chèque en blanc de 1,5 milliard, grosso modo, à la grande distribution. Qu'est-ce que vous répondez ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je réponds à Que Choisir que lorsqu'on analyse une loi qui a été prise le 30 octobre 2018, avec des chiffres assez théoriques et qui ne correspondent pas à la réalité, on ne rend pas compte de manière transparente de cette réalité. En réalité, nous ce qu'on observe, et pas dans un calcul théorique, mais sur la foi de l'inflation telle qu'elle a été constatée, c'est qu'il y a une augmentation de 0,3 % des prix, et pas 1,6 % comme le dit Que Choisir, donc ça le premier élément qui ne correspond pas à la réalité. 0,3 % des prix, dans un contexte d'inflation qui est supérieur à 1 %, donc en réalité les Français ont vu leur pouvoir d'achat plutôt progresser.
PATRICK ROGER
Ça c'est sur le même calcul que vous avez eu…
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est le même calcul, sauf que nous on prend…
PATRICK ROGER
Sur les produits concernés.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous on prend la mesure sur la base de panel qui a été fait par des personnes qui sont indépendantes, on n'applique pas 10 % d'augmentation sur des marques phares, ce qui est évidemment pas ce qui s'est passé. La deuxième chose c'est qu'effectivement on a une évolution de la consommation qui fait que les gens sont allés acheter plutôt des marques distributeur et plutôt des premiers prix, ce qui est assez logique. Et la troisième chose c'est qu'il y a un retour aux agriculteurs, qu'on mesure dans les produits frais, puisque c'est là où vous avez le plus d'inflation, et donc c'est là où vous rendez du revenu aux agriculteurs, ce qui était l'objectif.
PATRICK ROGER
Les agriculteurs ils n'ont pas l'impression d'avoir eu un retour pour le revenu, quand on discute avec eux ils nous disent…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi je suis très, pardon, chiffres, et faits, ce que je constate c'est que la plus grande augmentation des prix elle se fait sur le frais, en libre-service, et particulièrement sur les premiers prix, +3,7 %, donc ça c'est Egalim, parce que le frais en libre-service, en gros, c'est ce qui n'est pas transformé par les industriels, et ça revient directement dans la proche des agriculteurs. Après, c'est une loi qui est passée au 30 octobre, on fait une analyse de négociation qui avait démarré. Ce qui est important c'est cette année et les années qui suivent, et on est d'accord, il faut aller beaucoup plus loin, et c'est pour ça que nous nous avons mis une pression très forte sur les distributeurs, je rappelle que Bercy a communiqué un dossier au procureur, pour LECLERC, avec une amende de plus de 100 millions d'euros sur…
PATRICK ROGER
Ce que vous dites Agnès PANNIER-RUNACHER c'est que vous mettez encore la pression sur la grande distribution et que les agriculteurs verront les fruits de votre politique dans quelques temps, c'est-à-dire à moyen terme.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Effectivement, c'est une politique qui se construit sur le moyen terme, je rappelle qu'elle correspond au consensus établi par les agriculteurs, les distributeurs et les industriels eux-mêmes, ce n'est pas nous qui avons inventé la loi, c'est une loi qui est issue des Etats Généraux de l'Alimentation, sur laquelle ils se sont mis d'accord, et que nous appliquons aujourd'hui. Et je dis aussi aux agriculteurs qu'il est important que les fédérations jouent leur partie du jeu, c'est-à-dire communiquent les éléments chiffrés dont ont besoin les industriels pour pouvoir partager aussi cette valeur, parce qu'aujourd'hui, de ce côté-là, on a quelques points de fermeture et c'est ça aussi qui rend le jeu difficile, l'exercice difficile.
PATRICK ROGER
Oui, et puis la concurrence internationale, qui est là aussi difficile pour les agriculteurs, ça on le sait.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça dépend sur quel sujet. Si vous prenez par exemple le porc, vous avez une augmentation sans égal du prix, parce qu'aujourd'hui ils peuvent importer en Chine et dans des proportions très importantes, c'est une très bonne nouvelle.
PATRICK ROGER
Un mot de la taxe américaine imposée par les Américains, mesure de rétorsion. Est-ce qu'il va y avoir des mesures de soutien pour notre filière viticole, comme le réclame notamment la Fédération des exportateurs de vin ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'à ce stade le sujet c'est d'être dans la négociation avec les Américains. Je rappelle que nous avons, au regard de l'OMC, la capacité à imposer un certain nombre de sanctions dans quelques mois, on sait tous que si on doit imposer des sanctions ça sera un jeu perdant/ perdant, mais c'est un levier qu'on n'hésitera pas à utiliser. Je pense que dans cette négociation que nous avons avec les Américains ils ont intérêt à revenir à la table de négociations.
PATRICK ROGER
On a des moyens, des leviers ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est plusieurs milliards de sanctions qu'on peut leur imposer.
PATRICK ROGER
Donc pour l'instant pas question effectivement de venir en aide à la filière viticole ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pour le moment le sujet c'est d'obtenir une révision de ces taxes qui sont imposées à la filière viticole et à d'autres filières, sachant par ailleurs que nous avons une croissance de la filière viticole qui est très importante, notamment aux Etats-Unis. Je ne suis pas sûre que ces sanctions, en tout cas sur un certain nombre de vins, aient un impact réel sur les volumes, parce qu'il y a un intérêt pour les vins français.
PATRICK ROGER
Le mot de la fin Agnès PANNIER-RUNACHER avec Cécile de MENIBUS.
CECILE DE MENIBUS
Moi je vais revenir sur la baisse des impôts du budget 2020, qui sont plus favorables aux ménages qu'aux entreprises, ce qui crée un petit trouble entre Gérald DARMANIN et Bruno LE MAIRE, est-ce que ça veut dire que finalement les entreprises sont un peu le dindon de la farce des Gilets jaunes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, en réalité, ces impôts ils touchent des centaines de milliers d'entreprises, ce qu'on a un peu tendance à oublier. Tous les entrepreneurs individuels, les petits artisans, les petits commerçants, pour une partie très importante d'entre eux, sont à l'impôt sur le revenu, donc c'est une mesure qui est favorable aux petites entreprises et aux ménages moyens. Effectivement ce n'est pas une mesure qui bénéficie aux grandes entreprises, mais je rappelle que les grandes entreprises, elles, elles bénéficient d'une baisse de l'impôt sur les sociétés, la trajectoire qui nous mènera à 25 % de taux d'impôt sur les sociétés en 2025. Donc, cette opposition est, en réalité, assez peu conforme à la réalité, ce qu'il faut relever c'est qu'en fait on baisse massivement les impôts dans ce budget 2020 après les avoir baissé en 2018 et en 2019, et je crois que de ces 40 dernières années on n'a pas vu une telle baisse d'impôts dans notre pays.
CECILE DE MENIBUS
Et tout va bien entre Gérald DARMANIN et Bruno LE MAIRE ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, de ce point de vue là…
PATRICK ROGER
Pourquoi, vous voyez des petits conflits ?
CECILE DE MENIBUS
Des petits conflits, des petits chafouins.
PATRICK ROGER
Des petits chafouins, non ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, là je pense qu'on est un petit peu dans la politique fiction, si je puis me permettre.
CECILE DE MENIBUS
D'accord, très bien, merci.
PATRICK ROGER
Très bien, c'est vous qui… vous êtes là en fait au milieu, pour essayer de…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je n'ai rien à essayer de faire, ça se passe très bien.
CECILE DE MENIBUS
Les femmes adoucissent les moeurs, vous le savez Patrick.
PATRICK ROGER
Merci. Agnès PANNIER-RUNACHER, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, était l'invitée ce matin de SUD RADIO.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 octobre 2019