Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, à LCI le 1er avril 2019, sur La République en Marche, le Grand débat national, le Rassemblement national et sur la politique du logement.

Prononcé le 1er avril 2019

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, est-ce que vous êtes prêt à nous faire payer les routes non concédées, c'est-à-dire les nationales, dans quelques temps ?

JULIEN DENORMANDIE
Pas du tout. Et vous savez, en France on a souvent ce défaut, c'est qu'à chaque fois qu'on parle d'un sujet, on est toujours là à imaginer un nouveau service payant, une nouvelle taxe, quelque chose que les contribuables devraient payer, et donc…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je ne vous le fais pas dire, c'est ce qui ressort beaucoup, toutes les propositions de vos collègues ministres, pendant le grand débat, sont souvent allées vers des hausses d'impôts.

JULIEN DENORMANDIE
Non, moi je veux être très rassurant, on a une loi importante en ce moment, qui est en cours de discussion, qui est la loi sur les mobilités, et cette loi sur les mobilités elle vise à améliorer le service, elle vise à trouver de nouvelles solutions d'un service de proximité, mais elle ne vise pas du tout à augmenter, ici ou là, le coût du passage routier. Donc, c'est encore une fois, peut-être un mal français que de ressortir de vieux rapports pour, parfois, attiser des peurs.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous nous rassurez ce matin…

JULIEN DENORMANDIE
Je vous rassure.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Votre gouvernement, le gouvernement auquel vous appartenez, ne va pas concéder les routes nationales aux autoroutes pour les faire payer ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est comme ça, année après année, de nouvelles Fake news ou de nouveaux points ressurgissent, je vous confirme qu'il y a aujourd'hui une loi sur la mobilité qui vise à améliorer le service, à surtout faire un service de proximité, pour faire en sorte que ce qui trop souvent a été le tout TGV, c'est-à-dire les grands axes de transport, puisse maintenant être consacré, concentré, pardon, sur les routes et les transports du quotidien, je crois que c'est ça qu'attendent nos concitoyens.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, je voudrais qu'on commence par une photo, ça va vous rappeler des souvenirs, c'est mai 2017, vous arrivez avec vos collègues et amis à l'Elysée, je voulais vous montrer cette photo parce que, finalement, vous êtes presque le dernier des mohicans. Alors, vous avez été rejoint au gouvernement par Sibeth NDIAYE hier soir. Mais au fond, quand on regarde cette photo, et ces images, beaucoup des très proches du chef de l'Etat, de ceux qui l'ont aidé à conquérir le pouvoir, à gagner 2017, sont partis.

JULIEN DENORMANDIE
Non, ils ne sont pas partis, c'est là où… vous savez, cette photo elle représente beaucoup, parce que cette photo c'est le jour où Emmanuel MACRON rentre à l'Elysée, et toutes les personnes qui sont là ce sont des personnes qui ont une chose en commun, c'est que, 1,5 an avant, ils avaient participé au début de la constitution de ce mouvement politique qui était En Marche…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils ont fait un pari pascalien, ils ont parié sur Emmanuel MACRON.

JULIEN DENORMANDIE
Mais, à ce moment-là, je peux vous dire, moi j'étais l'un des tout premiers salariés du mouvement En Marche, tout le monde nous disait ce qu'on va faire ne pourra jamais marcher, tout le monde nous prenait pour des fous, tout le monde nous disait mais qu'est-ce que c'est cette aventure politique que vous tentez ? Eh bien ce moment-là est un moment très solennel parce que ces personnes qui avaient cru dès le début en la personne et dans le projet politique, se retrouvaient le jour de cette investiture. Et aujourd'hui vous en avez un, Stéphane SEJOURNE, totalement à droite, qui est directeur de la campagne européenne, Richard FERRAND qui est président de l'Assemblée nationale, Benjamin GRIVEAUX qui se lance à l'investiture pour la candidature, Sibeth NDIAYE qui rejoint le gouvernement, des personnes qui sont des engagés toujours sur ce projet professionnel et présidentiel.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais regardez, si on regarde la liste de tous ceux qui sont partis de l'équipe gouvernementale depuis presque 2 ans maintenant, alors ça c'est le gouvernement, on va en parler, il y a par exemple Gérard COLLOMB qui est parti, il y a par exemple Sylvain FAURE qui est reparti dans le privé, Sylvie GOULARD, BAYROU qui est parti pour des raisons, on les connaît, Marielle de SARNEZ, Nicolas HULOT…

JULIEN DENORMANDIE
Non mais, vous faites un amalgame de beaucoup de choix très…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est des gens qui sont partis !

JULIEN DENORMANDIE
Attendez, vous faites un amalgame de beaucoup de choix, Sylvie GOULARD est partie pour des raisons toutes autres que celles d'autres personnes, Richard FERRAND aujourd'hui président de l'Assemblée nationale, Benjamin GRIVEAUX ou Mounir MAHJOUBI se lancent sur Paris, Nathalie LOISEAU est aujourd'hui tête de liste des européennes, donc c'est des personnes qui restent des engagés, des personnes qui restent à porter ce projet présidentiel. C'est des personnes avec qui moi je suis en contact très régulier et je peux vous dire, il y a une chose qui est en commun dans toutes ces personnes, c'est l'engagement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Gérard COLLOMB hier soir sur LCI était quand même un peu sévère sur les deux premières années du quinquennat.

JULIEN DENORMANDIE
Mais Gérard COLLOMB, moi j'étais avec lui avec Lyon il y a trois semaines, je peux vous dire qu'il est retourné à Lyon avant toute chose pour porter le projet lyonnais qui lui est chevillé au corps, et effectivement Gérard COLLOMB a émis quelques critiques, mais enfin, Gérard COLLOMB, moi je ne l'oublie pas, ça a été l'un des premiers à nous rejoindre, et je crois qu'au fond de lui il continue à pousser le projet présidentiel avec force.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous connaissez bien François HOLLANDE, parce que vous avez été conseiller de certains ministres du gouvernement HOLLANDE, lui, alors il ressort son livre, que vous avez eu en format poche, et il a fait une interview notamment dans Le Parisien ce matin, dans laquelle il est assez peu aimable, on va dire, à l'égard de votre gouvernement. Par exemple : « le résultat au bout deux ans n'est bon ni pour la vitalité économique, ni pour la cohésion sociale. A vouloir tout bousculer, tout s'est arrêté. »

JULIEN DENORMANDIE
Là François HOLLANDE… vous savez, le titre de son ouvrage le montre bien, il s'est positionné en donneur de leçons. Moi j'ai beaucoup de respect pour la personne, qui est un ancien président de la République, mais enfin aujourd'hui moi je ne suis pas du côté de ceux qui donnent des leçons, je suis du côté de ceux qui font, de ceux qui, toute la journée, se lèvent tôt pour essayer d'apporter des solutions aux Françaises et Français. Une telle phrase, moi je pense qu'elle a véritablement un aspect négatif. Pourquoi ? Parce que cela sous-entendrait que, pour que tout se passe bien, il ne faudrait rien faire, mais, ce moment où on ne ferait rien, est précisément un moment où on n'emporterait pas le pays, on ne participerait pas à cette transformation. Le président de la République, Emmanuel MACRON, a fait un choix tout autre, le choix effectivement de modifier, de ne pas donner juste des pansements, vous savez, là où ça va mal, de mettre simplement un pansement, peut-être c'est ça qui avait été trop fait lors du précédent quinquennat…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous voulez continuer l'entreprise de réforme du pays…

JULIEN DENORMANDIE
…Véritablement la réforme du pays, et je crois que, en fait non seulement on veut, mais c'est le mandat donné par les Français, et je crois aussi que la crise des gilets jaunes montre qu'il ne faut pas donner des pansements. L'origine de la crise des gilets jaunes c'est parce qu'il y a des pansements qui ont été mis sur des plaies pendant des années et des années sans se demander où était le fond du problème. Emmanuel MACRON a décidé de s'attaquer au fond du problème. C'est plus long, c'est plus compliqué, c'est parfois plus difficile, mais je crois que c'est ça qu'il faut faire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc, la sortie du grand débat ce n'est pas on arrête tout, on ralentit, comme vous le recommande François HOLLANDE, mais c'est on accélère ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, c'est absolument pas on arrête tout, absolument pas on ralentit, donc oui c'est on accélère, mais c'est aussi des mesures fortes, ce n'est pas des pansements sur des jambes de bois, c'est des vraies mesures, fortes, qui sont attendues par les Français, des mesures de justice sociale, des mesures pour continuer la transformation du pays, et des mesures qui seront prises sur la base de cet élan démocratique qu'a constitué le grand débat. Songez qu'il y a plus de 2 millions de contributions, 2 millions, c'est autant d'idées, autant de propositions, autant de forces, qui sont aujourd'hui analysées et qui donneront lieu à des mesures fortes, annoncées par le Premier ministre et le président.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, je vais un peu refroidir vos ardeurs sur le grand débat, ou plutôt c'est Bruno RETAILLEAU, qui était l'invité hier du « Grand jury » sur RTL et LCI, écoutez ce qu'il dit du grand débat. On l'écoute.

BRUNO RETAILLEAU, PRESIDENT DU GROUPE LR AU SENAT
Pour l'instant les chiffres sont assez impitoyables, il y a 1 % des Français, inscrits sur les listes électorales en gros, qui ont participé à ce grand débat.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
1 % des Français dit Bruno RETAILLEAU, c'est vrai que ce n'est pas beaucoup, vu comme ça.

JULIEN DENORMANDIE
Le grand débat c'est plus de 10.000 réunions locales, 10.000, je ne sais pas si vous avez participé à certaines d'entre elles…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On y a assisté avec nos équipes, oui.

JULIEN DENORMANDIE
Je ne sais pas si Bruno RETAILLEAU l'a fait, moi j'ai participé à de nombreuses réunions, notamment parce que je suis ministre du Logement et de la Ville, dans les quartiers prioritaires de la ville. Qu'est-ce que j'ai remarqué ? D'abord l'intelligence des Français, la fabuleuse intelligence des Français, cette intelligence que certains responsables politiques n'ont jamais su reconnaître. Nous, le projet politique qu'on a fondé, avec En Marche, il repose d'abord sur l'intelligence des Français, et dans ces débats…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'intelligence de 1 % des Français qui ont participé.

JULIEN DENORMANDIE
Non, de manière générale, parce que lors de ces débats on voit émerger à la fois le constat partagé, mais surtout des solutions nouvelles, avec beaucoup de sincérité, parfois beaucoup d'émotion. Et puis, en parallèle de ces réunions, de ces 10.000 réunions, c'est 2 millions de contributions, 2 millions de contributions. Alors, je crois vraiment que Bruno RETAILLEAU essaye de refaire le match, essaye de dénigrer cet élan démocratique, je crois que l'honneur de tous serait, au contraire, de reconnaître que ce grand débat aura été un grand moment démocratique de la Ve République, à nous maintenant de faire en sorte que des mesures fortes sortent de ce grand débat, c'est ça l'engagement du président.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va en parler, notamment sur vos secteurs qui sont le logement, la trêve hivernale, etc. Encore un conseil, si je puis dire, de François HOLLANDE, regardez : « le recul est parfois préférable à l'entêtement. » Il dit qu'il l'a fait lui-même, et il vous le conseille aussi.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, il compare des événements, il compare la crise des bonnets rouges avec celle des gilets jaunes, qui étaient deux événements très différents l'un de l'autre. Mais, je vais vous dire, moi il y a une phrase dans toute cette interview qui m'a encore plus choqué…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sur le Rassemblement national.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va la regarder, parce qu'elle est forte aussi, c'est vrai. « Je l'affirme, un jour l'extrême droite arrivera au pouvoir en France, en 2022 ou plus tard » dit François HOLLANDE.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Moi, cette phrase, elle m'a profondément choqué, profondément. Pourquoi ? Parce que nous sommes face à un président de la République qui considère dorénavant comme un acquis que le Front national, le Rassemblement national, l'extrême droite, arriverait au pouvoir. Mais moi, la phrase que j'ai envie d'entendre d'un républicain, démocrate, ancien président de la République, c'est que toute ma vie je me battrai pour que le Rassemblement national n'arrive pas au pouvoir, et surtout, surtout, ne jamais tomber dans cette sorte de fatalité qui consisterait à dire, puisque toutes les autres alternatives auraient été tentées, eh bien il n'y aurait plus que le Front national qui pourrait arriver au pouvoir. Ça, une telle phrase dans la bouche d'un président de la République…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça vous choque.

JULIEN DENORMANDIE
Ça me choque, parce que moi j'ai porté mon engagement politique, à la base, pour faire en sorte que le Rassemblement national ne puisse arriver au pouvoir.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous diriez qu'un ancien président de la République ne devrait pas dire ça ?

JULIEN DENORMANDIE
Je dirais qu'un ancien président de la République, tel que François HOLLANDE, devrait au contraire dire toute ma vie je continuerai à me battre pour que l'extrême droite n'arrive jamais au pouvoir, mais que jamais, Ô grand jamais, il ne puisse considérer comme une possibilité aussi affirmée, comme il l'emploie dans ces termes, que le Front national arrive. Vous savez, moi, pendant la campagne présidentielle, de 2017, nous avions fait un pari, le pari c'est que le Rassemblement national ne soit pas au premier rang lors du premier tour, ne soit pas en tête lors du premier tour, personne ne nous croyait, personne, tout le monde considérait comme un acquis que le Rassemblement national soit en tête au premier tour des présidentielles, eh bien on a réussi à faire en sorte que ça ne soit pas le cas.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous faites le même pari pour les européennes ? L'objectif c'est que le Rassemblement national ne soit pas en tête ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais fort heureusement. Regardez, le Rassemblement national, il ne faut pas l'oublier, lors des dernières élections européennes, c'est eux qui ont gagné ces élections…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Tout à fait, à 24 %.

JULIEN DENORMANDIE
Et donc ça fait des années, Monsieur Jean-Marie LE PEN a été parlementaire européen pendant des dizaines d'années, et donc ça fait des années que le Rassemblement national est, en fait, le premier parti de France au Parlement européen. Est-ce que les choses ont avancé ? Rien. Est-ce que des propositions ont émergé ? Rien. Est-ce que cela a été d'une utilité pour la France ? Non, je ne le crois pas. Et donc oui, moi je vais me battre avec beaucoup d'énergie pour faire en sorte qu'il ne soit pas en tête aux élections européennes, évidemment, et j'espère que nous serons suivis par beaucoup.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors on va en venir à vos propositions concrètes dans vos domaines. Juste, je ne sais pas si vous avez vu les articles de presse de ces jours derniers, par exemple Le Parisien, hier, qui fait état des résistances des technocrates, mais aussi de Matignon, lorsque le président avance ses propositions. Au fond, vous ressentez cela vous aussi, c'est-à-dire le fait que, il est si seul, et quand il veut avancer il a les technos et Matignon qui freinent ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais je crois que derrière tout ça il y a une question qui est l'efficacité de l'action de l'Etat. C'est vrai que, prenez mon cas, moi je suis ministre du Logement et de la Ville, j'ai beaucoup d'administrations, j'ai essayé de profondément modifier la façon qu'on a à agir sur le terrain, parce qu'il n'y a qu'une chose qui compte c'est que, est-ce que, quand en tant que ministre vous prenez une décision, est-ce que oui ou non, cela se ressent et cela a un effet sur le terrain ? Et aujourd'hui, comme dans toutes structures, quand vous voulez modifier des choses, eh bien oui, il faut modifier aussi des habitudes, modifier aussi des façons d'agir, rendre toujours plus simple et plus facile l'accès des politiques que vous faites pour les Français. Et ce que dit Emmanuel MACRON, dans le projet qu'il porte, c'est à la fois la vision politique, mais c'est aussi ce changement de méthode, de… Un seul exemple. Au moment du début de la crise des gilets jaunes le gouvernement augmente le chèque énergie, et à ce moment-là on se rend compte que 3,5 millions de Français sont éligibles au chèque énergie…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qui fait de la résistance ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais plus de 500.000 n'y ont pas accès.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais qui fait de la résistance ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien parce que, on a trop souvent pensé politique publique, sans penser accès par les Français. Moi j'ai une seule obsession, c'est tout ce que je fais, toutes les décisions que je prends, est-ce que oui ou non les Français y ont accès. Et le président de la République, non seulement a poussé cette vision, mais aussi a entrepris cette modification dans les habitudes uns et des autres, et je crois que ça c'est nécessaire, c'est un grand chantier la réforme de l'Etat, qu'on porte avec beaucoup de force.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors allons dans le concret. Depuis ce matin c'est la fin de ce qu'on appelle la trêve hivernale, c'est-à-dire que les expulsions de locataires mauvais payeurs vont pouvoir recommencer, alors c'est 130.000 décisions de justice dans l'année, c'est à peu près 15.000 qui se traduisent par une expulsion manu militari. Est-ce que c'est une fatalité, est-ce qu'effectivement c'est nécessaire pour que les propriétaires n'aient pas peur de louer leurs appartements ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, ce n'est absolument pas une fatalité. C'est quoi le problème ? Le problème, en France, c'est que les loyers sont trop élevés, donc, à la fin des fins, on en arrive toujours au même problème, c'est que les loyers sont trop élevés. Moi j'ai passé une loi, la loi Logement, il y a 4 mois, pour faire en sorte d'améliorer la situation, ça ne sera pas du jour au lendemain, mais ça va dans le bon sens. Le deuxième élément c'est que, les expulsions locatives c'est quelque chose où fondamentalement il faut mieux prévenir que guérir. Dès que vous avez un problème pour payer votre loyer, à ce moment-là si vous avez le bon accompagnement, si vous avez la bonne discussion avec votre propriétaire, si vous allez voir les structures qui sont là pour vous aider, alors dans 9 cas sur 10 on arrive à trouver une solution. Et d'ailleurs, pendant 10 ans, le nombre de procédures d'expulsion a explosé en France, littéralement explosé, depuis 2 ans c'est la deuxième année consécutive où on voit une baisse du nombre de procédures judiciaires d'expulsion qui sont prononcées, c'est très positif. Il faut aller encore plus loin. Là aussi, dans la loi Logement on a proposé de nouvelles mesures, fortes, qui visent par exemple, quand vous avez un problème, en France, d'endettement, on vous dit d'aller voir la BANQUE DE FRANCE, et puis le plus souvent ça conduit à avoir un problème d'impayé pour votre loyer, eh bien souvent, en fait, la procédure pour régler votre expulsion elle passe avant la procédure pour vous aider à sortir du surendettement. C'était illogique, on a changé les choses.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous parlez du prix des loyers en France, il y a Paris qui relance, à partir de ces jours-ci aussi, l'encadrement des loyers, qui avait été annulé par la justice précédemment. Est-ce que c'est un bon dispositif ça, d'encadrer les loyers, de plafonner, est-ce que vous n'avez pas peur que ça dissuade les propriétaires de louer leurs appartements, ils vont préférer aller le mettre sur AIRBNB, au fond, que de louer à des familles qui ont envie de vivre à Paris ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, moi je crois que dans certains cas l'encadrement des loyers peut être pertinent, c'est d'ailleurs fort de cette conviction que j'ai permis la réinstauration de l'encadrement des loyers dans les villes où les élus locaux le souhaitent.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comme Paris.

JULIEN DENORMANDIE
Comme Paris, ou comme d'autres villes, ce n'était plus possible parce que le droit avait empêché la mise en place, et donc j'ai changé la loi pour le rendre possible. Pourquoi je crois que ça peut être pertinent dans certains cas ? Parce que, vous savez, la ville c'est le reflet de la société qu'on souhaite. Aujourd'hui vous prenez des villes comme Paris ou comme d'autres métropoles, vous n'avez plus cette diversité de populations…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je comprends, vous allez prôner la diversité sociale, et vous avez raison, mais du coup…

JULIEN DENORMANDIE
C'est essentiel.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Du coup, est-ce que les propriétaires ne vont pas arrêter de louer, c'est ça le problème ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, alors ça c'est ce fameux argument disant à chaque fois, dès qu'il y a un encadrement on n'aurait plus aucun investisseur qui souhaiterait venir. Moi je crois que dans certains cas, ce n'est certainement pas vrai partout dans le pays, mais dans certains cas l'encadrement des loyers mérite d'être testé, d'être tenté à nouveau, et donc j'ai permis de le faire. Mais, j'insiste dessus, on se plaint toujours du logement, le problème du logement c'est le loyer, avec des loyers qui deviennent trop élevés et qui chassent des populations entières de centre-ville, où on veut qu'elle reste.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Julien DENORMANDIE, vous êtes directement responsable, parce que le problème du logement c'est aussi qu'il n'y a pas assez de logements en France, vous le savez, c'est pour ça que les prix montent, et quand on regarde les derniers chiffres de mises en chantier, de permis de construire, ça baisse depuis 2 ou 3 mois, pourtant vous êtes aux affaires, comment vous allez faire pour relancer la construction de logements en France, parce que les dispositifs fiscaux, manifestement, ils ne suffisent pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Il y a deux choses très importantes. D'abord, face à ce constat que vous dites, il faut absolument porter des mesures fortes, c'est ce que j'ai fait dans la loi Logement, la loi Logement elle vient d'être adoptée. Cette loi Logement aujourd'hui, mon objectif de tous les jours c'est de la mettre en oeuvre le plus rapidement possible pour justement relancer la construction.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous dites, on n'en voit pas encore les effets.

JULIEN DENORMANDIE
Non, elle a été adoptée il y a tout juste quelques mois…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment vous allez restimuler le marché du logement, mais alors très concrètement…

JULIEN DENORMANDIE
Très concrètement, par cette loi, elle donne beaucoup plus de facilités à l'acte de construire. Le parcours de la construction est trop…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y aura moins de contraintes sur les permis de construire…

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, est trop souvent, le parcours du combattant. Donc ça prend trop de temps, vous espérez, en déréglementant au fond…

JULIEN DENORMANDIE
Sans du tout déréglementer, mais en disant…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un peu !

JULIEN DENORMANDIE
Non, en disant : moi, l'Etat, je fixe la qualité, je fixe les objectifs, après, les professionnels, vous fixez en introduisant l'innovation les moyens d'y parvenir. Et puis, le deuxième élément, c'est que dans notre pays, il y a plein de logements vacants, il y a plein de logements qu'on pourrait réhabiliter, il y a plein de logements qui sont en mauvaise qualité, qui parfois empêchent leur mise en oeuvre.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et qui sont parfois dangereux, on l'a bien vu à Marseille…

JULIEN DENORMANDIE
Et qui sont parfois dangereux, et qui peuvent même amener à des tragédies. Et donc moi, mon action, je l'ai portée sur la construction avec ces nouvelles mesures dans la loi, mais aussi beaucoup sur la réhabilitation pour faire en sorte que ces logements vacants puissent revenir sur le marché de la location…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce qu'on appelle le dispositif Denormandie…

JULIEN DENORMANDIE
Et c'est notamment un dispositif nouveau, le Denormandie dans l'ancien qui dit à toute personne souhaitant investir dans un appartement, eh bien, allez investir dans les centres-villes de ces villes moyennes où souvent le centre-ville a périclité, parce que ces logements ont trop souvent été abandonnés, et donc si vous le faites, vous aurez une réduction fiscale très importante. Il faut toujours avoir ces deux jambes quand vous êtes ministre du Logement, la construction neuve et la réhabilitation, c'est essentiel…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On fera le bilan. On fera le bilan dans quelques mois pour voir si cette nouvelle politique du logement fonctionne ou pas…

JULIEN DENORMANDIE
Avec plaisir.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une dernière question, c‘est le coup d'envoi des municipales à Paris, c'est un peu tôt, je trouve, mais enfin, bon, deux anciens ministres vont se livrer bataille, Benjamin GRIVEAUX et Mounir MAHJOUBI, est-ce que c'est bien sérieux de commencer les municipales alors que les européennes n'ont même pas encore eu lieu ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, je crois que c'est deux calendriers qui sont différents…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qui se télescopent un peu…

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais enfin, qui sont différents, et quand vous voulez faire une campagne municipale, il est important de le faire le plus tôt…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez un favori ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, je pense que Benjamin… enfin, je suis même convaincu que Benjamin GRIVEAUX serait aujourd'hui le meilleur candidat pour porter le projet de la République En Marche, en tout cas, moi, je le soutiendrai dans sa campagne à l'investiture. Après, cette investiture, elle fait suite à un processus du mouvement La République En Marche avec une commission nationale d'investiture. Il y a beaucoup de talents, Mounir MAHJOUBI est aussi une personne de très grand talent, mais aujourd'hui, je pense que Benjamin est le mieux à même de rassembler tout le monde.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le contraire m'eut étonné. Merci beaucoup Julien DENORMANDIE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 avril 2019