Texte intégral
DIMITRI PAVLENKO
Mon invitée ce matin, la secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, bonjour Sophie CLUZEL.
SOPHIE CLUZEL
Bonjour.
DIMITRI PAVLENKO
Vous venez nous parler ce matin de l'opération "Duoday", ça a lieu demain jeudi. "Duoday", le principe est très simple, c'est, vous prenez avec vous un binôme, une personne handicapée, qui va vous accompagner toute votre journée, opération qui est née en Irlande il y a une dizaine d'années. Alors, évidemment, c'est bien de donner l'exemple, Sophie CLUZEL, vous, secrétaire d'Etat, vous allez avoir un binôme demain, une personne handicapée qui va vous accompagner ?
SOPHIE CLUZEL
Bien sûr que j'aurai un binôme, c'est une personne qui est en reconversion professionnelle, qui est devenue aveugle au cours de sa vie professionnelle, et qui a travaillé justement avec son collectif de travail, Klesia pour ne pas la nommer cette entreprise, qui a travaillé avec lui, pour justement éviter sa désinsertion professionnelle et de lui permettre de retravailler son projet professionnel, il sera avec moi toute la journée, il pourra expliquer aussi ce que la technologie lui a apporté, parce qu'il a une canne connectée, donc on a tous les leviers, vraiment, pour pouvoir parler ensemble du "Duoday" toute la journée.
DIMITRI PAVLENKO
Alors Armel, votre binôme, lui, il est dans l'emploi, c'est important de le dire parce que, le "Duoday" c'est aussi une incitation aux entreprises pour s'intéresser au public des personnes handicapées, leur dire que ce n'est pas qu'une question de quotas imposés par la loi, ça peut être aussi une chance, ça peut être des talents.
SOPHIE CLUZEL
C'est une opération très vertueuse, à plusieurs égards, d'abord pour la personne handicapée, parce que ça lui permet de découvrir un nouvel environnement de travail, ça lui permet aussi d'avoir de l'estime de soi, de la réassurance sur les possibles au sein d'une entreprise, quand elle ne connaît pas les codes de cette entreprise. C'est vertueux pour l'entreprise, parce que du coup elle s'engage dans une démarche sociétale de pouvoir connaître la différence, et en faire une force, une richesse, avoir vraiment une cohésion sociale, et c'est vertueux aussi pour les associations qui accompagnent les personnes handicapées, parce que là elles se mettent justement en spécialistes d'accompagnement des adaptations, parfois nécessaires, mais pas tout le temps nécessaires, donc voilà, c'est vertueux à plusieurs… C'est un grand succès cette année, nous avons plus de 12 000 duos, c'est-à-dire 24 000 personnes qui vont vivre cette journée ensemble, pour déboucher sur, soit une politique handicap nouvelle, soit tout simplement vouloir changer de travail, soit aussi être embauché pour certains, donc c'est très vertueux, ça vient d'Irlande, c'est une journée nationale et européenne, donc ça c'est très intéressant.
DIMITRI PAVLENKO
Est-ce qu'on peut encore s'inscrire, est-ce qu'on peut se proposer pour accueillir un binôme ou c'est trop tard ?
SOPHIE CLUZEL
Si vous en cherchez un, je vous en trouve un, il y a vraiment beaucoup de personnes qui ont envie de connaître ce métier, justement des médias, les médias sont très très impliqués, et je pense que c'est ainsi qu'on change la donne, parce que les personnes handicapées doivent être présentées dans les médias, on doit les montrer pour leurs talents, leurs compétences, donc si vous en cherchez un, on peut vous en trouver.
DIMITRI PAVLENKO
Allez chiche, on va le faire, moi je vous prends au mot Sophie CLUZEL, demain matin…
SOPHIE CLUZEL
Très bien, parfait.
DIMITRI PAVLENKO
Un binôme à Radio Classique pour le "Duoday" Je reviens sur ce que vous disiez, j'insistais là-dessus, Armel, votre binôme, lui il est dans l'emploi, 80%, vous me le disiez à l'instant, 80% des personnes atteintes de handicap, ce handicap il leur arrive au cours de leur vie, parfois c'est lié au travail, mais pas forcément, ça casse un peu cette image qu'on a de la personne handicapée, par essence, qui naît avec le handicap.
SOPHIE CLUZEL
Oui, 80% surviennent au cours de la vie, donc c'est vrai que ça peut nous arriver à tous, donc ça c'est aussi important de pouvoir prévoir que l'environnement doit s'adapter, c'est tout le problème de l'accessibilité, mais pas que, donc c'est important aussi de dire que, rien n'est irrémédiable, et qu'on peut travailler tous ensemble pour faire sa place à cette diversité. Ce qui est important aussi de savoir c'est que 80% des handicaps sont invisibles, c'est-à-dire une surdité, un handicap psychique, un handicap mental, donc ce "Duoday" permet aussi de faire tomber des préjugés sur les situations de handicap, de montrer qu'elles sont très diverses, et pour autant elles ont toute leur place dans l'entreprise. Tout le monde peut être employé si on s'adapte à ses problématiques et qu'on les met en situation optimale de réussir, c'est ça aussi le "Duoday", c'est de pouvoir parler des adaptations à faire, nécessaires et suffisantes parfois, de l'accompagnement qu'il faut, donc c'est vraiment extrêmement vertueux et très positif parce qu'on montre l'image, justement, d'une personne en situation de handicap qui veut s'émanciper, qui veut aller vers le travail, et on a des spécialistes, que sont les associations, qui peuvent les accompagner, donc c'est on sort de l'entre-soi du handicap et on va vraiment… C'est toute ma politique, ma politique c'est émanciper, faire participer les personnes, pour autant elles ont des besoins spécifiques parfois, donc nous avons ce levier magnifique des associations pour les mettre en prestation d'accompagnement, vraiment, auprès des entreprises, c'est une façon très nouvelle de voir le handicap. Pour moi, le handicap, c'est un activateur de performance vraiment collective au sein de l'entreprise, de cohésion sociale, donc il faut vraiment pouvoir le développer au sein de l'entreprise.
DIMITRI PAVLENKO
Il y a une révolution du discours du gouvernement sur la question du handicap, puisque là vous nous parlez des avantages, vous nous parlez de l'aspect extrêmement positif que peut avoir l'intégration d'une ou de plusieurs personnes handicapées dans une entreprise, alors qu'on était sur le registre, plutôt, de l'obligation, de la sanction, je rappelle qu'il y a une loi qui impose aux entreprises de plus de 20 salariés de compter dans leurs effectifs 6 % de personnes handicapées. Où est-ce qu'on en est du respect de cette loi, est-ce que c'est bien respecté, est-ce que les sanctions sont suffisamment fortes, Sophie CLUZEL ?
SOPHIE CLUZEL
Les sanctions elles sont là, ça fait 30 ans qu'elles sont là les sanctions, cette loi elle existe depuis 30 ans, et on n'est qu'à 3,5% dans les entreprises privées et presque 5% dans toutes les entreprises publiques, fonction hospitalière, fonction…
DIMITRI PAVLENKO
3,5% d'emploi de personnes handicapées.
SOPHIE CLUZEL
Oui, donc on n'est pas encore aux 6%. Alors, il y a des entreprises vertueuses, qui sont delà des 6%, mais il y en a non, il y a encore 8% d'entreprises qui ne font rien, qui préfèrent payer. donc moi, ce qui m'intéresse, c'est que celle-là il faut qu'on aille les chercher, et qu'on leur explique que c'est enfin une charge sociale qu'elles peuvent éviter de payer, et donc qu'on se mette justement en offre de services, parce que c'est ce que les entreprises me disent, c'est compliqué. Aujourd'hui ce n'est plus une excuse, nous avons simplifié complètement la déclaration d'embauche des personnes handicapées…
DIMITRI PAVLENKO
Enfin attendez, quand même, sur la loi, quand même, une entreprise n'a pas le droit de publier une offre d'emploi réservée aux personnes en situation de handicap, on n'a pas le droit de réserver un poste, parce que ce serait discriminatoire, là les entreprises sont un petit peu aussi otage de la législation.
SOPHIE CLUZEL
Alors, ce n'est pas otage de la législation, c'est que je pense que, en effet, nous avons une politique de quotas, donc il faut aussi qu'on travaille avec les personnes handicapées, pour leur dire "déclarez-vous handicapé quand vous frappez à une porte d'entreprise, ce n'est pas grave, au contraire, je suis handicapé, et alors ? Je vais pouvoir vous aider, parce que je vais pouvoir vous mettre en situation optimale de réussite."
DIMITRI PAVLENKO
C'est ce que disent les associations, la question est souvent posée, est-ce qu'il faut que je déclare mon handicap, sur mon CV, dois-je le dire, est-ce que c'est un atout ou est-ce que c'est un désavantage face à l'employeur ?
SOPHIE CLUZEL
Non, on ne va pas être Bisounours, ce n'est pas encore un atout, non, parce que c'est des freins à la carrière, encore bien souvent, mais pourtant, moi je challenge les entreprises, quand vous recevez un CV avec par exemple une RQTH, Reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, engagez-vous à le recevoir en recrutement, déjà, c'est ce que font les Anglais par exemple, ils n'ont pas de quotas, mais pourtant ils se sont engagés justement à recevoir. C'est ainsi qu'on favorise ce… je pousse la porte de l'entreprise et je démontre mes talents. Mais ce que je voudrais vous dire c'est que, au-delà d'être coercitif avec les entreprises, il faut les accompagner et les aider, montrer que c'est une force, mais surtout avoir une prestation de service d'accompagnement. Il faut qu'on soit réactif, on n'est pas bon, aujourd'hui, pour leur offrir toutes les adaptations possibles, donc là on est en train de travailler sur une grande plateforme numérique…
DIMITRI PAVLENKO
Il faut un crédit d'impôt…
SOPHIE CLUZEL
Non, il ne faut pas de crédit d'impôt…
DIMITRI PAVLENKO
Sur les aménagements qui ont un coût, pour l'accueil de personnes handicapées, selon le handicap ?
SOPHIE CLUZEL
Non, il faut que l'entreprise s'empare des aménagements possibles au sein de l'entreprise, qui ne soient pas très coûteux, et il faut qu'on soit très réactif sur la prestation de service qu'elle pourrait avoir pour les adaptations et les accompagnements, c'est ça, il faut qu'on démarre, vraiment, qu'on généralise l'emploi accompagné, nos amis anglo-saxons le font aussi, le job coaching, pour certaines entreprises, c'est-à-dire savoir comment fonctionne une personne handicapée qui peut être différente dans la communication, offrir immédiatement les adaptations possibles pour qu'elle puisse les acheter vraiment et de façon efficace et rapide, et mettre son environnement en adaptation.
DIMITRI PAVLENKO
Alors on avait un exemple d'une entreprise très vertueuse sur le sujet, « Café Joyeux », rappelez-vous, qui est venu nous voir il y a quelques semaines, et qui n'embauche, lui, que des personnes handicapées. Sophie CLUZEL, merci d'avoir été avec nous. Le "Duoday" c'est demain. Je rappelle, vous êtes secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, le "Duoday", donc, c'est demain, 12 000 binômes constitués quand même, c'est 3 fois plus que l'année dernière, on peut s'en féliciter. Merci à vous.
SOPHIE CLUZEL
Plus un pour vous.
DIMITRI PAVLENKO
Plus un pour moi, 12.001, voilà, effectivement.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2019