Déclarations de MM. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, et Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2020, à l'Assemblée nationale le 30 octobre 2019.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Olivier Dussopt - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics ;
  • Gérald Darmanin - Ministre de l'action et des comptes publics

Circonstance : Examen, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, des crédits « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Mme la présidente. Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Action et transformation publiques », « Crédits non répartis », « Régimes sociaux et de retraite » et « Remboursements et dégrèvements » ainsi qu'aux comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et « Pensions » (no 2301, annexes 25, 26, 27, 35 et 37 ; no 2304, tome IV ; no 2306, tome II).

(...)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. La réponse que je vous apporterai, madame la députée, profitera également au rapporteur spécial, M. Damaisin, dont les questions étaient similaires.

Je commencerai par vous rassurer. Le fonds de réserve pour les retraites est largement pourvu et l'État pourra assurer les engagements qu'il a pris, notamment envers les pensionnés actuels et futurs.

Par ailleurs, votre question en englobe en réalité trois. Je pourrai répondre à l'une d'elles, mais les deux autres dépendent de la nature de la prochaine réforme des retraites. Ainsi, concernant le régime de la RATP, nous verrons dans quelle mesure et à quel rythme il pourra converger vers un système universel tout en préservant son équilibre et en respectant les engagements pris.

Le rapprochement entre le fonds de réserve pour les retraites et les autres systèmes de réserve que vous avez évoqués dépendra, lui aussi, des paramètres de la réforme des retraites. Il est donc encore trop tôt pour vous répondre, mais nous le pourrons à l'issue des concertations, au printemps prochain.

S'agissant de la caisse spécifique de retraite de la SNCF, le recrutement au statut de cheminot ayant pris fin, les nouvelles personnes engagées cotisent au régime général. Nous avons ainsi prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de créer un lien entre le régime général et le régime spécifique de la SNCF afin que la compensation puisse jouer. Sinon, ce dernier devrait continuer à payer des pensions alors qu'il ne perçoit plus de cotisations.

La participation de l'État à ce régime s'élève à 3,3 milliards d'euros. Du fait de la fin du recrutement au statut, nous estimons que ce besoin de financement sera divisé par deux d'ici à 2047 avant de s'éteindre en 2060. En attendant, je le répète, l'ensemble des engagements pris sera tenu pour les pensionnés d'aujourd'hui et de demain.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maud Petit.

Mme Maud Petit. J'appelle votre attention sur l'indemnité de résidence des fonctionnaires franciliens, une question dont nous avons été saisis par le SGEN-CFDT – fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale – de Paris.

Attribuée en fonction du lieu d'affectation des agents titulaires et contractuels, cette indemnité, créée en 1919, tend à corriger les inégalités de ressources en tenant compte du coût de la vie. Elle joue donc un rôle important, du fait de la flexibilité dont doivent parfois faire preuve les agents et des différences de coût du logement selon les régions.

En Île-de-France, selon les chiffres de l'INSEE, les prix des logements dépassent d'environ 9% ceux constatés en province. Or le taux de l'indemnité de résidence ne représente que 3% du traitement brut et n'a pas été réindexé depuis plusieurs années, ce qui pose la question du pouvoir d'achat de nos fonctionnaires et de la valorisation de leur travail.

Le logement en Île-de-France pose un problème sensible. Les offres sur le marché privé sont rares alors que les demandes affluent, ce qui fait s'envoler les prix. Combien de jeunes professeurs mutés à Paris, si enthousiastes à la perspective d'enseigner, sont contraints de louer une simple chambre faute de ressources suffisantes ? Combien d'infirmiers sacrifient leurs nuits pour veiller sur leurs patients avant de se priver eux-mêmes de sommeil, leur logement se trouvant à plusieurs heures de transport de leur lieu de travail, car plus loin, c'est moins cher ?

Bien évidemment, la réindexation de l'indemnité de résidence ne résoudrait pas tout, mais elle représenterait une aide précieuse au vu de la situation tendue en Île-de-France. Le logement est le principal facteur du surcoût de la vie en région parisienne. Qu'en pense le Gouvernement ? Est-il envisageable de faire évoluer cette indemnité à court terme ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Le problème de l'indemnité de résidence est bien connu puisqu'il est régulièrement soulevé par des fonctionnaires ou des agents publics parisiens, mais aussi par ceux affectés dans des territoires où les loyers sont élevés, comme en Haute-Savoie, en particulier dans le Genevois.

Nous sommes prêts à y travailler dans le cadre de notre réflexion sur les différents dispositifs indemnitaires, en tenant compte des modulations et de la loi de transformation de la fonction publique. Cela étant, nous ne pourrons compenser le surcoût des logements par la seule indemnité, notamment en région parisienne, sans porter atteinte à l'égalité de rémunération entre les fonctionnaires.

Deux pistes de réflexion s'offrent dès lors à nous. La première concerne le patrimoine immobilier de l'État. Les différents ministères disposent de droits de réserve et d'un contingent d'immeubles qu'ils peuvent mobiliser. Ces mobilisations étant inégales aujourd'hui, la direction de l'immobilier de l'État travaille à la mutualisation des systèmes pour accroître le nombre de logements disponibles.

La déconcentration des services, évoquée précédemment, est une seconde piste. Nous souhaitons faire évoluer les règles d'affectation à la sortie des écoles pour qu'elles ne bénéficient pas systématiquement à des zones très denses où le logement est donc très cher, mais aussi à des zones rurales ou périurbaines, à la faveur de la relocalisation annoncée, dans les territoires ruraux ou périphériques, d'un certain nombre de services : celle-ci pourrait ainsi contribuer à améliorer les conditions de vie de nos nouveaux agents.

J'ai déjà eu l'occasion de répondre aux organisations syndicales que nous pourrions réfléchir au problème de l'indemnité de résidence dans un cadre global, en tenant compte du coût d'une telle réforme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le futur système de retraite universel doit remplacer, à terme, les quarante-deux régimes actuels, y compris les régimes spéciaux de retraite financés par la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui se caractérise par un fort déséquilibre entre le nombre de cotisants et celui des retraités. Ces régimes, pour la plupart déficitaires et incapables de s'autofinancer, sont abondés par l'État et font donc appel à la solidarité nationale pour un montant de 6,2 milliards d'euros.

Parallèlement, d'autres régimes, principalement les régimes complémentaires des salariés du privé, des professions indépendantes et libérales, puisent dans leurs réserves financières pour honorer les engagements pris à l'égard de leurs cotisants.

Que deviendront ces réserves financières dans le futur régime, plus précisément dans le fonds de réserve universel ? Les ressortissants et les gestionnaires de ces régimes craignent que ces réserves ne soient captées pour abonder les régimes déficitaires, notamment ceux concernés par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que cette crainte n'est pas fondée et que le principe d'universalité n'est pas synonyme d'unicité ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Nous engageons, avec le haut-commissaire aux retraites et sous l'autorité de la ministre des solidarités et de la santé, la concertation sur la réforme des retraites. Nous n'allons donc pas anticiper sur leur conclusion.

Sans me lancer à cette heure dans une analyse sémantique de la distinction entre universalité et unicité, je rappellerai le principe du régime universel : un euro cotisé équivaut à un euro de droits. Ce régime n'interdit pas les exceptions, comme l'a dit le Président de la République, s'agissant par exemple des pensions de réversion ou de la politique familiale – cela représente environ 25% du montant des retraites. Mais ce principe demeure.

Vous évoquez les réserves. Rappelons qu'elles sont de différentes natures. D'un côté, certaines corporations, comme les avocats ou les infirmiers libéraux, ont constitué des réserves. D'autre part, l'État a pu abonder des régimes dits spéciaux pour les rééquilibrer. Ainsi, 5 milliards d'euros des crédits affectés au ministère de la transition écologique et solidaire sont dédiés à ces régimes spéciaux. Ce sont des subventions d'équilibre. L'instauration du régime universel devrait normalement y mettre fin – nous verrons bien l'issue des négociations.

Certaines professions considèrent qu'elles n'ont pas de problème d'équilibre. Leurs cotisations sont basses, leur démographie très favorable et leur nombre de retraités assez faible. C'est le cas, par exemple, des infirmiers libéraux et des avocats. Cependant, les régimes de certaines professions ont pu pâtir d'une démographie défavorable. La solidarité nationale a alors joué son rôle, par l'intermédiaire de l'État. M. Damaisin a évoqué le cas des marins, mais c'est aussi celui des mineurs.

Laissons, par conséquent, M. Delevoye mener ces négociations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2019