Déclaration de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, sur le projet de loi de finances pour 2020 relatif à la cohésion des territoires, à l'Assemblée nationale le 7 novembre 2019.

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Circonstance : Examen du projet de loi de finances pour 2020 à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).

(…)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, j'aimerais témoigner de la vision politique qui sous-tend le budget de la mission « Cohésion des territoires ».

Vous le savez, notre pays est engagé dans de nombreuses transitions – écologique, numérique, concernant la mobilité – qui nous imposent de prêter une attention particulière aux solidarités, notamment vis-à-vis des populations les plus modestes et des territoires les plus fragiles, sans jamais opposer les uns aux autres.

À cette fin, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et moi-même nourrissons deux ambitions principales : tout d'abord, donner à chacun les moyens de réussir partout sur le territoire ; ensuite, repenser les interactions entre l'État, les collectivités et leurs partenaires – M. le député Bazin sait combien la ministre est attentive à cette question.

Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter nous donne les moyens d'agir en ce sens. Notre stratégie suit quatre axes principaux.

Premièrement, nous entendons répondre aux attentes des citoyens et des élus en matière de rééquilibrage territorial. Cet objectif est au fondement même du ministère de la cohésion des territoires.

Permettez-moi d'insister, tout d'abord, sur le déploiement du réseau France service, que plusieurs d'entre vous ont évoqué – MM. les rapporteurs Mohamed Laqhila et Jean-Pierre Vigier, mais aussi M. le député Morel-À-L'Huissier.

M. Thibault Bazin. Et moi ! (Sourires.)

M. Julien Denormandie, ministre. Le 1er janvier 2020, 300 maisons France service seront opérationnelles. Nous augmenterons de 2,8 millions d'euros la dotation des anciennes MSAP pour faire en sorte que le panier de services qu'elles offriront soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens : vous avez bien fait d'insister sur cette nécessité, monsieur Vigier.

S'agissant, ensuite, de la téléphonie mobile, j'ai bien noté vos remerciements, monsieur Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Cela ne marche pas trop mal, il faut le reconnaître. Mais c'est le seul point positif !

M. Julien Denormandie, ministre. La téléphonie mobile, il est vrai, a connu un développement accéléré, dont témoigne le fait que 5 000 villages ou points fixes ont déjà basculé des anciennes vers les nouvelles technologies.

Que dire du numérique si ce n'est que, comme le député Vincent Descoeur, je suis très attaché à son développement en zone très rurale, notamment dans le très beau département du Cantal qui est désormais mon département de coeur ? (Sourires.) Songez que 4 millions de prises seront accessibles en 2019, soit pas moins que le double du nombre produit en 2016 et 2017 ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Ce chiffre ne concerne évidemment pas le seul département du Cantal, mais l'ensemble du territoire national. (Mêmes mouvements.)

Le rééquilibrage des territoires passe également par l'ANCT. Sa création a été décidée par le Président de la République lui-même lors de l'une des premières conférences nationales des territoires, à la suite de discussions avec l'Association des maires de France. Au moment de la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, nous l'avons définie comme une agence de projets au service des territoires et des collectivités locales. Ne l'oublions pas.

Plusieurs députés, parmi lesquels Thibault Bazin et Pierre Morel-À-L'Huissier, m'ont interrogé sur son financement. L'ANCT sera dotée en 2020 de 50 millions d'euros, dont 10 millions de crédits dédiés à l'ingénierie, et de 331 emplois.

Comme l'a noté le rapporteur spécial Laqhila, elle s'appuiera aussi – c'est important – sur les réseaux d'expertise des opérateurs déjà existants. Je pense à l'ANAH, à l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, au CEREMA, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, mais aussi aux programmes que nous avons développés, dont le plan France très haut débit – THD –, le plan action coeur de ville, la plateforme France mobile, sans oublier les dotations de soutien à l'investissement.

Le Gouvernement souhaite aussi renforcer le dispositif des pactes de développement territorial, grâce à une enveloppe de 11 millions d'euros, et le simplifier. Il renforcera les crédits alloués aux contrats de plan État-région – CPER –, stabilisés à 123 millions d'euros dans le programme 112 et à 44 millions dans le programme 135. À ce sujet, j'ai bien entendu vos recommandations aux uns et aux autres.

Notre objectif est de soutenir avec détermination les différents projets, en particulier le plan action coeur de ville. Celui-ci a permis le lancement de 4 000 actions depuis un an et demi, contrairement à ce que j'ai entendu, et toutes les conventions des villes bénéficiaires de ce programme ont été signées.

Il y a aussi le dispositif fiscal auquel j'ai l'honneur d'avoir donné mon nom, le dispositif dit Denormandie dans l'ancien,…

M. Thibault Bazin. Il manque le neuf !

M. Julien Denormandie, ministre. …dont nous espérons qu'il sera encore amélioré grâce à la discussion que nous aurons tout à l'heure au sujet des amendements.

Le député Lavergne l'a souligné, nous devons aussi étendre ce dispositif aux petites villes et aux centres-bourgs – c'est le sens de l'action de Jacqueline Gourault –, en lien avec l'agenda rural annoncé récemment par le Premier ministre, véritable plan d'action du Gouvernement,…

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Mais sans crédits supplémentaires !

M. Julien Denormandie, ministre. J'y viens : il fera l'objet d'un financement interministériel.

Les ZRR ont été évoquées par plusieurs orateurs.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Sujet très important !

M. Julien Denormandie, ministre. Souvenez-vous que Jacques Mézard, alors ministre de la cohésion des territoires, et moi-même les avons prolongées il y a deux ans, notamment dans les 3 000 communes d'exception. Nous vous proposons de proroger jusqu'au 31 décembre 2020 le classement en ZRR des communes qui devaient en sortir au 30 juin 2020,…

M. Thibault Bazin. Ça ne suffit pas !

M. Jean-Louis Bricout. Ce n'est pas assez puissant !

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Il faut surtout savoir ce que l'on fera après !

M. Julien Denormandie, ministre. …et de consacrer l'année 2020 à trouver la meilleure solution – nouvelle prorogation ou autre étape.

Le deuxième axe stratégique est la sanctuarisation, en 2020, de l'engagement du Gouvernement en faveur de la politique de la ville.

Je remercie le député Jean-Louis Bricout d'avoir rappelé les événements de Chanteloup-les-Vignes, où je me suis rendu il y a quarante-huit heures. Ils renforcent la détermination du Gouvernement à poursuivre une politique qui marche sur deux jambes, la reconquête républicaine et la réussite républicaine. Car ceux qui pâtissent des incivilités et des actes criminels sont avant tout les habitants de Chanteloup-les-Vignes ; or cette ville regorge de talents et potentiels que nous voulons accompagner.

Nous nous en donnons les moyens en doublant les crédits consacrés au renouvellement urbain, mais aussi en finançant les bailleurs sociaux et les collectivités locales. En un an, 59 000 démolitions, 46 000 reconstructions et 80 000 réhabilitations ont été menées et, au total, depuis mai 2018, 7,3 milliards d'euros ont été engagés, soit une très nette accélération.

Les cités éducatives sont un autre pilier important de notre action en faveur de la politique de la ville. Elles correspondent à un véritable projet politique pour les quartiers prioritaires, que nous défendons avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Elles feront l'objet d'un financement dédié de 100 millions sur trois ans.

Enfin, le dernier pilier de notre politique de la ville est le renforcement du lien social, à travers les crédits alloués aux associations, au dispositif adultes-relais et à la médiation. Tous ces acteurs font un boulot formidable et nous devons les accompagner. J'avais pris l'engagement, dès 2017, que le budget consacré à ces actions de la politique de la ville non seulement ne baisserait pas, mais augmenterait. Cet engagement est tenu depuis deux ans.

Troisième axe stratégique : notre attachement au modèle français du logement social. Nous reviendrons sur le versement en temps réel des APL. Il s'agit d'une réforme très importante, et d'une véritable réforme de structure, monsieur le député Morel-À-L'Huissier. Ce n'est en aucun cas une réforme budgétaire, mais une réforme qui vise à donner à chacun ce dont il a besoin au moment où il en a besoin. Comment comprendre que les APL soient aujourd'hui calculées sur le fondement des revenus perçus il y a deux ans ?

J'ai entendu les arguments du député Peu, mais il reste un grand nombre de cas dans lesquels les changements de situation ne sont pas pris en compte, comme celui, par exemple, d'une femme qui travaille à temps partiel mais qui était à temps plein deux ans auparavant. Les situations qui sont traitées le sont au moyen d'abattements qui ne reflètent pas la réalité.

D'où viennent les économies ? Mais des 500 000 emplois créés et des 300 000 chômeurs de moins depuis deux ans. N'ayons pas l'économie honteuse ! Si un retournement de cycle se produisait demain, ce qu'évidemment je ne souhaite pas, la mesure sera source non plus d'économies mais de dépenses, en assurant à nos concitoyens un filet de sécurité.

Ce budget traduit également les mesures décidées dans le cadre de l'accord d'avril 2019 entre le Gouvernement et les bailleurs sociaux, auquel le rapporteur Jolivet et la rapporteure Do ont fait allusion. Les différents points dont nous sommes convenus avec les bailleurs sociaux sont repris dans le projet de loi de finances pour 2020.

Vient enfin la rénovation, avec la transformation du CITE – crédit d'impôt pour la transition énergétique – en prime ; je n'y insiste pas, vous en avez déjà débattu.

Nous reviendrons sur le zonage au cours de la discussion, mais vous connaissez ma volonté de territorialiser la question du logement. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Plus que dix secondes, monsieur le ministre !

M. Julien Denormandie, ministre. Enfin, le Gouvernement a mobilisé 2 milliards d'euros pour les affecter à l'hébergement d'urgence et au dispositif logement d'abord. Les crédits alloués au programme concerné ont augmenté de 15 % depuis deux ans. Nous poursuivons nos efforts cette année en les augmentant de 100 millions d'euros supplémentaires. Offrir un abri est nécessaire, mais il faut aussi aider à la réinsertion en donnant à ceux qui en ont besoin une adresse et un toit.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Au total, les ambitions du budget de la mission « Cohésion des territoires » sont importantes, les défis nombreux et le cap est clair.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Ce sont des crédits qu'il faut !

M. Julien Denormandie, ministre. Nous devons maintenant travailler ensemble, pour nos territoires et pour réaliser notre devise républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. Nous en venons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes.

La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le Gouvernement sanctuarise le budget de la politique de la ville : nous ne pouvons que le constater, les chiffres sont imparables. Ce faisant, il se contente toutefois de maintenir les crédits au niveau où nous les avons placés les années précédentes.

Par ailleurs, il y a les crédits, mais il y a aussi les actes. Le Président de la République a annoncé aujourd'hui l'arrêt du projet EuropaCity. Je suis député de la huitième circonscription du Val-d'Oise – ma collègue Zivka Park, de la neuvième. Grâce à ce projet, 10 000 emplois devaient être créés à proximité des zones les plus sensibles de l'est du département ;…

Mme Mathilde Panot. À quel prix ?

M. François Pupponi. …ils disparaissent du jour au lendemain.

Cette décision met nos territoires en grande difficulté. Le groupe Auchan, à l'origine du projet, avait engagé une initiative baptisée EuropaCity compétences et visant à améliorer la formation et les compétences de nos habitants. Le projet EuropaCity pouvait être critiqué, mais nous avions décidé de le soutenir parce qu'il allait irriguer le territoire et créer des emplois.

Mme Mathilde Panot. En en détruisant d'autres !

M. François Pupponi. Il représentait 3 milliards d'euros d'investissements.

Son arrêt intervient après l'abandon du projet de décrochage du RER D, qui aurait permis aux habitants de l'est du Val-d'Oise de se rendre à Roissy pour travailler – ce qu'ils ne peuvent pas faire aujourd'hui en transports en commun faute de connexion directe –, et celui du projet d'avenue du Parisis, qui devait également permettre d'aller chercher des emplois à Roissy.

Ces décisions du Gouvernement et de diverses instances plongent les territoires dans une grande souffrance. Or la politique de la ville n'est pas seulement affaire de politiques publiques, mais dépend aussi des projets lancés par les acteurs locaux, qui favorisent les créations d'emplois et évitent aux territoires de ne vivre que des crédits de la politique de la ville – car c'est aussi cela que nous revendiquons. La rénovation urbaine et les projets de la politique de la ville sont nécessaires, ce n'est pas moi qui vous dirai le contraire, mais trouver des emplois aux habitants des territoires est la meilleure manière de parvenir à la mixité et à l'ascension sociales.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour l'est du Val-d'Oise ? (Mmes Fiona Lazaar et Zivka Park applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le député, je souscris en tous points aux idées que vous venez de développer. L'enjeu, dans les quartiers, c'est l'emploi. On ne peut accepter que le taux de chômage soit parfois, dans des territoires que vous connaissez bien, deux fois supérieur à celui qui prévaut dans le reste du pays.

Nous en avons discuté lors de la dernière séance de questions au Gouvernement. Nous avons, ce jour-là aussi, mis l'accent sur la réussite républicaine. Arrêtons de ne parler des quartiers que dans la perspective de reconquête républicaine : la réussite républicaine doit aller de pair avec celle-ci.

Mme Mathilde Panot. C'est vous qui parlez de reconquête républicaine !

M. Julien Denormandie, ministre. Et les jeunes des quartiers ne demandent pas l'aumône : ils veulent les mêmes chances de réussite que les autres, et il faut les accompagner. Cela passe par des dispositifs spécifiques, comme les emplois francs.

À ce propos, un constat que je crois partagé a été exprimé cet après-midi : le déploiement des emplois francs n'allait pas assez vite. C'est pourquoi nous avons corrigé le tir il y a quelques mois pour étendre le nombre de territoires éligibles ; nous constatons aujourd'hui qu'il faut y aller encore plus fort.

Il faut aussi lutter contre la discrimination – appelons un chat un chat. Aujourd'hui, une personne issue des quartiers a deux fois et demie moins de chances qu'une autre d'obtenir un entretien d'embauche.

Enfin, le réseau s'arrête aux frontières des quartiers ; c'est un drame, mais cela nourrit mon optimisme car cela nous oblige à l'y créer. Cela peut passer par de grands projets structurants comme celui d'EuropaCity.

Voilà qui m'amène à votre question, monsieur le député. Dans les territoires dont vous êtes l'élu, il y a évidemment bien d'autres projets qu'EuropaCity. Au sujet de celui-ci, le Président de la République a été clair, car le projet pose des problèmes d'artificialisation des sols et d'aménagement. À la suite de à son abandon, une mission a été confiée à M. Rol-Tanguy pour trouver les solutions de substitution d'aménagement permettant de continuer à accompagner ces territoires. Et c'est ce à quoi nous allons nous atteler.

M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Mon temps de parole étant limité, je veux me concentrer sur la question du logement.

La marche folle de la baisse des APL et des crédits alloués aux bailleurs sociaux se poursuit : 3 milliards d'euros seront économisés sur ces postes l'an prochain ! J'ai bien dit 3 milliards d'euros !

Ces décisions absurdes ont des conséquences directes sur la vie de millions de nos concitoyens. La dégradation du parc HLM est de plus en plus inquiétante ; on ne compte plus, dans toute la France, les immeubles dont les murs s'effritent, dont les canalisations se bouchent, dont les logements sont envahis d'insectes ou de rongeurs, dont les circuits électriques ne sont plus aux normes et où la santé et la sécurité des habitants sont gravement mises à mal. Sans parler des punaises de lit, problème mis en lumière par ma collègue Mathilde Panot.

Année après année, les rapports de la fondation Abbé Pierre se suivent et se ressemblent : le mal-logement touche de plus en plus de Français, et cela vous laisse indifférents. L'effondrement dramatique d'un immeuble à Marseille, les morts dans la rue, les expulsions qui se multiplient, les évacuations de campements de réfugiés : rien ne semble vous émouvoir.

La lutte contre l'habitat indigne ne fait pas non plus partie de vos priorités. Pire encore, vous vous apprêtez à réduire de 4 millions les crédits alloués à cette cause pourtant si nécessaire. Rien qu'en Seine-Saint-Denis, près de 30 000 logements privés sont potentiellement insalubres, les marchands de sommeil prospèrent et les familles qui vivent dans de telles conditions n'ont pas de solution de repli. Un logement social ? Il n'y en a pas assez. Un relogement temporaire ? Les dispositifs d'accueil sont tous surchargés. Un autre logement privé ? Les loyers ont explosé, les gens ne peuvent plus suivre. Alors quoi, la rue ? Pour vous, il suffit de la traverser pour trouver un travail ; faudrait-il aussi y dormir ?

Ma question est claire, monsieur le ministre : pensez-vous qu'à la fin de votre ministère les chiffres du mal-logement publiés par la fondation Abbé Pierre seront meilleurs qu'à votre prise de fonction ? Ce budget cruel, hélas, ne laisse rien présager de tel. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Ce qui est sûr, madame la députée Fiat, c'est que nous ne pourrons y arriver qu'en étant dans l'action, comme nous le sommes, et non dans l'invective, comme vous l'êtes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

Mme Caroline Fiat. Je n'étais pas dans l'invective ! Ça aurait été autre chose !

M. Julien Denormandie, ministre. Vous dites que l'on réduit tous les budgets, mais pourquoi ne pas avoir parlé des 9 milliards d'euros du plan d'investissement volontaire ? Il ne figure pas dans le budget parce qu'il est financé par Action logement, mais je crois honnête de ne pas se cantonner à un jaune budgétaire pour juger d'une politique,…

Mme Caroline Fiat. Je n'ai pas bien fait mon travail, c'est ça ?

M. Julien Denormandie, ministre. …mais de tenir compte de l'action de l'ensemble des partenaires avec lesquels l'État travaille, comme, ici, Action logement ou la Caisse des dépôts. Je vous rappelle que, grâce à elle, 16 milliards d'euros ont été réinjectés depuis deux ans dans le logement social. J'ai bien dit 16 milliards. Personne n'en parle !

Si vous additionnez les 9 milliards du plan d'investissement volontaire et ces 16 milliards, vous verrez bien à quel point l'action du Gouvernement est tournée vers la construction de logements. C'est le sens de l'accord pour le plan d'investissement volontaire que nous avons signé avec toutes les familles de bailleurs sociaux en avril 2019. Vous devriez être bien contente, comme nous, de savoir qu'il est possible, plutôt que s'en tenir à une approche purement budgétaire, de mettre en oeuvre grâce à Action logement et à la Caisse des dépôts des mesures qui permettront à vos enfants et aux miens de ne pas avoir à rembourser une dette que nous serions, sinon, en train de créer : je crois que tout le monde s'en porte mieux.

S'agissant du mal-logement, je voudrais souligner les travaux de votre collègue Mathilde Panot sur les punaises de lit, véritable fléau à propos duquel nous devons frapper vraiment très fort. Quant aux marchands de sommeil, Bénédicte Taurine sait bien, pour avoir suivi pour le compte de votre groupe tous les débats sur la loi ELAN, tout le travail que le Gouvernement a accompli, avec les membres de la majorité et d'autres députés dont Stéphane Peu, pour trouver des solutions. Vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien dans ces domaines.

Mme Caroline Fiat. Alors abondez les programmes !

M. le président. La parole est à Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai. Au contraire de ce qui vient d'être dit, je salue particulièrement l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits du programme 177, dédié à l'hébergement, au parcours vers le logement et à l'insertion des personnes vulnérables. Car il est fondamental de favoriser un accès plus direct à un logement autonome et durable grâce à des dispositifs d'accompagnement des personnes sans abri ou des mal logées. Cette stratégie dite du logement d'abord, qui a été présentée par le Président de la République à Toulouse en septembre 2017, commence à porter ses fruits grâce au travail que vous avez conduit, monsieur le ministre. Sachez que la majorité soutient pleinement cette ambition nationale et les efforts consacrés à l'accompagnement des personnes les plus vulnérables.

Nous constatons par ailleurs que le dispositif d'hébergement généraliste subit des tensions importantes, en particulier à l'arrivée de la saison hivernale. Déjà, en 2016, la commission des finances du Sénat avait rendu un rapport alarmant sur les dispositifs d'hébergement d'urgence, mettant en lumière le fait que ceux-ci étaient au bord de l'asphyxie en raison, d'une part, de la sous-budgétisation chronique des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence et, d'autre part, d'une demande sans cesse en progression sous l'effet de la crise économique et de la hausse du nombre de demandeurs d'asile. Le rapporteur du Sénat avait également dressé le constat d'une politique publique soumise à de fortes tensions et reposant sur une administration et des structures associatives qui souffraient à l'époque d'un manque de pilotage. Au vu de ce constat, nous avons revalorisé les budgets en loi de finances pour 2018 et pour 2019, ce qui a permis d'apporter d'importantes améliorations à l'hébergement d'urgence.

Hélas, l'urgence est encore là. Monsieur le ministre, pourriez-vous donc détailler la stratégie que vous comptez mettre en oeuvre pour l'hébergement d'urgence et les moyens qui y sont consacrés dans le présent projet de loi de finances ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Question téléphonée !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vous remercie, madame la députée, de ce que vous faites dans votre territoire, à Trappes, mais aussi au sein du groupe formé par les parlementaires La République en marche qui travaillent sur le sujet, dont votre collègue Nicolas Démoulin, assis juste derrière vous.

La politique de l'hébergement d'urgence marche sur deux jambes. L'une est la gestion de l'urgence, à laquelle étaient déjà consacrés 2 milliards d'euros dans le budget précédent, dans le cadre de la sincérisation des comptes que vous avez évoquée, et qui bénéficie de 55 millions supplémentaires dans le présent budget, afin d'ouvrir plus de places et de pérenniser les 6 000 que nous avions annoncées l'année dernière, tout en renforçant l'accompagnement qui, après la mise à l'abri, fait partie intégrante de l'hébergement d'urgence.

L'autre, c'est le plan logement d'abord, doté de 45 millions d'euros de financements supplémentaires afin de renforcer les structures d'accueil adaptées telles que les intermédiations locatives, les pensions de famille, aux PLAI – les prêts locatifs aidés d'intégration – adaptés. Je salue le fait que notre travail avec les bailleurs sociaux ait conduit ces derniers à décider d'augmenter leur contribution au FNAVDL – le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement.

La politique du logement d'abord a permis l'année dernière de faire sortir 70 000 personnes d'habitats très précaires ou de la rue, soit une augmentation de 20% par rapport à l'année précédente. Cela confirme que si fournir un abri est indispensable, ce n'est pas suffisant pour permettre la réinsertion des publics en détresse. D'où la nécessité de marcher sur deux jambes, comme nous le faisons en augmentant les crédits et de l'hébergement d'urgence et du logement d'abord. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Ce troisième budget du quinquennat, à la baisse, notamment concernant la construction, menace l'un des rares secteurs qui tire la croissance dans notre pays. Alors que nous devrions adapter nos dispositifs aux problèmes qui se posent d'une façon différenciée selon les territoires, nous constatons des reculs.

Premier recul : l'abrogation de l'APL accession dès 2020. Le dispositif a pourtant fait ses preuves en aidant les primo-accédants, notamment en milieu rural. Cette mesure empêchera nombre de ménages d'accéder à la propriété, une véritable injustice pour des dizaines de milliers de foyers modestes.

M. Thibault Bazin. C'est vrai !

M. Éric Pauget. Autre recul : la disparition du PTZ neuf en zones B2 et C, qui ne représente qu'une économie budgétaire de 31 millions d'euros, contraindra plus de 10 000 ménages à renoncer à leur parcours résidentiel et menacera des milliers emplois directs et indirects tout en privant l'État de recettes fiscales importantes.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Ça, c'est sûr !

M. Thibault Bazin. C'est vrai !

M. Éric Pauget. Enfin, j'évoquerai l'état préoccupant du marché de logements locatifs privés. En effet, la loi n'encourage pas assez les propriétaires – et « propriétaires » n'est pas un gros mot – à mettre leurs biens sur le marché. Aussi constate-t-on une pénurie de logements qui affecte particulièrement nos concitoyens modestes. Il serait donc nécessaire de développer le marché de logements locatifs privés par des mesures incitatives. J'en proposerai deux : l'exclusion de l'assiette de l'IFI – l'impôt sur la fortune immobilière – des biens immobiliers mis en location pour une résidence principale lorsqu'existe un encadrement des loyers ; la déduction de l'assiette et du calcul de l'IFI de la totalité de la valeur de la résidence principale. Car nombreux sont les contribuables propriétaires de leur résidence principale qui gagnent peu et appartiennent à la classe moyenne de notre pays.

Ma question sera simple : à l'heure où notre pays décroche un double record historique et européen d'impôts et de charges sociales en pourcentage du PIB, allez-vous soutenir un secteur économique qui souffre et mener une politique de relance de la construction en favorisant l'accès de nos concitoyens à l'acquisition de logement et à la propriété ? N'oublions pas, monsieur le ministre, que quand le bâtiment va, tout va ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Très bien !

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vous remercie de votre question, monsieur le député Pauget, car elle me permet d'affirmer très fortement que le secteur du bâtiment est un secteur essentiel pour notre économie. Il est créateur d'emplois et tout le travail que nous menons depuis deux ans et demi va lui faire prendre un véritable tournant en matière d'innovation. Ainsi, nous avons complètement réécrit le code de la construction par la loi ELAN…

M. Thibault Bazin. Le BIM !

M. Julien Denormandie, ministre. …pour mettre au centre l'innovation, le BIM – de building information modeling, ou modélisation des données du bâtiment – cher au député Bazin. Cela va permettre de soutenir encore mieux le secteur.

Deuxièmement, vous avez raison : « propriétaires » n'est pas un gros mot. Je l'ai toujours dit, j'aime autant les propriétaires que les locataires. Il ne s'agit pas pour moi d'être plus pour les uns que pour les autres, mais de les réconcilier. Je suis le ministre autant des propriétaires que des locataires et l'une de mes plus grandes fiertés est que jamais personne n'a réussi, depuis ma prise de fonction, à me ranger dans un camp ou dans l'autre. C'est peut-être cela, le « en même temps » ! (Sourires sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Au risque de n'avoir aucun camp avec soi !

M. Julien Denormandie, ministre. Le troisième point que vous avez évoqué est essentiel : c'est la lutte contre la vacance. Vous me demandez si on ne peut pas inciter des propriétaires à mettre leur logement sur le marché par des mesures spécifiques, mais nombre de dispositifs incitatifs existent déjà. Prenez le Pinel ou le Denormandie dans l'ancien : il s'agit bien de dispositifs favorisant l'investissement locatif des propriétaires en contrepartie d'une réduction d'impôt sur le revenu. Vous préconisez pour votre part une réduction par le biais de l'IFI. Mais le problème est à mon avis beaucoup plus profond : si le bien n'était pas vacant, il ferait gagner de l'argent à son propriétaire. Le problème n'est donc pas seulement financier. Et j'en appelle au sentiment citoyen de tous les propriétaires concernés :…

M. Thibault Bazin. Il y a aussi celui des locataires !

M. Julien Denormandie, ministre. …on ne peut pas, aujourd'hui, dans notre pays, détenir des logements vacants. Je leur rappelle qu'ils peuvent être accompagnés dans leurs travaux de rénovation si nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Je souhaitais interroger Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur l'avenir des zones de revitalisation rurale, mais je ne doute pas que M. le ministre chargé de la ville et du logement, qui a évoqué le sujet il y a quelques instants à la tribune, saura m'apporter des réponses – aujourd'hui ou dans les prochains jours.

Le dispositif des ZRR apporte, on le sait, un concours précieux…

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Très important !

M. Vincent Descoeur. …au développement économique des territoires ruraux sous forme d'exonérations fiscales ou sociales, mais il doit prendre fin au 31 décembre 2020.

Il va de soi que sa fin programmée inquiète à juste titre de nombreuses communes, qui ont pu mesurer concrètement son utilité,…

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Vincent Descoeur. …d'autant qu'à cette heure aucun dispositif de substitution n'a été proposé.

M. Thibault Bazin. C'est inquiétant !

M. Vincent Descoeur. Une mission sénatoriale s'est récemment saisie de cette question et a conclu à la nécessité de prolonger le dispositif avant de procéder à une refonte des critères, notamment pour y ajouter des critères de fragilité. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que le dispositif ZRR sera financé dans sa forme actuelle pour l'année 2020, y compris pour les 4 074 communes appelées à en sortir en juillet ?

Je souhaite également savoir comment le Gouvernement compte faire évoluer le dispositif et quels moyens il compte consacrer à l'outil qui en prendrait le relais, étant entendu que le temps nécessaire à la définition d'un nouveau zonage et de nouveaux critères nécessiterait, a minima, une prorogation du dispositif actuel jusqu'au 31 décembre 2021.

M. Thibault Bazin. Il a raison : jusqu'à la fin de l'année 2021 !

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Vous soulevez une question essentielle que nous avions déjà eu l'occasion – à votre initiative, notamment – d'aborder il y a deux ans avec Jacques Mézard. Le dispositif ZRR est important pour de nombreuses communes – pour les 4 074 que vous avez mentionnées,…

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. Et pour les autres !

M. Julien Denormandie, ministre. …mais également pour les autres, exactement –, en raison des avantages qu'il procure et de l'accompagnement auquel il donne accès.

Vous demandez si nous continuerons à appliquer les mesures existantes en ZRR aux communes qui devaient sortir du dispositif au 31 juillet prochain. La réponse est oui : ces mesures seront prolongées jusqu'au 31 décembre 2020 – et non 2021. C'est le sens de l'amendement adopté, me semble-t-il, par la commission des finances, et soutenu par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Vigier, rapporteur pour avis. C'est un premier pas : c'est une bonne chose !

M. Julien Denormandie, ministre. Cela signifie qu'il nous reste un an pour déterminer, avec les élus, la marche à suivre. En l'occurrence, quel est l'enjeu ? Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : nous sommes tous d'accord sur le principe d'une révision du périmètre du dispositif ZRR, mais, dès lors que cette révision supposera de désigner des entrants et des sortants, la collégialité initiale disparaîtra. C'est pour cette raison que l'on a toujours décidé, d'année en année, de prolonger le bénéfice de ces mesures.

L'engagement de Jacqueline Gourault, que je partage, consiste à repousser la fin du classement ZRR actuel au 31 décembre 2020, et à consacrer ce délai à travailler avec les élus locaux et les députés pour concevoir un bon dispositif. Gardons cependant à l'esprit que, s'il est très simple d'afficher la volonté de revoir la géographie d'un dispositif, il est méchamment plus compliqué de le faire – c'est ce que nous ferons en 2020, si vous en êtes d'accord.

M. Thibault Bazin. Nous n'avons jamais participé aux réunions au ministère ! Le Gouvernement ne parle qu'à la gauche… (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Il y a quelques heures, le Conseil constitutionnel a validé la loi relative à l'énergie et au climat, actant ainsi l'inscription dans notre droit de l'urgence écologique et climatique. Nous avions, avec d'autres collègues, défendu l'amendement allant en ce sens : c'est donc un motif de satisfaction.

Faire de l'urgence écologique et climatique le pilier de la politique énergétique de la France comporte de lourdes implications pour la politique de l'habitat. Le logement pèse en effet pour 25 % dans la consommation énergétique du pays, et nous nous sommes fixé pour objectif d'atteindre la neutralité carbone du parc de logements à l'horizon 2050.

Dans l'immédiat, nous partageons la priorité affichée de supprimer les 7 millions de passoires thermiques – ces fameux logements classés F ou G –, tant pour des raisons climatiques que pour lutter contre la précarité énergétique des ménages. Ainsi, le budget du logement va, de plus en plus, devenir également le budget de la rénovation énergétique.

À cet égard, je dois vous faire part, monsieur le ministre, de la déception du groupe Socialistes au vu du décalage entre les moyens mobilisés et l'objectif affiché. Alors que tous les spécialistes s'accordent à dire que 10 à 12 milliards d'euros seraient nécessaires chaque année pour assurer la transition écologique de l'habitat, la transformation du CITE ne porte que sur quelques centaines de millions d'euros.

Afin d'atteindre le double objectif de transition énergétique et de réduction de la précarité énergétique des ménages, le groupe Socialistes soumettra au débat, à la fin du mois, une proposition de loi ambitieuse visant à mobiliser 300 milliards d'euros sur trente ans pour atteindre l'objectif fixé dans la loi relative à l'énergie et au climat. Nous avons d'ailleurs hâte d'en débattre avec vous.

Dans cette attente, nos travaux ont fait ressortir la difficulté, pour votre ministère comme pour l'ADEME et les autres acteurs, d'évaluer précisément les coûts de passage d'une classe de performance énergétique à une autre. Est-il possible d'envisager un travail interministériel, impliquant vos opérateurs publics, pour définir une matrice de référence en la matière ?

Enfin, la loi énergie et climat prévoit la révision des diagnostics de performance énergétique – DPE –, qui jouent désormais un rôle central. Qu'en est-il de l'opposabilité juridique de cette disposition ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Je partage totalement votre ambition, monsieur le député. Nous avons eu l'occasion d'en débattre à de multiples reprises.

Vous mentionniez le chiffre de 7 millions de passoires thermiques. N'oublions pas que, dans le parc privé, un locataire sur deux vit dans une passoire thermique : telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Face à cette situation, nous disposons de deux leviers d'action. Le premier consiste à réduire le reste à charge. C'est pour cette raison que nous transformons le CITE en prime : il est inacceptable que les ménages, notamment les plus modestes, attendent un an et demi avant de recevoir le soutien financier de l'État à leurs travaux.

Le second enjeu est l'accompagnement – ce qui rejoint la question que vous avez soulevée. Il existe en effet de nombreux trous dans la raquette. Je me souviens par exemple des amendements que vous avez vigoureusement défendus à propos de la lutte contre la précarité énergétique dans les copropriétés. Dans ce domaine, nous apporterons des solutions. À compter de 2021, l'ANAH permettra par exemple aux propriétaires bailleurs habitant en copropriété de devenir éligibles aux dispositifs d'aide à la rénovation énergétique.

Nous devons également prendre en considération – c'est le sens de votre question – le besoin d'un continuum, et la nécessité d'accompagner les résidents pour qu'ils connaissent non seulement le coût, mais également le gain attaché au passage d'une classe de performance énergétique à une autre.

Le DPE n'a pas fait l'objet de débats dans le cadre du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, mais dans le cadre de la loi ELAN. Souvenez-vous : nous avons fait en sorte, à cette occasion, que le DPE devienne opposable aux vendeurs et aux bailleurs à partir de 2021. Ayons conscience du progrès que cela représente : pour l'heure, il est très compliqué d'accompagner des personnes qui ne peuvent pas être certaines de la classe de performance énergétique à laquelle appartient leur logement, justement parce que le DPE n'est pas opposable. À compter de 2021, pour répondre à votre question, il le sera.

M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Monsieur le ministre, la cohésion des territoires, c'est bien, mais cela passe d'abord par l'écoute du terrain. Je vous propose donc d'entendre trois exemples – parmi d'autres – de doléances des habitants de l'ouest de l'Hérault.

Concernant d'abord les transports, Béziers se trouve, depuis les récentes inondations, comme coupé du reste du monde : plus aucun train ne roule entre Béziers et Sète. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir alerté le Gouvernement, depuis des mois et des années, sur la nécessité de construire une ligne à grande vitesse pour pallier les défaillances et la saturation de la voie ferrée actuelle.

S'agissant ensuite de la sécurité, le 31 octobre, à La Devèze, un quartier prioritaire de la politique de la ville à Béziers, une école entière était incendiée. J'aurais d'ailleurs aimé vous entendre vous exprimer à cette occasion aussi fermement que vous l'avez fait pour l'incendie du cirque de Chanteloup-les-Vignes. Près de 300 enfants ont été privés de rentrée lundi, dans une quasi-indifférence ministérielle, et il nous aura fallu attendre une semaine pour que M. Nunez daigne se déplacer pour constater l'étendue des dégâts – il sera demain à Béziers, ce dont je me réjouis. On le sait, monsieur le ministre : sans sécurité, les rénovations urbaines n'ont pas de sens. Il nous faut donc renforcer la sécurité dans ces quartiers où une poignée de voyous pourrit au quotidien la vie de milliers d'habitants.

Pour ce qui est de la formation, enfin : alors que Montpellier concentre à elle seule 78 % des étudiants de l'académie, Béziers n'en accueille que 1,4%. La fréquentation de l'antenne décentralisée de l'université Paul-Valéry à Béziers n'atteint toujours que la moitié de sa capacité. De même, l'institut universitaire de technologie – IUT –– de Béziers, que fréquentent 510 étudiants, aurait la capacité d'en accueillir près de 800, mais ne peut pas le faire, faute de crédits pour recruter des professeurs. La demande de formation dans le Biterrois est pourtant croissante. Monsieur le ministre, 10 000 étudiants de moins à Montpellier ne changeraient rien à la métropole. Avec 10 000 étudiants supplémentaires à Béziers, en revanche, vous changeriez la ville.

Si vous souhaitez réellement sortir du tout métropole et donner leur chance aux villes moyennes, comme vous l'avez fait avec le plan action coeur de ville – pour lequel Béziers vous remercie –, les bonnes idées sont légion : il suffit d'un peu de budget et d'une bonne dose de volonté politique. C'est cette volonté que les Biterrois attendent de vous.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. La ville de Béziers relève effectivement du dispositif action coeur de ville, qui mobilisera 5 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat. Comme je l'indiquais tout à l'heure, 700 millions d'euros ont déjà été engagés ou décaissés, pour 4 000 actions menées. Ce programme est essentiel : nous déployons enfin une politique entièrement dédiée aux villes dites moyennes – je déteste ce terme, mais c'est ainsi qu'elles sont désignées –, c'est-à-dire aux villes de taille moyenne, qui présentent un énorme potentiel, et dont nous avons, depuis le premier jour, voulu faire un axe fort de notre action.

Votre question porte sur le volet universitaire de l'accompagnement, qui ne relève pas à proprement parler du budget de la mission « Cohésion des territoires ». J'évoquerai donc ce point avec la ministre Vidal. Vous voyez bien, toutefois, que la vision politique du Gouvernement – qui est aussi la mienne – est très claire.

Je condamne par ailleurs avec la plus grande fermeté – la même que celle que j'ai exprimée à Chanteloup-les-Vignes – les actes qui ont visé l'école des Tamaris à Béziers. La reconquête républicaine est un impératif, notamment dans les villes, où il nous faut absolument lutter contre l'insécurité.

Mme Caroline Fiat. Vous voyez, c'est vous qui parlez de reconquête républicaine toutes les trente secondes !

M. Julien Denormandie, ministre. En revanche, notre position diffère en ce que j'estime que cette reconquête républicaine ne peut qu'aller de pair avec la réussite républicaine, qui suppose une politique d'accompagnement spécifique. Or lorsque je vois les amendements déposés par certaines personnes – dont on ne peut pas dire qu'elles appartiennent au même groupe que vous, puisqu'elles sont comme vous non inscrites, mais qui vous sont, disons, apparentées –,…

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne suis responsable que de moi-même, monsieur le ministre !

M. Julien Denormandie, ministre. …qui ne proposent qu'une chose, la suppression des crédits alloués à la réussite républicaine dans nos quartiers, cela me gêne. Je ne dis pas que c'est vous,…

Mme Emmanuelle Ménard. Car ce n'est pas moi !

M. Julien Denormandie, ministre. …mais ce sont des personnes géographiquement proches de vous.

Mme Emmanuelle Ménard. Elles ne sont pas là !

M. Julien Denormandie, ministre. Vous m'avez compris. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Thibault Bazin. Ah, la politique politicienne… Cela ne vous ressemble pas, monsieur le ministre !


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 19 novembre 2019