Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à France-Info le 4 septembre 2019, sur les urgences médicales, l'accueil des personnes âgées dans les hôpitaux et les violences conjugales.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Agnès BUZYN

AGNES BUZYN
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Une mesure annoncée hier lors du Grenelle contre les violences vous concerne directement puisque les femmes, toutes les femmes victimes de violences auront bientôt la possibilité de porter plainte directement à l'hôpital. Comment ça va se passer ?

AGNES BUZYN
Alors nous commençons à travailler cette mesure puisqu'elle a été annoncée hier. Il y a des conventions qui existent aujourd'hui entre certains hôpitaux, des services de police et ça nécessite d'être déployé dans tous les services d'urgence. Aujourd'hui ça n'est pas le cas absolument partout. Donc nous allons prendre les initiatives qui fonctionnent sur le terrain et nous allons renforcer en fait cette nécessité de mieux travailler ensemble et de permettre effectivement aux femmes lorsqu'elles sont à l'hôpital de porter plainte sans avoir à se déplacer vers le service de police. Donc c'est un travail qui débute.

MARC FAUVELLE
C'est le policier ou la policière ou le gendarme d'ailleurs qui viendra à elles.

AGNES BUZYN
Absolument. Nous allons travailler avec le ministère de l'Intérieur pour mettre en oeuvre cette mesure de façon effective sachant qu'il y a déjà des expérimentations et que des conventions existent déjà entre certains hôpitaux. Ce sont aujourd'hui des très gros hôpitaux, souvent des CHU, qui ont conventionné avec les services de police et nous devons déployer cette mesure pour faciliter la vie des femmes. Ça sera fait dans les mois qui viennent.

RENAUD DELY
C'est une mesure qui semble évidemment de bon sens mais qui inquiète pour autant certains personnels hospitaliers. Je vous propose d'écouter Frédéric ADNET qui est le chef des Urgences à l'hôpital Avicenne à Bobigny en Seine-Saint-Denis.

PR FREDERIC ADNET, CHEF DU SERVICE DES URGENCES DE L'HOPITAL AVICENNE DE BOBIGNY
On ne peut pas transformer les urgences d'un hôpital public en commissariat. Il est pour moi essentiel de conserver une véritable étanchéité entre la médecine et les forces de police.

RENAUD DELY
Est-ce que ça signifie qu'il y aura des policiers dans tous les hôpitaux ?

AGNES BUZYN
Non, certainement pas et je comprends tout à fait l'avis de ces soignants. D'abord on ne peut pas augmenter le travail ou surcharger le travail des soignants à l'hôpital, notamment dans les services d'urgences. Donc on comprend bien que ça doit s'organiser pour que ce ne soit pas du travail en plus pour les soignants, et on ne doit pas transformer effectivement des box d'urgence en commissariat de police. Donc tout ça doit être réfléchi et mis en œuvre de façon concertée avec les soignants.

MARC FAUVELLE
Ça se fera, pardon d'être très concret, dans une pièce à part ?

AGNES BUZYN
Oui. Ça doit s'organiser…

MARC FAUVELLE
A l'abri des regards, des oreilles ?

AGNES BUZYN
Absolument. Ça doit être à distance notamment des regards des autres malades. Enfin, on voit bien que ça nécessite quand même d'être organisé et tous les services aujourd'hui ne sont pas en capacité de le faire. Donc on va partir des expériences qui ont déjà été mises en œuvre pour voir comment le déployer partout en France.

MARC FAUVELLE
Agnès BUZYN, on parle de l'hôpital. Ce sont désormais quasiment la moitié des services d'urgence qui sont impactés par la grève en France. Est-ce que vous vous êtes dépassée par ce mouvement ?

AGNES BUZYN
Alors ce n'est pas tout à fait vrai. Je ne veux pas faire une bataille de chiffres. Aujourd'hui les chiffres que j'ai venant des agences régionales de santé, c'est qu'il y a autour de deux cents services en grève.

MARC FAUVELLE
Sur ?

AGNES BUZYN
Sur six cent quarante à peu près.

MARC FAUVELLE
Un petit tiers d'après vos chiffres. Les chiffres syndicaux évoquent quasiment la moitié, voilà.

RENAUD DELY
Vous voulez dire que le mouvement recule à vos yeux ?

AGNES BUZYN
Non, non. Certainement pas, non. Je ne dis pas qu'il recule, je dis simplement qu'on n'a pas exactement les mêmes chiffres mais ça n'est pas grave, ça n'est pas le sujet. Aujourd'hui je fais des annonces pour transformer la vie des soignants parce que j'ai parfaitement entendu les difficultés qu'exprime notamment le collectif Inter-Urgences, c'est-à-dire des difficultés à trouver le temps de soigner, des incivilités auxquelles ils ont à faire face. Ils ont besoin de retrouver du sens dans leur travail, c'est-à-dire d'avoir le temps de prendre en charge correctement les gens et clairement les urgences aujourd'hui sont débordées. Je ne veux pas revenir sur le constat ; je crois que le diagnostic il est fait, il est partagé, les Français le connaissent. Aujourd'hui mon objectif, c'est de recentrer les urgences sur là où elles sont utiles, c'est-à-dire pour les cas les plus graves. Faire en sorte que nos concitoyens qui accèdent aux urgences aujourd'hui parce qu'ils ne trouvent pas de médecin puissent avoir des alternatives et puissent ne pas aller aux urgences quand ils ont la possibilité d'aller ailleurs, et je vais leur faciliter la vie pour pouvoir aller ailleurs et être pris en charge aussi bien que dans un service d'urgences. Et puis je veux faire en sorte qu'au sein des services, ils aient plus de facilité à coucher les malades. On voit bien la difficulté des soignants de trouver des lits, et donc là nous allons organiser tous les hôpitaux pour qu'ils réservent un certain nombre de lits chaque jour, où on est capable de définir chaque jour dans les services de combien de lits on aura besoin. Et ça, ça va s'organiser de façon à ce que les soignants aux urgences ne passent pas leur temps à courir derrière des places pour coucher les malades.

MARC FAUVELLE
Agnès BUZYN, des personnes âgées qui restent pendant des heures et des heures sur des brancards, ce sera bientôt fini à l'hôpital.

AGNES BUZYN
Absolument.

MARC FAUVELLE
Vous en prenez l'engagement.

AGNES BUZYN
Alors je prends l'engagement, et c'est une des mesures fortes qui est aussi en lien avec la loi sur le grand âge. Parce que je suis aussi alertée sur le fait que souvent les personnes âgées décompensent, s'aggravent lors d'une hospitalisation parce qu'elles passent aux urgences, parce qu'elles attendent sur un brancard, parce qu'elles sont prises en charge dans des conditions trop longues, trop lentes et elles passent trop de temps à l'hôpital alors qu'elles devraient très vite retourner à domicile. Et donc je veux faire en sorte qu'il y ait une filière de prise en charge organisée et ça se fait dans certains hôpitaux et donc je parle…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire une personne âgée qui arrive aux urgences emmenée par sa famille ou par une ambulance, on lui dit quoi ? On l'emmène où ?

AGNES BUZYN
Alors aujourd'hui justement, on prévient l'arrivée des personnes âgées aux urgences. Il y a beaucoup de cas où ça n'est pas nécessaire. Mais les personnes notamment en EHPAD étant un peu démunies devant une personne âgée qui chute, vont l'emmener aux urgences. Donc maintenant, nous allons installer une vidéo assistance dans tous les EHPAD avec les SAMU de façon à ce qu'il y ait des conseils aux infirmiers et aux infirmières en EHPAD. J'étais à Poitiers lundi et ça fonctionne. Ils me montrent les photos des chutes et ils sont capables de dire aux soignants : non, cette plaine n'est pas grave ; vous mettez juste un pansement, ce n'est pas la peine de l'emmener aux urgences. Ça facilite la vie des soignants en EHPAD, ça évite des hospitalisations inutiles et je veux que lorsqu'il y a besoin d'hospitaliser une personne âgée qui est connue dans l'hôpital parce qu'elle a une maladie chronique, elle ne passe pas par les urgences : elle soit prise en charge directement dans le service qui doit la prendre en charge.

RENAUD DELY
Mais Agnès BUZYN, on va retomber là sur la question des moyens. Est-ce que les hôpitaux ont suffisamment de lits, donc hors des services d'urgence, pour accueillir ces personnes âgées ?

AGNES BUZYN
Alors force est de constater que lundi à Poitiers, j'ai vu effectivement un service qui est en charge de la gestion des lits. Donc c'est un service qui a dans des écrans tous les lits disponibles dans l'hôpital et il y a impossibilité dans les services de garder ces lits pour leurs propres malades. Donc ces lits, ils sont mis à disposition des urgences. Chaque jour, l'hôpital sait exactement combien de lits sont nécessaires. Il y a quatre personnes à Poitiers qui travaillent uniquement à décharger les urgences du fait de trouver un lit. Et donc ça s'organise, ces logiciels existent. Je vais équiper tous les hôpitaux de ce système de gestion de lits avec des personnes dédiées et nous allons réserver des lits pour que les soignants aux urgences soient enfin déchargés de cette tâche. Ce que voudrais que vous compreniez aujourd'hui et que nos concitoyens comprennent, c'est qu'il y a une surchauffe aux urgences. Il y a une augmentation de l'activité de 3 à 5% par an depuis des années. Les moyens ont été mis. En réalité les moyens ont suivi…

RENAUD DELY
Mais le mouvement continue, le mouvement de grève continue depuis six mois.

AGNES BUZYN
Je voudrais terminer juste. Et donc les moyens ont suivi. Et pour autant, le malaise s'accentue et la fièvre monte dans les urgences.

MARC FAUVELLE
Alors pourquoi ?

AGNES BUZYN
Et donc, je veux ne pas traiter uniquement le symptôme. C'est-à-dire que je cherche aujourd'hui des solutions pérennes, un traitement de fond au mal-être des urgences. Pas seulement faire baisser la fièvre c'est-à-dire pas seulement…

MARC FAUVELLE
Agnès BUZYN, ça passera par d'autres annonces budgétaires ou tout est déjà sur la table ?

AGNES BUZYN
Non, non. Lundi je ferai des annonces supplémentaires. Là j'ai simplement annoncé ce qui correspondait à ma visite de Poitiers, c'est-à-dire ce qui fonctionnait à Poitiers.

RENAUD DELY
Des hausses de salaires, des créations de postes ?

AGNES BUZYN
Donc il y aura… Mais par exemple, on voit dans certains services que le problème… Dans certains hôpitaux que le problème, c'est l'aval des urgences, c'est-à-dire le fait que les urgences ont beaucoup de malades et ne sont pas en capacité de les faire hospitaliser. Il y a certains services où il va falloir remettre des moyens. Ce n'est pas forcément aux urgences.

RENAUD DELY
Créer des postes.

AGNES BUZYN
Et donc éventuellement des postes et des moyens mais fléchés.

MARC FAUVELLE
Des postes créés ou redéployés, Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
Non.

MARC FAUVELLE
Créés.

AGNES BUZYN
Créés. Et il y a évidemment… Et j'en ai créé aussi cet été. Cet été j'ai mis des moyens pour pouvoir recruter du personnel là où il en manquait. Et puis il y a des endroits où il faudra des gestionnaires de lits. Ça, ce sont des postes. Et donc on voit bien que sur toute la chaîne de prise en charge, il y aura besoin d'inventer des dispositifs nouveaux ou d'utiliser ceux qui fonctionnent déjà, de mettre des moyens là où il y a besoin. Et les besoins sont différents d'un hôpital à l'autre.

MARC FAUVELLE
Dans un instant, Agnès BUZYN, on va tenter d'y voir un peu plus clair sur la réforme des retraites. Il y a du boulot comme dirait Renaud DELY parce qu'on n'y comprend plus rien. (…)
- La réforme des retraites, Agnès BUZYN, est-ce qu'on est d'accord tout d'abord pour dire que les Français doivent se préparer à travailler davantage, plus longtemps pour conserver le montant de la retraite qu'ils avaient jusqu'à présent ?

AGNES BUZYN
Alors…

MARC FAUVELLE
Alors, on va repartir de loin.

AGNES BUZYN
On va repartir de loin, on va repartir du rapport de Jean-Paul DELEVOYE, Jean-Paul DELEVOYE a fait un travail extraordinaire pendant deux ans, il a énormément consulté, il a bâti un système de retraite différent de celui qu'on a aujourd'hui, mais qui est plus équitable et qui prend en compte certaines inégalités aujourd'hui, notamment les personnes qui ont des carrières hachées et la carrière des femmes, il repense aussi les droits familiaux, on voit bien que les familles ont changé, et donc il nous a construit un système cible de retraite qui est un très beau système.

RENAUD DELY
Et il entre au gouvernement, précisément, Jean-Paul DELEVOYE, pour gérer ce dossier, et vous aviez besoin de renfort, vous aviez sollicité ce renfort ?

AGNES BUZYN
Ah oui, nous en parlons depuis longtemps. Jean-Paul DELEVOYE et moi, ça fait longtemps que nous discutons de son entrée à mes côtés au gouvernement pour porter cette réforme, pourquoi, j'ai souhaité d'abord qu'il soit tranquille pendant deux ans, et je crois que c'était bien qu'il fasse ce travail quelque part un peu dans l'ombre pour ne pas être exposé en permanence comme un membre du gouvernement, comme un ministre, aujourd'hui, on a besoin de…

MARC FAUVELLE
Maintenant, il est au front, comme vous…

AGNES BUZYN
Maintenant, il est au front, et il va mener les concertations qui démarrent demain avec tous les syndicats. Nous allons également organiser – ça va être son travail – une concertation citoyenne avec, voilà, un regard sur les propositions concrètes qui ont été mises sur la table, dont l'âge pivot, l'âge pivot fait partie du rapport de Jean-Paul DELEVOYE, et l'âge pivot, c'est l'âge d'équilibre du système, l'âge l'équilibre financier.

MARC FAUVELLE
L'âge pivot à 64 ans, qui était la solution que prônait Jean-Paul DELEVOYE, est-ce que c'est la solution qui va être retenue, une solution parmi d'autres, ou est-ce que c'est terminé depuis qu'Emmanuel MACRON a dit que ce n'était pas sa préférence ?

AGNES BUZYN
Alors, ça n'est pas terminé en ce sens que, ce qu'a dit le président de la République, c'est que si on mettait en place une réforme uniquement par points, avec cet âge pivot ou pas, on ne prenait pas en compte la difficulté d'être juste avec les gens qui ont des carrières longues, et l'idée du président de la République, c'est qu'on doit prendre en compte aussi la durée de cotisations, parce que quand on commence à travailler à 16 ans, il est évident, souvent, ce sont des métiers pénibles, ce sont souvent des métiers manuels, même si la carrière des gens peut changer, mais quand on commence à travailler en 16 ans, c'est que, généralement, on n'a pas fait d'études, et donc il faut tenir compte de ces carrières longues, et ne pas obliger des gens qui commencent à travailler à 16 ans d'aller jusqu'à 64 ans. Donc le président…

MARC FAUVELLE
Donc il y aura peut-être une forme de mix entre toutes ces mesures, on pourra jouer sur le levier de la durée de cotisations et sur le levier de l'âge de départ à la retraite.

AGNES BUZYN
C'est exactement la question qui nous est posée, c'est comment…

MARC FAUVELLE
C'est exactement la question que je vous pose…

AGNES BUZYN
Et sur laquelle nous travaillons, c'est-à-dire comment on fait coexister, comment on tient compte à la fois de la durée et à la fois d'un système par points, qui est celui proposé par Jean-Paul DELEVOYE, et c'est ce qui va être discuté à partir de demain avec les partenaires sociaux.

RENAUD DELY
Ça signifie, pour être bien clair, Agnès BUZYN, que l'idée d'un âge pivot à 64 ans pour toucher une retraite à taux plein, un âge pivot universel, pour tout le monde, cette idée-là, elle est enterrée ?

AGNES BUZYN
Elle est sur la table, elle va être discutée, mais clairement, il y a des personnes, et c'est ce qu'a dit le président de la République, qui vont devoir travailler un peu moins, parce qu'ils ont commencé beaucoup plus tôt, il y a aussi des métiers dont la pénibilité, nous le savons, implique des départs anticipés, donc cet âge, cette réforme, elle est universelle, c'est-à-dire que le système est pensé de façon uniforme, si je puis dire…

MARC FAUVELLE
Mais tout le monde n'aura pas forcément le même âge pivot pour toucher une retraite à taux plein…

AGNES BUZYN
Ce que je veux expliquer aux Français, c'est d'où sort cette idée de l'âge pivot, ce n'est pas une idée dogmatique, c'est qu'en réalité, on s'est rendu compte que si on veut que notre système soit à l'équilibre financier, c'est-à-dire qu'on soit en capacité de payer les pensions de retraite des retraités, ne pas augmenter la cotisation des actifs, ne pas faire peser sur les actifs encore plus de charges, nous avons besoin que les Français travaillent un peu plus longtemps pour que l'équilibre financier du système soit assuré, et que ce ne soit pas nos enfants qui paient la dette que nous aurons sur les retraites.

MARC FAUVELLE
Mais vous ne voulez pas que les Français qui ont commencé le plus tôt travailler soient obligés de le faire jusqu'à 64 ans…

AGNES BUZYN
Et donc techniquement…

MARC FAUVELLE
Il y aura donc peut-être plusieurs systèmes qui vont cohabiter…

AGNES BUZYN
Mais il faut une forme de justice. Non, il y a des adaptations du système face à des situations particulières dont on doit tenir compte, et universalité ne veut pas dire uniformité complète, universalité, c'est que c'est un système unique dans sa conception, mais il peut y avoir des cas particuliers, c'est cela que nous allons travailler.

RENAUD DELY
Donc cet âge pivot nécessaire pour toucher une retraite à taux plein qui va toucher, donc qui va concerner certains Français, mais pas tous, c'est bien une façon de faire travailler davantage les Français, de les faire travailler plus longtemps, vous le disiez à l'instant…

AGNES BUZYN
En tous les cas, ce qui…

RENAUD DELY
Les faire travailler plus longtemps sans repousser l'âge légal du départ en retraite.

AGNES BUZYN
Oui, on ne touche pas à l'âge légal. Il faut que les gens qui se sont préparés à partir à 62 ans ou qui, malgré une décote, considèrent que leur pension de retraite leur permet de vivre correctement parce qu'ils peuvent avoir… par exemple, acheter leur maison et qu'ils n'ont pas des besoins importants, puissent partir à 62 ans. Donc l'âge légal…

RENAUD DELY
Mais sans retraite à taux plein.

AGNES BUZYN
Mais il y aura une décote, c'est ce que propose le haut-commissaire en tous les cas dans son rapport, maintenant, le rapport est soumis à concertation. Ce que je veux que vous compreniez, c'est que nous avons fait un travail où il y a une construction d'un système le plus juste possible, le plus équitable et qui corresponde aux revendications des Français, puisqu'il y a eu une très forte consultation citoyenne menée par Jean-Paul DELEVOYE dans les régions, avec les partenaires sociaux, il a bâti un système ,qui l'a proposé dans un rapport et maintenant, nous mettons les mesures concrètes de ce rapport à la concertation avec les partenaires sociaux et avec les citoyens…

MARC FAUVELLE
Ce sont des discussions, c'est une concertation ou c'est une négociation qui s'ouvre demain à Matignon ?

AGNES BUZYN
C'est une discussion pour commencer, nous allons discuter de la méthode et nous allons discuter du calendrier. Et à l'issue pardon…

RENAUD DELY
Et ça va durer combien de temps ?

AGNES BUZYN
Et à l'issue de ces discussions avec les partenaires sociaux, le Premier ministre annoncera le format de la concertation.

RENAUD DELY
Cette grande consultation, elle va durer combien de temps, près d'un an comme l'a dit Gérald DARMANIN, il y a quelques jours ?

AGNES BUZYN
Ah non, certainement moins, nous partons sur quelques mois, et les annonces seront faites la semaine prochaine, une fois qu'on aura discuté avec les partenaires sociaux ; nous préférons quand même les entendre avant de faire des annonces…

RENAUD DELY
Quelques mois, c'est après les élections municipales, c'est après les élections municipales, forcément l'adoption de cette loi ?

AGNES BUZYN
Non, pas forcément, ça dépend aussi du projet de loi, de ce qu'on y mettra, on peut imaginer un projet de loi qui soit un projet de loi simplement qui décrit la cible, on peut avoir un projet de loi aussi beaucoup plus complet qui écrit aussi les périodes de transition, et donc tout ça est aujourd'hui en discussion.

MARC FAUVELLE
D'un mot, Agnès BUZYN, la réforme des retraites est censée entrer en vigueur en 2025, d'ici là, avant 2025, c'est-à-dire pour la fin du quinquennat, est-ce qu'il y aura des mesures d'économies sur les retraites ou est-ce qu'on ne touche pas au système jusqu'en 2025 ?

AGNES BUZYN
Alors, aujourd'hui, nous avons bien pris la décision de n'avoir aucune mesure sur les retraites dans les projets de loi de financement de la Sécurité sociale…

MARC FAUVELLE
Pour 2020 uniquement, mais au-delà…

AGNES BUZYN
Pour 2020 et pour 2021 ou 2022, ce que nous avons décidé, c'est que s'il devait y avoir la moindre mesure pour le retour à l'équilibre du système, de façon à ce qu'on démarre un nouveau système, en 2025, à l'équilibre, sans qu'il soit déficitaire, ces mesures figureront dans la loi qui concerne le nouveau système des retraites. Donc il n'y aura pas de mesure dédiée aux retraites dans les lois de financement de la Sécurité sociale.

MARC FAUVELLE
Agnès BUZYN, dans un instant, on va parler de la PMA pour toutes les femmes, si vous le voulez bien. (…)
- Toujours avec la ministre des Solidarités et de la santé Agnès BUZYN. La question à présent de la PMA et de son ouverture à toutes les femmes.

RENAUD DELY
Parce que ce texte, cette réforme donc d'extension de la PMA à toutes les femmes vient en débat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à la fin du mois de septembre. D'ores et déjà la Manif pour tous a appelé à une manifestation le 6 octobre prochain et une frange de la droite est prête à se joindre à ces manifestations, à y participer. C'est le cas notamment du député européen François-Xavier BELLAMY qui était notre invité ici-même à votre place il y a quelques jours.

FRANÇOIS-XAVIER BELLAMY, EURODEPUTE LES REPUBLICAINS
Oui bien sûr, j'irai manifester, tout à fait. Je crois que c'est important de prendre part à ce débat. Je le ferai en essayant d'avancer des idées. Je l'ai déjà fait d'ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion d'écrire sur cette question. Ça n'est plus un acte médical au sens classique de ce terme encore une fois. Il ne s'agit plus de traiter une pathologie.

RENAUD DELY
On devrait l'appeler comment à vos yeux ?

FRANÇOIS-XAVIER BELLAMY
On devrait l'appeler une procréation techniquement assistée. C'est-à-dire ce n'est plus un acte médical.

RENAUD DELY
La droite prête à manifester, François-Xavier BELLAMY qui parle de procréation techniquement assistée. Quand vous entendez ces propos, est-ce que vous redoutez, Agnès BUZYN, un remake avec des manifestations massives contre le mariage pour tous en 2013 ?

AGNES BUZYN
Alors d'abord, je ne le redoute pas. Je pense que la société française est assez apaisée sur le sujet et que la plupart de nos concitoyens ne voient pas pourquoi on empêcherait des femmes qui ont un désir de parentalité d'accéder à ces techniques, plutôt que de s'exposer quelque part à avoir des rapports non protégés avec des gens qu'elles ne connaissent pas parce qu'elles ont un désir d'enfant. On voit bien aussi qu'il y a une mesure sanitaire. C'est-à-dire qu'on protège les femmes d'une prise de risque avec des hommes qu'elles rencontreraient une nuit. On voit certaines femmes aussi qui demandent un donneur de spermatozoïdes sur Internet. Donc on est en train de sécuriser le parcours de femmes qui ont un désir de parentalité. Deuxièmement Monsieur BELLAMY ne connaît pas aujourd'hui les critères pour accéder à la PMA. En réalité, on n'a pas besoin de preuves d'infertilité pour accéder à la PMA. Tout couple qui dit avoir des difficultés pour avoir un enfant depuis un an accède à la PMA. Il n'est absolument pas nécessaire de prouver médicalement qu'on est infertile, quelle que soit la raison même parfois psychologique. Parce qu'on voit bien un certain nombre de couples qui ont leur premier enfant avec une PMA et ça déclenche quelque chose et leurs enfants suivants sont obtenus de façon naturelle si je puis dire.

RENAUD DELY
Donc de ce point de vue-là, à vos yeux, étendre la PMA aux couples de femmes, par exemple, ça ne change pas la nature de l'acte, contrairement à ce que dit François-Xavier BELLAMY…

AGNES BUZYN
Non, ça ne change pas la nature de l'acte. En fait, on aide à un projet de parentalité, dans certains cas, il y a une infertilité d'origine médicale, dans d'autres cas, je le dis aujourd'hui, certains couples ont des difficultés d'origine autres, puisque, on voit bien qu'ils ont des enfants ensuite sans recourir à la PMA, et donc ça veut bien dire qu'ils ne sont pas infertiles médicalement parlant, et donc, en réalité, on supprime le critère d'infertilité dans la loi, et on dit simplement que tout couple ou femme célibataire qui a un désir de parentalité très important pourra accéder à ces techniques, ce qui évite en fait une prise de risque de femmes qui, aujourd'hui, quand elles ont vraiment un désir d'enfant, voilà, accèdent de toute façon à ce désir de façon non sécurisée.

MARC FAUVELLE
Des députés de droite, Agnès BUZYN, sont hostiles au remboursement de la PMA à toutes les femmes par la Sécu, au motif que la PMA pour les couples de femmes ou pour les femmes seules ne résout pas une pathologie.

AGNES BUZYN
Mais je le dis, et c'est là où il y a un défaut de raisonnement : Il n'est en aucun cas nécessaire d'avoir une pathologie pour recourir à la PMA aujourd'hui. On aide des couples qui expriment une difficulté à avoir un enfant depuis un an, il n'est pas…

MARC FAUVELLE
Donc vous ne lâcherez pas sur ce point, ce sera remboursé à 100 % par la Sécu…

AGNES BUZYN
Absolument pas, et nous n'avons jamais demandé à des couples de prouver, et d'ailleurs, ce n'est pas ce qu'on fait en PMA, les équipes médicales, alors, elles recherchent une cause d'infertilité évidemment, mais quand elles n'en trouvent pas, ce n'est pas pour ça qu'elles empêchent ces couples d'accéder à la PMA, et d'ailleurs…

MARC FAUVELLE
Et ce sera remboursé à 100 %…

AGNES BUZYN
Et donc ça sera remboursé comme pour les couples hétérosexuels, on répond à une infertilité, qu'elle soit d'origine médicale, psychologique, ou factuelle, parce que des couples de femmes ou des femmes célibataires ne peuvent pas avoir d'enfant autrement, et on sécurise le parcours des femmes sur le plan médical, on leur évite des prises de risques, et ça, j'y tiens énormément.

RENAUD DELY
Gilles LE GENDRE, ici même, une dernière question sur la PMA, Gilles LE GENDRE, ici même, a expliqué que le groupe La République En Marche aurait une liberté de vote, que les députés de La République En Marche auraient une liberté de vote sur ce texte, pourquoi ? Ça vous inquiète ?

AGNES BUZYN
C'est vrai aussi des Républiques, et c'est vrai de tous les groupes parlementaires à ma connaissance, en tous les cas, quand j'ai eu des échanges avec les différents présidents de groupes, j'ai la sensation que sur ces questions, elles peuvent être sociétales, parfois, elles sont très scientifiques, j'ai l'impression que les groupes vont laisser à tous les députés une liberté de vote, et d'ailleurs, on voit bien que les fractures au sein des groupes vont dépendre en fait des mesures, et qu'on risque d'avoir des alliances qui vont se faire dans un cas plutôt avec la droite ou avec la gauche, selon le type de mesures qui va être proposé.

MARC FAUVELLE
Un mot de la situation politique à Paris, si vous voulez bien, Agnès BUZYN, puisque Cédric VILLANI va annoncer ce soir sa candidature face au candidat quasi-officiel de l'Elysée, Benjamin GRIVEAUX, est-ce qu'il vous a trahie ?

AGNES BUZYN
En tous les cas, je regrette… je regrette à titre personnel qu'on arrive en ordre dispersé à la candidature à la Mairie de Paris, et je pense que ça nuit considérablement aux chances de succès de notre candidat. Après, je pense que Cédric VILLANI est un homme de conviction, il est profondément engagé.

MARC FAUVELLE
Il fait un peu son MACRON…

AGNES BUZYN
Peut-être…

MARC FAUVELLE
D'y aller sans parti, tout seul, ça avait réussi à Emmanuel MACRON…

RENAUD DELY
Donc ça peut marcher !

AGNES BUZYN
Je ne sais pas si ça peut marcher, en tous les cas, je pense que l'image que ça donne de compétition interne n'est pas une bonne image pour la République En Marche. Et je regrette évidemment qu'on en arrive à cette situation.

RENAUD DELY
Doit-il être sanctionné, exclu ?

AGNES BUZYN
Je crois que le groupe l'a dit, il ne souhaite pas aujourd'hui exclure Cédric VILLANI, et donc j'en prends acte.

MARC FAUVELLE
Vous, votre choix est fait ?

AGNES BUZYN
Moi, mon choix est fait, bien sûr.

MARC FAUVELLE
Ce sera ?

AGNES BUZYN
Ce sera Benjamin GRIVEAUX, qui est le candidat de La République En Marche à la Mairie de Paris…

MARC FAUVELLE
Même si les sondages se mettaient à donner Cédric VILLANI en tête ?

AGNES BUZYN
Ecoutez, aujourd'hui, il y a un candidat officiel de la République En Marche, il est investi, et je pense qu'il a toutes les chances de gagner, parce qu'il a un vrai projet différent pour Paris, donc on va le laisser faire campagne, et puis, nous verrons dans quelques mois…

MARC FAUVELLE
Merci Agnès BUZYN…

RENAUD DELY
Il n'y a pas de liberté de vote, là ?

MARC FAUVELLE
C'était le mot de la fin, Renaud DELY. Merci beaucoup Agnès BUZYN.

AGNES BUZYN
Merci.

RENAUD DELY
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2019