Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
Les Français s'apprêtent, qui vous regardent ce matin peut-être, à prendre les transports, vous leur dites quoi : bon courage ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je leur dis que les transports vont être perturbés ce matin, c'est à peu près un train sur deux en Ile-de-France, un peu moins en région, et les TGV circulent normalement.
CAROLINE ROUX
C'est une journée noire ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est une journée pas noire, c'est une journée compliquée pour les Français, comme à chaque fois qu'il y a des grèves, par ailleurs, en Ile-de-France, le bus, le métro et le tramway fonctionnent normalement. Et je leur dis que sur le sujet des retraites, nous allons, d'ici au 15 octobre, rencontrer les organisations syndicales pour commencer à construire cette réforme ensemble.
CAROLINE ROUX
Alors, cette phrase, vous la dites effectivement dans Le Parisien ce matin. Vous dites : nous écrirons ensemble cette réforme des retraites avec les syndicats de cheminots, de pilotes, d'agents RATP. Vous allez essayer de les convaincre qu'il faut qu'ils renoncent à leurs régimes spéciaux. Vous pensez que ça peut se passer comme ça, on peut réformer dans le consensus ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, d'abord, je vais faire ce que j'ai fait avec la RATP, qui s'est mobilisée vendredi dernier, c'est-à-dire que j'étais allé, vendredi, discuter avec les agents, parce qu'en lisant les tracts syndicaux, qui reprenaient stricto sensu le rapport Delevoye, je me suis aperçu que ces tracts étaient extrêmement anxiogènes pour les agents de la RATP, et aujourd'hui, les agents de la SNCF, donc d'abord, leur dire que le projet du gouvernement n'était pas le projet de leurs tracts syndicaux…
CAROLINE ROUX
Il y a de la désinformation, c'est ça que vous dites ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, il y a de l'inquiétude, il y a de l'anxiété, et je leur ai dit que ce n'était pas le projet, que les droits étaient acquis jusqu'en 2025, et qu'après, nous avions une période très longue à écrire ensemble, entre 2025 et 2040, sur les grands critères de convergence des régimes spéciaux vers le régime universel. Et par ailleurs, quand on parle à chaque fois du fondement d'un régime universel pour nos enfants, parce que le système aujourd'hui est déséquilibré, etc., etc., ils sont d'accord là-dessus. Après, c'est la transition qu'il faut écrire et c'est les bonnes garanties qu'il faut apporter.
CAROLINE ROUX
Sur le principe, ça ne changera pas, c'est quand même l'alignement des régimes spéciaux sur le régime général, ça, vous pensez qu'il peut y avoir un consensus sur ce sujet-là, je rappelle que les conducteurs, par exemple, les cheminots peuvent partir à 52 ans, à partir de 52 ans, 57 ans pour les sédentaires, vous allez leur demander de se faire hara-kiri, et vous pensez qu'ils vont signer avec vous ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, pas hara-kiri, on va poser des garanties, notamment sur la pénibilité, la dangerosité ; qu'il y ait des conditions particulières pour des métiers qui sont pénibles dans les transports et ailleurs, ça s'entend parfaitement. En revanche, je pense que faire converger sur le temps long des régimes qui effectivement se sont construits sur la base des corporations vers un régime beaucoup plus universel, beaucoup plus équitable, notamment à l'égard des femmes, des carrières heurtées, ça me paraît être un projet de société fondamental.
CAROLINE ROUX
Ils sont prêts à travailler plus longtemps ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je crois qu'ils sont prêts à travailler différemment alors que les métiers évoluent…
CAROLINE ROUX
Travailler plus longtemps, c'est ça que vous leur dites, travailler différemment quand on est conducteur, ça veut dire quoi ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais vous savez, probablement que ces métiers de conducteur ont déjà beaucoup évolué, les lignes se sont automatisées, les conditions, certes, il y a des contraintes, de temps, de travail les jours fériés et de travail de nuit qui sont importantes, qui sont déjà d'ailleurs compensées par des repos, mais je pense qu'ils ont conscience que leur métier évolue beaucoup, et ce qu'ils veulent, c'est de la visibilité et les bonnes garanties, ce que nous allons leur apporter.
CAROLINE ROUX
Et est-ce que vous leur tenez un discours de vérité ou est-ce que vous leur dites : ne vous inquiétez pas, ce sera pour les générations d'après, est-ce que vous leur dites : oui, il va falloir travailler plus longtemps, parce que c'est aussi ce qu'on a demandé aux Français de manière générale, est-ce que ça, vous pouvez leur dire ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Le discours de franchise et de vérité, je leur ai tenu les yeux dans les yeux, c'est ce que nous faisons en permanence, encore au téléphone hier soir, et je crois qu'il ne faut pas tricher, il n'y a pas de… à l'occasion,, l'année dernière, de la réforme ferroviaire, on m'avait expliqué comment ne pas faire de réforme ferroviaire, nous avons fait l'inverse, nous avons fait une vraie réforme, nous nous sommes affrontés, et nous nous sommes dit la vérité, nous avions des visions de société différentes, et je crois qu'on doit être dans ce dialogue exigeant avec les syndicats et avec, d'une manière générale, les agents…
CAROLINE ROUX
Parce que la façon dont vous le présentez, on se dit que vous essayez de nous expliquer que ça sera une réforme sans douleur…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ce sera une réforme progressive…
CAROLINE ROUX
Ça sera une réforme qui sera un sacrifice pour ces gens-là…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce sera une réforme construite dans le temps, quand on dit qu'on va prendre 15 ans, 2025-2040, on n'est pas dans une action brutale et sans concertation, on est dans une action progressive collective.
CAROLINE ROUX
Alors quand on fait le bilan, SNCF, RATP, on peut parler aussi --RATP, grève illimitée à partir du 5 décembre – de grève des pilotes, le monde des transports – sans mauvais jeu de mots – sera la locomotive de ce mouvement contre la réforme des retraites ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est la raison pour laquelle il faut avoir un dialogue avec les syndicats rapidement, moi, je reçois les syndicats de la RATP lundi prochain au ministère, de manière à commencer à poser ces garanties dont je vous parlais…
CAROLINE ROUX
Vous allez éviter cette grève-là, à partir du 5 décembre ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais on va avoir ce dialogue exigeant pour, à la fois, construire la réforme des retraites, ensemble, comme je l'ai dit dans Le Parisien, et en même temps, le faire de façon collective, ouverte…
CAROLINE ROUX
Ce serait la première fois qu'on arrive à réformer les régimes spéciaux, mais ça va se faire dans la concorde…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais, on nous avait aussi dit que la réforme de la SNCF était impossible, et nous l'avons faite.
CAROLINE ROUX
Bon. Allez, AIGLE AZUR, c'est la compagnie XL AIRWAYS qui a été placée en redressement judiciaire, est-ce qu'il est encore possible de sauver XL AIRWAYS ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il est encore possible de sauver XL AIRWAYS, vous savez que c'est une compagnie qui est un petit opérateur très concurrencé, qui a besoin de beaucoup de capitaux pour repartir, c'est environ 35 millions d'euros, donc nous travaillons plusieurs pistes pour trouver un repreneur français ou étranger, et nous essayons de faire dialoguer tous ces dirigeants.
CAROLINE ROUX
AIR FRANCE peut bouger, l'appel avait été lancé par le PDG de XL AIRWAYS, il a raison, c'est AIR FRANCE qui peut bouger ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
AIR FRANCE avait eu un projet de partenariat avec XL AIRWAYS, il y a douze mois maintenant, un peu plus d'un an, la situation est un peu évolutive et il faut que le dialogue puisse se nouer…
CAROLINE ROUX
Mais vous le souhaitez, vous, ce serait une bonne opération pour AIR FRANCE ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on donne des perspectives solides à cette entreprise et à ses salariés, c'est ça l'objectif, si c'est avec AIR FRANCE, c'est très bien, si c'est au travers d'une recapitalisation, c'est très bien. Ce qu'il faut, c'est que les salariés de l'aérien chez XL AIRWAYS, comme chez AIGLE AZUR du reste, puissent avoir des perspectives…
CAROLINE ROUX
Alors, justement, on parle d'AIGLE AZUR qui emploie – je le rappelle – 1.150 personnes, est-ce que vous avez des propositions de reprise que vous considérez comme sérieuses qui sont désormais sur la table, il paraît qu'il n'en reste que deux ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, il y a deux propositions de reprise, le juge reçoit et auditionne les repreneurs depuis hier, ça continue ce matin et cet après-midi probablement, ce sont les propositions de reprise avec un pourcentage important des salariés, entre 70 et 80 %, vous savez que, AIGLE AZUR, c'est une compagnie qui s'est très largement diversifiée depuis 2017 dans des circonstances pas très heureuses pour la compagnie, donc il faut la recentrer sur son marché, son coeur de marché, qui est le marché vers l'Algérie. Et donc, on aura une décision très probablement dans les 36h, 48h…
CAROLINE ROUX
Des repreneurs français ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Les deux repreneurs dont je parle sont des repreneurs français.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce que ces compagnies ont raté ? Elles disent : au fond, on ne pouvait pas être dans cette bataille-là, parce que la concurrence était rude, en France, il y a trop de taxes, trop de charges.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est un point de désaccord avec eux, et je m'en suis expliqué encore hier soir avec les différents intéressés, vous avez par exemple AIR CARAÏBES, le groupe DUBREUIL, français, avec la même structure de charges qui réussit très bien et qui arrive à se développer. AIGLE AZUR, c'est une boîte qui s'est diversifiée, qui s'est spécialisée sur le marché du Maghreb et qui s'est diversifiée à compter de 2017 en allant faire du low cost vers la Chine, vers le Brésil et qui a loupé sa diversification. Je pense qu'il faut aussi le dire. Et XL, c'est différent, c'est un petit opérateur français qui n'a pas su être suffisamment résistant pour résister dans cette concurrence qui effectivement est féroce.
CAROLINE ROUX
Est-ce qu'il y a d'autres compagnies françaises fragiles ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a des compagnies que nous surveillons, que je ne vais pas citer ici, parce que, évidemment, cela a un effet sur la marque, mais il y a effectivement…
CAROLINE ROUX
Donc c'est le début de l'hécatombe en fait ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ce n'est pas le début de l'hécatombe, mais je pense que les Français, les opérateurs français ne doivent pas manquer parfois les virages marketing, bon, il y a des choses – je ne vais pas les expliquer ici – mais qui auraient pu être faites sur ces deux compagnies qui leur auraient permis de résister un petit peu plus longtemps.
CAROLINE ROUX
Juste un mot sur THOMAS COOK, 10.000 touristes français sont concernés par la faillite de THOMAS COOK. Ceux qui se retrouvent coincés sur leur lieu de vacances n'ont pas d'autre choix que de remettre la main à la poche, c'est ça, ce qu'on a compris ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ceux qui sont coincés doivent appeler le numéro d'urgence de THOMAS COOK. THOMAS COOK peut faire la continuité de voyage si les compagnies aériennes ne sont pas celles de THOMAS COOK, et sinon, Thomas COOK rembourse intégralement travers d'un de ses fonds privés ou d'un système de garantie européen.
CAROLINE ROUX
Merci à vous.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er octobre 2019