Texte intégral
Bonjour,
Voilà un nouveau Conseil affaires générales qui commence. C'est un moment important parce qu'on va parler notamment d'élargissement. Je pense que c'est positif que la présidence finlandaise ait pu mettre ce point à l'agenda. C'est pour moi important qu'on puisse avoir une discussion apaisée autour de propositions après les débats du mois dernier. Donc la France a mis sur la table une nouvelle proposition de méthodologie pour qu'on puisse avoir des négociations avec les pays candidats qui soient plus efficaces, plus tangibles, au fond qu'on ait quatre principes.
D'abord que cela soit plus graduel, que les politiques européennes soient accessibles à ces pays au fur et à mesure des négociations. Qu'on ait un processus vraiment rigoureux, c'est-à-dire qu'on regarde vraiment la convergence concrète, économique, sociale qu'on arrive à créer, pas juste la convergence juridique. Que ce soit un processus qui puisse être concret pour les citoyens et qui puisse être réversible, c'est-à-dire que si on voit que les mesures, les réformes ralentissent ou s'arrêtent, que l'on puisse prendre des décisions pour que nous-mêmes, les politiques européennes n'aient pas le même impact dans ces pays et que les gouvernements soient dans un pilotage beaucoup plus politique et resserré. Ce qui est intéressant, c'est que cette proposition, la France l'a faite depuis quelques mois, a eu des échanges avec la Commission, va poursuivre son travail. C'est vraiment une proposition à discuter. Aujourd'hui, il y a six pays notamment l'Italie, l'Autriche, la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne, qui ont exprimé également leur souhait de voir, avec la Commission, les travaux se poursuivre pour que ce processus de négociation soit plus efficace. Aujourd'hui, il y a une forme de frustration, on l'a vu, avec la Serbie, le Monténégro. Cela fait des années qu'ils négocient déjà et il n'y a ni de progrès concrets sur le terrain, on voit qu'il y a d'ailleurs une émigration, une fuite des cerveaux, qui continue, et puis on a, au niveau européen, une forme de lenteur qui s'est instaurée qui n'est pas satisfaisante. Pour nous, la discussion qu'on va avoir c'est vraiment une discussion constructive pour qu'on arrive, d'ici au Sommet de Zagreb, à avoir mis ensemble sur pied une procédure qui soit plus efficace.
Autre sujet dont on va parler aujourd'hui, ce sont les sujets sur l'Etat de droit. Il y a un lien évident avec les sujets d'élargissement. On a aujourd'hui, à l'initiative de la présidence finlandaise, un débat extrêmement important sur nos modalités de dialogue, et comment on organise entre Etats membres, avec la Commission, une procédure qui nous permette de sortir du sentiment d'illégitimité que certains pays membres invoquent quand nous discutons de ces sujets. C'est au coeur de la confiance des Européens pour le projet européen. L'Etat de droit, c'est ce qui nous protège de l'arbitraire, c'est ce qui nous protège de règles qui soient prises pour des raisons politiques, pour des raisons individuelles. L'Etat de droit, c'est ce qui fait que l'on peut avoir sur notre continent une forme de protection à titre individuel, sur le fait que l'on ne soit pas soumis à des règles dont on ne connaîtrait pas l'origine ou qui changeraient. Et donc c'est essentiel qu'on puisse protéger cela et avoir ce que l'on appelle un dialogue annuel de l'Etat de droit qui soit beaucoup plus ouvert, qui s'appuie sur des sources d'information crédibles, légitimes, notamment du Conseil de l'Europe, qui sur ces sujets-là est légitime, jamais contesté, et que nous puissions avancer.
On va bien sûr avoir un débat sur le budget européen en vue du Conseil européen de décembre. Les priorités françaises sont connues, c'est d'abord l'ambition climatique, c'est ensuite de soutenir nos agriculteurs, parce que c'est un enjeu de souveraineté, essentiel, que les Européens puissent s'alimenter avec des produits qui viennent de notre continent, avec des normes qui soient les nôtres, qui puissent aussi accompagner la transition écologique. C'est ensuite les ressources propres parce qu'on voit bien qu'on ne peut pas demander uniquement aux contribuables de tous les pays d'alimenter ce budget. Et on voit, que ce soit sur la pollution, sur ce que l'on appelle le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, ou bien la taxe du digital. On a beaucoup de ressources que l'on peut mobiliser, pour les Européens, qui ne portent pas sur les ménages et les entreprises qui sont déjà sur notre sol et, bien sûr, sur les conditionnalités. Un budget, c'est un outil politique, et donc il faut que l'on puisse, là-aussi, allier les fonds européens avec une ambition, que ce soit sociale, fiscale, Etat de droit. C'est donc de tout cela que nous allons pouvoir échanger aujourd'hui.
Q - How do you respond to critics to say that it is unfair to change the enlargement process in the middle of the game ?
R - Je vais vous répondre en français. On n'est pas en train de changer les règles au milieu d'un jeu qui aurait déjà commencé. Aujourd'hui, on voit que cela ne fonctionne pas. Cela ne fonctionne pas parce que c'est extrêmement lent, c'est extrêmement frustrant pour ceux qui participent à l'exercice. Ce n'est pas un exercice qui est politiquement piloté, il y a une forme d'automaticité et surtout, ce qui est pour moi l'essentiel, c'est que les populations des Etats qui sont en cours de négociation n'y trouvent pas leur compte. Quand vous voyez les chiffres de l'émigration, de la fuite des cerveaux des pays, que ce soit la Serbie, le Monténégro, de la Roumanie ou de la Bulgarie quand ils négociaient, de la Croatie, vous voyez bien qu'il y a un enjeu qui est que le but, ce n'est pas d'envoyer un questionnaire et d'entrer dans une discussion juridique. Bien sûr que l'élargissement a une partie juridique, mais on est en train de parler de convergence économique, sociale, culturelle, de s'assurer qu'on a un vrai développement. Donc, tout ce que nous proposons, c'est que plus rapidement, au fur et à mesure des discussions, les Etats candidats, avant d'accéder au Conseil, d'avoir une participation politique, puissent bénéficier du soutien économique des politiques européennes. Ceux qui vous disent que l'élargissement c'est la réponse aux influences étrangères, de puissances extérieures qui viendraient dans les Balkans, on ne peut pas répondre à cette influence si on n'a pas d'outil concret. On ne peut pas répondre à ces influences si la seule chose qu'on dit c'est "on vous envoie un questionnaire, dites-nous comment vous recrutez vos fonctionnaires et comment vous organisez vos marchés publics". Entre temps, les investissements sont faits par d'autres.
Donc, si on n'a pas un soutien sur l'innovation, sur le développement territorial, sur les développements industriels, sur le développement agricole, sur le développement universitaire, l'Europe peut discuter avec les services juridiques, peut faire de l'administratif, mais localement, les populations n'y trouvent pas leur compte et il y a une forme de fatigue de ces négociations qui ne produisent pas de résultat concret pour ceux que cela concerne a priori, qui sont les citoyens. C'est une proposition vraiment qui est à discuter. Je crois qu'il y a un diagnostic qui est assez partagé sur le fait que ce qui a commencé en Serbie et au Monténégro, c'est bien sûr un processus qui est tout à fait légitime mais qui, on le voit bien, a des faiblesses. Donc, c'est sur cela qu'il faut que l'on puisse être lucide. Si d'ailleurs la Serbie et le Monténégro veulent rentrer dans cette nouvelle dynamique que l'on aura créée, je pense qu'on sera tout à fait prêts à en discuter. Il y a bien sûr des discussions techniques à avoir. Là, pour nous, c'est une proposition politique pour qu'on recadre ce processus de négociation et qu'on le rende plus efficace, plus concret, je l'ai dit, plus rigoureux, réversible et que l'on recrée de la confiance, et du côté des Européens, et de la part des populations des Etats membres.
Q - And now you have the support of Denmark for this proposal but do you have all other support of any other countries ?
R - Cette proposition a été discutée, elle a été proposée, et il y a eu énormément de concertations. Cela fait plusieurs mois que personnellement avec le président on en parle. On a mis sur le papier des choses sur lesquelles on sait qu'on a autour de nous du soutien. Je crois que dans la pièce, dans quelques heures, il y aura des soutiens exprimés. Il y a des pays comme notamment les Pays-Bas, le Danemark, qui sont très proches de nos vues mais ce qui est intéressant c'est que ce matin, vous avez des positions publiques de l'Autriche, de la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne, l'Italie, qui appellent, eux aussi, la Commission à faire des propositions qui soient dans une optique d'avoir une procédure qui apporte plus de résultats, qui soient plus efficaces, qui soient plus tangibles, donc qui ont une forme de convergence avec ce qu'on propose. Nous, on a fait un travail un peu plus technique, un peu plus précis, mais tout cela est fait pour d'abord être discuté, bien sûr c'est la Commission qui doit mettre sur la table des propositions. On pense que c'est des choses qui peuvent se faire à traité constant. On est donc vraiment dans un mandat de négociation et qu'on cherche à rendre plus efficace. Il y aura bien sûr des discussions techniques, mais ce qui compte pour moi c'est qu'on ait un débat apaisé et un débat concret, qu'on sorte des grandes postures, et que l'on se pose des questions sur à quoi cela sert, quel objectif on poursuit, et surtout comment on soutient les citoyens de cette région des Balkans qui attendent énormément de l'Europe. Mais ils n'attendent pas qu'on leur envoie des questionnaires, ils attendent d'en retirer des bénéfices concrets dans leur vie quotidienne et c'est là-dessus qu'il faut que l'on travaille.
Q - Quick question about the budget, what do you think of the Danish and other countries' stance of the 1% of the GNP?
R - Sur la position de certains Etats membres qui veulent se cantonner à un budget de 1%. Je dis attention parce qu'il y a deux discussions dans la discussion. 1% cela peut être la contribution nationale, cela peut être ce que l'on prélève sur la richesse d'un pays par les impôts payés par les Néerlandais, les Suédois, les Français. Ensuite, il y a la taille du budget lui-même. Le budget peut être complété par des ressources propres européennes. Quand je vous dis qu'on fait un mécanisme inclusion carbone aux frontières, cela peut compléter les droits de douane que l'Europe prélève déjà. Si on taxe le plastique non recyclé, c'est une collecte qui ira directement dans les caisses européennes. Si on se fonde sur un marché ETS qui puisse alimenter le budget, on est en train de compléter le budget européen, non seulement des contributions nationales, mais aussi de ressources propres.
Je pense donc qu'il ne faut pas confondre les deux débats, il y a combien on demande aux pays de verser au budget européen, et cela peut être 1% ; et il y a comment on construit un budget qui peut être alimenté d'autres sources de financement. Donc, c'est là-dessus que l'on a des échanges. Hier, avec le président, on a eu cet échange-là avec la Première ministre du Danemark, et moi, c'est une des propositions que je fais à l'intégralité de mes homologues, parce que je pense qu'il y a là une position qui peut permettre un équilibre, dans une discussion où, sinon, certains vous disent : c'est " un ", et d'autres vous disent : non, il faut que ce soit plus, et on ne voit pas très bien comment on s'en sort. Je pense qu'il faut respecter, et c'est légitime, que des pays vous disent "nous, c'est difficile d'imaginer de créer beaucoup plus d'impôts sur nos contribuables nationaux, pour alimenter le budget européen". Mais, comme on a aussi de vraies nouvelles ambitions, parce que l'on veut s'occuper de manière beaucoup plus active de défense, que l'on veut s'occuper de manière beaucoup plus active de recherche, on voit que sur le sujet migratoire on a aussi à investir, il faut que l'on trouve d'autres ressources. On peut parler aussi du digital, on peut parler aussi de la taxe sur les transactions financières. Donc, si on réfléchit uniquement avec des contributions nationales, effectivement, je pense que l'on est dans un débat qui est très difficile. Voilà comment je vois les choses. Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2019