Texte intégral
Merci beaucoup, je sais que vous avez une journée chargée, mais je profite de vous avoir avec moi pour qu'on puisse dérouler nos objectifs et ambitions. Je vais être un peu longue mais c'était important pour moi de dire tout l'intérêt que nous attachons à cette journée et au sujet qu'elle va traiter.
Merci beaucoup de votre accueil, merci au président de la FHF, Frédéric Valletoux, Monsieur le président d'Handidactique, Pascal Jacob, la présidente du CNCPH, Dominique Gillot, les élus, présidents, directeurs d'ARS et les membres qui ont travaillé avec beaucoup d'intensité sur tous ces beaux projets.
Je suis impressionnée, c'est ainsi que nous pourrons transmettre les bonnes pratiques. Pascal, ce Dasibao est très intéressant, c'est avec de tels supports, des vidéos, des papiers avec les témoignages, que nous pourrons transmettre au mieux les bonnes pratiques, tu peux compter sur moi pour le diffuser.
C'est une immense fierté d'ouvrir ce colloque : « Tous unis pour l'accès aux soins des personnes vivant avec un handicap ». Je remercie très sincèrement tous ceux qui ont participé à ce projet et à la réalisation de ce projet, la FHF, le secrétariat général du CIH, Céline Poulet, le secrétariat général des services du ministère et tous les services déconcentrés de l'Etat, c'est très important de le signaler.
Permettez-moi de vous faire part de mon émotion, ce week-end nous a quitté une grande dame, Elisabeth Zuckman, qui a consacré sa vie à un meilleur accès aux soins des personnes polyhandicapées, son combat était de montrer que la personne polyhandicapée n'est pas « monobloc », elle a des demandes, des envies. Elle a été la fondatrice du Cesap (Comité d'études, d'éducation et de soins auprès des personnes polyhandicapées) , présidente honoraire du groupe Polyhandicap France et de l'association les Touts petits. Nous lui devons beaucoup et devons poursuivre son action.
Je tiens à souligner l'importance du moment, et le thème de cette rencontre, car accéder aux soins quand c'est nécessaire est fondamental, c'est une condition déterminante pour les personnes. Il ne peut y avoir de participation pleine des personnes handicapées sans droit effectif pour chacun à accéder au système de soins, droit garanti par le système de santé mis en place en 1945, fondé sur la solidarité. Comment garantir le droit à l'emploi, à la participation sociale si l'on ne peut déjà préserver sa santé lorsqu'elle est menacée? Je le dis avec détermination et espoir, ce droit doit être pleinement acquis pour les personnes en situation de handicap. Ce droit n'est aujourd'hui pas complètement effectif, alors même que les facteurs de risques peuvent être plus importants. Il s'agit de considérer la santé des personnes en situation de handicap dans toutes ses composantes, de façon équivalente à ce que nous développons pour la population générale, notamment sur le champ de la prévention. L'épilepsie par exemple est présente dans 60 % des cas chez les personnes polyhandicapées. En dépit de ces besoins accrus, les personnes en situation de handicap font cependant l'expérience de nombreux obstacles pour accéder aux soins. Les problèmes somatiques sont insuffisamment diagnostiqués. Le recours à certaines spécialités médicales est plus faible. Elles ont un recours réduit en moyenne de 9 points pour l'accès aux soins dentaires. 8 points pour les personnes déclarant des limitations motrices. 12 points pour les personnes en fauteuil roulant, et 5 points pour les personnes déclarant des limitations cognitives. Pour les soins gynécologiques, un recours à 49 %, réduite de 17 points pour les femmes handicapées. Ces données de l'IRDES sont corroborées par les données de la CNAM, pour 2016 et 2017. De même que par les réponses, régulièrement adressées par les intéressés eux-mêmes au site Handifaction sur l'expérience vécue sur la difficulté d'accès aux soins. Je retiens que 23 % des personnes déclarent avoir subi un refus de soin. 23 % ! 10 % déclarent avoir abandonné leurs soins. Ce qui me permet bien sûr de saluer le travail remarquable conduit par Pascal Jacob pour mettre à jour et faire vivre cla question du handicap dans le système de soins, sans culpabiliser les équipes, avec une stratégie de stimulation positive que je ne peux que rejoindre. Cher Pascal, merci beaucoup pour cet acharnement à réussir.
Ces obstacles peuvent être de nature diverse, qu'il s'agisse de difficultés de mobilité, communication ou raisons financières. Il en résulte un risque de décès supérieur. À l'âge de 5 ans, l'espérance de vie d'une personne autiste est réduite de 6 ans pour les hommes et de 12 ans pour les femmes par rapport à celle d'une personne de la population générale. On observe une mortalité deux fois plus élevée chez les personnes présentant un trouble du développement par rapport à la population générale. La durée de vie s'établit entre 45 et 50 ans pour les personnes polyhandicapées. Les obstacles peuvent être responsables d'une dégradation physique et psychique.
Plusieurs rapports ont dressé ce constat et tracé des pistes de progrès, notamment ceux de Pascal Jacob, et le rapport de Philippe Denormandie sur l'accès aux soins des personnes en situation de handicap et personnes en situation de précarité. Il est temps d'agir. Le gouvernement a fait siennes les recommandations de ces rapports et en a fait l'une des cinq grandes priorités d'action arrêtées lors du dernier Comité Interministériel du Handicap (CIH) du 28 octobre dernier.
Les cadres structurants de l'action sont posés. La stratégie nationale de santé affirme cette ambition pour les personnes handicapées. Elle est systématiquement relayée sur les territoires via les projets régionaux de santé, et je sais les ARS consacrées à cette tâche. Je laisserai à Agnès Buzyn le soin de le préciser en clôture.
J'insisterai sur deux points qui me semblent fondamentaux dans ces travaux : la pleine participation des personnes à leur parcours de santé, en leur donnant tous les outils pour pouvoir, comme tout un chacun, choisir et agir. Je sais que votre journée fera une large place à l'expertise des personnes, c'est fondamental pour améliorer nos réponses. Et d'autre part, la question de l'accessibilité financière au système de soin. Les personnes en situation de handicap bénéficient comme tous les Français, c'est le principe d'accessibilité universelle, du 100 % santé. L'accès aux lunettes, soins dentaires, est marqué par un reste à charge important. Depuis le 1er janvier 2019, les Français bénéficient d'un panier d'offres mieux remboursé. Au-delà de cette avancée, une mesure forte de simplification garantit une meilleure couverture des soins pour les usagers handicapés les plus modestes : la fusion des aides, l'ACS et la couverture complémentaire, et la mise en place d'un téléservice. Cette mesure annoncée par le président de la République sera effective à compter du 1er novembre prochain. Elle bénéficiera largement aux bénéficiaires de l'AAH. De plus, en cohérence avec la réforme 100 % santé précitée, l'absence de reste à charge sera garantie sur l'optique, le dentaire, l'audio.
Je ferai quelques focus complémentaires: sur cette question irrésolue du choix entre être accompagné et être soigné. Des incertitudes pèsent, sur les établissements médico-sociaux, et cela conduit à des différences de traitement sur les territoires. Nous disposerons prochainement des conclusions de la mission de Philippe Denormandie, dont je salue la qualité des travaux. Cette mission doit permettre de clarifier la répartition des charges financières des soins pour les résidents afin que l'administratif ne pèse plus sur la vie des personnes et des familles, favoriser la qualité de la prévention et une meilleure coordination des soins entre établissements, pour qu'enfin, les personnes, qu'elles soient en semaine, en week-end, en vacances, ne connaissent plus de rupture dans leur parcours. Nous avons également prévu par instruction budgétaire, pour les établissements accompagnant les personnes polyhandicapées, de renforcer le plateau technique par la présence d'infirmières 24H/24, c'était essentiel au regard de la fragilité médicale de ce public, Les ARS mettent aujourd'hui en application cette mesure importante pour assurer une continuité de soins. De même, les travaux sur la prestation de compensation du handicap dans le cadre de la préparation de la prochaine conférence nationale du handicap doivent conduire à une révision du guide des aides techniques, pour garantir à tous une qualité d'usage de ces aides. Une mission nationale sera structurée pour s'attaquer à ce sujet. D'ores et déjà, le PLFSS 2020 devrait porter des mesures pour renforcer l'accès et la qualité des fauteuils roulants. Je souhaite également saluer le recrutement de 4000 assistants médicaux déployés à partir de cette rentrée, et qui favorisera un meilleur accès aux soins des patients et profitera directement aux personnes en situation de handicap, comme l'avait fortement souhaité les représentants des personnes en situation de handicap à travers le CNCPH. Et mieux prendre en compte les spécificités des consultations, en ville, pour les personnes handicapées. Un état des lieux des dispositifs existants, de consultations dédiées aux personnes en situation de handicap d'ici la fin d'année. A chaque déplacement, je peux témoigner de la qualité de ces consultations, il faut en tirer des enseignements pour le généraliser.
Nous avons besoin de tous les acteurs du soin, et à ce titre, nous renforçons la formation initiale et continue des professionnels de santé aux problématiques du handicap : étudiants en médecine, assistants médicaux et je salue leur engagement ... Les stages sont indispensables pour se confronter au quotidien, c'est ainsi que nous formerons mieux nos étudiants en médecine. Nous devons rendre effectives les bonnes pratiques professionnelles concernant les personnes en situation de handicap, les établissements de santé doivent se doter du guide réalisé par la Haute Autorité de Santé, sur l'accueil, l'accompagnement et l'organisation des soins en établissements de santé pour les personnes en situation de handicap. A ce titre, l'efficacité clinique et l'expérience des personnes sont structurantes. Je me réjouis que la certification 2020 pour les établissements de santé, actuellement en cours, intègre désormais la recommandation sur l'accès aux soins des personnes en situation de handicap, mesure très attendue par les personnes et les associations, et préconisée par le rapport Denormandie-Cornu-Pauchet.
Pour mesurer ces efforts, il nous faut réfléchir au développement d'un accès effectif aux soins, appuyé sur des indicateurs pertinents, notamment de satisfaction des personnes en situation de handicap elles-mêmes. Conformément aux recommandations du rapport Denormandie, c'est le besoin de la personne handicapée qui doit primer, et être l'étalon de la pertinence, de l'efficacité de l'offre de soins à laquelle la personne peut avoir accès. Quoi de mieux que la personne elle-même pour juger de ce qu'on lui apporte ? C'est la démarche d'Handifaction, dont nous réfléchirons aux moyens de sa pérennisation et de son renforcement. Le prochain comité interministériel du handicap fera un bilan sur les acquis et ce qui est à améliorer.
J'ai été peut-être un peu longue mais ce sujet est tellement essentiel pour le projet de vie des personnes, soyez convaincus que l'engagement du gouvernement à vos côtés sur ces impératifs. Ma présence à l'ouverture, celle d'Agnès Buzyn à la clôture, montre l'engagement des deux ministres, et du gouvernement, pour faire de l'accès aux soins une réalité. Je me félicite de l'esprit dans lequel est conçu ce colloque : s'il prend acte sans concessions de constats préoccupants, que nous devons tous nous employer à résoudre, il vise d'abord et avant tout à privilégier une vision volontairement positive ; en nous invitant à capitaliser sur des convictions partagées et des expériences remarquables, il s'agit bien de dresser la carte de progrès qui sont à notre portée. Tous concernés, tous mobilisés. Je vous remercie.
Source https://www.handidactique.org, le 25 novembre 2019