Texte intégral
Madame la Présidente,
Monsieur le Rapporteur général,
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi de finances pour 2020 dans un contexte économique qui est marqué par les tensions commerciales qui persistent entre les États-Unis et la Chine et par un ralentissement réel de la croissance mondiale.
Je voudrais d'ailleurs redire, au sujet des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, que j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le secrétaire américain en charge du Commerce, avec le représentant du Président Trump pour le Commerce et que j'ai répété à quel point nous étions opposés à ces sanctions infligées aux viticulteurs français.
Je veux dire aux viticulteurs français qu'ils peuvent compter sur le soutien du Gouvernement français et sur mon soutien pour sortir de cette politique de sanction et leur apporter toute l'aide nécessaire. Nous sommes dans un temps important de commercialisation de vin, il faut que les viticulteurs sachent qu'ils peuvent compter sur notre soutien.
Nous sommes également confrontés à un ralentissement de la croissance européenne et, de ce point de vue-là, je rappelle que la France tire son épingle du jeu mieux que les autres pays européens puisqu'elle maintient un niveau de croissance qui est élevé, un niveau d'investissement qui est important et une attractivité qui est désormais la meilleure de tous les pays membres de la zone euro.
Le dernier point général sur lequel je veux insister, au-delà des tensions commerciales et du ralentissement de la croissance de la zone euro, c'est la persistance de taux d'intérêt faibles, voire négatifs, qui ont évidemment un impact sur l'activité et qui doivent appeler tous les États qui ont la marge de manoeuvre budgétaire nécessaire à investir et à innover pour compléter une politique monétaire qui, désormais, est aux limites de son efficacité.
Dans ce contexte général de ralentissement de la croissance mondiale et de taux d'intérêt bas, voire négatifs, quelle est la politique que nous vous proposons à travers ce projet de loi de finances pour 2020 ?
C'est une politique d'innovation, une politique pour le travail et une politique de poursuite du rétablissement de nos finances publiques.
Face au ralentissement de la croissance, la seule politique qui nous paraît valable est celle de l'investissement dans l'avenir et la poursuite d'une politique de l'offre qui, je le redis, a commencé à donner des résultats avec la création d'un demi-million d'emplois dans notre pays, la restauration de marges de manoeuvre industrielles et le maintien d'une croissance solide.
Nous avons donc maintenu des choix fiscaux en faveur des entreprises.
Il y aura un milliard d'euros de baisse nette d'impôts sur les entreprises en 2020. L'intégralité des allègements de charges, quel que soit le niveau de salaire, sera maintenu. Ces allègements de charges ont été renforcés au 1er octobre dernier, puisqu'il n'y a plus aucune cotisation patronale au niveau du SMIC. Ces allègements de charges, je le redis, nous souhaitons les maintenir car nos entreprises ont besoin de visibilité et de stabilité sur le coût du travail pour les années qui viennent.
La baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuivra. La visibilité sera maintenue puisque le cap des 25% de taux d'impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises sera atteint en 2022, comme le président de la République s'y était engagé.
Les entreprises qui ont des chiffres d'affaires plus modestes verront leur impôt sur les sociétés baisser plus rapidement en 2020 que les autres, mais toutes les entreprises, quel que soit leur niveau de chiffre d'affaires, auront bien une baisse de l'impôt sur les sociétés dès 2020, avec une trajectoire qui les amènera à 25% en 2022.
Autre baisse d'impôt pour les entreprises : le prélèvement sur les entreprises affecté au financement des chambres de commerce et d'industrie diminuera. Nous nous y étions engagés, et nous tiendrons cet engagement.
Je veux également profiter de cette intervention pour rassurer les Chambres de commerce et d'industrie. Elles ont fait un travail très important pour se moderniser, pour s'engager dans une transformation en profondeur. J'ai toujours indiqué que nous vérifierions que cette trajectoire est supportable pour les Chambres. Il y aura bien un point d'étape en 2020 pour nous assurer que toutes les Chambres de commerce et d'industrie arrivent à supporter cette transformation. Je rappelle enfin que la suppression du prélèvement France Télécom permettra de rendre près de 30 millions d'euros aux chambres pour accompagner la transformation de leur modèle.
Au total, en plus des baisses d'impôts pour les ménages, les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour les entreprises sur le quinquennat, 27 milliards d'euros pour les ménages, 40 milliards d'euros de baisses d'impôts au total sur tout le quinquennat. Nous sortons de la période de matraquage fiscal qu'ont connu les entreprises et les ménages en France depuis plusieurs années.
Enfin, nous maintenons et nous continuerons de maintenir une politique d'innovation offensive, qui est la clé de notre souveraineté demain et qui est la clé également de la poursuite d'un niveau de croissance important.
C'est pour cela que nous avons décidé de sanctuariser le crédit impôt recherche, auquel nous ne toucherons pas. Nous avons simplement pris en compte les remarques de la Cour des comptes sur le forfait des dépenses de fonctionnement en ramenant ce taux de fonctionnement de 50 à 43%. C'était la recommandation de la Cour des comptes, nous la suivons par souci de responsabilité, ce qui représente une économie de 230 millions d'euros à l'horizon 2021.
Cette politique d'innovation, c'est celle qui nous a amené aussi à céder un certain nombre d'actifs que l'État détenait dans des entreprises, en particulier La Française des Jeux, dont je viens de lancer la cotation ce matin.
La privatisation de La Française des Jeux est un immense succès. C'est un succès populaire, avec plus d'un demi-million de Français qui y ont participé. C'est un succès pour La Française des Jeux, qui a montré sa solidité. C'est un succès pour la place financière de Paris, qui a montré qu'elle était attractive et c'est bien la preuve qu'il est possible de réconcilier les Français avec l'investissement dans les entreprises, qu'il est possible de permettre à une entreprise de se développer dans de bonnes conditions sur le marché tout en gardant une part de participation pour l'État, et qu'il est surtout possible de trouver les moyens financiers nécessaires pour financer les innovations de rupture, les nouvelles technologies, puisque je rappelle que l'intégralité du produit de cession ira au Fonds pour l'innovation de rupture.
C'est ce que nous croyons comme politique, laisser les entreprises commerciales se développer, leur donner les moyens de se développer tout en gardant un droit de contrôle de l'État, mais mettre l'État sur ce qui est vital pour les générations qui viennent : de l'innovation, de l'investissement dans l'intelligence artificielle, dans les énergies renouvelables, dans le stockage des données, dans tout ce qui fera demain la souveraineté de notre pays.
La deuxième grande orientation, c'est celle de la rémunération du travail.
Nous engageons dans ce budget, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin y reviendra, une baisse massive de l'impôt sur le revenu, qui va concerner des millions de Français et représenter une baisse de 5 milliards d'euros pour 17 millions de Français dès le 1er janvier 2020. Nous allons également voter, dans ce budget, des baisses d'impôts sur la taxe d'habitation, qui s'ajoutent à notre politique de meilleure rémunération du travail.
S'il y a une leçon à retenir de la crise des gilets jaunes, c'est qu'une immense majorité de Français aspirent à la dignité par le travail, à la juste rémunération de leur activité et à pouvoir vivre bien du travail et du salaire qu'ils touchent.
Toutes les mesures que nous avons prises depuis près de 3 ans s'inscrivent exactement dans cette orientation-là. La revalorisation de la prime d'activité, 100 euros de plus par mois au niveau du SMIC pour tous ceux qui travaillent, la défiscalisation des heures supplémentaires et la suppression de toute taxe sur l'intéressement vont permettre à chaque Français qui travaille d'être mieux considéré et de vivre plus dignement de son activité.
Sur l'intéressement, auquel je crois profondément, nous avons supprimé la taxe de 20 %, nous avons simplifié les accords d'intéressement, nous avons permis aux accords d'intéressement d'être signés non pas pour une durée de 3 ans mais pour une durée de 1 an, pour que les plus petites entreprises puissent expérimenter l'intéressement.
Je suis prêt à aller encore plus loin sur la simplification des accords d'intéressement pour les plus petites entreprises de moins de 11 salariés pour que, demain, il n'y ait pas simplement 1,4 million de salariés qui aient un accord d'intéressement, mais 3 millions, 3 fois plus, de sorte que l'intéressement soit généralisé aux salariés français dans les meilleurs délais. C'est une question de justice, de reconnaissance du travail et d'association des salariés aux résultats de l'entreprise.
Récompenser le travail, c'est aussi avoir la lucidité de voir à quel point dans certains services publics, je pense aux hôpitaux, les économies qui ont été demandées depuis des années ont pu provoquer des difficultés, des blocages, voire des souffrances de certains personnels. Le plan pour l'hôpital public qui a été annoncé par le Premier ministre, un plan d'une ampleur inédite, vise précisément à mieux récompenser le travail de ce personnel hospitalier, auquel nous devons tant.
Des primes seront donc versées pour soutenir le personnel hospitalier : 100 euros net par mois dès 2020 pour les aides-soignants qui exercent auprès des personnes âgées, 800 euros nets de primes annuelles pour les 40 000 infirmiers et aides-soignants vivant à Paris et sa proche banlieue, 300 euros distribués directement par les hôpitaux.
Nous avons également accepté, avec le ministre des Comptes publics, de reprendre une partie de la dette des hôpitaux, ce qui va permettre de dégager des moyens supplémentaires pour ces hôpitaux, soit pour assainir leur situation financière, soit pour investir dans des travaux du quotidien, qui sont indispensables pour les hôpitaux publics.
Pour financer ces baisses d'impôts, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales, et nous allons les réduire après de longues consultations qui ont permis de trouver des points d'équilibre avec les professions qui sont concernées.
Je prends l'exemple du gazole non routier, qui sera supprimé non plus en 1 an mais en 3 ans.
La première hausse interviendra non pas au 1er janvier 2020 mais au 1er juillet 2020, de façon à laisser aux professionnels le temps de s'adapter, et ils auront droit à un certain nombre de compensations que nous mettrons en oeuvre : clause générale de révision des prix, suramortissement pour acquérir du matériel moins polluant, augmentation de l'avance aux PME, qui sera portée de 5 à 10%, et inscription des travaux d'entretien du réseau des collectivités territoriales au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutes ces compensations répondent à des semaines de discussions avec les professionnels concernés par la suppression de cet avantage fiscal.
Deuxième niche que nous réduirons : le mécénat d'entreprise, que nous voulons encadrer. Nous avons donc baissé le taux de défiscalisation de 60 à 40% pour les dons supérieurs à 2 millions d'euros, ce qui ne concerne, je le rappelle, que 78 grandes entreprises. J'aimerais simplement que lorsque l'opposition nous explique qu'à chaque économie de dépenses publiques c'est une erreur, elle nous fasse des propositions aussi volontaires que celles que nous pratiquons.
Le troisième dispositif que nous supprimons, c'est l'avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique. Cet avantage sera plafonné, ce qui permettra de réaliser une économie de 400 millions d'euros dès 2020. Il est proposé dans le PLFSS.
Voilà les économies de dépenses publiques que nous faisons, mais je vois qu'à chaque fois que nous mettons en place des économies de dépenses publiques, tous ceux qui les réclament par ailleurs ne les votent pas, ce que je trouve regrettable car le sens des responsabilités devrait les amener à voter les réductions de dépenses publiques qui financent les baisses d'impôts qu'attendent tous les Français.
Enfin, le troisième point, qui est logique par rapport à ce que je viens de dire, c'est le rétablissement de nos finances publiques. Nous avons engagé, avec Gérald Darmanin, depuis 3 ans, le rétablissement des finances publiques françaises. Nous étions en procédure pour déficit excessif, nous ne sommes plus en procédure pour déficit excessif. Nous étions au-dessus des 3% de déficit public, nous sommes en dessous des 3% de déficit public, 2,2% en 2020. C'est le déficit public le plus bas depuis 20 ans. Les chiffres sont têtus, et ces chiffres montrent que nous rétablissons nos finances publiques, que nous stabilisons la dette et que nous baissons le déficit public.
Certains diront, à juste titre, que nous le faisons à un rythme qui est plus long que ce qui était prévu.
C'est vrai, et je pense qu'il est raisonnable d'adapter le niveau de rétablissement des finances publiques à la fois à la conjoncture internationale et à la situation sociale du pays. Nous ne perdons pas le fil de notre politique qui vise à rétablir les finances publiques françaises, et nous rétablirons les finances publiques françaises. Mais nous ne pouvons pas faire comme s'il n'y avait pas eu une crise sociale majeure dans notre pays. On ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas eu des millions de Français qui réclamaient une amélioration de leurs conditions de vie, et on ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas une crise internationale qui a mené à un ralentissement profond de la croissance mondiale, à la fois aux États-Unis et dans la zone euro.
Ces objectifs seront donc tenus d'ici la fin du quinquennat, et nous permettront à la fois de conjuguer politique de l'offre, meilleure rémunération du travail et rétablissement de nos finances publiques. Je crois profondément que c'est l'alliance entre ces trois objectifs - rétablissement de nos finances publiques, meilleure rémunération du travail et politique pour l'innovation et l'investissement - qui permettra à la France de rester dans la situation où elle est, c'est à dire une des économies les plus vaillantes de la zone euro.
Merci à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 26 novembre 2019