Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement, à LCI le 23 septembre 2019, sur les mobilisations des Gilets jaunes et les abattements fiscaux pour les personnes âgées dépendantes.

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Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être sur LCI, vous êtes donc porte-parole du gouvernement. D'abord, quelle leçon vous tirez de la 45e mobilisation des Gilets jaunes samedi, en particulier à Paris.

SIBETH NDIAYE
Je crois que c'est une mobilisation dont on voit qu'elle diminue par rapport aux samedis qu'on a connus il y a bientôt 1 an au mois de décembre et au mois de novembre, donc c'est malheureusement, je crois, je dis malheureusement… une mobilisation qui se poursuit parce que je pense que le gouvernement a apporté des réponses importantes, à la fois en matière de pouvoir d'achat, mais aussi des réponses sur les questions de citoyenneté, de démocratie représentative, à travers la réforme qu'on présente sur la réforme des institutions, et donc, de mon point de vue, c'est une mobilisation qui n'a plus lieu d'être compte tenu des réponses que nous avons apportées, des réponses importantes, je crois, que nous avons apportées.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc pour vous il n'y a plus de motifs légitimes, pour les Gilets jaunes, de se mobiliser ?

SIBETH NDIAYE
Après, ça c'est le sentiment que moi j'en ai compte tenu des avancées qu'a produite le gouvernement. Je comprends, en revanche, que des Gilets jaunes, et c'est la liberté de chacun, en France, que de manifester, moi je souhaite à chaque fois que ça se fasse sans qu'il n'y ait de dégâts, malheureusement on a vu hier que des Black blocs avaient réussi à s'infiltrer, en particulier dans la Marche pour le climat, et donc à bouleverser, en quelque sorte, ce qui était, ce mouvement, extrêmement pacifique, très digne et très engagé, donc je le regrette évidemment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous dites, je regrette ces manifestations parce qu'on a répondu aux Gilets jaunes, et pourtant dans l'interview qu'Emmanuel MACRON a consacré au magazine Time, dans sa version internationale, il a eu une formule, d'ailleurs assez curieuse, il a dit qu'il était dans "la vallée de la mort", qui est cet espace où on attend les résultats d'une politique. D'abord, "la vallée de la mort", un petit mot quand même de la violence de l'expression, qu'est-ce que ça traduit, et puis ensuite ça veut bien dire que les résultats ne sont pas encore là.

SIBETH NDIAYE
Alors, deux choses. D'abord sur l'expression elle-même, ça renvoie à une sémantique qui est celle des start-up en Californie où on explique ce moment où on a beaucoup investi, et en l'occurrence pour nous ça correspondrait à un moment où on a fait énormément de réformes et où on n'a pas encore les fruits totalement de cet investissements-là, et on est encore dans ce moment-là où on a des premiers résultats, je pense en particulier sur le front du chômage, où on a vu que depuis le début du quinquennat le chômage a baissé de 1 point quasiment et on a créé 500 000 emplois, donc…

ELIZABETH MARTICHOUX
300 000 chômeurs en moins globalement !

SIBETH NDIAYE
Exactement, et donc on voit bien…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est modeste, c'est une baisse modeste.

SIBETH NDIAYE
Non, c'est important. Pardon de vous le dire, mais depuis plus de 10 ans on n'avait pas obtenu des chiffres aussi bons, donc je peux quand même me permettre de mettre sur la table le fait que ce sont des résultats qui sont encourageants. Après, toutes les mesures que nous avons prises ne donnent pas encore pleinement leur effet, donc c'est pour ça que le président de la République indiquait que nous étions dans ce moment très particulier d'un quinquennat, où beaucoup a été fait, et où il y a une attente très forte sur les résultats, qui commencent tout doucement à se faire voir. Et puis, vous m'interrogez sur les Gilets jaunes. Oui, je crois que nous avons produit un certain nombre de mesures qui sont de nature à répondre aux interrogations qui se sont faites jour au début de la crise des Gilets jaunes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais qu'est-ce que vous leur dites encore une fois, puisque vous dites… un peu de patience ?

SIBETH NDIAYE
Ce que je dis c'est que nous avons fait un certain nombre de choses en matière de pouvoir d'achat, et donc le pouvoir d'achat des Français n'aura jamais autant augmenté que sous l'action de ce gouvernement, depuis les 10 ou 12 dernières années, donc ça ce sont des choses qui sont tangibles, je crois que c'est une augmentation de 850 euros, en moyenne, sur l'année 2019, du pouvoir d'achat. En revanche, ce qui a été, dans le fond, à l'origine de la crise des Gilets jaunes, au-delà de l'étincelle qu'on a eue sur la taxe carbone et, au fond, le pouvoir d'achat, c'est-à-dire des racines qui sont très profondes, qui sont là depuis des dizaines d'années, sans doute cela on ne va pas le résoudre d'un claquement de doigts, la disparition des services publics dans les régions rurales, le sentiment d'être un peu sur le bord du chemin pour la mondialisation, ça ce n'est pas d'un coup de baguette magique qu'on va le résoudre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Les fractures, les problèmes de fractures territoriales, ou autres fractures tout court, vous dites : donnez-nous du temps.

SIBETH NDIAYE
Mais je dis tout simplement que, on ne va pas reconstruire ce que 30 ans de politiques publiques ont défait, en 2 ans.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un peu de patience.

SIBETH NDIAYE
Mais nous nous y attelons.

ELIZABETH MARTICHOUX
A propos de pouvoir d'achat, question précise, réponse courte s'il vous plaît Sibeth NDIAYE. Vous confirmez la baisse de la redevance d'1 euro l'an prochain ?

SIBETH NDIAYE
Alors, c'est effectivement parmi les pistes du projet de loi de Finances pour l'année prochaine, oui, effectivement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous confirmez que Gérald DARMANIN va le proposer au budget ?

SIBETH NDIAYE
Ah, moi je ne sais pas ce que sera l'arbitrage définitif du projet de loi de Finances, qui sera présenté par Gérald DARMANIN…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vendredi en Conseil des ministres.

SIBETH NDIAYE
Exactement, en Conseil des ministres, mais effectivement on pourrait logiquement se dire que, là où nous avons pu faire réaliser des efforts à la sphère de l'audiovisuel public, on puisse, à un moment donné, répercuter cela. Il y a aussi des arbitrages à réaliser parce que, je veux juste le dire très rapidement, mais l'audiovisuel public français a à faire face à de très lourdes transformations, des transformations pour l'avenir, qui permettront d'améliorer le service public, donc il faut peut-être aussi lui donner des marges de manoeuvre, c'est au ministre du Budget de trancher, on ça vendredi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Budget toujours. Selon les Echos ce matin, le gouvernement souhaite limiter sérieusement un avantage fiscal dédié aux personnes âgées à partir de 70 ans, elles ont droit à une exonération totale des cotisations patronales, et ce serait, à partir de l'an prochain sans doute, dans le budget en tout cas 2020, réservé aux personnes handicapées ou en perte d'autonomie. Est-ce que vous confirmez cette intention du gouvernement ?

SIBETH NDIAYE
Oui, cela je vous le confirme tout à fait parce que, il s'agit de faire en sorte… l'abattement dont vous parlez vous permet aussi bien d'avoir quelqu'un qui vient vous accompagner à domicile, quand vous êtes dans la difficulté ou dans la dépendance, que de vous payer un jardinier, et donc on voit bien que, lorsque notre propos est d'accompagner les personnes âgées en situation de dépendance ou en situation de handicap, nous souhaitons, au final, recentrer les choses pour que, les aides, quand elles existent, elles s'adressent aux personnes qui en ont le plus besoin.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un nouveau coup porté aux retraités.

SIBETH NDIAYE
Non, ce n'est pas un nouveau coup…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un risque de…

SIBETH NDIAYE
Ce n'est pas un nouveau coup porté aux retraités. Quand votre propos il est d'utiliser un abattement fiscal, ou un abattement social, pour des travaux, par exemple de jardinerie, je ne crois pas que ce profondément la chose la plus importante…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais c'est par ailleurs une aide à domicile à laquelle ont recours beaucoup de personnes de plus de 70 ans, qui consiste à être aidé pour le ménage, pour la cuisine, pour l'accompagnement, même pour une compagnie.

SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr, et donc il y a aujourd'hui des aides qui permettent d'employer des personnes à domicile, il y a des abattements, comme pour n'importe quel Français, qui existent, si vous vous avez une nounou pour raccompagner vos enfants depuis l'école, vous bénéficiez d'abattements fiscaux, de la même manière ces abattements fiscaux perdureront, y compris pour les personnes âgées, ce qui vient en supplément…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez dire que d'autres dispositifs prendront le relais ?

SIBETH NDIAYE
D'autres positifs existent déjà, ne seront pas modifiés, ce que nous souhaitons c'est que cet abattement social, en particulier, on puisse le cibler davantage sur les personnes âgées qui sont dépendantes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous n'avez pas peur que les seniors se sentent une nouvelle fois attaqués par une politique qui les vise eux en particulier ?

SIBETH NDIAYE
Non, il n'y a pas de politique…

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que ça fait faire une économie de 300 millions, donc quand même, ça veut dire que certains perdront.

SIBETH NDIAYE
Vous savez, il faut pouvoir faire des choix. Nous, nous considérons que, un budget se construit en faisant des choix, et donc on considère, en l'occurrence là, que les aides sociales, cette forme d'aides, ce n'est pas vraiment une aide sociale, mais cette forme d'aides à travers des abattements fiscaux ou sociaux, doivent pouvoir se concentrer sur ceux qui en ont besoin du point de vue de la dépendance, et donc on fait ce choix-là, un budget c'est toujours des choix. Et il n'y a pas de politique anti-vieux qui soit menée par ce gouvernement, je dis les choses de manière très cash, bien au contraire, nous sommes tout à fait conscients que, aujourd'hui dans notre pays il y a des petits retraités, qui ont très peu de moyens, et ceux-là nous les accompagnons, et le président de la République, au mois de décembre dernier, avait déjà réduit l'augmentation de la CSG pour tous ceux avec des revenus sous 2000 euros.

ELIZABETH MARTICHOUX
En tout cas vous confirmez l'information des Echos sur le ciblage de cette exonération fiscale. Il y a une semaine, Sibeth NDIAYE, Emmanuel MACRON a remis le débat sur la politique migratoire au centre des débats, le lendemain sur LCI voilà ce que répondait Valérie PECRESSE, la présidente de la région Ile-de-France, écoutons.

VALERIE PECRESSE, PRESIDENT DE LA REGION ILE-DE-FRANCE
Je dis bon constat, mais où sont les solutions ? Comme d'habitude il y a un décalage total entre le regard, je pense assez lucide, que le président de la République jette sur la situation, et l'absence totale de solutions.

ELIZABETH MARTICHOUX
"Absence totale de solutions" dit Valérie PECRESSE qui enfonce le clou hier dans le Journal du Dimanche, qui dénonce un double langage, une duplicité présidentielle sur ce sujet, elle a tort, il n'y a pas de double jeu ?

SIBETH NDIAYE
Oui, je pense qu'elle a évidemment tort. Permettez-moi de dire à Valérie PECRESSE que, je crois que dans notre pays, malheureusement, le débat sur l'immigration est un débat qui emporte trop de passion, c'est un débat dans lequel vous êtes systématiquement dans le fantasme, dans la contre-vérité, et on voit bien, d'ailleurs, fleurir çà et là, dans le débat, depuis qu'il a été lancé par la majorité, on voit bien qu'il y a des choses fausses qui sont dites.

ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple, qu'est-ce qui a été dit de faux dans la majorité ?

SIBETH NDIAYE
Non, pas au sein de la majorité. Je vous dis, depuis que la majorité a fait le choix de porter sur la place publique un débat qu'il est normal d'avoir dans une grande démocratie comme la nôtre, compte tenu des mouvements migratoires que l'on peut anticiper, à cause du réchauffement climatique, à cause des troubles militaires qui existent…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez dit que la France devait "s'armer" d'ailleurs, c'est votre mot.

SIBETH NDIAYE
Mais bien sûr nous devons, mais évidemment que nous devons nous armer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et alors, quelles sont les contre-vérités, pardon, que vous dénoncez… ?

SIBETH NDIAYE
Eh bien par exemple, il y a des choses qui sont dites sur l'aide médicale d'Etat, qui ne correspondent pas à la réalité, ou tout du moins pas à une réalité que nous ayons mesurée à ce stade. Moi ce que je dis en la matière, c'est qu'il est d'abord nécessaire d'avoir ce débat, il est nécessaire parce qu'il faut anticiper l'avenir, ce que je vous disais avec les mouvements migratoires qui auront lieu à l'échelle de la planète. Il important d'avoir ce débat aussi parce que nous avons une forme d'atypie française sur les questions migratoires, et en particulier sur la demande d'asile, puisque partout en Europe, depuis 2015, depuis la crise 2015, on voit le nombre de demandeurs d'asile diminuer, alors qu'il augmente fortement dans notre pays, et donc il y a une question à se poser. Et la dernière chose, et je veux le préciser, c'est que, aujourd'hui, les gens qui majoritairement demandent l'asile en France ne viennent pas de pays d'origine non sûre, ils viennent en particulier de pays d'Europe…

ELIZABETH MARTICHOUX
Albanie, Géorgie…

SIBETH NDIAYE
Qui demandent leur adhésion à l'Union européenne, donc on voit bien que le sujet on est légitime à le poser.

ELIZABETH MARTICHOUX
Sibeth NDIAYE, le président prenant acte effectivement des chiffres que vous dites, de la relative inefficacité de la politique, y compris la loi Asile Immigration de Gérard COLLOMB à juguler ces flux migratoires des pays sûrs, mais bref, est-ce que c'est un virage stratégique, est-ce que c'est un changement de pied politique d'Emmanuel MACRON sur le sujet ?

SIBETH NDIAYE
Mais absolument pas. Le président de la République maintient évidemment les propos qu'il a eus au moment de la vague migratoire qui a touché l'Allemagne, lorsque nous avions beaucoup de réfugiés venant de Syrie, mais rappelons le cas allemand jusqu'au bout.

ELIZABETH MARTICHOUX
On rappelle quand même, pardon, parce que c'est vrai que ça tremble aussi au sein de votre majorité, qu'à l'époque, avant même qu'il soit en campagne, et pendant qu'il était en campagne, il a surtout mis en avant le caractère humanitaire de la politique d'Angela MERKEL. Ça c'est du en même temps quand même caractérisé ! En même temps, il y a 2, 3 ans on met l'humanité devant, et aujourd'hui on dit attention, les bourgeois sont très contents de ce qui se passe en matière migratoire parce qu'ils ne le voient pas, et les classes populaires sont percutées de plein fouet. C'est un langage assez réminiscent si vous voyez ce que je veux.

SIBETH NDIAYE
Alors, permettez-moi de poser les choses à plat. Quand des centaines de milliers de réfugiés syriens se sont présentés aux portes de l'Allemagne, une chancelière conservatrice, Angela MERKEL, a fait un choix extrêmement courageux en ouvrant les portes et en les accueillant. Quelques années plus tard, le bilan que nous avons c'est que moins de la moitié de ces personnes ont été régularisées au titre du droit d'asile, le reste n'ont pas été régularisées.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc ?

SIBETH NDIAYE
Et donc, qu'est-ce que ça nous apporte comme enseignement ? le premier c'est qu'il vaut mieux se préparer aux mouvements migratoires importants qui auront lieu à la surface de la planète, plutôt que de le faire dans l'urgence, et on a vu ce que ça a pu donner en Allemagne, et évidemment dans les pays qui ont été traversés, notamment à l'Est de l'Europe…

ELIZABETH MARTICHOUX
Deuxièmement ?

SIBETH NDIAYE
Et deuxièmement, c'est que, une fois qu'on est préparé, il faut que le droit, dont on dispose en matière d'asile, soit adapté pour absorber les choses et il faut qu'on soit dans une réponse qui soit européenne, parce que la réalité c'est que les plus de 500 000…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais au niveau français ?

SIBETH NDIAYE
Les plus de 500 000 personnes qui sont arrivées en Allemagne et qui n'ont pas été régularisées, elles n'ont pas disparu d'un coup de baguette magique, donc elles sont toujours en Allemagne, en situation irrégulière, ce qui pose d'autres problèmes, ou bien elles se sont dispersées dans d'autres pays. Donc on a une législation européenne qui n'est pas opérante aujourd'hui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Sibeth NDIAYE, est-ce qu'au niveau français, puisqu'Emmanuel MACRON parlait aussi de la France, est-ce que les Français attendent plus d'ordre et plus de fermeté sur ce thème ?

SIBETH NDIAYE
De toute évidence… vous savez, je suis très régulièrement l'objet d'attaques racistes sur les réseaux sociaux, de mon point de vue qu'est-ce que ça signifie au fond ? ça signifie que dans notre pays, même si les réseaux sociaux sont une forme de concentré qui ne reflète pas forcément le pays, mais ça veut bien dire quelque part que, il y a quelque chose qui n'est pas digéré dans notre pays avec l'immigration, il y a quelque chose où une partie de nos compatriotes ne se sentent pas complètement à l'aise avec ce que signifie l'immigration, ont la crainte de voir des vagues ou des hordes d'immigrés débarquer en France, je ne crois pas que ça corresponde, en aucun cas, à la réalité, ça c'est ma conviction. Mais, à un moment donné, quand vous avez des craintes qui s'expriment dans votre pays, il faut pouvoir les affronter, donc il faut pouvoir poser à plat les choses, dire ce qu'est la vérité de l'immigration, dire d'où viennent les gens, poser la question de ce que nous voulons, de ce que sont nos préférences collectives, et le débat que nous allons avoir, d'ici quelques jours, nous permettra de le faire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc, ce que vous dites, ce que vous expliquez, ce que vous contextualisez, c'est que les Français effectivement attendent plus de fermeté.

SIBETH NDIAYE
Je ne dis pas qu'ils attendent plus de fermeté, on voit bien qu'il y a des endroits, des moments où les Français sont dans beaucoup d'empathie, où on vient accompagner les réfugiés, puisqu'il y a des associations qui se mobilisent, mais on voit bien dans le même temps qu'il y a de la crainte qui s'exprime, donc on peut faire comme les petits singes et mettre les mains devant les yeux, ou bien on peut affronter les choses, mettre à plat, dire ce qui fonctionne bien, ce qui ne fonctionne pas bien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites il faut ouvrir ce débat, Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Une des choses qui ne fonctionnent pas bien, par exemple, c'est l'intégration. Aujourd'hui, pardon de vous le dire, mais aujourd'hui il y a des personnes qui viennent, qui sont d'origine étrangère, et dont on voit bien qu'on les a concentrées dans certains territoires et que, du coup, on n'a pas mis en place les bonnes choses pour leur permettre de s'intégrer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous parle immigration, vous répondez intégration, ça renvoie effectivement aux états d'âme des parlementaires de votre majorité. Est-ce que, s'il y a des députés qui quittent la majorité par désaccord politique, comme certains l'ont déjà témoigné dans une lettre, notamment une quinzaine, est-ce que vous dites c'est le prix à payer pour ouvrir ce débat et pour assumer ce débat ?

SIBETH NDIAYE
D'abord on n'est pas dans cette situation, donc moi qu'il y ait des parlementaires de La République en Marche, ou des parlementaires du MoDem, donc des parlementaires de la majorité, qui expriment des positions et qui souhaitent contribuer au débat par la Tribune tels qu'ils ont pu l'avoir pour un certain nombre d'entre eux, je pense que c'est positif, et je pense que, au contraire, on doit faire en sorte, et c'est ce qu'on a fait depuis le début, sur d'autres sujets par exemple, sur la bioéthique en particulier, sur la PMA, je pense qu'on doit pouvoir avoir…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes prêts à assumer jusqu'au bout…

SIBETH NDIAYE
On doit pouvoir avoir un débat. Mais enfin, qu'est-ce que c'est que ce pays où il y a des sujets qui seraient tabous ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous leur dites quoi à ces parlementaires ?

SIBETH NDIAYE
Il n'existe pas de sujets tabous.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous dites aux parlementaires, en un mot Sibeth NDIAYE, en un mot, à ces parlementaires qui, quand même, ne comprennent pas ce qu'ils perçoivent eux, et beaucoup sont issus par exemple du Parti socialiste, perçoivent eux comme un changement stratégique de ligne ?

SIBETH NDIAYE
Alors, je leur dis d'abord qu'ils se trompent, il n'y a pas de changement stratégique de ligne, notre ligne elle est identique depuis le début, c'est de traiter les sujets migratoires à la fois avec humanité et avec fermeté. Humanité ça veut dire qu'on doit être capable d'intégrer les gens, de les accueillir dans de bonnes conditions, moi je ne souhaite pas qu'il y ait de camps aux portes de Paris qui puissent perdurer, donc il faut qu'on puisse trouver les moyens de faire en sorte que les gens soient bien accueillis dans notre pays, mais il faut aussi trouver les moyens de faire en sorte que lorsqu'il ne relèvent pas du droit d'asile, ils soient reconduits, et puis on pourra poser une autre question qui est celle de l'immigration légale, de celle de l'immigration qui n'est pas l'immigration liée à la demande d'asile, mais ayons le débat, bon sang de bon sang, ayons le débat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ne dites pas non au débat, ne fermez pas le débat avant même qu'il soit ouvert.

SIBETH NDIAYE
Ne fermons pas le débat avant même qu'il ait lieu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Si vous ouvrez le débat, qu'il n'y a pas de décision, ça n'aura pas de sens…

SIBETH NDIAYE
Bien sûr, ça n'aura pas de sens, donc…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il va y avoir des décisions dans les semaines, les mois qui viennent, dans le cadre du budget, pour limiter certains dispositifs qui peuvent créer des appels d'air, en un mot ?

SIBETH NDIAYE
Je ne sais pas si ce sera dans le cadre du budget.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça peut.

SIBETH NDIAYE
Ça peut être le cas. Si on discute, c'est bien pour essayer de voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, et qu'est-ce qu'on veut, et avant même de nous poser la question sur des mesures, posons-nous la question du débat stratégique, de l'orientation que nous voulons avoir sur les questions migratoires, et ensuite on peut savoir s'il faut du réglementaire, s'il faut du législatif, s'il faut pousser les deux au niveau diplomatique pour pouvoir avancer. Mais moi je dis, on fait un état des lieux, on décide ensemble de ce qu'est notre préférence collective en matière migratoire, et ensuite on prend des mesures s'il y a lieu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà pour la méthode, message à la majorité. Edouard PHILIPPE prendra la parole le 30 septembre prochain…

SIBETH NDIAYE
Je ne sais pas vous le dire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans une semaine, devant l'Assemblée nationale ?

SIBETH NDIAYE
Je ne sais pas vous le dire. Il y a aujourd'hui trois ministres qui sont en charge, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves LE DRIAN, celui de l'Intérieur, pour la question de gestion des flux, c'est évident, c'est Christophe CASTANER, et sur les questions sanitaires Agnès BUZYN.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et Edouard PHILIPPE pourrait prendre la parole…

SIBETH NDIAYE
Je ne sais pour vous dire aujourd'hui…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne savez pas, vous ne voulez pas le dire.

SIBETH NDIAYE
Ce n'est pas que je ne veux pas, c'est que je ne le sais pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot du maire "décrocheur", on en a beaucoup parlé ce matin dans "La matinale" de LCI, le maire de Vienne a décidé de décrocher le portrait du président de la République de la mairie, c'est un maire LR, conseiller régional, pour le "prêter" à une manifestation de Gilets jaunes, ils l'ont utilisé d'ailleurs, ils doivent le rapporter aujourd'hui. Est-ce qu'il est dans son rôle, est-ce que ça vous choque ou pas ?

SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr, moi ça me choque énormément.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi ?

SIBETH NDIAYE
Je crois, d'autant plus peut-être parce que j'ai été naturalisée, j'ai un attachement très profond à tous les symboles républicains. Moi je n'ai aucun problème avec le fait qu'on puisse ne pas être d'accord avec la politique d'Emmanuel MACRON, en revanche le fait qu'il y ait un portrait du président de la République française dans toutes les mairies, au même titre qu'il y a un drapeau dans toutes les mairies de la République française, pour moi c'est aussi important. Les symboles de la République on leur doit respect, et je considère que ce type d'action n'est pas de nature à prouver votre opposition politique à un gouvernement et à une majorité…

ELIZABETH MARTICHOUX
Un manque de responsabilité ?

SIBETH NDIAYE
Je pense que ce n'est pas très responsable de le faire, et moi il me semble qu'on doit avoir systématiquement le respect de nos symboles républicains.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous condamnez sa décision, est-ce que ça vaut une sanction?

SIBETH NDIAYE
Ça c'est à la justice de le voir, moi je crois qu'il ne faut pas non plus donner trop d'importance à ces éléments-là, mais je pense qu'il faut qu'il y ait une parole publique et politique qui le condamne.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour finir, on a quelques secondes. La veille du 13 septembre, à la veille d'une manifestation vous avez dit "je prends ma voiture de fonction", en gros ça a choqué parce que vous disiez moi je n'ai pas de problèmes de transport, j'ai une voiture de fonction. Il y a une grève demain, est-ce que c'était une maladresse de votre part d'avoir dit ça ? Beaucoup de gens l'ont perçu vraiment comme quelque chose d'assez insultant à leur égard, ceux qui prennent le métro ou qui sont en galère quand il y a une grève dans les transports.

SIBETH NDIAYE
Alors, vous savez, j'ai été nommée le 31 mars… j'ai été nommée il y a quelques mois, avant ma nomination, et le jour, d'ailleurs, où j'ai été nommée, je suis venue à l'Elysée en bus, avant ce jour-là je venais tous les jours au travail en métro ou en bus, le jour où je ne serai plus ministre, peut-être dans une semaine, peut-être dans 2 mois, peut-être dans 1 an, je reprendrai les transports en commun. Donc les procès qui consistent à dire que je serais quelqu'un qui n'aurait aucune espèce de lien avec la réalité sont des gens qui me connaissent assez mal.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'avoir été ce matin sur LCI.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 septembre 2019