Texte intégral
ALBA VENTURA
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
Vous serez cet après-midi aux Invalides pour rendre hommage à nos treize soldats morts au Mali il y a tout juste une semaine. Des classes d'élèves des quatre régiments où étaient basés les militaires seront également présentes, de Pau, de Gap, de Saint-Christol et de Varces. Vous allez recevoir ces jeunes gens avant l'hommage au Ministère ; pour leur dire quoi ? Pour leur transmettre quoi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est toujours important quand il y a un événement de ce type de faire sentir aux enfants l'importance de ce qui se passe et puis d'être dans cette logique de transmission. Nous tenons à ce que dans tous les hommages – et c'est d'ailleurs vrai aussi pour chaque 8 Mai, chaque 11 Novembre si possible dans chaque commune – que les enfants soient présents. D'abord pour témoigner aux militaires cette solidarité de toute la Nation et donc des enfants comme des adultes, mais aussi pour que les enfants partagent ces moments qui sont par définition des moments d'unité nationale.
ALBA VENTURA
On comprend l'engagement patriotique à cet âge-là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Vous savez, l'éducation morale et civique, elle est faite pour ça et elle commence dès l'école primaire. C'est quelque chose de normal et de naturel que d'ailleurs on trouve normalement dans pratiquement chaque pays et ça n'a rien d'extravagant, si vous voulez. C'est, au contraire, normal de faire sentir que, encore une fois, on appartient à un même pays et que ce pays vit des bonheurs et des tragédies et qu'au moment des tragédies, il est soudé.
ALBA VENTURA
Au-delà de cet hommage, Monsieur le Ministre, la question de la présence ou non des forces françaises au Sahel, elle se pose à votre avis ? Elle est discutable ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Par définition, toutes les options diplomatiques et militaires sans arrêt se discutent. C'est fait pour ça d'ailleurs. Le Parlement est tout à fait compétent pour le faire et le fait régulièrement.
ALBA VENTURA
Mais pour vous ? Il faut maintenir une présence absolue avec l'aide des Européens ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas ce que chacun doit comprendre, c'est que ce qui s'est joué dans une décision qui a été prise dans le précédent quinquennat et que nous avons été très nombreux à saluer – et moi aussi même si je n'étais pas ministre – c'est que ce qui se jouait, c'était notre sécurité à l'échelle internationale mais aussi à l'échelle de la France. Donc il ne faut jamais être simpliste sur ces sujets et quand l'armée intervient à l'extérieur de cette façon-là, c'est aussi pour assurer notre sécurité. Si elle n'était pas intervenue, aujourd'hui nous aurions un très grand pays, le Mali, qui serait un foyer djihadiste et qui enverrait des terroristes chez nous tout simplement. C'est ça qui se joue. Maintenant ce qui est évident et ç'a été très bien dit notamment par Florence PARLY, nous avons besoin de partager la responsabilité. Nous aimerions mieux ne pas y être. Nous aimerions mieux que…
ALBA VENTURA
Y être mais pas tout seuls.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ne pas y être tout seuls, dans l'idéal évidemment c'est la capacité des cinq Etats du Sahel concernés d'avoir les forces prêtes pour ça et puis, en attendant, d'avoir les Européens davantage avec nous dans ces interventions.
ALBA VENTURA
Jean-Michel BLANQUER, vous avez participé hier soir au séminaire du gouvernement à Matignon. Veillée d'armes dit-on avant la grève du 5 décembre. Qu'est-ce qui ressort de cette réunion ? Vous avez un peu clarifié les choses parce que c'est quand même le grand flou qui règne.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. C'était très utile d'avoir cette réunion. Je ne pense pas que ce soit le grand flou. Je pense que c'est, au contraire, différentes étapes qui ont été prévues depuis assez longtemps, c'est-à-dire que ce sont des étapes d'écoute. Rappelons-le. Cette réforme des retraites a fait l'objet de concertations très longues. Aujourd'hui, on est encore dans des phases de discussion. Il y a des choses qui se calent, il y a aussi les Français qui nous disent des choses.
ALBA VENTURA
Oui, mais il y a des choses qui sortent : clause du grand-père, pas clause du grand-père, âge pivot, allongement de la durée de la cotisation. Gérard LARCHER, le président du Sénat, vous accusait hier – enfin, le gouvernement – d'entretenir l'opacité sur cette réforme des retraites.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il est dans son rôle d'opposant de dire des choses comme ça.
ALBA VENTURA
Mais les Français ne comprennent pas bien…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Certains commentaires comme celui-ci sont fait plus pour créer de l'opacité que pour réellement s'en inquiéter. Donc si vous voulez, si on veut dire les choses très simplement, premièrement les retraites aujourd'hui sont un système complexe et qui risque de ne pas fonctionner dans les temps à venir si on ne fait rien. Ce gouvernement d'ailleurs, ce serait plus simple pour lui de rien faire comme l'ont fait d'autres gouvernements. Là, nous voulons agir tout simplement pour assurer pour les générations à venir une retraite à la fois plus équitable et plus simple.
ALBA VENTURA
Donc ça, c'est ce qui s'est dit hier soir.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça, c'est les bases de tout ce que nous faisons. Les deux bases.
ALBA VENTURA
Donc qu'est-ce qui s'est dit hier soir ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui s'est dit hier soir, c'est que si nous voulons assurer l'égalité et si nous voulons assurer la simplicité qui sont les deux objectifs poursuivis, nous devons jouer sur un paramètre. Les trois paramètres qui existent en matière de retraite, c'est le niveau de pension, c'est le montant des cotisations et puis c'est l'âge de départ à la retraite. Toute personne qui nous trouverait un quatrième critère serait intéressante à écouter mais personne n'en a vu. Donc nous savons que nous ne voulons pas diminuer le montant de la pension.
ALBA VENTURA
Ça, vous l'avez dit plusieurs fois.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est l'engagement vis-à-vis des Français mais c'est un point très important, parce que les inquiétudes qui se développent çà et là sont sur ce sujet. Justement tout ce que nous faisons, c'est pour éviter de baisser les pensions. Nous ne souhaitons pas trop travailler sur l'augmentation des cotisations parce qu'il y a déjà beaucoup de charges sociales sur les Français. Et donc toute la discussion, on le voit bien, porte notamment sur l'âge et c'est normal qu'il y ait une discussion là-dessus. Donc ce point-là n'est pas encore défini parce que précisément il se discute, même si on a déjà commencé à dire des choses. On n'est pas muet sur ce sujet. On a parlé notamment de la classe 1963.
ALBA VENTURA
Mais il faut que tout le monde ait en tête qu'il va falloir travailler plus longtemps.
JEAN-MICHEL BLANQUER
De toute façon, je pense que ça, indépendamment de la réforme, tout le monde a compris que dans un pays où on vit plus vieux et où il y a moins d'actifs, il est normal d'agir sur l'un des paramètres. Là encore, celui qui dirait le contraire…
ALBA VENTURA
Ceux qui vont faire grève et ceux qui bénéficient des régimes spéciaux, non, ne l'ont pas en tête.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Je pense que certains sont en grève parce qu'ils ne comprennent pas tout donc c'est aussi notre travail d'expliquer avant le 5, et puis parce qu'ils ont envie de faire valoir leur de voir, ce qui est tout à fait leur droit en démocratie. Simplement c'est notre devoir, et a fortiori en amont du 5 parce qu'on n'est pas obligé de se résoudre à ce que la grève soit énorme – moi, je ne souhaite pas que ce soit le cas - donc je pense qu'on pourrait…
ALBA VENTURA
Vous pensez que ce ne sera pas un mouvement dur ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, non. Je pense que ça peut être un mouvement dur, il n'y a aucun doute là-dessus, enfin sur le fait que c'est possible. Maintenant, je pense que ce n'est pas une fatalité. Qu'il faut encore une fois se parler tranquillement, sereinement. C'est ce que nous faisons d'ailleurs en disant : « Au fond dans une démocratie sociale avancée, on devrait pouvoir s'entendre là-dessus parce que tous les paramètres sont sur la table ».
ALBA VENTURA
Parmi ceux qui vont se mobiliser en masse le 5 décembre, il y a bien sûr les enseignants qui vont faire partie des grands perdants de la réforme. Même le président l'a reconnu. Certains disent : « On va perdre entre trois cents… »
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, il n'a pas reconnu qu'ils seraient les perdants ! Il a dit : « Il ne faut pas qu'ils soient les perdants. » C'est ça la différence.
ALBA VENTURA
Oui, ça implique qu'il va y avoir des perdants. Mais est-ce que vous allez intégrer les primes des enseignants dans les retraites ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.
ALBA VENTURA
Les primes et les indemnités.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. C'est juste un des principes de la retraite parce qu'il y a beaucoup de progrès possibles avec la retraite. Par exemple ce que l'on fera, ce qu'on peut discuter sur les dernières années de travail qui peuvent s'aménager, des choses comme ça. Parmi les progrès possibles, certains même puisque ça c'est vraiment prévu dans la retraite, c'est le fait que les primes soient intégrées. Mais justement le problème, c'est qu'aujourd'hui les primes des enseignants ne sont pas très élevées si vous comparez à d'autres fonctionnaires.
ALBA VENTURA
Notamment au primaire. Ils n'en ont quasiment pas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait. Donc il y a des inégalités aujourd'hui que justement la réforme des retraites permet de révéler. Et donc ces inégalités, nous sommes en train de travailler. Il ne faut pas parler au futur mais au présent. Nous sommes en train de travailler dans un dialogue social qui est maintenant très régulier avec les organisations syndicales - encore là, le 3 décembre, nous les rencontrons sur ces sujets - pour que les rémunérations augmentent le temps…
ALBA VENTURA
Vous allez revaloriser leurs salaires ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. Je m'y étais engagé et c'est ce que nous sommes en train de faire.
ALBA VENTURA
En janvier ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
En janvier, il y a des revalorisations en 2020 qui ont déjà été budgétées et qui sont connues. C'est huit cent cinquante millions d'euros quand même qui passent dans le pouvoir d'achat des enseignants. Mais c'est surtout à partir de 2021 que nous voulons une montée progressive, sachant qu'il y a toute une classe d'âge, c'est vrai pour les enseignants comme pour tous les Français, qui ne sera pas concernée par la réforme, mais que justement c'est les plus jeunes entrés dans la carrière qui sont concernés par les faibles rémunérations. Donc c'est de ce côté-là qu'on doit à la fois améliorer les rémunérations et, ce faisant, préparer le fait qu'ils n'y perdront pas pour leur retraite future.
ALBA VENTURA
Monsieur le Ministre, il y a deux syndicats d'enseignants qui vous demandent de repousser les épreuves de contrôle continu prévues en janvier pour les classes de 1ère - ça, c'est dans le cadre de la réforme du lycée - tout bonnement parce que les sujets ne sont pas accessibles pour faire plancher les élèves. En gros, il y a eu un bug de la base de données. Vous allez les reporter ou pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Le même syndicat qui demande ça demandait… Si vous écoutez bien, ça fait sept mois que sur chaque sujet, il demande le report. Je pense que c'est un peu bizarre parce qu'ils savent très bien que la réforme est enclenchée et qu'il n'y aura pas de report. Non, je ne comprends pas tellement cette revendication d'autant plus que, bien sûr, les sujets seront disponibles. C'est vrai qu'il y a une semaine de retard mais ça laisse six semaines pour consulter la base de sujets donc ce n'est pas…
ALBA VENTURA
Ils seront disponibles quand ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Lundi prochain.
ALBA VENTURA
Lundi 9.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Lundi 9, la semaine prochaine. Les professeurs auront les sujets.
ALBA VENTURA
Ils disent que c'est trop tard pour faire travailler. Une semaine de report.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non. Si vous voulez, les examens dont nous parlons auront lieu à la fin du mois de janvier et certains auront même lieu en février, donc ça laisse largement le temps encore de travailler. Donc voilà, ne cherchons pas à chaque fois qu'il y a un petit problème à en faire toute une affaire. C'est vraiment… Non. Là au contraire, vous savez, la réforme du baccalauréat : on a dit tellement de choses qui ne se sont pas révélées. Reportez-vous à ce qui avait été dit sur la rentrée de septembre et caetera et, en réalité, ça se passe bien. Les élèves de 1ère sont contents. Il y a encore plein de choses à faire évoluer et avancer ; d'ailleurs, nous en parlons. Mais dans l'ensemble, les vertus de la réforme sont là. Notamment les élèves ont eu plus de liberté pour choisir, ils peuvent plus approfondir, donc nous sommes en route pour augmenter le niveau général de nos élèves.
ALBA VENTURA
Jean-Michel BLANQUER, la dernière fois que vous étiez venu ici, c'était après le suicide d'une directrice d'école de Pantin qui vous avait écrit pour vous parler de son épuisement, et vous aviez lancé à la suite de ça une consultation sur la situation des directeurs d'école. Est-ce que vous pouvez nous aujourd'hui s'il y a des pistes déjà ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, il y a des pistes. Les conclusions de ces pistes seront le 17 décembre prochain où nous réunissons les organisations syndicales sur la base d'une grande consultation que nous avons faite avec la totalité des directeurs d'école qui nous répondent en ce moment même. Et ces pistes, nous le savons bien, c'est comment nous pouvons allonger… Alléger, pardon, les charges administratives ; comment nous pouvons aider davantage les directeurs d'école et les directrices ; comment est-ce que nous pouvons aussi…
ALBA VENTURA
Donc des moyens humains en plus ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Il y a ce sujet des moyens humains mais il y a aussi le sujet de la nature des fonctions. Il y a aussi la question du statut et va avec ça la rémunération, le rôle dans l'école. Là c'est un sujet plus délicat parce que tout le monde n'est pas d'accord sur le rôle de direction, le rôle hiérarchique du directeur d'école. Nous discutons de tout cela actuellement et donc le 17, il y aura un premier pas qui sera franchi. Puis on continuera de façon à être opérationnel pour la rentrée prochaine et puis à commencer à les aider dès maintenant, ce que j'ai commencé à faire.
ALBA VENTURA
Vous avez dit donc avec de l'argent, des rémunérations.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'objectif c'est, de manière très cohérente avec ce que je vous disais avant sur les retraites d'ailleurs, c'est d'améliorer les rémunérations. Ça se passe aussi sur plusieurs années. C'est évidemment un travail qui doit nous permettre aussi de faire évoluer le système éducatif. Parce que quand on fait ces évolutions-là, c'est à la fois les élèves et leurs familles qui sont bénéficiaires de ce que nous faisons.
ALBA VENTURA
Merci beaucoup Monsieur le Ministre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source Service d'information du Gouvernement, le 3 décembre 2019