Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement, à BFM TV le 22 novembre 2019, sur la situation sociale et l'appel à la grève contre la réforme des retraites.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement

Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée Sibeth NDIAYE, bonjour.

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Porte-parole du gouvernement mais aussi porte-parole du président de la République bien sûr. Vous avez travaillé avec lui, vous continuez. "Notre pays est trop négatif" a-t-il dit hier. Mais qu'a-t-il voulu dire ?

SIBETH NDIAYE
Je pense que c'est important que dans notre pays, on voit aussi ce qui va bien et ce qui marche bien. Il y a évidemment beaucoup de souffrance, beaucoup de gens qui sont dans la difficulté mais on a aussi des nouvelles positives et ça, il faut pouvoir s'en féliciter. Il faut aussi pouvoir le regarder. Quand vous avez plus de créations d'emplois, quand vous avez un pouvoir qui augmente, quand vous avez des impôts qui baissent, ce sont de bonnes nouvelles et parfois il faut aussi savourer ce qui est bon.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi est-ce que les Français ne les voient pas, ne les entendent pas, ne les lisent pas ces bonnes nouvelles ?

SIBETH NDIAYE
Je pense qu'on a une ambiance qui est plutôt à la sinistrose.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La communication du gouvernement est mauvaise ? Je ne sais pas, je ne sais pas.

SIBETH NDIAYE
Ne me remettez pas en cause comme ça, Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous pose une question.

SIBETH NDIAYE
Ce que je veux vous dire simplement, c'est qu'il est normal que quand on est à titre personnel dans une difficulté, on ne voit que ce qui est difficile. Ça, moi je le comprends parfaitement. Ce qui est aussi important, c'est de se rendre compte de ce qui va un peu mieux, et donc ça c'est à nous de le dire, mais je suis persuadée qu'il y a beaucoup de Français qui se rendent compte que, oui, leurs impôts ont baissé parce qu'ils ont payé moins de taxe d'habitation cette année ; que oui, il y a peut-être dans leur entourage quelqu'un qui a retrouvé un emploi après un an, deux ans, trois ans de galère. Ça, ce sont des signaux qui sont positifs, il faut pouvoir le dire. Et puis pardon, mais la France est un grand et beau pays que l'on doit aimer aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sibeth NDIAYE, le 5 décembre nous verrons, nous entendrons une France en colère, la France des services publics.

SIBETH NDIAYE
Une France inquiète.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une France inquiète mais en colère aussi, pas qu'inquiète. Vous vous avez conscience de la colère.

SIBETH NDIAYE
Oui, bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez conscience que vous allez peut-être… Est-ce que vous avez conscience que vous allez peut-être dans le mur ?

SIBETH NDIAYE
Alors moi, je ne crois pas du tout que nous allions dans le mur. Le 5 décembre, c'est le jour d'un appel à la grève. Pour autant, est-ce que ça veut dire que les négociations sur la réforme des retraites entre le gouvernement et les organisations syndicales s'arrêtent ? Pas du tout. Pour moi le 5 décembre, c'est une étape dans un moment où nous sommes en train de discuter. Et nous avons des centaines de réunions avec les organisations syndicales, avec des organisations professionnelles pour trouver des compromis sur cette réforme qui est nécessaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais, Sibeth NDIAYE, ça fait des semaines, des mois que j'entends ça : concertation, concertation. Mais moi je vois le 5 décembre arriver, les Français aussi.

SIBETH NDIAYE
Mais attendez, on va faire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils savent que le 5 décembre, ils vont être confrontés à quoi ? Ils vont être confrontés à des problèmes à la SNCF, à la RATP, pour se déplacer, avec des transporteurs routiers qui sont en colère et tant de professions notamment du service public en colère qui seront dans la rue et qui vont mobiliser.

SIBETH NDIAYE
Je comprends parfaitement deux situations. La première, c'est que quand on s'apprête à faire une réforme de cette ampleur, qui va à ce point bouleverser le régime que les gens connaissent jusqu'à maintenant pour le rendre plus juste, il y a des inquiétudes qui s'expriment. C'est normal que ces inquiétudes s'expriment et moi je comprends à la SNCF, à la RATP que des gens qui sont rentrés dans l'entreprise en se disant "ça va être comme ci ou comme ça", quand on dit "on va changer les choses" se pose des questions. C'est pour ça qu'on négocie avec leurs organisations syndicales. Et dans le même temps, je comprends aussi les Français qui sont inquiets des blocages, qui se posent la question de comment ils vont pouvoir travailler. Je pense à ceux qui sont commerçants et qui vont peut-être voir leur chiffre d'affaires diminuer à l'approche des fêtes de fin d'année. Je pense qu'il faut comprendre toutes ces difficultés-là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est irresponsable ? C'est irresponsable une grande grève comme ça le 5 décembre ?

SIBETH NDIAYE
Je ne jette pas l'anathème aux organisations syndicales, elles sont dans leur rôle. Elles sont dans leur rôle de revendiquer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous seriez syndiquée à la SNCF, vous seriez en grève mardi (sic), le 5 décembre.

SIBETH NDIAYE
J'aurais évidemment des inquiétudes, mais la question qui se pose dans notre démocratie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des inquiétudes ?

SIBETH NDIAYE
J'aurais des inquiétudes en tant qu'individu parce que je me dirais "mais au fond, à quelle sauce le gouvernement veut me manger ?" mais qu'est-ce que c'est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. "J'aurai une pension plus basse quand je partirai à la retraite."

SIBETH NDIAYE
Mais qu'est-ce que c'est que la démocratie sociale ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
"Et je devrai travailler plus longtemps."

SIBETH NDIAYE
Alors la démocratie sociale, c'est de se mettre autour d'une table : d'un côté le gouvernement, de l'autre côté les syndicats et de discuter ensemble. Moi ce que je reproche à certaines organisations syndicales, c'est de ne même pas s'asseoir à la table des discussions. Comment voulez-vous qu'on trouve dans notre pays des compromis si on ne discute pas ? Oui, il y aura une réforme des retraites et oui, on veut faire des compromis là-dessus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'allais vous poser la question : il y aura une réforme des retraites.

SIBETH NDIAYE
Bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est certain. C'est indispensable. Il y aura un changement majeur.

SIBETH NDIAYE
Ce n'est pas qu'on a une envie de le faire parce que c'est marrant, il faut qu'on fasse cette réforme des retraites parce que le système aujourd'hui est cul par-dessus tête. Quand vous avez une femme sur cinq dans le système aujourd'hui qui est obligée de bosser jusqu'à 67 ans parce qu'elle a eu pas assez d'argent gagné au cours de sa carrière pour pouvoir se payer une retraite complète avant 67 ans, ce n'est pas normal, Jean-Jacques BOURDIN. Donc on a des situations comme ça où on pourrait le répéter à l'envi. Quand suivant que vous êtes dans la Fonction publique ou salarié du privé, vous n'avez pas le même nombre de trimestres accordés du fait de votre grossesse, ce n'est pas normal. Donc on veut rétablir de la justice et de l'équité dans le système.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une réforme des retraites qui sera votée avant l'été 2020.

SIBETH NDIAYE
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Système par points, on est bien d'accord.

SIBETH NDIAYE
Tout à fait. Et par répartition.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Par répartition universelle.

SIBETH NDIAYE
Universelle.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord. Mais quand connaîtrons-nous exactement la réforme des retraites que vous voulez mettre en place ? Parce que je ne la connais pas.

SIBETH NDIAYE
Mais c'est bien normal que vous ne la connaissiez pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi ?

SIBETH NDIAYE
On est dans la discussion. Quand vous avez… En 45 quand le régime est mis en place, il a vocation à l'universalité. Déjà à ce moment-là, on voit qu'il y a des gens qui n'ont pas tout à fait envie d'être solidaires avec les autres, qui préfèrent avoir des solidarités professionnelles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Aujourd'hui aussi il y a des gens, des catégories qui n'ont pas envie d'être solidaires avec les autres ?

SIBETH NDIAYE
Mais il y a des catégories qui se disent, et c'est bien normal quand on est humain de se le dire, qui se disent "aujourd'hui, moi j'ai plutôt une caisse qui est excédentaire, une caisse de retraite. Je ne vois pas tellement pourquoi je devrais…"

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez aux avocats.

SIBETH NDIAYE
Mais il n'y a pas qu'eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, non. Mais des caisses excédentaires, je pense à celle des avocats avec des milliards d'euros.

SIBETH NDIAYE
Il y a des caisses excédentaires qui se disent "moi, je ne vois pas pourquoi je serais avec le régime des autres." Moi je dis simplement à tous ceux qui sont excédentaires aujourd'hui, d'autres l'ont été à d'autres moments de notre Histoire et on a vu des évolutions démographiques. C'est le cas des agriculteurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais si les caisses sont excédentaires, c'est parce qu'il y a eu des cotisations, Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
C'est surtout parce qu'il y a eu assez de gens pour cotiser. Il y a un beau jour où vous étiez de très nombreux agriculteurs…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Etat va mettre la main sur cet argent d'ailleurs ?

SIBETH NDIAYE
Mais pas du tout. Pas du tout. Constitutionnellement de toute façon, si on le voulait ce ne serait pas possible. Donc il n'y a pas d'inquiétude de ce côté-là à avoir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord. Je parle des caisses complémentaires, ceux-là n'ont pas d'inquiétude à avoir. C'est ce que vous leur dites. Et que dites-vous à ceux qui seront d'ailleurs le 5 décembre mobilisés et qui ont des régimes – je ne vais même pas employer le mot de régime spécial, je vais parler de régime particulier - dont le cas de la SNCF. La SNCF : est-ce que les cheminots sous contrat garderont leur régime particulier ? Oui ou non ?

SIBETH NDIAYE
Aujourd'hui, nous avons une négociation qui doit nous permettre de déterminer comment on va opérer une transition. Donc cette négociation comme elle n'a pas encore abouti, je ne peux pas vous dire ce qu'il en sera.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais Sibeth NDIAYE, il y a des cheminots sous contrat, il y a des cheminots qui ne sont pas sous contrat…

SIBETH NDIAYE
Qui sont sous statut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sous statut ça veut dire sous contrat avec l'Etat. Oui ?

SIBETH NDIAYE
Employons les bons termes. Donc il y a des gens…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais sous statut…

SIBETH NDIAYE
OK, sous statut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ont le statut cheminot et lorsqu'ils ont signé ce contrat, on leur a dit "vous avez un régime particulier de retraite." Est-ce que ceux-là risquent de perdre une partie ou la totalité de leur régime particulier de retraite ? Oui ou non ?

SIBETH NDIAYE
C'est ce dont nous discutons actuellement. Ce n'est pas la même chose quand vous êtes à quelques années…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors quelle est la condition au gouvernement ? Puisque vous discutez, vous avez une position ?

SIBETH NDIAYE
La position du gouvernement est de dire que tout est sur la table et donc on discute. Si vous voulez pouvoir mener une négociation syndicale, et moi j'en ai mené quelques-unes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous pourriez remettre en cause ce statut particulier de retraite.

SIBETH NDIAYE
Mais écoutez, aujourd'hui déjà à la SNCF, nous avons éteint le statut. C'est-à-dire que nous avons décidé au cours de la réforme précédente, pour permettre à l'entreprise de s'adapter…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les nouveaux entrants.

SIBETH NDIAYE
Nous avons d'ores et déjà décidé que tous ceux qui à partir de l'année prochaine seraient embauchés à la SNCF ne le seraient plus au statut. Donc il y a déjà une transformation importante.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eux n'auront pas ce régime particulier de retraite.

SIBETH NDIAYE
Il y a une transformation importante. Mais moi aujourd'hui, je ne sais pas expliquer les yeux dans les yeux, Jean-Jacques BOURDIN, à un Français pourquoi quand vous êtes conducteur de bus ou de tramway à Paris et quand vous êtes conducteur de bus ou de tramway à Lyon, vous n'avez pas le même statut, vous n'avez pas la même retraite et vous n'avez pas le même déroulé de carrière. Je ne sais pas le dire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je comprends, je comprends.

SIBETH NDIAYE
Donc à un moment donné, il faut bien qu'on trouve un compromis pour ramener plus d'équité dans le système et c'est ce dont on discute aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord, j'ai bien compris l'objet de la discussion. Ça veut dire que ceux qui sont sous statut aujourd'hui et qui ont ce régime particulier, que ce soit à la RATP ou à la SNCF, verront ce statut remis en question par la réforme d'une manière ou d'une autre. Sibeth NDIAYE, il faut être clair.

SIBETH NDIAYE
Non mais je pense qu'il faut regarder en fonction des générations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut être clair.

SIBETH NDIAYE
Mais je ne peux pas aujourd'hui vous dire la fin d'une négo qu'on est en train de mener.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends très bien. Mais ce statut, vous allez discuter de ce statut.

SIBETH NDIAYE
Mais évidemment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment. Non mais je dis ça parce que la CFDT…

SIBETH NDIAYE
Je veux dire, le gouvernement ne s'est jamais caché de cela.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je dis ça parce que la CFDT Cheminots, alors que la CFDT pour l'instant n'appelle pas à une mobilisation le 5, la CFDT Cheminots appelle à une mobilisation et nous dit : "nous, on est prêt à ne pas se mobiliser le 5 si ce ne sont que les nouveaux entrants qui sont concernés par la réforme." Ce n'est pas ce que vous leur dites ce matin.

SIBETH NDIAYE
On est dans un moment où on a deux positions qui sont différentes. Ces deux positions différentes, nous voulons à partir de ces deux positions bâtir un compromis social. Et donc d'ici au 5 décembre et après le 5 décembre, jusqu'à la fin de l'année, nous continuerons à avoir des discussions avec les organisations syndicales en fonction des trajectoires des individus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il faut essayer de leur faire passer la pilule, quoi.

SIBETH NDIAYE
Mais le sujet, il n'est pas là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment il n'est pas là ? Si, il est là.

SIBETH NDIAYE
Mais la question, elle n'est pas qu'il y ait un vainqueur et un vaincu à la fin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne s'agit pas d'être un vaincu.

SIBETH NDIAYE
Si, on doit faire avaler des pilules…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il s'agit de faire avaler la pilule au cheminot qui est sous statut et à qui on a promis…

SIBETH NDIAYE
Je ne suis pas d'accord. Il ne s'agit pas… C'est pour ça que je vous dis : il n'y a pas des vainqueurs et des vaincus. Il n'y a pas des gens qu'on doit taper pour leur faire avaler quelque chose. Il y a une discussion à avoir, il y a un compromis à bâtir et c'est ce qu'on essaye de faire avec la CFDT comme avec d'autres organisations syndicales. Et moi, je me félicite du fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A celles qui veulent bien discuter.

SIBETH NDIAYE
Oui, celles qui veulent bien discuter. Mais la démocratie sociale, c'est comme pour le tango, il faut être au moins deux pour le danser.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais ça c'est évident. Mais on est très proche dans le tango. Là, pas sûr que vous soyez très proche des syndicats.

SIBETH NDIAYE
C'est les manoeuvres d'approche qui commencent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui. Les manoeuvres d'approche, vous avez du travail. Dites-moi, organiser une grande conférence sociale, c'était une idée avancée par le MoDem, l'UDI, tout ça c'est balayé. A quoi ça sert avant le 5 ?

SIBETH NDIAYE
Le sujet n'est pas du tout balayé. Pardon, aujourd'hui déjà on a une mobilisation nationale dans les territoires qui a été lancée par le Premier ministre il y a quelques mois. Vous savez, avec l'actualité on oublie vite les choses. Mais moi je me souviens d'un Premier ministre qui a proposé aux organisations syndicales, aux partenaires sociaux dans les territoires d'aller regarder comment concrètement on pouvait débloquer des situations, là où il fallait faire évoluer un certain nombre de pratiques notamment en matière de recherche d'emploi. Donc il y a de toute façon aujourd'hui… On fourmille de dialogues et, Jean-Jacques BOURDIN, vous venez de me dire "c'est flou, on ne comprend pas, c'est trop long, ça fait des mois que vous discutez."

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

SIBETH NDIAYE
C'est donc bien qu'il y a une discussion aujourd'hui qui a lieu et depuis plusieurs mois maintenant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, est-ce que ceux qui veulent garder, justement, leur régime particulier, sont des corporatistes, qui ne pensent pas au bien commun ?

SIBETH NDIAYE
Evidemment, il y a une part de corporatisme, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ne pensent pas au bien commun.

SIBETH NDIAYE
Moi, je ne crois pas qu'il faille dire aux gens : vous êtes les méchants et nous on est les gentils, parce que la société et la vie ça ne marche pas comme ça, le monde n'est pas manichéen, ce n'est pas tout blanc ou tout noir, bien que je sois habillée en noir et blanc aujourd'hui. Mais je crois au contraire qu'il faut qu'on réconcilie des positions, et donc qu'on construise un pays dans lequel il y a de la solidarité et dans lequel les gens ont envie que cette solidarité existe. Et ils ont envie d'y participer. Et ça c'est à nous de bâtir cette société dans laquelle les gens ont envie de s'entraider, parce qu'aujourd'hui on peut être puissant et demain on peut ne plus l'être.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De s'entraider, oui.

SIBETH NDIAYE
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en abandonnant certains avantages, quoi, qu'on a signés, qu'on a signés par contrat. Enfin bon, on ne va pas entrer. Au passage, à propos de la SNCF, est-ce que vous êtes choquée par les billets gratuits des cheminots ? J'ai vu ça dans... je crois dans Le Point, c'est la Cour des comptes qui dénonce un système en vigueur à la SNCF, qui est invraisemblable. Vous êtes choquée ou pas ? Ça vous choque ?

SIBETH NDIAYE
Eh bien écoutez, moi je trouve que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un système très avantageux pour 1,3 million de personnes, alors qu'il n'y a 150 000 cheminots.

SIBETH NDIAYE
C'est quelque chose qui doit se discuter, honnêtement, ça fait partie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aussi, ça aussi, ça doit être mis sur la table ?

SIBETH NDIAYE
Honnêtement, moi je ne suis pas là pour faire les négos sociales de l'entreprise, à la place de monsieur FARANDOU…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, d'accord.

SIBETH NDIAYE
Ce que je dis simplement, c'est qu'au moins ça devrait faire l'objet, de mon point de vue, de discussions, c'est sans doute que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De remise en question.

SIBETH NDIAYE
C'est sans doute que si ces avantages existent, c'est qu'à un moment donné on a considéré que, pour l'équilibre social de l'entreprise, que compte tenu des salaires, peut-être à un moment donné, il fallait avoir des compensations, et que c'était des compensations qui pouvaient être utiles. Maintenant, on peut discuter régulièrement de l'organisation sociale d'une entreprise, et c'est à Jean-Pierre FARANDOU, qui est aujourd'hui le patron de la SNCF, de voir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est à lui de mettre ce sujet sur la table.

SIBETH NDIAYE
C'est à lui de voir si ça a lieu d'être, ou pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est à lui de mettre, si je vous comprends bien, aussi ce sujet sur la table.

SIBETH NDIAYE
C'est à lui de diriger son entreprise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais oui, non j'ai compris. J'ai entendu aussi l'appel du président de la République : pas de violences le 5.

SIBETH NDIAYE
Très important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi est-ce qu'il dit cela ? Parce que certains appellent... Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui, dans notre société, dans le monde politique, certains appellent à la violence, carrément ?

SIBETH NDIAYE
Je ne crois pas que dans le monde politique, des organisations politiques structurées, des gens appellent à la violence. Ce que je constate, c'est qu'après les violences qu'on a constatées le week-end dernier…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Samedi dernier, oui.

SIBETH NDIAYE
Il n'y a pas eu beaucoup de gens qui se sont précipités pour dire, pour les condamner ces violences, à part dans la majorité. Moi je trouve ça dommage, parce qu'en fait il faut qu'on puisse préserver ceux qui marchent, de ceux qui cassent. Et donc, à un moment donné, on ne peut pas, dans la classe politique, soit ne rien dire, soit laisser le sentiment qu'on peut le cautionner. En politique il n'y a aucune violence qui soit légitime pour défendre une idée, c'est net, c'est clair, c'est simple, et je souhaite que tous les responsables politiques le disent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le disent, clairement.

SIBETH NDIAYE
Clairement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez à qui, là ?

SIBETH NDIAYE
Ah je ne vise personne en particulier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais, Sibeth NDIAYE, non, à qui pensez-vous ?

SIBETH NDIAYE
Moi je pense que tout le monde doit savoir garder ses nerfs, tout le monde doit savoir replacer ce qu'est la France, qui est une très belle et très grande démocratie, dans laquelle on a le droit de manifester, et ce droit de manifester est pleinement respecté.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez vu que Cédric VILLANI appelle à un référendum sur la réforme des retraites.

SIBETH NDIAYE
Moi je n'y suis pas du tout favorable, parce que c'est un sujet qui est compliqué. Le référendum...

JEAN-JACQUES BOURDIN
De quoi se mêle-t-il ?

SIBETH NDIAYE
Non, ce n'est pas le sujet, il a évidemment…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon, d'accord.

SIBETH NDIAYE
Il est député de la République, il a évidemment vocation à avoir une opinion…

JEAN-JACQUES BOURDIN
République, En Marche.

SIBETH NDIAYE
De la République En Marche, et député de la République française.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore.

SIBETH NDIAYE
Et il a évidemment vocation à porter le débat. Moi, je ne suis pas favorable au référendum sur les retraites, parce que les retraites c'est un sujet compliqué, et répondre oui ou non, je trouve que c'est un peu rapide.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les violences faites aux femmes, nous aurons les mesures lundi.

SIBETH NDIAYE
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Violences faites aux femmes, marche pour toutes les femmes à Paris. Et demain, vous irez marcher ?

SIBETH NDIAYE
Alors, demain malheureusement non, parce que pour tout vous avouer, mon mari n'est pas là, donc je garde les enfants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Mais vous seriez allée marcher, sinon ?

SIBETH NDIAYE
Oui, parfaitement, moi je pense que c'est important, en tous lieux et en tous temps, de défendre les droits des femmes. Je le fais aujourd'hui sans doute de manière un peu différente de ce que je faisais quand je n'étais pas au gouvernement, mais à défiler avec des gens qui revendiquent à la fois l'égalité entre les hommes et les femmes, et qui réclament qu'on fasse mieux pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, c'est une évidence, c'est un combat que je porte moi aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sibeth NDIAYE, vous allez partir dans la Drôme, là ?

SIBETH NDIAYE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ? Eh bien parce que depuis 8 jours certains dans la Drôme sont sans électricité. Nous sommes en 2019, est-il acceptable que dans notre pays, parce qu'il est tombé de la neige, pas qu'un peu, d'une neige lourde, mais tout de même, des habitants, des citoyens, des concitoyens, soient privés d'électricité pendant une semaine ?

SIBETH NDIAYE
Moi, je comprends qu'il y ait une exaspération qui est parfaitement légitime. Quand vous êtes dans le froid, chez vous, pendant plus d'une semaine, et que surtout vous avez le sentiment qu'il n'y a pas de résolution, qu'on ne vous donne pas de date précise pour savoir quand est-ce que tout ça va s'arrêter, on est exaspéré, on n'en peut plus, et je le comprends.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ENEDIS a failli ?

SIBETH NDIAYE
Ce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ENEDIS a failli ?

SIBETH NDIAYE
Moi, honnêtement, on est encore dans la crise, donc je ne vais pas me mettre à désigner tel ou tel coupable. Je pense qu'il faut d'abord regarder ce que nous avons pu éviter comme catastrophe, parce que dès que l'épisode neigeux a été annoncé, il y a plein de mesures qui ont été prises pour empêcher les poids lourds de circuler sur les routes, pour faire en sorte que les enfants rentrent à l'école, parce qu'on est dans des endroits où il y a du transport scolaire, rentrent de l'école pour être à la maison et ne se retrouvent pas en carafe sur les routes. Donc ça, on a eu une gestion de crise, dans l'aigu de la crise, qui a été une bonne gestion de crise. On n'a pas eu de morts, on n'a pas eu de naufragés de la route dans la Drôme, et ça c'est quelque chose qui est positif. C'est la première chose qu'il faut retenir. On fera un retour d'expérience, Elisabeth BORNE l'a demandé, pour examiner précisément, est-ce qu'il y a des choses qui ont failli, mais moi je veux aussi saluer la mobilisation des gendarmes, des policiers, des agents d'ENEDIS qui étaient…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des indemnisations ?

SIBETH NDIAYE
Moi je pense qu'ENEDIS devrait, comme la SNCF sait le faire lorsque les usagers, ses usagers n'ont pas pu voyager à cause une grève, devrait pouvoir faire un geste financier à l'attention de ceux qui ont attendu plus d'une semaine pour être rétablis en électrique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, voilà, qu'ENEDIS, je ne sais pas moi, suspende l'abonnement…

SIBETH NDIAYE
Regarde sur la facture.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Suspende l'abonnement pendant un certain temps.

SIBETH NDIAYE
Non mais regarde la facture, après moi je ne suis pas là pour dire comment concrètement ça doit se faire, mais moi en tant que...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous demandez un geste à ENEDIS.

SIBETH NDIAYE
En tant que citoyenne, je trouve que c'est normal qu'il y ait un geste qui soit fait de la part d'ENEDIS.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, j'ai une dernière question, à propos d'Emmanuel MACRON qui sera avec les salariés de... les ex-WHIRLPOOL. Quel échec pour lui !

SIBETH NDIAYE
Je ne crois pas que l'on puisse dire que ce soit un échec personnel du président de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ? Eh bien pourquoi ? Pendant la campagne présidentielle, rappelez-vous ce qu'il disait, il s'était engagé pour la sauvegarde du site industriel d'Amiens !

SIBETH NDIAYE
Alors, pour y avoir été avec lui, je peux vous dire très clairement quel a été son engagement, c'est d'être aux côtés des salariés, c'est de faire en sorte que l'Etat soit au rendez-vous de l'accompagnement d'une reprise, et c'est ce que l'Etat a fait. Et l'Etat, vous savez quoi ? Agnès PANNIER-RUNACHER, sans la Presse, sans les médias, elle s'est rendue à plusieurs reprises sur le site de l'entreprise, sans faire de tambour…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais enfin, le résultat n'est pas là.

SIBETH NDIAYE
Mais, à un moment donné il y a eu un projet industriel de reprise. Ce projet n'a pas fonctionné, ça a été un échec, il y a de l'argent public qui a été dépensé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Faillite. Exactement.

SIBETH NDIAYE
... d'ailleurs nous avons demandé une enquête, nous avons demandé une enquête pour vérifier en gros, à peu près 98 % des dépenses qui ont été es ça a été pour les salaires, pour investir sur l'outil productif. Très bien. Il y a 180 000 € sur lesquels nous on estime qu'il y a matière à regarder plus en avant, donc on a demandé à ce qu'une enquête ait lieu. Cette enquête aura lieu, et donc ça c'est ce qui est de la situation de l'argent public. Moi je crois que le rôle de l'Etat c'est de faire en sorte que deux choses se passent. Que quand il y a un outil productif qu'on peut sauver, on accompagne son sauvetage. Que s'il y a des repreneurs qui sont là, qui ont un projet sérieux, on puisse les accompagner pour que ça fonctionne. Mais ça n'est pas l'Etat qui dirige l'entreprise du repreneur, ça n'est pas l'Etat qui s'assure que le business plan il est respecté, ça n'est pas son rôle, c'est le rôle de l'entreprise ou de la personne…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin, c'est l'Etat s'assure que la proposition, le business plan sera viable, et que l'entreprise créée... parce que l'Etat a versé de l'argent.

SIBETH NDIAYE
Mais bien sûr, mais vous pouvez avoir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'entreprise n'a pas été viable, on l'a constaté rapidement.

SIBETH NDIAYE
Vous pouvez avoir un bon business plan et vous pouvez avoir des manageurs dans l'entreprise qui ne font pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ne sont pas à la hauteur ?

SIBETH NDIAYE
Qui ne sont pas forcément à la hauteur, et malheureusement c'est ce qu'on a constaté. Après, nous, moi je crois qu'il est important qu'on soit là pour accompagner les individus. Aujourd'hui on mobilise quatre conseillers de Pôle emploi, à plein temps, pour accompagner les personnes qui sont dans la difficulté. Il y a 99 personnes aujourd'hui qui sont en recherche d'emploi sur ce site-là, donc on les accompagne, on est très mobilisé, on a déjà eu des éléments positifs, puisqu'il y a eu des reclassements qui ont pu être réalisées d'ores et déjà. C'est des gens qui ont un savoir-faire en or dans les mains et on ne va pas les lâcher, on ne va pas les abandonner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2019