Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le secteur de la mode et les tensions commerciales avec les États-Unis, à Paris le 6 décembre 2019.

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Circonstance : Ouverture de la 4ème édition du Forum de la Mode

Texte intégral

Monsieur le Président du Comité stratégique de la filière Mode et Luxe,
Cher Guillaume de Seynes que vous pouvez féliciter parce qu'il vient d'être distingué il y a quelques jours par la Légion d'honneur, vous pouvez féliciter votre président.
Monsieur le Président, cher Sidney Toledano,
Monsieur le Président du Conseil national du cuir cher Frank Boehly,
Monsieur le Directeur du Mobilier national cher Hervé Lemoine,
Monsieur le Président exécutif de la Fédération de la haute couture et de la mode, cher Pascal Morand,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,


Je dois dire que dans une journée chargée, où il y a beaucoup de sujets extraordinairement techniques, financiers, budgétaires à traiter, il y a une belle parenthèse, c'est la parenthèse consacrée à la mode française et à tout ce qu'elle représente pour notre industrie, pour nos territoires, pour les emplois, pour nos savoir-faire, pour notre imagination et, je n'hésite pas à le dire, pour notre génie national.

Car vous êtes, le monde de la mode, l'incarnation du génie français et c'est pour cela que j'ai toujours un immense plaisir à vous retrouver et à passer un certain nombre de messages et de recommandations pour la filière.

Nous sommes dans un monde qui change vite, extraordinairement vite et la mode est touchée aussi par ces changements. Elle est touchée parce qu'il y a des nouvelles technologies qui ont un impact sur les tissus, sur les modalités de fabrication. Elle est touchée, j'y reviendrai, parce que les consommateurs aspirent à une mode différente, mode d'ailleurs à laquelle je crois et qui est une mode durable, une mode verte appuyée sur des modalités de consommation différentes où nous consommons moins mais mieux, où nous aspirons à la qualité, à la durabilité, à de l'information sur l'origine des produits, sur l'origine des matières et sur la façon dont elles ont été fabriquées, dont elles vont être recyclées.

Ce sont des attentes très profondes des consommateurs et que je partage totalement. Il y a des changements aussi parce que nous voyons, et je commencerai par-là, revenir des tensions commerciales partout à travers la planète, en particulier entre les Etats-Unis et la Chine, les deux géants commerciaux mondiaux, qui ont un impact direct sur votre activité.

Vous êtes par définition, la mode, une activité internationale, vous dépendez du commerce mondial et les tensions commerciales qui existent aujourd'hui sont mauvaises pour le monde de la mode comme elles sont mauvaises pour le monde industriel et économique en général.

Nous ne cessons, depuis près de deux ans avec le président de la République Emmanuel Macron, de dénoncer ces risques de guerre commerciale qui ne feront que des perdants, qui affaibliront le niveau de croissance à travers la planète et qui détruiront des emplois. Aucune guerre commerciale n'a jamais créé un seul emploi, c'est une illusion et s'il faut le défendre avec plus de force et le dire avec plus de fermeté possible, nous le dirons avec toujours plus de fermeté.

Il n'y a pas d'avenir pour les emplois, pour la prospérité, pour la croissance mondiale dans la fermeture des frontières et dans la guerre commerciale. Au bout du compte, ça ne fera que détruire des emplois.

Il est d'autant plus regrettable que cette guerre commerciale amène aujourd'hui nos alliés et amis américains à s'attaquer directement à la France et à s'attaquer directement aux produits qui symbolisent notre culture française.

Je veux répéter à quel point nous jugeons inacceptable le projet de sanctions américaines dans le cas de la section 301 ouverte par le département du commerce contre la taxation nationale des géants du numérique que nous avons mise en place avec la majorité il y a quelques mois. Ce projet de sanctions qui pourrait tomber d'ici 30 jours très précisément est inacceptable.

Il est inacceptable d'abord parce que nous en contestons le bien-fondé : la taxation nationale française n'est pas discriminatoire. Elle touche des entreprises américaines, oui, mais elle touche aussi des entreprises françaises, elle touche aussi des entreprises européennes, elle touche aussi des entreprises chinoises.

Donc, je le dis haut et fort à l'administration américaine : nous contestons les bases légales de cette procédure ouverte contre la France. Nous continuerons à plaider que la taxe nationale contre les géants du digital qui touchent les activités numériques partout à travers la planète n'est pas discriminatoire et ne vise pas spécifiquement les entreprises américaines. Il n'y a donc pas de bien-fondé juridique à ce projet de sanctions contre la France.

Elles sont inacceptables aussi sur un plan politique. Enfin, ce ne sont pas n'importe quels produits qui sont visés. C'est le champagne, ce sont les fromages français, ce sont les sacs qui sont réalisés par votre industrie. Ces sacs, n'en faisons pas une représentation élitiste, ils sont produits par des hommes et des femmes, beaucoup de femmes, dans des territoires qui sinon n'auraient pas d'emploi.

J'y suis allé avec Guillaume de Seynes et j'ai rencontré les ouvrières qui font ces sacs. Ce sont elles qui sont menacées, ce ne sont pas des grands groupes qui se portent très bien, ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est la femme de 40 ans qui travaille à Allenjoie, qui fait des sacs pour Hermès et qui en est fière et qui sinon n'aurait pas d'autre emploi, qui s'est battue pour avoir cet emploi, qui s'est formée pour avoir cet emploi. C'est elle qui est attaquée directement par ce projet de sanctions américaines, j'aimerais qu'on ne l'oublie pas.

Donc, elles sont inacceptables du point de vue juridique, elles sont inacceptables du point de vue politique. Je veux dire avec beaucoup de clarté que si ces sanctions devaient être appliquées d'ici à une trentaine de jours nous riposterions.

Je suis allé à Bruxelles il y a deux jours, j'en ai discuté longuement avec le commissaire européen chargé du Commerce, Phil Hogan, qui nous a apporté son plein soutien et qui nous a dit, comme il l'a répété publiquement, qu'il allait travailler à toutes les options de riposte possibles. Toutes les options sont sur la table. La Commission européenne va y travailler dès maintenant, nous ne nous laisserons pas faire.

J'espère que nous allons éviter de rentrer dans cette logique de sanctions et de ripostes qui ne bénéficiera pas aux Etats-Unis, qui ne bénéficiera pas à la France, qui ne bénéficiera pas à l'Europe et qui ne fera que des dégâts. Je veux simplement dire que nous nous tenons prêts à toute éventualité et nous ne nous laisserons pas faire si les Etats-Unis allaient au bout de leur projet de sanctions. La Commission européenne me l'a confirmé la semaine dernière.

Je pense qu'il y a une voie qui est préférable. Cette voie, c'est celle qui a été ouverte par le président Trump et par le président Macron en marge du sommet de l'OTAN, il y a quelques jours, c'est-à-dire reprendre le fil de la discussion à l'OCDE. Il y a un projet de texte à l'OCDE sur la taxation des activités numériques. Sur ce projet de texte, la France a dit oui. Ce projet de texte doit être évidemment contraignant pour toutes les entreprises.

La proposition américaine d'avoir une solution optionnelle où les entreprises choisiraient librement oui ou non d'être taxées, très franchement, je n'y crois pas trop. Je n'ai pas vu beaucoup d'entreprises qui acceptent librement d'être taxées. On peut toujours compter sur la philanthropie de chacun, mais je ne suis pas sûr qu'en matière de finances publiques, ça mène très loin.

Donc, une solution optionnelle, évidemment, ne serait pas acceptable, ni par la France, ni par ses partenaires de l'OCDE. Mais la solution aujourd'hui qui est sur la table de l'OCDE d'une taxation internationale des activités numériques, elle est juste, elle est efficace, elle est simple. Il suffit que les Américains disent oui et il y aura un consensus à l'OCDE.

J'appelle nos amis américains, comme je l'ai fait avec Steven Mnuchin, le secrétaire américain du Trésor, que j'ai eu avant-hier au téléphone, à reprendre le fil de la négociation. Ils y sont prêts, ils l'ont écrit, mais je les appelle à reprendre les discussions de bonne foi, c'est-à-dire pas sur une base optionnelle mais sur une base contraignante pour tous les Etats qui signeraient cet accord. Si jamais la solution à l'OCDE ne pouvait pas être adoptée, dans ce cas-là, comme l'a dit le commissaire européen Paolo Gentiloni, que j'ai encore eu ce matin au téléphone, il faudrait que l'Europe recommence à négocier une solution européenne de la taxation numérique.

Il y a aujourd'hui une taxe nationale en France. Il y a un certain nombre d'autres Etats qui travaillent à des projets de taxes nationales, la Grande-Bretagne, l'Autriche, l'Espagne. Je pense que, sur la base de cet élan, il faudrait reprendre le fil de la négociation européenne, qui avait échoué à quatre Etats près il y a quelques mois, pour que nous ayons une solution européenne de taxation des activités digitales en lieu et place d'une taxation à l'OCDE, si l'OCDE n'est pas capable de parvenir à un accord.

Voilà donc notre plan de bataille. Il est clair, il est simple. Si les Etats-Unis vont au bout de leur projet de sanctions, nous riposterons. Nous favorisons une solution de négociation qui passe par un accord à l'OCDE. Un accord contraignant pour toutes les entreprises, et si jamais cette solution à l'OCDE ne peut pas aboutir parce que les Etats-Unis ne veulent qu'une solution optionnelle. Dans ce cas-là, la France reprendra le chemin de la négociation européenne pour convaincre cette fois tous ses partenaires européens, sans exception, avec le soutien du commissaire européen Paolo Gentiloni, pour qu'il y ait une solution européenne de taxation des activités numériques.

Ne croyez pas que ce sujet soit accessoire et loin de la question de la mode. C'est d'abord une question de réponse aux sanctions dont je viens de parler. C'est aussi une question d'équité fiscale parce que vous, toutes vos entreprises de mode, qu'elles fassent des tissus, qu'elles fassent des boutons en nacre, des costumes, des robes, des jupes, des pantalons, de la mode grand public, de grande distribution ou de la mode de pointe sur mesure pour une clientèle très précise, vous tous, sans exception, vous êtes soumis à une fiscalité qui est de quatorze points supérieure à celles de géants du numérique qui, demain, peuvent vous faire concurrence. Et personne ne peut accepter qu'il y ait une telle injustice fiscale.

Vous avez, par définition, une présence physique sur le territoire, vous réalisez des produits, et vous êtes soumis à la fiscalité du pays dans lequel vous êtes.

Les géants du numérique, une fois encore, qu'ils soient américains, européens ou chinois, la singularité, c'est qu'ils ont des millions de clients sur un territoire, mais comme ils n'ont pas de présence physique, ils ne paient quasiment pas d'impôts.

Au 21ème siècle, il est temps de régler cette injustice et d'avoir une fiscalité à la fois plus juste et plus efficace. Je reviens enfin toujours sur la question du commerce, sur la nécessité de se battre contre la guerre commerciale et pour le maintien d'un commerce qui soit équilibré et juste mais ouvert. Nous avons besoin du commerce international.

Quand j'entends certains dire qu'il faut se protéger, fermer les frontières, se claquemurer, qu'ils aillent l'expliquer directement aux Français qui vivent du commerce international, qui vivent de l'ouverture. La mode sans le commerce international, elle est morte, elle est condamnée, et vos emplois avec. Vous avez besoin du commerce international pour vivre, pour vous développer, pour investir, pour innover et tout simplement pour préserver vos emplois.

Ça vaut pour tous les secteurs. Ce n'est pas, une fois encore, un langage élitiste que je tiens. C'est un langage à destination de tous ceux qui vivent du commerce international.

J'ai été ministre de l'Agriculture pendant trois ans. Je me suis battu pendant trois ans pour faire remonter le cours du porc. Vous me direz, nous sommes loin d'Hermès et LVMH. Mais non, c'est exactement la même chose : c'est la force économique française qui est en jeu et c'est le bien-être des Français pour lequel je me bats tous les jours, la prospérité de chaque Français dans chaque territoire pour lequel je me bats tous les jours.

Quand j'étais ministre de l'Agriculture, le cours du porc était 1,10 euros/1,15 euros, et j'essayais par tous les moyens de le faire passer à 1,17 euros/1,20 euros en négociant les marges avec Leclerc, avec Carrefour, en leur disant : "Faites un effort pour les producteurs". Et quand j'arrivais à passer de 1,15 euros à 1,20 euros, je sortais une bouteille de champagne d'un producteur français !

Aujourd'hui, le kilo de porc est à 2 euros. Vous n'entendez pas parler des difficultés des producteurs de porc. Pourquoi est-ce qu'il est à 2 euros ? Parce que les Chinois, pour des raisons liées à un problème sanitaire en Chine, ont été obligés d'importer 150 000 tonnes de produits porcins français en Chine, et que cette importation de 150 000 tonnes supplémentaires a fait passer le cours du port de 1,20 euros à près de 2 euros le kilo et qu'il garantit la prospérité des producteurs porcins français.

C'est le commerce international qui fait la force de notre agriculture. C'est le commerce international qui fait la solidité et la prospérité de votre secteur.

Pas un commerce ouvert à tous les vents, pas un commerce dans lequel il n'y aurait pas d'équité, pas de justice, pas un commerce où certains marchés seraient ouverts et d'autres seraient fermés. Ce n'est pas ce commerce-là que nous défendons avec le président de la République, mais un commerce équilibré, juste, durable, reposant sur des règles qui s'appliquent à tous.

C'est ça, l'avenir de l'économie française, et c'est ça, l'avenir de votre secteur.

Je constate d'ailleurs que vos groupes réussissent, de ce point de vue-là, remarquablement bien.

Là encore, il n'est pas de bon ton d'aller s'extasier lorsqu'un grand champion français rachète Tiffany. J'ai entendu des critiques en disant : "le ministre de l'Economie s'est félicité que LVMH ait racheté Tiffany".

Mais oui, je m'en félicite, bien sûr, et je pense qu'il est indispensable que tous, on se félicite quand un champion français, qui est aussi un champion mondial, rachète un géant du luxe américain, Tiffany, parce que ça renforce notre puissance nationale, ça renforce nos emplois, ça renforce l'image de la France, ça renforce notre culture et ça renforce votre secteur.

Le deuxième sujet dont je voulais vous parler, c'est justement ce renforcement de la concurrence internationale et le fait qu'il n'y a plus aujourd'hui de situations acquises. Le monde dans lequel nous sommes est un monde très concurrentiel, il faut sans cesse faire des efforts pour se renouveler, pour renforcer ses positions. On le fait donc dans le cadre d'un commerce international juste et équilibré dont je viens de vous parler, mais nous devons renforcer nos positions comme leader indiscutable de la mode et du luxe.

De ce point de vue-là, je constate que nous avons réussi à mettre sur pied depuis quelques années, grâce à des entrepreneurs dynamiques, des géants de la mode qui font concurrence aux géants du numérique.

Les Américains ont leurs géants du numérique, ça ne veut pas dire que nous, nous devons renoncer en Europe à en avoir également. Mais nous pouvons aussi être fier aussi d'avoir des géants de la mode, et d'avoir des champions industriels de taille mondiale, que ce soit LVMH, Kering, Hermès, Chanel, pour n'en citer que quelques-uns.

Je voudrais répéter à tous ceux qui pensent à chaque fois que le luxe, ce sont uniquement les paillettes et les scintillements, ce n'est pas vrai. Ce sont des compétences et des talents, c'est du savoir-faire, c'est la créativité, ce sont des ouvrières et des ouvriers qui sont sur les territoires et qui font ces produits. Ne l'oublions jamais et martelez-le sans cesse contre tous ceux qui voudraient dénoncer ces géants de la mode qui font à mes yeux la fierté et la puissance de la France.

Simplement, il faut que nous puissions continuer à valoriser cet atout. Le maître mot est simple : la création. La structure industrielle, nous l'avons, la puissance financière, nous l'avons.

Ce qui va faire la différence, c'est la création.

Je suis convaincu qu'au 21ème siècle, ce qui fera la différence entre les nations qui gagnent et les nations qui perdent, c'est vrai pour l'intelligence artificielle, c'est vrai pour le numérique, c'est vrai pour le spatial, c'est vrai pour la mode, c'est la création. Celui qui invente sera celui qui gagne. Celui qui innove sera celui qui gagne, cela vaut aussi pour la mode.

De ce point de vue, je considère que la création de l'Institut français de la mode, que j'ai inauguré il y a quelques mois avec un certain nombre d'entre vous, est absolument vitale. Un millier d'étudiants seront formés par an, du CAP au doctorat à partir de la rentrée 2020. L'objectif que j'ai fixé reste le même : concurrencer dans les cinq années qui viennent les écoles les plus prestigieuses de nos voisins européens, la Central Saint Martins de Londres et La Cambre de Bruxelles. Nous devons attirer les meilleurs talents en France. Nous devons faire de cette école l'école la plus prestigieuse au monde. S'il y a des difficultés, j'ai eu vent de quelques difficultés ici ou là, je l'ai dit à Sidney Toledano, je l'ai dit à Guillaume de Seynes, je vous aiderai à régler chaque difficulté.

Avec le ministre de la Culture, Franck Riester, nous avons lancé ce projet, nous voulons qu'il marche, nous voulons qu'il attire les meilleurs talents de la planète, et nous voulons que Paris et la France redeviennent le phare de la mode internationale, pas uniquement de la création, pas uniquement de l'industrie de la mode, mais de la création, de l'inventivité, du génie de la mode.

Le génie de la mode doit rester français, et il se forme dans ce type d'école qui doit devenir une référence mondiale. Le dernier point dont je voulais vous parler ce matin, je le disais en introduction, c'est la prise en compte de l'évolution des modes de consommation. La mode française doit être une mode verte. La mode française doit être une mode durable.

J'ai eu l'occasion d'observer, notamment lors de l'inauguration de l'Institut français de la mode, que les créateurs sont particulièrement conscients de cet enjeu là. Ça va des processus de fabrication qui doivent être le plus décarboné possible et, dans le cadre du pacte productif dont le président de la République m'a confié la responsabilité, je souhaite que la mode soit un des secteurs leader de cette décarbonation de notre économie.

Dans la création de beaux produits, on doit viser la décarbonation la plus rapide possible. Il faut être capable de sourcer vos produits. Demain, grâce à son téléphone, quand le consommateur ira acheter un vêtement, il devrait pouvoir savoir d'où vient telle laine, d'où vient tel produit, d'où vient tel textile, comment il a été fabriqué, quel est son bilan carbone. La transparence sur les modes de fabrication et sur les origines des produits va devenir la norme dans la consommation, et en particulier dans la mode.

Je vous demande vraiment d'anticiper cette révolution. Je sais que vous l'avez fait, et je vois beaucoup d'entreprises, comme Kering par exemple, qui ont pris ce problème-là à bras le corps. Elles ont raison, parce que demain, on le voit déjà aujourd'hui, cela fera la différence entre les entreprises de la mode qui réussiront et celles dont les clients se détourneront parce qu'ils ne voudront plus acheter des produits qui polluent la planète ou qui n'ont pas un bilan carbone satisfaisant.

Je ne parle pas du gaspillage des invendus, de l'utilisation excessive d'eau. Tout cela, vous le connaissez aussi bien que moi. Mais ce sont vraiment des problèmes auxquels la mode doit apporter des solutions le plus possible.

Je veux saluer de ce point de vue-là l'engagement qui a été pris par les 32 multinationales du textile dans le cas du Fashion Pact qui a été signé en marge du G7 de Biarritz. Je rappelle les objectifs qui sont fixés : 0 émission nette de CO2 d'ici 2050, et 100 % d'énergie renouvelable sur toute la chaîne d'approvisionnement d'ici 2030. Voilà les engagements qui doivent être tenus pour que la mode française soit une mode verte, une mode durable et donc une mode attractive pour le consommateur.

En conclusion, je vais vous redire le plaisir que j'ai à participer chaque année maintenant à ces rencontres autour du thème de la mode et à ce Forum de la Mode. Je vous répète la responsabilité qui est la vôtre. Vous avez une responsabilité économique majeure, car vous êtes un des secteurs les plus performants de l'économie française.

Vous avez une responsabilité culturelle, parce que la mode, c'est la France, et que la mode de demain doit être une mode française. Quand je vous parle de mode durable, de mode verte, de création, c'est parce que je considère profondément que ces métiers sont associés à ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, c'est-à-dire un pays qui a le sens d'un certain art de vivre, d'une certaine façon de vivre en société, qui attache de l'importance à l'habillement, à la manière de se vêtir, et qui considère que le vêtement n'est pas un accessoire.

Le vêtement, c'est la première chose que vous portez sur vous, et ça en dit toujours sur les uns, sur les autres. C'est une manière d'être.

Il y a aussi dans la mode cette volonté d'affirmer un combat auquel je crois beaucoup, qui est l'égalité entre les femmes et les hommes, la volonté d'affirmer une liberté de se vêtir comme on veut, de passer des messages par son vêtement, par son attitude. Tout cela est essentiel, ça fait partie de la culture française, qui est une culture de la sociabilité et de la liberté, de la vie en commun, de la vie collective, c'est tout cela que vous portez avec vous.

C'est un combat économique, c'est aussi un combat culturel.

Enfin, et je termine par là parce que ça paraît à l'opposé de la mode et pourtant, pour moi, c'est essentiel, c'est aussi un combat social.

La mode, je le redis, n'est pas accessoire. La mode est quelque chose d'essentiel.

La mode, c'est des emplois. Ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de personnes qui travaillent de leurs mains et qui croient en ce qu'ils font, et qui doivent être respectés pour ce qu'ils sont. Il y a un combat social que la mode doit livrer, et qu'elle livre par tous les emplois qu'elles créent, qu'elles forment partout sur le territoire.

Pour cela, croyez-moi, le ministre de l'Economie et des Finances, tout le Gouvernement et tous les Français, vous sont particulièrement reconnaissants.

Continuez, restez imaginatifs, soyez à la pointe de la mode internationale et portez haut et fort les couleurs de notre pays.


Merci à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 10 décembre 2019