Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, à LCI le 19 novembre 2019, sur l'effondrement du pont de Mirepoix-sur-Tarn et le futur de l'usine Lubrizol de Rouen.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être avec nous sur LCI au lendemain de ce drame qui a frappé une petite commune du Tarn, Mirepoix-sur-Tarn, où vous vous êtes rendue hier pour représenter le gouvernement. Vous étiez avec votre collègue du Ministère de l'Intérieur Laurent NUNEZ. Vous êtes Secrétaire d'Etat auprès de la Ministre chargée de la Transition écologique et solidaire. Emmanuelle WARGON, deux victimes : un chauffeur de poids lourd – on en reparlera tout à l'heure – dont le corps a été désincarcéré et remonté à la surface, et une jeune fille de quinze ans. Une lycéenne qui était dans une voiture sur le pont quand il s'est effondré avec sa maman. La maman ce matin est à l'hôpital j'imagine en état de choc. Elle a pu être sauvée par des riverains que vous avez rencontrés hier.

EMMANUELLE WARGON
Oui. Je me suis rendue sur place avec Laurent NUNEZ et c'est évidemment une très grande émotion d'être sur place. Nous y sommes allés tous les deux pour dire le soutien du gouvernement aux familles endeuillées bien sûr, le soutien aussi aux sauveteurs, beaucoup de mobilisation des pompiers et des gendarmes. Et c'est vrai que j'ai rencontré une jeune femme, une infirmière qui sortait de garde et qui s'est portée tout de suite au secours quand elle a vu l'accident et la voiture tomber dans l'eau. Vous savez, c'est très impressionnant : on a les deux rives du Tarn, les deux accroches du pont avec des filins métalliques et puis plus rien au milieu. On ne voit même plus le pont lui-même qui a été complètement englouti. Et donc cette jeune femme, cette infirmière est descendue avec une autre personne sur la rive. Elle nous disait « avec des sangles, on est descendues, on était deux femmes, on était légères. »

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que c'est très escarpé.

EMMANUELLE WARGON
C'est très escarpé. En fait, la route est très en hauteur par rapport à la rivière, au Tarn qui est en contrebas. Elle m'a dit « seules des femmes pouvaient descendre en fait. On était suffisamment légères, des hommes n'auraient pas pu descendre. » Et elles sont allées au secours de la maman qui était dans cette voiture qui est tombée dans la rivière et elles ont aidé à stabiliser cette dame au bord de la rivière, le temps que les premiers secours arrivent. Des pompiers sont arrivés et se sont jetés à l'eau tout de suite, à la fois pour récupérer cette dame et puis pour tenter de porter secours à la jeune fille dans la voiture, donc c'est terrible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce qu'il y avait un courant terrible.

EMMANUELLE WARGON
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc c'était une opération risquée.

EMMANUELLE WARGON
Oui. Il y avait un très fort courant, une eau par ailleurs très opaque en fait, pas du tout transparente, très chargée. Et à la fois parce que l'eau était froide et à cause du courant, c'est une opération risquée. Moi je salue vraiment le courage de ces deux riveraines, le courage des pompiers et puis de tous ceux qui ont participé aux opérations de secours et c'est un drame. C'est un drame pour Mirepoix-sur-Tarn, pour le village d'en face, Bessières, pour toute la communauté locale. Et je salue aussi les élus qui se sont mobilisés tout de suite à commencer par le maire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Avec quand même, comme c'est le cas parfois dans ces drames, des moments lumineux avec ces deux femmes qui ont eu le courage de se jeter à l'eau, qui ont d'ailleurs été secouées elles-mêmes et que vous distinguez ce matin.

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, c'est vraiment un comportement exemplaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et le chauffeur du poids lourd qui a trouvé la mort aussi dans l'effondrement de ce pont, c'était un chauffeur étranger ou un chauffeur du cru ?

EMMANUELLE WARGON
Non, non. C'était, je crois, quelqu'un qui habitait à proximité. Après, c'est le procureur de la République qui donnera les informations officielles à la fois sur les victimes et l'état de l'enquête, mais ça frappe toute une communauté en fait. C'est deux villages.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un chauffeur du coin, si je puis dire.

EMMANUELLE WARGON
C'était un chauffeur local.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il était connu par…

EMMANUELLE WARGON
Tout à fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et dont le corps a été évidemment remonté à la surface et maintenant l'enjeu, c'est de remonter ce poids lourd, ce camion qui passait avec cette voiture sur le pont au moment de l'effondrement. Vous avez annoncé une enquête du Bureau enquête pour connaître exactement l'état du pont notamment et puis il y a une enquête pénale. Le procureur évidemment enquête sur les causes. Vous avez dit « ça n'était pas un pont à risque, il a été contrôlé mais il était limité à des camions de moins de dix-neuf tonnes. » Est-ce que ce poids lourd était au-dessus des dix-neuf tonnes comme le maire tout à l'heure nous l'a dit dans La Matinale de LCI ?

EMMANUELLE WARGON
Alors ça, c'est vraiment le procureur de la République qui va établir les faits. C'est lui qui dirige l'enquête donc je ne peux pas répondre à la question des faits pour une enquête judiciaire ouverte. C'est une des hypothèses. Une des hypothèses, c'est que le camion qui s'était engagé ait un poids en fait supérieur au poids limité sur le pont. Ce pont était limité à dix-neuf tonnes et pour y être allée, il y a un très gros panneau « dix-neuf tonnes » à l'entrée du pont. Il y a un très gros panneau rouge disant « attention, un seul camion peut s'engager à la fois » donc la signalisation était claire et vraiment extrêmement visible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous la trouvez suffisante ? Est-ce que des panneaux… La preuve d'ailleurs : s'il s'est engouffré sur ce pont, et ça n'est peut-être pas le seul d'après ce qu'on entend dans les témoignages, c'est que cette signalisation elle ne dissuadait pas énormément. Est-ce que ça suffit des panneaux ?

EMMANUELLE WARGON
On vient de vivre un drame. Après un drame, on se repose forcément des questions sur tout. Il y a deux enquêtes : une enquête judiciaire qui déterminera les victimes et les responsabilités et une enquête technique diligentée tout de suite par Elisabeth BORNE, le ministère de la Transition écologique et des transports…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous nous l'avez dit.

EMMANUELLE WARGON
Qui va nous permettre de savoir si on a un problème de structure sur ce pont et s'il faut surveiller différemment les ponts de ce type ou tous les ponts en fonction des éléments techniques qui ressortiront de cette enquête. Après s'il faut changer les choses, on le fera bien sûr. Si la signalisation s'avère insuffisante…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous-même vous avez dit, Emmanuelle WARGON, hier, je vous cite « les investigations devront aussi éclaircir si les conditions d'usage de l'ouvrage, donc on va traduire, mais étaient respectées. » Autrement dit, est-ce qu'effectivement les règles étaient respectées ? Et à ce titre-là, est-ce que des panneaux ça suffit quand il y a un tel danger ?

EMMANUELLE WARGON
Ce que je vous dis, c'est que d'abord il faut trouver les causes. Pour l'instant, nous en sommes aux hypothèses et c'est l'enquête qui le dira.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une des hypothèses, c'est donc le camion était trop lourd. Le maire pour lui, ce n'est pas une hypothèse, c'est quasiment une certitude

EMMANUELLE WARGON
Oui. Mais là, on respecte une procédure d'enquête judiciaire et donc c'est l'enquête judiciaire qui le déterminera. Si cette hypothèse est avérée, alors bien sûr il faut qu'on se demande s'il faut renforcer la signalisation. Il y a la question des GPS sur laquelle on est complètement ouvert pour avancer.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire ?

EMMANUELLE WARGON
C'est-à-dire pour l'instant les GPS ne mentionnent pas toujours systématiquement que tel ouvrage, tel pont est limité à tel poids, et donc on le voit quand on arrive sur site. Est-ce qu'il faut l'embarquer dans les GPS ? Pourquoi pas. Tout ce qui favorise l'information des conducteurs est une bonne chose.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça semble évident, Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Oui, ça semble évident.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça semble évident que sur le GPS il y ait inscrit, comme il y a inscrit qu'il y a d'autres éléments, obstacles, des embouteillages etc, « interdiction ».

EMMANUELLE WARGON
On est d'accord, c'est ce que je vous dis. Si c'est un problème de signalisation et si c'est une bonne décision à prendre que de dire « on embarque ces données dans les GPS », cette décision sera prise rapidement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous disiez : « les investigations devront aussi éclaircir les conditions d'usage de l'ouvrage. » Etait-il adapté, ce pont, à la circulation actuelle ? Il y avait beaucoup de passage sur ce pont. Est-ce qu'il était adapté ?

EMMANUELLE WARGON
D'abord ce pont avait été contrôlé. Je le dis parce que c'est quand même important. Il a été contrôlé sous la responsabilité du département en 2017 plus une visite de contrôle en 2018, donc les procédures étaient respectées. L'entretien, le contrôle étaient bien faits. C'était une route départementale, c'était plutôt un trafic de proximité. Moi j'en discutais avec le maire, les élus. En fait il y avait du ramassage scolaire de l'autre côté de la rivière et, du coup, les gens traversaient pour aller déposer leurs enfants ou simplement pour accéder à des lignes de bus. Ce n'est pas une route de très grande circulation, c'est une route départementale. Mais encore une fois, après un drame, je pense qu'il faut qu'on dise « on tirera toutes les conséquences du drame quand on aura compris ce qui s'est passé. » Donc s'il faut changer autre chose, on le changera. Mais on est vingt-quatre heures après et on n'a pas encore toute la causalité donc on n'exclut rien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que c'est audible, Emmanuelle WARGON, que vous disiez ça dans la mesure où il y avait quand même au moins un rapport qui tirait la sonnette d'alarme ? Et d'ailleurs un des auteurs de ce rapport était sur LCI ce matin ; écoutez-le sénateur Hervé MAUREY.

HERVE MAUREY, SENATEUR, PRESIDENT DE LA MISSION SUR LA SECURITE DES PONTS
Malheureusement il y a eu hier une catastrophe. Je crois qu'on peut souhaiter que cette catastrophe serve d'électrochoc au gouvernement et qu'il réagisse enfin, qu'il prenne enfin les mesures nécessaires.

ELIZABETH MARTICHOUX
La question qu'il pose, c'est faut-il une catastrophe comme celle-là pour qu'enfin vous réagissiez à des signaux d'alarme qui ont été quand même présentés au gouvernement il y a quelques mois ?

EMMANUELLE WARGON
Moi je respecte le travail du sénateur MAUREY qui a fait un rapport avec une mission d'information au Sénat, mais il ne faut pas tout mélanger. Ce que dit le sénateur MAUREY dans son rapport, c'est qu'il existe un certain nombre de ponts qui ne sont pas suffisamment surveillés et contrôlés, qui sont plutôt les ponts gérés par les communes.

ELIZABETH MARTICHOUX
10 % des ponts, vingt-cinq mille.

EMMANUELLE WARGON
Mais là en l'occurrence, c'était un pont géré par le département et contrôlé, surveillé très régulièrement. Donc à ce stade, rien ne permet de dire que c'est un défaut d'entretien du pont. Encore une fois, je suis désolée mais je nous renvoie tous à l'enquête. Il y a une enquête judiciaire…

ELIZABETH MARTICHOUX
On a compris, vous l'avez dit déjà deux fois.

EMMANUELLE WARGON
Et du coup, c'est difficile de tirer des conclusions. Mais en tout cas, on ne peut pas dire « cet événement, c'est la preuve d'un défaut d'entretien des ponts ou de ce pont. »

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais si un pont classé non dangereux et même, vous l'avez dit, contrôlé en temps et en heure se révèle dangereux parce que les règles ne sont pas respectées, mais que doit-on craindre Emmanuelle WARGON des ponts qui ont été classés, eux, dangereux effectivement dans ce rapport ?

EMMANUELLE WARGON
Mais je voudrais quand même vous rassurer sur l'importance de ce sujet pour le gouvernement et l'action du gouvernement. On a commencé par augmenter significativement les crédits pour entretenir les ponts gérés par l'Etat. C'était à peu près soixante-dix millions d'euros par an jusqu'à présent ; on passe à quatre-vingts en 2020.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'était quarante-cinq millions, c'est passé à soixante-dix et il y a une trajectoire en hausse.

EMMANUELLE WARGON
On va atteindre cent vingt-neuf millions d'euros à la fin de la loi sur les mobilités qui sera adoptée aujourd'hui à l'Assemblée nationale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il y a assez d'argent sur la table pour les ponts nationaux ?

EMMANUELLE WARGON
Sur les ponts nationaux, oui, il y a assez d'argent sur la table pour faire l'entretien. Ensuite il y a la question des ponts qui sont sous la responsabilité des collectivités.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui sont beaucoup plus nombreux.

EMMANUELLE WARGON
Qui sont plus nombreux mais qui sont aussi sur des routes à moindre trafic, puisque par définition les grands ponts, les grands ouvrages sont sur les routes nationales ou sur les routes départementales. Mais les départements ont les moyens d'entretenir et d'ailleurs le président du conseil départemental de Haute-Garonne dit « ce pont est entretenu, j'ai les moyens pour le faire comme les autres ponts du département et je le fais régulièrement. » Il reste les ponts communaux qui souvent sont des ponts beaucoup plus petits sur des routes beaucoup plus petites, sur lesquels là on sait moins si les ponts sont en bon état, en mauvais état. Et donc l'une des propositions du rapport Maurey que nous allons suivre, c'est de faire avec les collectivités un inventaire. Un inventaire précis…

ELIZABETH MARTICHOUX
Un audit.

EMMANUELLE WARGON
Un inventaire d'abord pour savoir combien on en a. Parce que c'est vrai que je crois que personne ne peut répondre à la question : combien exactement y a-t-il de ponts sur les routes de France ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça ne vous étonne pas ça ? Ça ne vous étonne pas que l'Etat et même les collectivités locales soient aveugles des éléments dont ils ont la charge ? On ne sait pas combien il y a de ponts en France.

EMMANUELLE WARGON
Sur le nombre consolidé, c'est effectivement assez étonnant qu'on ne sache pas combien il y en a exactement mais c'est lié au fait qu'ils ne sont pas tous gérés par les mêmes responsables : l'Etat ou les départements ou les communes. Mais en tout cas, on est prêt à faire avec les communes, avec les collectivités d'abord un inventaire pour voir exactement combien et où sont potentiellement les ponts qui nécessiteraient plus d'entretien, et ensuite regarder avec les collectivités, dans le cadre de leurs dotations et des relations financières entre l'Etat et les collectivités, comment aider les collectivités qui en auraient besoin.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un inventaire et un diagnostic de l'état des ponts.

EMMANUELLE WARGON
Un inventaire et un diagnostic.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous nous dites ce matin : l'Etat va aider les communes, les petites communes qui ont des ponts, parfois plusieurs ponts d'ailleurs, en charge…

EMMANUELLE WARGON
Je vous dis l'Etat est à la disposition des communes pour travailler avec elles sur inventaire et diagnostic dans les relations partenariales que l'Etat a à chaque fois avec les communes. Vous savez, on est le jour du Congrès des maires et l'Etat est un partenaire des communes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et au-delà, Emmanuelle WARGON. Parce qu'une fois qu'on a le diagnostic, on a parfois aussi la facture. Ça coûte très cher pour une commune de réparer un ouvrage comme un pont, même s'il est tout petit, même s'il est peu passant. Ça peut coûter plusieurs centaines de milliers d'euro. Est-ce que vous êtes prêt à mettre au pot ?

EMMANUELLE WARGON
L'Etat aide les communes à chaque fois qu'elles ont un projet structurant qui est trop gros pour la taille des communes avec des dotations de droit commun, et on peut tout à fait imaginer que là où il y a des sujets importants, ces dotations financent d'abord la remise en état si nécessaire. Donc oui, on aidera au cas par cas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Gérard LARCHER, le président du Sénat qui est très attaché à la défense des territoires comme vous le savez, vient de déclarer « nous avons besoin de l'Etat, on ne peut pas faire sans l'Etat et l'Etat ne met pas assez d'argent. »

EMMANUELLE WARGON
Moi aussi évidemment je suis très attachée à la défense des territoires. Vous savez, moi je suis très souvent en province. J'y suis maintenant par période de trois jours pour rencontrer les élus, faire des débats citoyens, tenir des permanences. Je pense qu'on ne laissera aucune commune en difficulté sans solution.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il y a des collectivités locales qui, à votre avis, négligent aussi ce type de réparation, en tout cas d'investissement ? Est-ce qu'il faut obliger certaines collectivités locales auxquelles l'Etat donne de l'argent à flécher ces investissements en priorité ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne crois pas qu'on puisse généraliser. Ce qu'on sait vraiment, je voudrais le redire, c'est les ponts sur les grands axes de circulation sont surveillés et contrôlés. Là on parle de ponts sur des petites routes et donc là on a vraiment besoin d'aller un cran plus loin dans la profondeur du diagnostic. Peut-être qu'il y a certains endroits où ça fait longtemps que personne n'est allé regarder ce qui se passait et dans ce cas-là, oui, c'est une culture du risque commune à développer. Mais ne généralisons pas à ce stade.

ELIZABETH MARTICHOUX
Emmanuelle WARGON, je voudrais qu'on ouvre aussi le dossier LUBRIZOL ce matin, parce qu'à Rouen il y a sans doute certains habitants qui se sont réveillés un peu inquiets. Il se trouve que les présidents, les directeurs, la direction de l'usine chimique qui a été complètement dévastée il y a quelques semaines à Rouen ont demandé hier publiquement à ce que certaines unités soient rouvertes avant la fin de l'année. Avant la fin de l'année, c'est dans quelques semaines. Qu'est ce que vous dites aux Rouennais ?

EMMANUELLE WARGON
Moi ma préoccupation, c'est la sécurité. C'est la sécurité qui prime donc ce sont aux préfets et aux services techniques de dire s'il est possible d'envisager une réouverture en toute sécurité. Mais c'est d'abord la sécurité : la sécurité des employés, la sécurité du site, la sécurité des Rouennais qui doit être la première préoccupation. Si cette usine peut rouvrir, c'est globalement plutôt une bonne nouvelle pour la suite et pour l'activité économique, mais seulement - seulement - si nous sommes sûrs que la sécurité est respectée et donc ce sera à l'Etat de répondre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais l'Etat n'a pas voix au chapitre ?

EMMANUELLE WARGON
Si, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes en train de nous dire…

EMMANUELLE WARGON
C'est une demande qui vient d'être faite par la direction de l'usine, et donc c'est au préfet avec les services techniques du Ministère de la Transition écologique d'être capable de répondre en toute sécurité…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça ne vous semble pas un peu rapide, non ? Parce que, voilà, avant la fin de l'année c'est demain.

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, il n'y a pas de raison de se précipiter. C'est-à-dire il faut suivre les procédures normalement, être capable de répondre sereinement à la question « est-ce que l'usine peut rouvrir en toute sécurité ? »…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il vaut mieux prendre son temps, c'est ce que vous dites.

EMMANUELLE WARGON
Ce que je dis, c'est qu'il n'y a pas de raison d'essayer d'aller vite pour vouloir aller vite. L'Etat ne veut pas aller spécialement vite. Nous avons simplement besoin de répondre à la question de base « est-ce que cette installation peut rouvrir en toute sécurité ? » Si c'est oui, il n'y a pas de raison de le refuser. Mais voilà, c'est la seule question qui nous est adressée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous êtes au courant que les odeurs persistent encore, des semaines et des semaines après l'incendie, et continuent de gêner les habitants ? Il y a des brumisateurs qui ont été installés ; est-ce que c'est suffisant ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, il y a des fûts. Certains fûts ont brûlé et du coup, en brûlant, bien sûr ils ont libéré ces matières toxiques. D'autres ont été endommagés mais sont en train d'être déplacés progressivement. C'est vrai qu'en attendant, ils sont ce qu'on appelle confinés et des brumisateurs ont été mis en place justement pour lutter contre les odeurs. Mais tant que les fûts n'auront pas été tous déplacés pour être détruits là encore dans des conditions de sécurité suffisantes, ça va rester. Donc l'important, c'est que ces opérations de transfert des fûts et de destruction des fûts puissent se terminer le plus vite possible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous allez y retourner bientôt ?

EMMANUELLE WARGON
J'y suis allée une fois. En tout cas, que ce soit Elisabeth BORNE ou d'autres membres du gouvernement, on y va régulièrement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc la réponse c'est ce n'est pas encore prévu au programme à court terme. Un mot encore des manifestations qui ont eu lieu notamment à Paris. Vous avez été co-organisatrice avec Sébastien LECORNU au gouvernement du Grand débat qui a suivi la crise des Gilets jaunes. Je voulais d'ailleurs dire qu'un jeune homme a été blessé. Hier matin j'ai dit qu'il n'y avait pas eu de blessé ; on a appris entre-temps qu'un jeune homme a été blessé sans doute par une grenade de désencerclement. La police des polices va enquêter. Mais Emmanuel MACRON hier dénoncé les violences et les silences complices de ces violences. C'est quoi un silence complice ?

EMMANUELLE WARGON
En fait dans ce mouvement se sont vraiment superposées deux choses. Une colère assez forte qui s'est exprimée par les gens qui portent des Gilets jaunes mais qui, d'une certaine manière, exprimaient aussi une colère ou une impatience d'une partie des Français à laquelle le gouvernement cherche à répondre à travers ce qu'on appelle l'acte 2 du quinquennat, c'est-à-dire une manière un peu différente de traiter les dossiers. Et puis des violences avec des casseurs, et on a encore vu ces casseurs place d'Italie le week-end dernier s'attaquer à la statue du maréchal JUIN. Donc autant on peut comprendre et vouloir apporter des réponses à la colère ou à l'impatience ou à l'inquiétude de certains Français, autant les violences ne sont pas admissibles. Ni les violences en elles-mêmes, ni une sorte de tolérance parce que la fin justifie les moyens etc. La fin ne justifie pas les moyens.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais de qui les silences complices dans la bouche du Président ? Evidemment c'est une phrase forte. C'est les silences complices de qui ?

EMMANUELLE WARGON
Vous lui poserez la question à lui, Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous, vous n'avez pas d'idée là-dessus ? Vous n'avez pas d'opinion ?

EMMANUELLE WARGON
C'est lui qui répondra à la question de savoir qui est visé, mais en tout cas je crois que l'idée c'est de dire : il y a ceux qui commettent les violences et puis il y a peut-être certains responsables politiques qui, en ne dénonçant pas ces violences ou en les justifiant, amalgament deux choses différentes et sont complices d'une violence qui ne sert à rien et qui ne sert qu'à escalader.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais qui par exemple ? France Insoumise ?

EMMANUELLE WARGON
Je laisserai le président répondre à cette question.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne voulez pas répondre à cette question. La langue de bois pour finir…

EMMANUELLE WARGON
Oh, vous êtes dure quand même !

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, ce n'est pas ça ?

EMMANUELLE WARGON
Non, ce n'est pas ça mais il me semble que le Président quand il s'exprime sait jusqu'où il veut aller dans son expression, et donc c'est à lui qu'il appartient de préciser ses phrases.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà. Bonne journée à vous Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2019