Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le projet de loi de finances 2020, à l'Assemblée nationale le 16 décembre 2019.

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Circonstance : 2ème Lecture du projet de loi de finances 2020 en séance publique à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Madame la Présidente,
Monsieur le Rapporteur général,
Monsieur le Président de la Commission des Finances,
Mesdames et messieurs les Députés,


Je suis heureux de vous retrouver pour cette deuxième lecture du projet de loi de finances 2020 à l'Assemblée nationale.

Nous abordons cette deuxième lecture au moment où l'économie française fait face à des difficultés réelles, des difficultés conjoncturelles qui sont liées au mouvement de grève actuel, qui touchent en particulier les commerçants, les petites entreprises, les TPE et nombre de salariés.

Je voudrais profiter de cette deuxième lecture et de nos débats pour redire aux commerçants que le Gouvernement sera à leurs côtés et que toutes les mesures nécessaires pour leur permettre de poursuivre leur activité dans les meilleures conditions possibles seront prises par le Gouvernement.

J'ai eu l'occasion de les recevoir la semaine dernière et nous les recevrons autant de fois qu'il sera nécessaire pour étudier avec eux les mesures qu'il faudra prendre pour les accompagner et les soutenir dans cette période de fêtes où l'activité est habituellement soutenue.

Des difficultés également au niveau international, puisque la croissance mondiale continue de ralentir, en particulier en raison des conséquences des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis.

La plupart des grands pays émergents connaissent un tassement de l'activité. En Europe, le climat des affaires s'est nettement affaibli en cette fin d'année, il faut le reconnaître. Au final, la croissance pour 2019, que nous anticipions initialement à 1,4%, devrait atteindre en définitive, comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, 1,3% au regard des éléments dont nous disposons sur le troisième trimestre et des prévisions sur le quatrième trimestre. Nous aurons demain les prévisions de l'Insee dans sa note de conjoncture, qui nous permettront de confirmer cette prévision.

Je voudrais faire deux remarques.

La première, c'est que cet ajustement, qui est dans la marge d'erreur, n'a pas d'impact sur l'évaluation des recettes et des dépenses en 2019, puisque nos prévisions sont fondées sur des chiffres réels et que nous confirmons par conséquent le déficit de 3,1% pour 2019.

La deuxième remarque, c'est que cette performance économique reste solide et que la croissance française sera supérieure en 2019 à la moyenne de la croissance de la zone euro, et que la croissance allemande sera probablement deux fois plus faible en 2019. Cela plaide une nouvelle fois, comme je l'ai dit inlassablement, pour que la politique budgétaire prenne le relais de la politique monétaire dans les États qui en ont la capacité, que ce soit en Allemagne ou ailleurs. Personne ne peut se satisfaire du niveau faible de croissance dans la zone euro, qui a un impact sur l'emploi, sur l'activité globale et sur la prospérité de nos compatriotes.

Pour 2020, à ce stade, nous conservons inchangé notre prévision de croissance qui s'élève à 1,3%. Je note d'ailleurs que la plupart des conjoncturistes ainsi que la Banque centrale européenne tablent sur une stabilisation des risques en zone euro en 2020.

Dans ce contexte national et international dégradé, l'économie française fait mieux que résister. Elle se tient à un niveau supérieur à la moyenne de la zone euro, grâce notamment aux mesures de pouvoir d'achat décidées par le Gouvernement et à l'investissement des entreprises qui demeurent dynamiques.

Par conséquent, je pense qu'il est sage de rappeler la ligne économique que nous défendons depuis près de trois ans avec le Premier ministre et sous l'autorité du président de la République.

Nous faisons d'abord une politique de l'offre qui est fondée sur des choix politiques clairs que nous maintenons avec constance et que nous continuerons de maintenir avec constance dans les années qui viennent.

Le premier choix, c'est une meilleure rémunération du travail.

C'est un choix vital pour nos compatriotes. C'est un choix de justice et d'efficacité économique. Toutes les mesures qui ont été prises – baisse de l'impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2020, augmentation de la prime d'activité de 100 euros par mois au niveau du SMIC, soutien à l'intéressement – visent précisément à ce que chaque personne qui travaille puisse vivre dignement de son travail dans notre pays.

Je souhaite notamment que l'intéressement soit généralisé dans les plus petites entreprises dans les mois qui viennent.

J'ai entendu les remarques et les inquiétudes, d'un certain nombre de petites entreprises, de chefs d'entreprise qui nous disent "C'est encore trop compliqué, c'est encore trop lourd". Je rappelle que nous avons pris trois mesures de simplification radicale des accords d'intéressement pour qu'ils puissent se développer dans les plus petites entreprises de France :

- la première, c'est un accord d'intéressement qui peut être signé pour un an et non plus trois ans ;
- la deuxième, c'est une simplification du formulaire, lui-même, d'accord d'intéressement ;
- la troisième mesure, que j'ai annoncée ce matin et que nous souhaitons mettre en oeuvre le plus rapidement possible, c'est d'autoriser les plus petites entreprises, celles qui ont moins de onze salariés pour le premier accord d'intéressement, à le signer sans obligation de soutien des salariés ou de signature des salariés, par déclaration unilatérale de l'entrepreneur, pour que chaque entrepreneur puisse faire bénéficier le plus vite possible de cet accord d'intéressement le maximum de salariés.

Je rappelle que la signature d'un accord d'intéressement est la condition pour le versement d'une prime défiscalisée à ses salariés. C'est donc l'intérêt des salariés et l'intérêt des entrepreneurs, l'intérêt de l'activité économique du pays de voir se multiplier, grâce à ces simplifications, les accords d'intéressement dans les semaines qui viennent.

Le deuxième choix de cette politique de l'offre, c'est la restauration de la compétitivité des entreprises, notamment avec une baisse des impôts des entreprises qui continueront de baisser en 2020 pour toutes les entreprises, sans exception. Ils baisseront d'un milliard d'euros au total grâce à la baisse de l'impôt sur les sociétés, la baisse des prélèvements affectés aux Chambres de commerce et d'industrie (CCI), et les nouvelles possibilités d'exonération ouvertes en faveur du commerce dans les zones rurales.

Le troisième choix, c'est celui de la maîtrise de nos finances publiques, puisque nous avons réformé des dépenses fiscales en faveur des entreprises, réduit un certain nombre de niches fiscales dans ce budget 2020, poursuivi la réduction d'un certain nombre de dépenses, par exemple des CCI, de manière à parvenir à un déficit public de 2,2% en 2020. C'est le chiffre de déficit public le plus bas depuis 20 ans en France.

Les choix politiques, nous les poursuivons pour une raison qui est simple, ils donnent des résultats : une croissance solide, comme je vous l'ai indiqué, 540 000 emplois créés depuis 2017, et un des pays les plus attractifs de la zone euro en termes d'investissements étrangers.

Ces trois résultats plaident pour que nous poursuivions le cap de cette politique qui repose sur une offre améliorée, une meilleure rémunération des salariés, et la restauration de nos finances publiques. Ces choix stables feront réussir la France et les Français. Mais ils doivent aussi s'accompagner d'une anticipation des grands changements à venir, en particulier des changements technologiques et des changements liés à la lutte contre le réchauffement climatique.

Un exemple : l'industrie automobile. Nous savons qu'elle devra faire face, dans les années qui viennent, à des bouleversements technologiques qui sont sans précédent depuis le début de l'industrie automobile au 20ème siècle.

Les industriels nous ont fait part, il y a plusieurs mois, de leurs inquiétudes, en particulier les sous-traitants de deuxième ou troisième rang. Nous avons donc écouté. Nous avons construit un plan de soutien à la filière automobile qui sera étudié dans le cadre de ce débat en deuxième lecture, avec 50 millions d'euros que nous vous proposons de consacrer à l'accompagnement des entreprises en difficulté et à leur diversification.

Nous proposons également qu'une partie de ces 50 millions d'euros garantisse les prêts des entreprises sous-traitantes pour leur permettre de se financer en 2020. Ce qui donnera un effet de levier considérable pour ces entreprises. Le financement de ces 50 millions d'euros sera assuré par le déplafonnement du malus automobile pour les véhicules qui émettent plus de 172 grammes de CO2 par kilomètre.

C'est une proposition que nous vous ferons à l'article 18 du projet de loi de finances. Je sais que cela provoquera des débats. Mais, je ne vois pas pourquoi le malus serait progressif pour tous les véhicules jusqu'à 172 grammes de CO2 par kilomètre et qu'ils seraient ensuite plafonnés. Plus vous polluez, plus vous payez. C'est un principe auquel nous croyons.

Sur les Chambres de commerce et d'industrie, nous voulons également poursuivre l'accompagnement. Vous avez adopté un certain nombre de mesures en première lecture. Nous vous avons écouté en supprimant le prélèvement France-Télécom. Nous nous engageons aujourd'hui sur le suivi de cette réforme.

Je sais que les Chambres de commerce et d'industrie sont très soucieuses qu'il y ait une clause de revoyure annuelle, sous forme d'un rapport de CCI France remis au Gouvernement et au Parlement, sur la soutenabilité de la trajectoire financière des CCI. Je suis favorable à ce rapport qui permettra d'évaluer les conséquences de nos décisions sur les CCI et qui sera remis avant chaque projet de loi de finances. Je pense qu'il est de bonne politique d'évaluer les conséquences de nos décisions.

Enfin, la transformation touche aussi le secteur écologique, en particulier avec la réforme de la fiscalité sur le gazole non routier.

Vous savez que j'ai engagé un très grand nombre de concertations avant de mettre en place cette évolution de la fiscalité sur le gazole non routier. Nous avons décidé de le faire en trois temps et plus en un seul temps, en commençant au 1er juillet 2020, et pas au 1er janvier 2020, et en accompagnant cette mesure de toute une série de compensations pour le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Je veux vous dire ici que nous avons poursuivi cette démarche avec les artisans des travaux publics qui nous ont fait remarquer, à juste titre, qu'il n'y avait pas d'équité sur les marchés, que certains pouvaient utiliser du gazole défiscalisé là où les artisans des travaux publics ne le pourraient plus. Nous voulons garantir l'équité de ces marchés et nous avons répondu aux demandes légitimes des artisans des travaux publics pour qu'il n'y ait plus de concurrence déloyale sur le marché des travaux publics en France.

Enfin, de manière plus générale, ces décisions préparent la mise en place du Pacte productif dont je présenterai un certain nombre de propositions au début du mois de janvier, avant que le président de la République trace des grandes orientations, à la fin du mois de janvier, sur ce Pacte productif, qui a un objectif : maintenir une production française puissante tout en engageant et en accélérant la décarbonation de notre économie. Il est possible d'être une économie puissante et décarbonée. C'est la preuve que nous voulons apporter avec ce Pacte productif.

Voilà les quelques éléments de présentation que je voulais vous proposer en début de cette deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2020 à l'Assemblée nationale. Notre économie est solide, dans un environnement qui est aujourd'hui particulièrement instable et fragile du point de vue économique.

C'est une incitation à poursuivre la transformation de l'économie que nous avons engagée avec cette majorité.


Je vous remercie.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 décembre 2019