Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
C'est une semaine décisive pour le gouvernement et la réforme des retraites. Manifestations aujourd'hui et treizième jour de grève. Bonjour et merci Olivier DUSSOPT d'être avec nous ce matin.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
ROMAIN DESARBRES
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics et vous êtes en charge de la Fonction publique. Votre nom est cité pour remplacer Jean-Paul DELEVOYE. Question toute simple : est-ce que vous avez été contacté ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, à chaque fois qu'il y a une modification dans une équipe gouvernementale, des noms circulent. Je ne pense pas que ça la question première.
ROMAIN DESARBRES
Mais est-ce que vous connaissez déjà la… Est-ce que vous seriez l'homme de la situation ? Est-ce que vous connaissez la réforme sur le bout des doigts ?
OLIVIER DUSSOPT
On a dans notre pays une règle qui s'appelle la Constitution. C'est le président de la République qui nomme les ministres sur proposition du Premier ministre. Il faut s'en tenir là. Pour ce qui est de la réforme, c'est le sujet le plus important. J'ai évidemment regardé son contenu pour ce qui concerne la Fonction publique. Est-ce qu'il y a des choses à faire pour garantir que les fonctionnaires ne soient pas perdants dans cette réforme et nous sommes en train de mettre en place les garanties. Il y a aussi des points de cette réforme qui sont particulièrement aux fonctionnaires. Je pense notamment à l'intégration des primes, ce qu'on appelle la part indemnitaire dans l'assiette de cotisations pour faire en sorte que la retraite des fonctionnaires, leur pension, soient calculées sur la réalité de leurs revenus. Donc tout l'objectif aujourd'hui et peut-être qui plus est aujourd'hui avec ce mouvement de grève que nous connaissons et cette manifestation, c'est de continuer à dire que cette réforme est une bonne réforme.
ROMAIN DESARBRES
Je me permets d'insister. Si le Premier ministre vous appelle et vous dit que vous êtes l'homme de la situation, qu'il a besoin de vous pour reprendre ce dossier des retraites, vous lui dites quoi ? Vous lui dites oui ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas la question. Je suis très heureux dans ce que je fais, je le répète. Je ne me prête jamais au jeu des castings.
GERARD LECLERC
Alors il y a des négociations qui redémarrent demain et après-demain. Si on négocie, il faut avoir quelque chose à négocier. Qu'est-ce que le gouvernement peut apporter de plus par rapport à la réforme telle qu'elle a été présentée la semaine dernière ?
OLIVIER DUSSOPT
Le Premier ministre l'a dit la semaine dernière, il l'avait dit il y a quinze jours. Cette réforme, nous la souhaitons et nous la conduisons avec détermination parce qu'elle porte des principes qui nous paraissent essentiels. L'universalité parce que c'est le gage de l'équité et de l'égalité. C'est la responsabilité, c'est la volonté aussi d'avoir un système qui soit durable et qui corrige mieux les injustices.
GERARD LECLERC
Ça, c'est ce qu'on sait. Sur quoi peut-on encore négocier ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est parce qu'on est clair sur ce que l'on veut que l'on peut ensuite ouvrir des champs de discussion. Nous avons dit et le Premier ministre l'a dit. Sur la question de la pénibilité qui tient beaucoup à coeur en particulier des syndicats réformistes, il y a des choses à faire, à avancer. Faire en sorte par exemple que les critères de pénibilité du secteur public soient alignés sur le secteur privé et que les fonctionnaires puissent avoir accès au compte personnel d'activité et donc à la question de la prise en compte de la pénibilité. Il y a cette question de l'équilibre, de l'équilibre financier du système. Nous avons dit et nous maintenons qu'un bon système est un système équilibré pour ne pas transférer la dette sur nos enfants.
GERARD LECLERC
Oui, mais la CFDT ne veut pas d'âge pivot.
OLIVIER DUSSOPT
Et nous avons dit que si les partenaires sociaux avaient des propositions alternatives, nous étions ouverts à cette discussion.
ROMAIN DESARBRES
Alors justement, vous avez certainement lu l'interview de Laurent BERGER ce matin dans La Croix. Le numéro un de la CFDT qui fait une proposition. 1 : Laisser les partenaires sociaux négocier pendant un an pour faire des propositions pour un équilibre financier, des propositions à court, moyen et long terme. Et puis à court terme, Laurent BERGER dit une hausse des cotisations, pourquoi pas. Enfin, il dit une hausse des cotisations par exemple. Est-ce que ça pourrait être une solution qui pourrait être validée par le gouvernement ? Augmenter les cotisations ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est d'abord la démonstration que lorsque nous avons des interlocuteurs qui font des propositions, le débat peut s'ouvrir. Et je n'avais aucun doute sur le fait que Laurent BERGER en particulier et plus largement les syndicats réformistes, ceux qui veulent la construction d'un système universel, qui pensent que c'est une bonne solution. Même s'ils peuvent avoir des divergences d'approche, des différences d'appréciation sur les modalités que nous proposons, ils sont dans la proposition, ils sont dans le débat.
ROMAIN DESARBRES
Mais ça fait partie de l'éventail des propositions qui pourraient être faites ? Du terrain d'approche ? Enfin, vous pourriez vous retrouver sur une hausse des cotisations avec la CFDT ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faudrait que nous puissions nous retrouver avec eux, avec les organisations qui représentent les employeurs, avec les autres organisations syndicales. Ça n'est pas une surprise de dire que ce gouvernement n'a pas pris comme marque de fabrique ni l'augmentation des cotisations, ni l'augmentation des impôts. Nous sommes plutôt le gouvernement qui baisse les impôts. Pas plus tard qu'hier, je défendais encore en nouvelle lecture avec Gérald DARMANIN le projet de loi de finances pour 2020 qui va baisser les impôts sur le revenu de 5 milliards. Nous supprimons la taxe d'habitation. Nous avons mis en place une trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés. Notre ADN, c'est plutôt la diminution des prélèvements obligatoires. Mais je note et j'ai pris connaissance comme vous des propos de l'interview de Laurent BERGER dans La Croix. J'ai vu d'autres interventions de sa part et je note avec confiance, pour ne pas dire avec plaisir mais confiance en tout cas, qu'il s'inscrit dans cette attitude que nous connaissons qui consiste à faire des propositions. Demain le Premier ministre va recevoir les organisations syndicales dans des réunions bilatérales. D'ici la fin de semaine, il va leur proposer de continuer à échanger. Ça compte beaucoup. Ça compte beaucoup parce que ça veut dire que le dialogue non seulement n'est pas rompu, qu'il est repris, et s'il y a dialogue à mon avis il y a solution.
ROMAIN DESARBRES
Je retiens que vous ne balayez pas cette proposition d'augmenter les cotisations. Vous dites "ce n'est pas l'ADN du gouvernement."
OLIVIER DUSSOPT
D'abord ça n'est pas ma compétence de balayer telle ou telle proposition. C'est une discussion qui est menée par le Premier ministre et c'est à lui de rendre les arbitrages. Et puis par ailleurs, on ne peut pas rentrer dans une discussion ou un débat sur des modalités en balayant d'emblée l'ensemble des propositions donc soyons ouverts. J'ai la conviction que d'autres propositions seront portées, que d'autres champs de débat seront ouverts par les différents interlocuteurs syndicaux, patronaux, que ce soit du côté privé ou du côté public, pour faire en sorte que ce système universel puisse être mis en place, que cette réforme puisse être menée. Parce que j'ai vraiment la conviction, et quand je dis "je" c'est peut-être un tort, nous avons la conviction avec tout le gouvernement que ce système que nous proposons de construire qui est plus qu'une réforme, qui est un nouveau système de retraite, c'est un système qui est à la fois juste, qui tient mieux compte de ce qu'est le monde du travail aujourd'hui et c'est un système qui est solide. C'est-à-dire qu'il ne reportera pas de génération en génération la charge de la dette, il n'obligera pas comme c'est le cas depuis vingt ans à des réformes de paramètres, de financement tous les sept, huit ans comme nous en avons malheureusement pris l'habitude dans ce pays.
GERARD LECLERC
Vous venez de nous dire que demain et après-demain, ce n'est qu'un début d'un cycle de négociations. Ça va durer. Mais ça veut dire aussi que la grève va encore durer pendant des semaines ?
OLIVIER DUSSOPT
Plus les discussions s'achèveront rapidement et nous pourrons conclure un accord très vite, c'est tant mieux.
GERARD LECLERC
Oui, mais ce n'est pas l'hypothèse dans laquelle vous vous placez.
OLIVIER DUSSOPT
Enfin, vous dire que le sujet est techniquement simple, sans même parler d'aspects politiques, techniquement simple ça n'est pas le cas.
GERARD LECLERC
Mais donc les grèves vont continuer ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne le souhaite pas évidemment. Je souhaite que les Français, les Franciliens pour ce qui concerne les transports en commun, mais plus largement que les Français retrouvent la possibilité de se déplacer. Qu'ils puissent se déplacer pour les fêtes, qu'ils puissent se déplacer pour aller plus sereinement, plus tranquillement, plus facilement sur leur lieu de travail. Evidemment que nous souhaitons l'arrêt de ce mouvement.
ROMAIN DESARBRES
Olivier DUSSOPT, vous êtes en charge de la Fonction publique. Nouvelle journée de manifestations aujourd'hui. Vous vous attendez à quelle mobilisation ?
OLIVIER DUSSOPT
Je pense que la mobilisation sera importante. Elle l'a été le 5 décembre, il n'y a que peu de raisons qu'elle ne le soit pas plus aujourd'hui ou en tout cas qu'elle ne soit pas au même niveau. Nous verrons tout à l'heure, d'ici 13 heures à peu près les premières estimations. Au-delà des chiffres, ce qui compte c'est d'entendre un certain nombre de messages, d'apporter des réponses. Nous le faisons pour les enseignants en faisant en sorte de garantir dès la loi-cadre, dès 2021 comme l'a dit le Premier ministre devant le CESE que les compensations salariales qui sont nécessaires, et qui par ailleurs sont justifiées, puissent être mises en oeuvre. Nous avons dit que nous étions ouverts à cette prise en compte de la pénibilité dans le secteur public. Nous avons dit aussi, plutôt nous avons répété, que pour ce qui concerne les professions les plus exposées aux risques - les policiers, les douaniers qui assurent des tâches de surveillance sur le terrain - il fallait que ces professions-là puissent encore comme aujourd'hui bénéficier d'un départ anticipé. Et donc question après question, message après message, il faut apporter ces réponses.
ROMAIN DESARBRES
Il faut apporter ces réponses. Olivier DUSSOPT, membre du gouvernement, ouvert à la discussion. Les discussions reprennent demain après une nouvelle journée de manifestations, et je retiens que vous vous attendez à une forte mobilisation aujourd'hui. Merci beaucoup Olivier DUSSOPT d'être venu nous voir ce matin dans La Matinale CNews. Merci beaucoup.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 décembre 2019