Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, à France Inter le 6 janvier 2020, sur la réforme des retraites.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME, le ministre de l'Economie et des finances ce matin dans "Le Grand entretien du 7-9 ". Vos questions, amis auditeurs, dans une dizaine de minutes. 01.45.24.70.00, les réseaux sociaux et l'application mobile de France Inter. Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Nicolas DEMORAND.

NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être au micro d'Inter ce matin. Il est encore temps de vous souhaiter une bonne année, je le fais donc avec plaisir.

BRUNO LE MAIRE
J'en profite pour souhaiter une très bonne année à tous les auditeurs de France Inter également.

NICOLAS DEMORAND
Et je vous demande quelles sont vos bonnes résolutions pour 2020, par exemple sur l'art de gouverner, tiens ?

BRUNO LE MAIRE
Plein de bonnes résolutions, sur l'art de gouverner, je crois que c'est d'abord un art de dialogue, un art de compromis, et je pense que ce sera précieux, je crois que ça vaut pour nous tous au gouvernement, pour les jours et pour les semaines qui viennent.

LEA SALAME
Alors, le compromis, on va y revenir dans un instant. Mais blague à part, au-delà des résolutions, l'année commence par une actualité électrique, dangereuse au Moyen-Orient avec l'élimination par les Etats-Unis du général SOLEIMANI, un des chefs militaires iraniens les plus puissants. Vous, qui avez travaillé au Quai d'Orsay, avec Dominique de VILLEPIN, quand il était ministre des Affaires étrangères, est-ce que vous diriez que le spectre d'une guerre n'a jamais été aussi proche qu'en 2020 ?

BRUNO LE MAIRE
Ce que je dirais, surtout, Léa SALAME, c'est qu'il faut toujours se demander à qui sert et à qui profite l'instabilité. L'instabilité au Moyen-Orient aujourd'hui, elle profite à une seule organisation, c'est l'organisation terroriste l'Etat islamique. Donc je voudrais relayer l'appel qu'a lancé le président de la République, également Boris JOHNSON, également la chancelière Angela MERKEL, au retour de la stabilité, parce que l'instabilité ne fera que le jeu des terroristes, et donc accroîtra la menace terroriste qui pèse aujourd'hui sur la France et sur l'Europe.

NICOLAS DEMORAND
Est-ce que cette tension mondiale peut affecter la croissance française, prévue à 1,3% l'an prochain ?

BRUNO LE MAIRE
Mais toutes les tensions affectent toujours directement et rapidement la croissance mondiale. C'est vrai pour ces tensions géopolitiques, c'est vrai aussi pour les tensions commerciales. Aujourd'hui, à l'heure où je vous parle, nous vivons sous la menace de sanctions américaines contre la taxation du numérique, des activités digitales. Nous, nous estimons…

LEA SALAME
Contre la taxe GAFA que vous avez fait passer…

BRUNO LE MAIRE
Oui, que je n'appelle pas d'ailleurs taxe GAFA, parce qu'elle touche tous les géants du numérique et pas uniquement les géants du numérique américain, donc je conteste le caractère discriminatoire de cette taxe que nous reproche les Etats-Unis, et j'ai écrit à Bob LIGHTHIZER, le négociateur américain, sur ce sujet. J'aurais aujourd'hui au téléphone mon homologue américain, Steven MNUCHIN pour lui dire : mais, sortons de cette logique de sanctions, on ne va pas rentrer dans une guerre commerciale entre la France, l'Europe et les Etats-Unis sur la question de la taxation du digital. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'aller de l'avant, trouvons un accord à l'OCDE, mais nos amis.

LEA SALAME
S'il vous dit non, s'il vous dit non ? S'il vous dit : il y aura des sanctions américaines ?

BRUNO LE MAIRE
Nos amis américains doivent savoir que s'il devait y avoir des sanctions, et c'est une possibilité aujourd'hui que nous prenons très au sérieux, dans ce cas-là, nous saisirions immédiatement l'Organisation Mondiale du Commerce. Je verrai demain le commissaire européen, Phil HOGAN, et nous étudierons avec lui la possibilité de riposte commerciale. Nous ne nous laisserons pas…

LEA SALAME
Ça veut dire quoi, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire que si les Américains décident d'aller jusqu'au bout, de mettre des sanctions contre la taxation du digital, alors même qu'ils étaient pour cette taxation du digital et que notre taxation nationale n'est pas discriminatoire, dans ce cas-là, nous riposterions. Mais cette guerre commerciale – je le redis – elle n'est dans l'intérêt de personne. Donc j'appelle nos amis américains à revenir à la sagesse, à la raison, à travailler à un compromis à l'OCDE, à éviter cette montée aux extrêmes, qui ne profitera à personne.

NICOLAS DEMORAND
En France, Bruno LE MAIRE, l'année commence comme elle s'est terminée, avec la grève et la mobilisation contre la réforme des retraites, c'est aujourd'hui la rentrée des classes, le retour au travail pour des millions de Français, les transports en Ile-de-France, on l'a entendu dans les journaux de France-Inter ce matin, les transports en Ile-de-France sont perturbés, dites-vous ce matin aux grévistes, Bruno LE MAIRE : ça suffit ?

BRUNO LE MAIRE
Je dis que ce qui suffit, c'est ces difficultés de transports, c'est la peine que doivent se donner tous les salariés pour se rendre sur leur lieu de travail ; j'étais la semaine dernière auprès des commerçants parisiens, j'ai vu l'impact que ça a sur les commerçants, j'ai vu surtout le mal que se donnent tous les salariés, tous les fonctionnaires d'ailleurs dans mon ministère, qui font des heures de trajet aller et retour, qui essaient de trouver tous les moyens possibles pour se rendre sur le lieu de travail, c'est beaucoup de fatigue, il y a beaucoup de gens qui sont épuisés à Paris et en Ile-de-France, c'est parfois des dépenses supplémentaires, parce qu'il faut payer un taxi, un Uber, j'ai vu des salariés qui se paient une chambre d'hôtel pour pouvoir rester sur le lieu de travail le matin. Donc il faut passer le plus vite possible à autre chose et sortir de cette logique de conflit. La France aspire à autre chose que le conflit, le conflit nous épuise tous.

LEA SALAME
Mais c'est qui qui est responsable du conflit, pardon, c'est désormais le plus long conflit social à la SNCF depuis mai 68, beaucoup vous imputent la situation en pointant votre inflexibilité, pas vous, Bruno LE MAIRE, mais celle du gouvernement, voire votre volonté de laisser pourrir la grève, vous, vous assumez ?

BRUNO LE MAIRE
Il n'y a aucune inflexibilité, Léa SALAME, aucune volonté de laisser pourrir la situation, et au moment où je vous parle, ce qui me frappe dans cette rentrée, c'est que jamais le compromis ne m'a paru aussi proche, jamais la possibilité de parvenir à un accord ne m'a semblé autant à portée de main. Tout est sur la table. Est-ce que nous souhaitons avoir un régime de retraite par répartition ? Mais il y a une large majorité de Français qui y sont favorables. Est-ce qu'il faut passer à un régime par points ? Eh bien, moi, je constate que deux tiers des Français y sont favorables. Est-ce qu'il faut qu'il y ait un équilibre financier ? Eh bien, tout le monde comprend qu'il vaut mieux qu'il y ait un équilibre financier. Laurent BERGER propose hier qu'il y ait une conférence sur cette question du financement des retraites, comment parvenir à l'équilibre financier, c'est une très bonne proposition, je pense qu'il faut saisir la main qui a été tendue par le dirigeant de la CFDT, par Laurent BERGER, et regarder avec lui, il y a l'âge pivot, pour moi, c'est une bonne solution, est-ce qu'il y en a de meilleures ? Est-ce qu'elle peut encore être améliorée ? Vous voyez, le compromis, il est à portée de mains. Un peu de bonne volonté et on va y arriver…

LEA SALAME
Alors, on va reprendre les points, point par point, exactement. Laurent BERGER, vous dites banco pour la conférence qu'il demande, c'est ça ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je dis que dès que les organisations syndicales font des propositions, c'est une bonne situation.

LEA SALAME
Oui, mais il dit : il veut une conférence, mais il veut surtout sortir le volet budgétaire de la réforme des retraites, en gros, il vous dit : on ne tranche rien, on n'annonce rien, on sort l'âge pivot, on sort l'âge pivot, il vous dit, il faut retirer l'âge pivot…

BRUNO LE MAIRE
Mais, une conférence, Lé SALAME…

LEA SALAME
Est-ce qu'il faut retirer l'âge pivot ou pas, parce que c'est ça, vous voyez bien que c'est là que ça…

BRUNO LE MAIRE
Vous connaissez ma position, moi, je pense que l'âge pivot est une bonne solution qui est compréhensible par tout le monde, l'âge légal de départ est à 62 ans, si vous partez avant les 64 ans, il y a une décote, si vous partez après, il y a au contraire une surcote, moi, ça me paraît une bonne solution, mais ne préjugeons pas à l'avance des résultats de cette conférence. Moi, je dis la proposition de Laurent BERGER est une bonne proposition, parce qu'elle permet de se mettre…

LEA SALAME
Oui, mais il dit : le préalable, c'est : on sort de l'âge pivot, il dit ça…

BRUNO LE MAIRE
Mais ne mettons pas de préalable à une conférence qui doit porter sur le financement des retraites, parce que notre responsabilité, c'est vis-à-vis des générations qui viennent, c'est de leur garantir que ce système de retraite par répartition, par points, qui est juste, qui est fondamentalement plus juste que celui qui existe aujourd'hui, est bien financé. Donc banco pour cette conférence, mais ne préjugeons pas des résultats à l'avance.

NICOLAS DEMORAND
Richard FERRAND fait ce matin dans Le Parisien la proposition d'instaurer une décote temporaire pour les personnes partant à la retraite avant l'âge pivot, c'est sur le modèle de ce qui se fait à l'AGIRC-ARRCO, c'est-à-dire donc une décote de deux ou trois ans jusqu'à 64 ans, et ensuite, on retrouve une pension complète, c'est une bonne idée ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est une très bonne proposition, et là encore, mais, non, mais la seule chose…

LEA SALAME
Non, mais parce que…

BRUNO LE MAIRE
Voyez…

NICOLAS DEMORAND
…1 mois de grève alors…

LEA SALAME
Pardon, mais on a l'impression que tout est tellement cousu de fil blanc, la proposition de Richard FERRAND qui arrive au moment où la CFDT dit ça…

BRUNO LE MAIRE
Tout ce qui nous permet de sortir du face-à-face, du conflit dont les usagers sont les premières victimes, dont les salariés sont les premières victimes, dont notre économie, les commerçants, les artisans sont les premières victimes, tout est bon, et moi, je préfère me réveiller avec vous lundi matin avec les auditeurs de France-Inter et dire : tiens, ce matin, il y a plein de propositions, tout d'un coup, chacun prend conscience qu'il faut maintenant sortir de cette logique de conflit, c'est ça la bonne nouvelle de ce lundi matin, il y a une proposition de conférence de la CFDT, tant mieux, saisissons la main qui a été tendue par la CFDT. Richard FERRAND fait une proposition qui est intelligente, qui est raisonnable, qui permet d'améliorer l'âge pivot tel que nous le proposons, mais étudions cette proposition, elle existe déjà pour l'ARGIC-ARRCO…

LEA SALAME
Est-ce que vous êtes sûr qu'Edouard PHILIPPE est d'accord sur cette ligne-là, parce que ce qui se joue, là, c'est aussi une question d'homme, et Bruno LE MAIRE, vous le savez bien, vous qui avez…

BRUNO LE MAIRE
Mais vous savez, des hommes politiques et des femmes politiques travaillent le week-end, donc j'ai eu l'occasion d'échanger hier avec le Premier ministre, et nous regardons ensemble la situation, moi, je fais partie d'une équipe, cette équipe, elle est dirigée par le Premier ministre…

LEA SALAME
Qui trouve que la proposition de Richard FERRAND est bonne ?

BRUNO LE MAIRE
Le Premier ministre, je le soutiens totalement dans sa volonté d'arriver vite à un compromis, je travaille avec lui, je dialogue avec lui, et je suis persuadé – je peux vous le dire – que lui aussi est à la recherche de ce compromis, et je suis persuadé que ce matin, comme moi, quand il voit qu'il y a des propositions nouvelles, il se dit : tant mieux, les choses sont en train de se débloquer dans le bon sens.

NICOLAS DEMORAND
Dominique SEUX, tout à l'heure, dans son édito, peut-être l'avez-vous écouté, Bruno LE MAIRE, disait – je le cite – qu'il est étonnant, voire incroyable que l'on ait si peu d'éléments sur le cadrage financier de la réforme des retraites, question que posait Dominique tout à l'heure, je vous la repose : est-elle neutre, coûteuse, ou la transformation du système permet-elle de réaliser des économies ? Première question.

BRUNO LE MAIRE
L'objectif n'est pas de faire des économies avec la réforme des retraites, il y a un cadrage financier. Ce n'est pas vrai. Le cadrage financier, c'est de dire "nous continuerons à consacrer… "

NICOLAS DEMORAND
Alors neutre, coûteux ou permettant de faire des économies ?

BRUNO LE MAIRE
Neutre parce que le cadrage financier, il est simple. 14% de la richesse nationale aujourd'hui est consacré à nos retraites. Demain, 14% de notre richesse nationale continuera à être consacré aux retraites. C'est le cadre financier global que nous avons mis en place. Est-ce qu'il y aura des dépenses supplémentaires dans la période de transition ? Oui. Oui, Nicolas DEMORAND, et moi, je les assume.

LEA SALAME
Combien ? Combien ? Parce que c'est ça qu'on vous demande.

BRUNO LE MAIRE
Mais quand vous regardez, je donne juste un exemple, nous allons revaloriser les traitements des enseignants. Je l'ai dit à plusieurs reprises : ça n'est que justice…

LEA SALAME
Ça va coûter combien ?

BRUNO LE MAIRE
Surtout quand on regarde le traitement des enseignants du primaire par exemple qui doivent toucher 1 350 ou 1400 euros nets par mois au démarrage, je comprends parfaitement leur inquiétude et donc il est indispensable de revaloriser ces traitements. Là, ça va être plusieurs centaines de millions d'euros, nous le savons. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts.

LEA SALAME
Pardon, vous parlez de plusieurs centaines de millions d'euros. Moi j'ai lu le chiffre de 10 milliards d'euros seulement pour que les profs gardent leur niveau de pension. Est-ce que c'est un chiffre qui est farfelu 10 milliards d'euros ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas vous donner de chiffres précis avant que Jean-Michel BLANQUER ait engagé des discussions avec les enseignants.

LEA SALAME
Je ne vous demande pas de chiffre précis mais vous, vous parlez de plusieurs centaines de millions d'euros pour les enseignants, moi je vous parle de 10 milliards. Il y a quand même une fourchette un peu large.

BRUNO LE MAIRE
Léa SALAME, le ministre des Finances il prendra les discussions telles que Jean-Michel BLANQUER les aura conduites. Ça nous permettra de faire des chiffrages et je vous donnerai les chiffres lorsque nous saurons exactement ce que sera cette revalorisation des enseignants. Aujourd'hui je ne peux pas vous le dire. Mais vous dire que ça ne coûterait que quelques centaines de milliers d'euros, ce serait évidemment vous mentir. La réalité, c'est que c'est une dépense importante mais je vais vous dire, c'est une dépense d'investissement. C'est investir sur les enseignants, investir sur nos enfants, investir sur l'avenir des Français.

NICOLAS DEMORAND
La CGT appelle au blocage de toutes les raffineries en France entre le 7 et le 10 janvier. Est-ce qu'il y a un risque, Bruno LE MAIRE, sur l'approvisionnement des stations-service ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord la grève, ce n'est pas le blocage et je voudrais le rappeler. Ce n'est pas des méthodes pour défendre des convictions, défendre des idées. Nous sommes dans une démocratie, chacun défend ses idées, chacun défend ses convictions, peut le faire par la grève, pas par le blocage. Et donc je condamne ces blocages tels que les envisage aujourd'hui la CGT. Ensuite est-ce qu'il y a un risque ? Je vais vous dire, le principal risque c'est que les consommateurs se ruent sur les pompes, fassent des stocks et du coup conduisent à la pénurie.

LEA SALAME
Oui, c'est ça.

BRUNO LE MAIRE
J'appelle chacun à la responsabilité. Il n'y a pas de menace de pénurie, nous avons suffisamment de dépôts de carburant pour ne pas avoir d'inquiétude, donc il n'y a aucune raison de se ruer sur la pompe à essence.

LEA SALAME
Vous assurez que les Français trouveront de l'essence partout dans toutes les stations d'essence en France cette semaine.

BRUNO LE MAIRE
S'ils ne se ruent pas tous sur les pompes à essence. C'est notre réflexe, ça peut être le mien aussi comme conducteur par moment mais faire des provisions, ce n'est pas le bon réflexe. Laissons les flux fonctionner normalement, il n'y a aucune raison qu'il y ait des pénuries d'essence dans les jours qui viennent.

LEA SALAME
Vous parliez des pertes des commerçants tout à l'heure. Beaucoup de commerçants hôtel-restauration ont été touchés parfois sévèrement par la grève au mois de décembre, période cruciale pour eux. Certains ont perdu jusqu'à 30% d'activité au mois de décembre à Paris notamment. Paris a été très affectée. La Confédération des commerçants estime qu'entre 3 et 5% des commerces de Paris vont mettre la clef sous la porte. Est-ce que vous confirmez ce chiffre-là ?

BRUNO LE MAIRE
Je confirme les chiffres sur les baisses d'activité. Je ne confirme pas les chiffres sur les risques qui pèsent sur les commerçants. Mais je veux dire à tous les commerçants de Paris et d'Ile-de-France : aucun, je dis bien aucun, ne doit mettre la clé sous la porte en raison des mouvements de grève. Et s'il faut aller plus loin que ce que j'ai déjà proposé, c'est-à-dire des étalements de charges sociales, étalements de charges fiscales, des mesures de chômage partiel, qu'il faut aller plus loin notamment sur les dégrèvements qui sont une des demandes des commerçants. Moi je suis prêt à regarder pour les commerçants d'Ile-de-France et les commerçants parisiens qui ont vraiment une menace directe sur leur activité et qui pourraient mettre la clef sous la porte s'il y a des mesures de dégrèvement qui sont possibles. Vous voyez, je ne peux pas aller plus loin. C'est déjà un effort considérable mais je ne veux pas que les commerçants de Paris, les artisans de Paris ou d'Ile-de-France soient les victimes de ce mouvement de grève.

NICOLAS DEMORAND
Jean-François CIRELLI, le patron de BLACKROCK FRANCE, BLACKROCK qui est un gestionnaire d'actifs, a été fait officier de la Légion d'honneur au moment même où l'opposition soupçonne BLACKROCK d'être le grand bénéficiaire de la réforme des retraites. Déjà sur le timing, est-ce que ce timing est heureux Bruno LE MAIRE ? Le timing de cette décoration ?

BRUNO LE MAIRE
Jean-François CIRELLI, je le redis, a les qualités pour être décoré de l'ordre de la Légion d'honneur et la carrière qu'il a eue légitime qu'il ait cette décoration.

NICOLAS DEMORAND
Mais était-ce le bon moment pour le faire ?

BRUNO LE MAIRE
Quant à la manière dont l'opposition s'est saisie de ce sujet pour dénoncer BLACKROCK, mais ils auraient pu dénoncer ceux qui réellement aujourd'hui font commerce des plans d'épargne retraite. Je rappelle qu'il y a aujourd'hui 12 millions de Français qui ont des produits d'épargne retraite et que ça représente plus de 230 milliards d'euros de fonds qui sont gérés par ces produits. ? Est-ce qu'on s'attaque à LA BANQUE POSTALE ? Est-ce qu'on s'attaque aux CAISSES D'EPARGNE ? Est-ce qu'on s'attaque à tous ceux qui aujourd'hui commercialisent les produits d'épargne retraite ?

NICOLAS DEMORAND
Vous dites que c'est du complotisme que de dire que BLACKROCK va bénéficier de la réforme des retraites en France.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, c'est du complotisme. Ça montre l'état de dégradation de l'esprit public en France et ça montre soit l'ignorance, soit l'incapacité de certains responsables politiques à tout simplement revenir à la raison. Les produits d'épargne retraite par capitalisation complémentaire, ils existent pour les agents du privé. Ils existent aussi pour les salariés du public. Ils sont distribués aussi bien par LA BANQUE POSTALE que par des banques, par des caisses d'épargne. Ils profitent aujourd'hui à des millions de Français.

LEA SALAME
Mais votre réforme, pardon, elle ne va pas accélérer ce mouvement de retraite par capitalisation ?

BRUNO LE MAIRE
Elle va permettre, Léa SALAME, à des millions de Français qui le souhaitent de développer une épargne de retraite complémentaire de façon beaucoup plus simple et beaucoup plus attractive que ce qui existait aujourd'hui.

LEA SALAME
Et donc à terme, est-ce qu'on ne va pas changer de système ? Est-ce qu'à terme on ne va pas passer à la retraite par capitalisation pour les riches ?

BRUNO LE MAIRE
Mais tout cela est totalement absurde et le raisonnement qui est derrière tout cela est absurde et ne tient pas la route deux secondes et je le redis : il montre une dégradation totale de l'esprit public et de la raison dans notre pays. Nous renforçons le régime par répartition. Nous sauvons le régime par répartition en faisant cette réforme de retraite par points. Donc la répartition qui fait l'honneur du système de retraite français, il est sauvé par notre réforme. Et je vais plus loin Léa SALAME : non seulement il est sauvé, mais il permet que ce régime de retraite ne profite pas uniquement à ceux qui ont des bons salaires et des emplois stables, mais aussi à ceux qui ont de petits emplois, qui ont des niveaux de cotisations qui sont faibles et qui multiplient les petits boulots ici ou là et qui paient pour leur retraite mais qui ne touchent pas de droits de retraite. Donc la répartition elle est sauvée grâce à nous.

LEA SALAME
Bruno LE MAIRE, vous êtes d'accord…

BRUNO LE MAIRE
Et la capitalisation, je termine juste Léa SALAME là-dessus parce que je ne veux pas entendre dire n'importe quoi sur ce sujet. La capitalisation, elle existe depuis des années. Elle profite à 12 millions de Français et nous l'avons simplifiée, rendue plus attractive et permis aux Français qui le souhaitent plutôt que d'être obligés de sortir en rente de pouvoir récupérer leur capital à la fin. On ne sert pas BLACKROCK, on sert les Français et l'intérêt général.

LEA SALAME
Est-ce que vous êtes d'accord avec votre secrétaire d'Etat Agnès PANNIER-RUNACHER qui a déclaré, je cite, « le marché français est une boîte de Smarties pour BLACKROCK » ? Est-ce que la France est une boîte de Smarties pour BLACKROCK ?

BRUNO LE MAIRE
La France est un grand marché et un grand marché pour tous les investisseurs. D'ailleurs il est aujourd'hui le pays le plus attractif pour les investisseurs étrangers.

LEA SALAME
Donc ce n'est pas une boîte de Smarties.

BRUNO LE MAIRE
Mais nous ne sommes pas une boîte de Smarties, nous sommes une grande nation.

LEA SALAME
Donc c'est une phrase maladroite de votre secrétaire d'Etat.

BRUNO LE MAIRE
Absolument pas. J'ai une secrétaire d'Etat Agnès PANNIER-RUNACHER qui fait un travail formidable, exceptionnel. Elle le fait sur l'industrie, sur les commerces.

LEA SALAME
Certes. Et les Smarties ?

BRUNO LE MAIRE
La France est une grande nation, je vous le redis. Elle est attractive pour les investisseurs.

NICOLAS DEMORAND
Ce n'est pas une friandise donc.

BRUNO LE MAIRE
Tous les grands investisseurs.

NICOLAS DEMORAND
Allez, on file au standard.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 janvier 2020