Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 20 décembre 2019, sur le 16e jour de grève des transports en commun, la "trêve des confiseurs”, l'équilibre du futur système des retraites avec l'âge pivot.

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Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

ALBA VENTURA
Seizième jour de grève, nous sommes le 20 décembre, est-ce que vous pensez que la galère dans les transports va s'atténuer un peu pendant ces fêtes de Noël ?

SIBETH NDIAYE
Je l'espère, on a eu un premier signal positif avec l'UNSA-Ferroviaire qui a appelé à une pause, plus largement la CFDT elle-même n'avait pas souhaité poursuivre un mouvement pendant cette trêve de Noël et avait appelé à réserver ce moment très particulier des fêtes de fin d'année pour tous nos compatriotes.

ALBA VENTURA
Sauf que pour l'instant la CFDT-Cheminots, je dis bien cheminots, n'a pas suivi le mot d'ordre, en tout cas le souhait de Laurent BERGER, et puis la CGT appelle à continuer la grève.

SIBETH NDIAYE
Oui, vous avez tout à fait raison. J'espère que la CFDT-Cheminots, comme vous dites, aura une avancée positive dans la journée, en tout cas il y a beaucoup de choses qui ont été posées sur la table, au sein des entreprises, pour rassurer sur la manière dont on ferait les transitions vers le nouveau système…

ALBA VENTURA
La CGT, vous ne vous en occupez plus ?

SIBETH NDIAYE
Ecoutez, je crois que la CGT a été très claire dans ses prises de position, c'est pour ou contre la réforme, à prendre ou à laisser, pas de concession possible, pas de compromis en tout cas dans ce qu'ils ont indiqué jusqu'à maintenant, pour ce qui est de la CGT ferroviaire.

ALBA VENTURA
Ça vous arrange ces divergences syndicales ?

SIBETH NDIAYE
Moi ce que je note surtout c'est qu'il y a des syndicats avec qui on peut discuter, il y a des syndicats qui, sur le principe d'un régime universel qui soit plus juste pour tout le monde, sont d'accord pour avancer, et le Premier ministre, hier, a témoigné d'avancées, je crois considérables, de la part du gouvernement, pour continuer à travailler sur ce système-là. Moi je salue l'esprit de responsabilité de ces organisations. Vous savez, je viens du syndicalisme étudiant, j'ai toujours considéré que le syndicalisme c'était la transformation sociale, et la transformation ça veut dire qu'on fait des compromis. Le projet du gouvernement, en juillet dernier, ce n'est pas le même, du tout, que le projet du gouvernement aujourd'hui, on a avancé…

ALBA VENTURA
Oui, c'est pour ça, vous nous avez un peu perdus entre temps ! On va y revenir, je voulais simplement savoir si le gouvernement, comme nos auditeurs ici à RTL, est ému de voir que 5 à 6 000 enfants ne vont sans doute pas pouvoir rejoindre leur famille pour les fêtes, ils devaient voyager avec le service Junior et Compagnie, qui a été annulé en raison de la sécurité. Est-ce que le gouvernement, d'une manière ou d'une autre, peut faire pression sur la SNCF pour que ça s'arrange, 5 à 6 000 enfants ?

SIBETH NDIAYE
Vous savez, depuis le début du mouvement le gouvernement a mis une pression maximale sur les deux entreprises, la RATP et la SNCF, mais aussi il faut se rendre à l'évidence, quand vous n'avez pas de conducteurs pour conduire les trains, vous ne pouvez pas faire bouger des trains, et donc il y a eu une mobilisation importante des cadres, de la direction de ces deux entreprises, je crois qui ont fait leur maximum, qui ont pu informer les voyageurs en amont, et il n'y a rien de pire que de ne pas savoir, quand on arrive en gare, si on aura ou pas un train. Evidemment je ne peux qu'adresser toutes mes pensées aux familles, aux enfants, parfois on a des enfants de parents divorcés qui ne vont pas pouvoir rejoindre leurs parents au moment des fêtes de Noël.

ALBA VENTURA
Voilà, mais si le trafic s'améliore un tout petit peu, il n'y a pas un geste à faire, je ne sais pas moi ?

SIBETH NDIAYE
Il ne m'appartient pas de le dire, parce que je ne dirige pas ces entreprises, donc je ne connais pas finement, le plan de transport, les gens qui sont disponibles pour conduire des trains, pour les aiguiller aussi, et faire en sorte que…

ALBA VENTURA
Vous demandez un geste ?

SIBETH NDIAYE
On souhaite évidemment que, là où on peut faire voyager des enfants en sécurité, et c'est important de pouvoir les faire voyager en sécurité, on sait qu'il y aura de la bousculade, que ce sera très compliqué ce week-end…

ALBA VENTURA
Ça ne pouvait pas s'anticiper ?

SIBETH NDIAYE
En fait on fait en fonction de ce qu'on a de disponible dans les entreprises, j'imagine en tout cas, comme conducteurs, donc compte tenu des délais de préavis pour que les gens vous disent “je suis en grève”, “je ne suis pas en grève”, c'est difficile de pouvoir anticiper les choses, ils ont fait un gros effort d'anticipation. Je veux aussi noter que, il y a des salariés, à la SNCF et à la RATP, qui se mobilisent au-delà de ce qu'ils devraient travailler, qui ne prennent pas de repos, pour pouvoir assurer un service public minimum, et je les en remercie très profondément ce matin.

ALBA VENTURA
Sibeth NDIAYE, alors le bras de fer quand même, avec les syndicats, va continuer, c'est d'ailleurs la première fois qu'un conflit enjambe les fêtes, les discussions vont reprendre en janvier. Vous pariez sur un essoufflement du mouvement, un pourrissement, l'usure ?

SIBETH NDIAYE
Moi je crois, au contraire, que ceci est la démonstration de l'appétence du gouvernement pour le dialogue social et pour la construction d'un compromis. Nous aurions pu dire tout simplement “maintenant, c'est terminé, on ferme la porte”, ce n'est pas le cas, le dialogue il a commencé depuis presque 2 ans, il s'est approfondi ces derniers mois, il s'est accéléré ces derniers mois, il y a des choses tangibles qui sont posées sur la table, sur la pénibilité dans le travail, on va revoir beaucoup de choses, et il y a encore des choses où on peut aller plus loin. Les organisations syndicales, je vous prends un sujet, sur le minimum retraite, les organisations syndicales, je crois en particulier à la CFDT, ont demandé à ce qu'on regarde si on pouvait avoir un minimum supérieur à 85 % du SMIC net, nous avons dit que nous étions ouverts…

ALBA VENTURA
Donc au-delà des 1 000 euros dont on parlait.

SIBETH NDIAYE
Au-delà des 1 000 euros dont on parlait, exactement, nous avons dit que nous étions ouverts à la discussion, ils ont aussi fait état de cette situation pour les travailleurs précaires, à temps partiel, qui quoi qu'ils feront, parce que ils ont des carrières vraiment difficiles, auront du mal à obtenir ces fameux 1 000 euros, ils ont demandé à ce qu'on regarde pour leur intégration dans le champ de ceux qui peuvent en bénéficier. Nous y sommes prêts, il faut qu'on en discute, qu'on voit dans quelles circonstances et selon quelles modalités.

ALBA VENTURA
Alors arrêtons-nous un instant sur l'âge pivot, parce que franchement l'âge pivot, entre le moment où il disparaît, où il réapparaît, etc., on ne sait plus où on en est mais, mais on comprend, d'après les propos du Premier ministre hier, que ce ne sera pas le seul moyen d'équilibrer le système. Donc, il y a un peu plus de souplesse dans la voix du Premier ministre, pourtant c'était essentiel pour lui. Qu'est-ce qu'on doit comprendre, vous voulez le moduler cet âge pivot ?

SIBETH NDIAYE
Alors, il faut d'abord comprendre à quoi sert un âge pivot. Un âge pivot, dans un système de retraites universel par répartition, ça permet de dire à quel seuil d'âge le système est équilibré, ce sont des projections démographiques qui permettent de le dire. Ça permet une deuxième chose, ça permet de donner un horizon temporel pour s'assurer que, compte tenu du nombre de points dont ils disposent, les gens ne partent pas trop tôt, avec de trop petites retraites, donc on les pousse à aller jusqu'à 64 ans. Mais, inversement, tous ceux qui aujourd'hui sont obligés d'aller jusqu'à 65, 66, 67 ans, progressivement on fait en sorte qu'ils ne partent pas après 64 ans, avec une retraite à taux plein. C'est très important parce que, chaque année, sur les 6 à 700 000 personnes qui partent en retraite ça représente 100, 120 000 personnes, donc pour eux c'est un gros, gros progrès social.

ALBA VENTURA
Est-ce que ça veut dire que tout le monde n'aura pas le même âge pivot ?

SIBETH NDIAYE
Evidemment, à partir du moment où vous prenez en compte les carrières longues, c'est-à-dire le fait que des gens ont commencé à travailler tôt, à partir du moment où vous prenez en compte la pénibilité, que vous discutez même du contenu de cette pénibilité-là, évidemment il y a des gens qui vont accumuler des points qui leur permettront de partir plus tôt, que l'âge pivot de 64 ans, c'est mathématique en quelque sorte.

ALBA VENTURA
Mais, on a l'impression que donc, ce que vous allez faire, c'est métier par métier, ou branche par branche, en fonction de la pénibilité, en fonction de la durée de la carrière, et donc on a l'impression qu'en réalité vous recréez des régimes spéciaux.

SIBETH NDIAYE
Oui, mais vous ne pouvez pas dire branche par branche. Si vous prenez par exemple l'hôpital, tous les métiers de l'hôpital ne présentent pas de la pénibilité, tout le monde à l'hôpital, quand vous êtes agent administratif, vous ne travaillez pas de nuit par exemple. Ce qu'on regarde c'est, non pas comment est-ce que les choses sont pénibles ou pas en fonction d'un corps, mais vraiment en fonction de ce que vous faites au quotidien. Et parfois vous changez au quotidien, vous pouvez être infirmière de nuit un temps de votre vie, et vous pouvez arrêter de l'être. Et c'est ce qu'on veut faire, faire en sorte de personnaliser les choses, parce que, bien souvent, on met les gens dans des cases uniformes, alors qu'au final ça ne correspond pas à la réalité de leur vie.

ALBA VENTURA
Est-ce que vous pouvez dire que la SNCF et la RATP maintiennent leur régime ?

SIBETH NDIAYE
Non, pas du tout parce que, à la SNCF, comme à la RATP, le président de la République en son temps, et le Premier ministre, ont été très clairs, ces régimes spéciaux vont disparaître, mais on fait dans le respect des gens, on ne va pas dire aux gens du jour au lendemain “écoutez, on va tirer une croix sur ce qu'on vous avait promis quand vous avez signé votre contrat de travail”, donc on met en place des transitions, et des transitions avec le temps qu'il faut.

ALBA VENTURA
La mise en place de cet âge pivot c'est 2022 ou c'est au-delà ?

SIBETH NDIAYE
Alors, ce que nous avons indiqué c'est que, l'équilibre on devait commencer à le faire à partir de 2027, enfin, pardon, on devait l'avoir réalisé en 2027, pour le réaliser en 2027, la préconisation que nous faisons c'est d'augmenter progressivement l'âge du départ à taux plein. Aujourd'hui 62 ans, qui est l'âge légal de départ, vous ne partez pas à taux plein à 62 ans, dans bien des cas, parce que justement vous avez une durée de cotisation qui n'est pas atteinte, une durée minimale de cotisation. Donc progressivement on va rajouter quelques mois par an, pour atteindre cet âge d'équilibre en 2027, et ce sera à partir du 1er janvier 2022. Mais, et c'est ça qui est important de comprendre, si les partenaires sociaux se mettent d'accord sur une autre solution, on prendra cette solution, on l'examinera.

ALBA VENTURA
Ça peut être quoi cette autre solution ?

SIBETH NDIAYE
C'est à eux de nous le dire. Nous on estime que la meilleure solution pour parvenir à l'équilibre c'est de mettre en place progressivement un âge pivot, il y en a qui pensent qu'il faut augmenter les cotisations, ce n'est plutôt pas, comment dire, notre choix favorable. Mais imaginons, par exemple, que Laurent BERGER…

ALBA VENTURA
Les cotisations patronales ?

SIBETH NDIAYE
Ou salariales, et/ou salariales, mais si Laurent BERGER réussit à convaincre Geoffroy ROUX de BEZIEUX, je prends deux exemples parfaitement au hasard, d'augmenter les cotisations patronales, qu'ils se mettent d'accord et qu'ils nous apportent cette solution-là. Nous, nous avons estimé…

ALBA VENTURA
Donc vous mettez les syndicats devant leurs responsabilités.

SIBETH NDIAYE
Mais, les partenaires sociaux sont responsables, dans un système paritaire, de l'équilibre d'un système, c'est bien normal que du coup ils y participent.

ALBA VENTURA
Sibeth NDIAYE, vous buvez de la bière et vous mangez avec les doigts ?

SIBETH NDIAYE
(Rire)

ALBA VENTURA
Ça peut surprendre comme question, mais c'est votre collègue du gouvernement Gérald DARMANIN, dans Paris Match, qui confie qu'il manque dans l'entourage du président des personnes qui boivent de la bière et qui mangent avec les doigts.

SIBETH NDIAYE
Alors, moi j'aime beaucoup la bière, mais ça ne va pas très bien pour…

ALBA VENTURA
Mais vous ne mangez pas avec les doigts.

SIBETH NDIAYE
Dans ma culture africaine on mange avec les doigts, on ne mange pas avec des fourchettes et des cuillères, donc…

ALBA VENTURA
Non, mais on a compris ce que ça voulait dire…

SIBETH NDIAYE
Vous avez compris ce que je voulais dire, mais en gros je pense effectivement que dans un gouvernement…

ALBA VENTURA
Il y a trop de technos, il y a trop d'élites, il n'y a pas de gens…

SIBETH NDIAYE
Dans un gouvernement il y a besoin de personnalités qui ont des origines diverses, et je crois très sincèrement que dans le gouvernement qu'on a aujourd'hui, on n'a pas que des technos blancs de 40 ans, je sais que ce n'est pas très politiquement correct de dire ça, mais on a des gens qui ont des parcours qui sont divers, qui ont des origines qui sont diverses…

ALBA VENTURA
Il dit “il manque un BORLOO à MACRON.”

SIBETH NDIAYE
Alors, je n'ai pas complètement la même vision des choses, mais en tout cas ce que je peux vous dire c'est que, je crois très profondément ce gouvernement est aussi à l'image de notre pays, avec des parcours qui sont divers, voilà.

ALBA VENTURA
Merci Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 janvier 2020