Déclaration de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, sur la politique du logement, à Paris le 23 octobre 2019.

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Circonstance : Clôture de la Rencontre nationale SOLIHA sur le thème "Le Logement d'abord !"

Texte intégral

Mesdames, Messieurs


Je vous remercie tout d'abord pour cette nouvelle invitation. J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises pour d'autres sujets sur lesquels nous travaillons ensemble. Je crois que vous connaissez mon attachement à votre maison et à ce que vous faites, que ce soit dans le cadre du Logement d'abord, de la lutte contre la précarité énergétique, ou encore de la gestion de situations de détresse. Nous nous retrouverons d'ailleurs bientôt à Marseille, un an après le drame de la rue d'Aubagne pour lequel vous vous êtes investis à mes côtés, avec force et professionnalisme.

Madame la Présidente, je vous retourne volontiers vos remerciements. Vous pouvez être extrêmement fière de tout ce que SOLIHA fait sur les différents champs d'action évoqués, mais peut-être encore plus sur la question du Logement d'abord.

Je crois profondément en la politique du Logement d'abord. Nos missions sont de mettre à l'abri, mais aussi d'accompagner les publics abrités, de leur donner les moyens de se réinsérer et de retrouver la vie qu'ils espèrent. Le logement est la première étape de la réinsertion. Après deux ans et demi passés au gouvernement, il me semble que nous avons franchi une première étape concernant la politique du Logement d'abord : nous sommes parvenus à la faire sortir de la confidentialité.

Certains se battent depuis longtemps pour mettre en avant le sujet du Logement d'abord, tels que Sylvain Mathieu ou la Fondation Abbé Pierre. Cependant, cette politique nécessitait un grand nombre de changements, peu évidents, dans les pratiques de tous les acteurs. Aujourd'hui, nous avons fait du Logement d'abord une véritable politique publique, au sens le plus noble du terme. A mes yeux, il s'agit déjà d'une première victoire. Nous sommes parvenus à convaincre que la politique du Logement d'abord n'entrait pas en concurrence avec celles d'hébergement d'urgence. Elles sont, au contraire, complémentaires. Désormais, mon engagement, et celui de mes équipes, est de faire du Logement d'abord une politique d'ampleur, extrêmement performante.

J'ai annoncé très récemment, à l'occasion des un an du plan Pauvreté, le lancement d'un acte deux du Logement d'abord. Bien sûr, la politique du Logement d'abord ne sera pas suffisante pour permettre à tous de sortir de la pauvreté, mais elle est assurément nécessaire.

L'année dernière, près de 70 000 personnes sont sorties d'une précarité de logement grâce au Logement d'abord. Les chiffres sont en augmentation de 20 à 30%. Si le mal-logement reste une problématique importante et complexe en France, la politique du Logement d'abord est toutefois efficace et sa diffusion massive doit se poursuivre.

Pour réussir, l'acte deux du Logement d'abord doit reposer sur les fondamentaux de sa politique. Notamment, il ne peut fonctionner que dans le partenariat entre les associations, l'État, et les collectivités locales. Cette politique nécessite également une certaine souplesse. D'une ville à l'autre, malgré un objectif commun, les approches peuvent être très différentes et parfois même contradictoires. Je voudrais, à ce titre, remercier les acteurs de terrain que vous êtes. Ensuite, la notion d'accompagnement est également fondamentale. Le Logement d'abord n'est rien sans la richesse de l'accompagnement proposé par l'ensemble des acteurs de cette politique. Pour réussir, il a parfois été nécessaire de faire évoluer certaines pratiques d'accompagnement. Si cela a pu être difficile, la dynamique est aujourd'hui enclenchée.

Au-delà des fondamentaux, la consolidation des dispositifs du Logement d'abord est nécessaire pour passer à l'acte deux. Nous nous sommes fixés des objectifs incroyablement ambitieux pour les IML, les pensions de familles, les sorties vers les PLAI et PLAI adaptés. Nous les avons également divisés en objectifs territoriaux, régionalement parlant, et les avons diffusés sur le territoire. Ils font, de plus, l'objet d'un suivi important par notre corps préfectoral.

En 2019, le nombre d'IML a considérablement augmenté. Notre dynamique est sans précédent. Nous ne sommes toutefois pas parvenus à atteindre l'objectif extrêmement ambitieux fixé l'an dernier. Sur certains territoires, la complexité de l'identification des locaux pouvant faire l'objet d'une IML freine nos performances. Il nous faudra traiter ce point ensemble. Les mandats de gestion sont eux aussi en forte croissance. Leur répartition territoriale est cependant très différente. Ils fonctionnent très bien sur certains territoires mais sont beaucoup plus difficiles à implanter sur d'autres. Sur la pension de famille, les constats sont similaires. Ce dispositif est essentiel car sa temporalité est différente. Il permet d'accompagner dans la durée un certain nombre de personnes en grande précarité. Bien que nous n'ayons pas encore atteint notre objectif, le nombre de pensions de famille augmente considérablement, notamment grâce à l'appui de bailleurs privés qui, dans leurs branches non-lucratives, nous ont accompagnés sur ce dispositif.

Pour consolider ces éléments, le budget que je présenterai dans dix jours au parlement verra une somme nouvelle de trente-cinq millions d'euros allouée au développement des IML et pensions de famille. Il me semble néanmoins que l'expansion de ces deux dispositifs n'est pas limitée par les budgets. D'autres facteurs rentrent en compte tels que l'identification des logements ou la disponibilité du foncier. Malgré les crédits en augmentation, nous devrons rassembler toute notre énergie sur le terrain pour voir les chiffres augmenter.

En ce qui concerne le PLAI adapté, les constats sont proches, si ce n'est que les résultats sont encore plus encourageants. En 2019, nous ferons environ autant de PLAI adaptés que sur les trois années précédentes réunies. Certes, les secteurs et dispositifs restent limités, mais il faut continuer cette progression. J'insiste auprès de tous les organismes de MOI : saisissez-vous de ces dispositifs. Le mouvement associatif ainsi que celui des bailleurs sociaux nous accompagnent, et de nombreuses collectivités sont prêtes à s'engager.

Par ailleurs, nous devons nous interroger sur les moyens d'amplifier le Logement d'abord. Il me semble que l'approche territoriale est intangible. D'abord parce que les territoires sont hétérogènes, mais aussi parce que différents acteurs y oeuvrent. Dans cette optique, avec la DIHAL et Sylvain Mathieu, nous avons lancé depuis un an et demi la mise en oeuvre accélérée de la politique du Logement d'abord sur vingt-trois territoires. La dynamique est enclenchée et apporte ses premiers résultats. Notre objectif est donc de poursuivre dans cette direction et de procéder à une nouvelle vague de mise en oeuvre accélérée. Nous attendons la fin des élections municipales, afin d'assurer la pérennité des actions, pour étendre le projet.

Au-delà de la territorialisation, il me semble essentiel d'accompagner les dispositifs innovants qui émergent dans de nombreux territoires. Nous devons en tirer profit. Un Chez soi d'abord a été cité à plusieurs reprises aujourd'hui. Ce dispositif est présent sur huit villes et fonctionne incroyablement bien, en particulier auprès de publics nécessitant un accompagnement en raison de troubles psychiques. Un Chez soi d'abord sera étendu à quatre territoires supplémentaires d'ici quelques semaines, et à huit autres d'ici 2021. Aussi, le budget que je présenterai bientôt en loi de Finances soutiendra le déploiement des expérimentations innovantes.

Je voudrais aussi évoquer la question de la résorption des bidonvilles, qui manque trop souvent de dynamisme. Depuis des années, nombre d'élus travaillent avec énormément de détermination sur ce sujet, sans que l'État ne les accompagne suffisamment. Le budget alloué à la question avait déjà été revalorisé l'an dernier, mais nous le doublerons pour 2020. Nous accompagnerons ainsi une politique encore plus ambitieuse, en vue de la sortie ou de l'accompagnement des personnes vivant en bidonvilles.

Ainsi, je le disais en introduction, le Logement d'abord est sorti de la confidentialité. Nous avons fait en sorte que cette politique soit, aujourd'hui, établie dans la durée. La politique du Logement d'abord va se pérenniser. Elle trouvera ses concrétisations dans le projet de loi de Finances, dans l'augmentation du nombre de territoires de mise en oeuvre accélérée, dans la conservation de ses fondamentaux et la consolidation de ses dispositifs.

Il me semble néanmoins que nous devons aller encore plus loin. Nous devons offrir un véritable service public de la rue au logement. La volonté partagée par les différentes structures permet à ce service d'exister dans les faits, mais il est nécessaire de l'amplifier et le structurer.

Un travail important, au niveau local comme national, est nécessaire pour véritablement partir des personnes que nous voulons aider. Nous continuerons évidemment à remplir notre rôle de mise à l'abri et à proposer toujours plus de places d'hébergement d'urgence. L'état de précarité et de paupérisation que nous constatons aujourd'hui en France interpelle, et nous poursuivrons nos efforts.

Cependant, le service de la mise à l'abri est aujourd'hui bien structuré. Le Logement d'abord doit nous permettre de créer une nouvelle offre de service public. J'ai donc mandaté Sylvain Mathieu afin qu'il me remette des propositions, d'ici le début de l'année 2020, pour articuler et structurer une offre de service public de la rue au logement, en incluant des acteurs clefs au niveau national comme local. Ce travail est extrêmement important à mes yeux et sera le gage d'une politique publique définitivement ancrée dans la durée. Elle pourra alors se déployer et changer d'échelle par rapport aux objectifs d'ores et déjà fixés.

Évidemment, je compte beaucoup sur le réseau SOLIHA ainsi que sur tous les acteurs de terrain pour la mise en oeuvre et l'accompagnement de ce futur service. Le dialogue sera nécessaire pour nous permettre de définir la meilleure organisation possible.

Pour conclure, à quelques jours de la trêve hivernale, j'ai la ferme intention de continuer à travailler, dans le même état d'esprit, avec l'ensemble des acteurs du logement social, sur la nécessité de renforcer toujours plus l'accompagnement des publics les plus fragiles. Nous devons partir des gens, de leurs réalités, afin de leur apporter les meilleures solutions possibles.


Encore une fois, un grand merci à tous.


Source https://www.soliha.fr, le 17 janvier 2020