Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour.
LAURENT BIGNOLAS
Ce matin, vous recevez Marlène SCHIAPPA.
CAROLINE ROUX
Oui, alors vous savez hier elle a porté, on l'a vu aux côtés du Premier ministre, le premier Grenelle des violences conjugales. Alors, elle n'a pas forcément convaincu toutes les associations, et ça la met en colère.
Jingle
CAROLINE ROUX
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Ça aura duré 2 mois. 2 mois. Hier, Jean-Paul DELEVOYE et Jean-Baptiste DJEBBARI ont fait leur entrée au gouvernement. Les femmes ne sont plus majoritaires, est-ce que vous le vivez comme un échec ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, le gouvernement est paritaire, donc les femmes ont été majoritaires pour la première fois de l'histoire de la Vème République, et là on a très exactement autant de femmes que d'hommes au gouvernement. Donc non, ce n'est pas du tout un échec.
CAROLINE ROUX
Ça n'aura duré que 2 mois, cette situation des femmes majoritaires dans un gouvernement.
MARLENE SCHIAPPA
Ça reviendra probablement, je crois qu'on n'est pas là sur l'essentiel de la manière de faire avancer les choses.
CAROLINE ROUX
Pourquoi, c'est anecdotique la parité ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est certainement pas à moi qu'on va dire que c'est anecdotique, la parité, je suis en train…
CAROLINE ROUX
C'est pour ça que je vous pose la question.
MARLENE SCHIAPPA
… de travailler sur une loi sur l'émancipation économique des femmes, pour renforcer la parité, par exemple pour obliger les partis politiques qui ne le font pas à investir autant de femmes que d'hommes, c'est prévu par la loi, beaucoup de partis politiques préfèrent s'acquitter des pénalités que de le faire, nous allons donc augmenter, multiplier par 5 ces pénalités, pour qu'il y ait une vraie parité dans le monde politique. Donc c'est aussi l'un des combats que je mène avec détermination.
CAROLINE ROUX
Eh bien, c'est dit. Revenons sur les annonces d'hier contre les violences conjugales. Je le disais, certaines associations restent sévères, au mieux elles considèrent que c'est un bon début, que le compte n'y est pas, qu'il n'y a pas suffisamment de mesures annoncées, surtout pas suffisamment de budget. Maintenant, vous vous lancez dans un débat de 3 mois. On entend certaines voix qui disent : « Mais pourquoi est-ce qu'il faut débattre 3 mois ? On sait ce qu'il faut faire : il faut gagner du temps et aller vite ».
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord, moi au moment du Grenelle des violences conjugales, il y a beaucoup d'associations qui étaient présentes, et notamment des associations de terrain, qui sont venues saluer ces avancées. Le matin, j'étais au 39 19 avec le président de la République, et plusieurs femmes qui ont été victimes de violences conjugales ou le sont encore, ont salué cet engagement inédit du gouvernement. Que certaines associations trouvent que ce n'est pas encore assez, elles sont parfaitement dans leur rôle, et c'est la raison pour laquelle, ensemble, nous allons construire de nouvelles politiques publiques. Mais d'ores et déjà le Premier ministre a pris une dizaine d'engagements très forts, et inédits, de nature à changer la donne pour ces femmes qui sont victimes de violences conjugales.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qui va changer la donne précisément, dans ce qui a été annoncé ? C'est difficile de convaincre les gens qui vous regardent ce matin, c'est le cinquième plan. On se dit, bon, un plan de plus, qu'est-ce qu'il y a de singulier dans la façon dont vous abordez le sujet ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, pardon, ça n'est pas un cinquième plan, c'est le premier, c'est le seul Grenelle des violences conjugales. Ce qui change, d'abord, c'est la méthode, la manière de mettre tout le monde ensemble. Je crois que c'est une cause qui nous dépasse et pour laquelle il faut mettre les clivages de côté. Sur les mesures concrètes, par exemple le Premier ministre a annoncé que désormais l'autorité parentale sera suspendue lorsqu'il y a des violences conjugales, c'est très important. Toutes les familles des victimes nous en ont parlé, nous l'ont demandé. Vous vous rendez compte que pour l'instant il y a des gens qui ont tué la mère de leurs enfants et qui depuis la prison exercent l'autorité parentale. Ce ne sera plus possible. Ensuite, l'Etat va se porter garant, via le dispositif Visale, qui s'appelait Loca-Pass quand on était jeunes, c'est Visale maintenant, l'Etat va se porter garant pour que les femmes victimes de violences conjugales puissent retrouver un logement pérenne. C'est 5 millions d'euros d'engagement. Et puis peut-être une autre mesure parmi les 11, désormais on pourra déposer des plaintes à l'hôpital, ce sera effectif à partir du 25 novembre de cette année, dans 2 mois.
CAROLINE ROUX
Il y a un sujet qui a été pas mal à abordé ces derniers temps, c'est comment faire progresser, d'une certaine manière, l'accueil des policiers, des gendarmes ? 400 commissariats vont être auditionnés pour détecter les dysfonctionnements. On les connaît les dysfonctionnements, il y a déjà des référents violences faites aux femmes dans les commissariats, dans les gendarmeries, pourquoi là-dessus on ne va pas plus vite ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord, on va vite. Pardon, mais là encore les violences conjugales, remettons les choses en perspective, sont des phénomènes qui existent, nous disent certains historiens, depuis l'Antiquité. Et moi ça fait 15 ans que modestement, à mon échelle, je combats ce phénomène, et le gouvernement depuis 2 ans l'a pris à bras-le-corps. Donc là, ce que nous allons faire, c'est un travail sérieux, méticuleux. Hier il y avait le directeur général de la police nationale, le directeur général de la gendarmerie, les commissaires qui sont formés à ces égards, il y aura 400 contrôles, ça n'est jamais arrivé, jamais. Tout le monde se plaint de l'accueil dans les commissariats, il n'est jamais arrivé que le ministère de l'Intérieur lance un véritable audit, anonyme, dans 400 commissariats et gendarmeries, pour voir ce qui peut être amélioré. Et au-delà de ça, parce que ça n'est pas la seule chose, l'audit, il y aura une grille d'évaluation du danger qui sera mise en place, construite avec les associations, pour évaluer justement si le danger est imminent, gravissime et comment intervenir pour protéger les femmes. C'est ça notre obsession, c'est de protéger les femmes.
CAROLINE ROUX
En juillet vous aviez pris l'engagement de créer 240 places d'hébergement pour les femmes victimes de violences. Est-ce que ces places ont été réellement créées ?
MARLENE SCHIAPPA
Elles ont été lancées, absolument, j'ai pris l'engagement de commencer à les lancer à partir de l'été. Moi j'ai fait avoir des remontées, puisque vous faites référence à une association qui a dit qu'elles n'étaient pas créées et qu'il y en avait zéro.
CAROLINE ROUX
Oui, elle vous accuse d'avoir menti. Le collectif « Nous toutes » dit : « La ministre a menti, en fait ces places-là ne verront pas le jour, en tout cas elles n'ont pas vu le jour ».
MARLENE SCHIAPPA
Alors, ces places voient le jour. Si j'avais su, je vous aurais amené mon tableau, parce que je l'ai amené hier chez Jean-Jacques BOURDIN, et je l'ai montré à l'antenne, il me semblait que tout le monde avait pu le voir…
CAROLINE ROUX
Visiblement non.
MARLENE SCHIAPPA
Mais peut-être que les gens étaient sur notre antenne à ce moment-là. Il y a des remontées de la Direction générale de la cohésion sociale, très précises. Notre engagement c'était d'ouvrir 5 000 places, nous en avons ouvert 5 700 et quelques, et sur les 240 il y en a eu plusieurs, il y en a eu de nombreuses ouvertes avant juillet, et à partir du 1er août 279 jusqu'à la fin de l'année. Donc ces places sont évidemment ouvertes.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous pensez qu'il serait, c'est important de trouver les mots, féminicide, c'est un mot qui s'est imposé, et parfois il faut bien nommer les choses.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, je le crois.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous pensez qu'il serait préférable de parler de violences machistes, comme on le fait parfois en Espagne ?
MARLENE SCHIAPPA
En Espagne on parle en fait même de terrorisme machiste. C'est la ministre de la Justice du gouvernement espagnol qui était précédemment une magistrate spécialisée dans les Parquets anti-terroristes, et elle a considéré on est étudiant ce sujet, qu'il y avait vraiment des similitudes. Moi j'utilise dans le vocabulaire courant la notion de terrorisme machiste, de la même façon que j'utilise le mot féminicide, d'ailleurs Emmanuel MACRON est le premier président à avoir institutionnalisé ce mot. C'est un mot de militantes avant, et là depuis 2 ans il est dans tous les documents institutionnels et utilisé par le Premier ministre Edouard PHILIPPE encore hier à Matignon.
CAROLINE ROUX
On en vient avec un sujet qui vous énerve, la question du budget. On vous a reproché ces derniers jours…
MARLENE SCHIAPPA
Ça ne m'énerve pas, Caroline ROUX, la seule chose qui m'énerve…
CAROLINE ROUX
Non, mais ce n'est pas grave de s'énerver sur certains sujets qui nous tiennent à coeur.
MARLENE SCHIAPPA
Ça n'est pas grave de s'énerver, mais ce qui m'énerve, ce sont les violences conjugales, et ce qui m'énerve ce sont les femmes qui meurent, tuées par leur conjoint.
CAROLINE ROUX
Alors, on en vient à la question du budget.
MARLENE SCHIAPPA
La question du budget ne m'énerve pas, la seule chose qui m'énerve, ce sont les femmes tuées par leur conjoint.
CAROLINE ROUX
Très bien. Gagnons du temps. Alors, on vous a reproché le manque de moyens, et la question du budget, en disant : on peut faire bouger les choses, si on met des fonds. Certaines associations disent : il faut un milliard pour vraiment lutter contre les violences faites aux femmes. Est-ce que quand vous arrivez dans les négociations budgétaires avec vos interlocuteurs à Bercy, ils sont sensibles à cette thématique-là, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, bien sûr qu'ils y sont extrêmement sensibles, d'ailleurs c'est la raison pour laquelle mon budget a été augmenté de 30 % cette année, on ne le dit jamais, je pense que c'est important de le rappeler. Les subventions aux associations nationales ont augmenté de 30 %, contrairement à ce qu'on peut entendre ici et là.
CAROLINE ROUX
Donc ça vous convient.
MARLENE SCHIAPPA
Et sans cesse nous rajoutons… Moi je passe mon temps à chercher de l'argent pour en rajouter. J'ai ajouté en fonds de un million d'euros, le fonds Catherine pour les petites associations locales de terrain, pour soutenir les femmes. Là nous rajoutons 5 millions avec la garantie d'Etat pour que les femmes puissent se reloger. Sans cesse nous rajoutons de nouveaux moyens. Le Premier ministre a rajouté 4 millions pour la campagne de communication contre les violences conjugales, pour mobiliser les témoins. C'est un combat de tous les jours et ce budget il est en constante augmentation depuis que je suis arrivée.
CAROLINE ROUX
Et vous allez continuer à débattre pour faire voter ce budget, c'est ce qu'on comprend ce matin. Cédric VILLANI va annoncer sa candidature ce soir, on passe d'un sujet à un autre, je suis désolée, face à Benjamin GRIVEAUX, candidat désigné par le République En Marche. Il se met en dissidence Cédric VILLANI ? Vous le regrettez ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je regrette évidemment qu'il n'y ait pas de rassemblement. Je pense que quand on appartient à une même famille politique, la République En Marche, quand on appartient au mouvement du président de la République, il est important d'être unis, donc j'aurais souhaité, effectivement, je souhaite toujours que Cédric VILLANI se mette dans le collectif autour du candidat qui a été désigné, qui est Benjamin GRIVEAUX.
CAROLINE ROUX
Il fait du MACRON, VILLANI.
MARLENE SCHIAPPA
Alors ça, pardon, mais je le vois ici ou là, je trouve ça un peu facile.
CAROLINE ROUX
Bon…
MARLENE SCHIAPPA
Emmanuel MACRON ne s'est pas présenté à une primaire, qu'il aurait perdue, pour se représenter ensuite en dissidence. Il avait monté son propre mouvement, je pense qu'il faut comparer les choses qui sont comparables. J'entends que dès que quelqu'un est dissident de quelque chose, on dit : « Ah, il fait du MACRON ». On oublie peut-être un peu le caractère assez exceptionnel du président de la République et de ce qu'il a pu construire, c'est mon humble avis en tout cas, de macroniste de la première heure…
CAROLINE ROUX
C'est ça, on l'a compris, merci beaucoup Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2019