Déclaration de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État aux personnes handicapées, sur le rôle essentiel que jouent les établissements non lucratifs dans le système de santé, Marseille le 28 novembre 2019.

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Circonstance : 44ème congrès de la Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne (FEHAP), à Marseille le 28 novembre 2019

Texte intégral

Madame la Ministre, Chère Agnès BUZYN,
Madame la Présidente, Chère Marie-Sophie DESSAULE,
Monsieur le Directeur Général, Cher Antoine PERRIN,
Mesdames et Messieurs les professionnels de santé et de l'accompagnement,
Mesdames, Messieurs,


Je suis heureuse d'être présente à vos côtés pour clôturer le 44ème congrès de la FEHAP.

En votre qualité d'établissements et services privés à but non lucratifs, l'accompagnement des personnes en situation de handicap est inscrit dans votre ADN. C'est votre héritage et votre conviction.

Le secteur privé « solidaire », comme vous le nommez, chère Marie-Sophie, n'est pas seulement un acteur majeur de l'accompagnement du handicap ; il en est un moteur et un inspirateur.

Portés par une tradition d'innovation, vos établissements et services ont l'habitude de se porter à l'avant-garde des accompagnements de demain. Profondément ancrés dans la réalité des territoires, vous co-créez les solidarités locales utiles à l'harmonie de notre société.

Votre approche de la place et du rôle des fragilités dans notre société vous a fait choisir d'inscrire ce 44ème congrès sous l'angle de « la personne actrice de son parcours à l'ère du numérique ».

C'est toute l'identité de la mission de la FEHAP qui est contenue dans le choix de ce thème.

Je remercie les organisateurs et tous les participants d'avoir consacré temps et énergie durant ce congrès à oser inventer la société de progrès dont nous avons besoin.


« La personne » : lui donner le pouvoir d'agir, protéger ses choix.

* Aller vers une société du choix

La personne, je le sais, est au cœur de l'attention de vos équipes : la personne avec ses besoins, ses aspirations, ses compétences et ses fragilités.

Accompagner les personnes à être qui elles sont, ce qu'elles peuvent et ce qu'elles veulent, c'est la vocation de vos établissements et services ; c'est la mission finale de notre société.

Pour que l'autodétermination ne soit plus un objet d'innovation mais le parti pris commun de notre société, nous allons devoir ensemble accélérer. Et changer d'échelle.

 Pour cela, il n'existe pas d'alternative ; pour donner aux personnes la permission d'être, il faut leur donner le pouvoir d'agir. Sans démagogie, sans raccourci. Avec le plein courage de marcher à contre-courant de décennies où nous avons tous honnêtement cru bien faire en protégeant les personnes, quitte à choisir pour elles.

 Il nous faut changer de logiciel. Passer du choix de protéger à celui de protéger leurs choix.

 C'est la première révolution d'une société inclusive.

* L'autodétermination, une (r)évolution à accompagner.

 Cette révolution n'aura rien de spontané. Parce que, en premier lieu, beaucoup de personnes en situation de handicap ne s'autorisent pas à aujourd'hui à prendre des décisions, « aussi petites soient-elles ». Elles ont l'habitude que leurs proches ou que des professionnels les prennent pour elles. D'autres encore n'envisagent pas de faire des choix différents, car elles ne voient pas l'horizon des possibles.

 Vos établissements seront les premiers acteurs de cette révolution du choix. Des compétences nouvelles sont à mobiliser et former au sein de vos équipes : coaching social, évaluation des besoins et aspirations à 360°, évaluation multi- dimensionnelle des capacités.

 D'un projet d'établissement visant des solutions communes, nous aurons à passer le cap commun de solutions personnalisées pour chacun.

* Des questions éthiques à prendre en compte

 Avec le courage partagé de passer en revue ce qui limite aujourd'hui dans les organisations le pouvoir d'agir.

Vous le savez mieux que quiconque, les établissements et services sont pris quotidiennement dans la tension éthique d'arbitrer entre liberté et sécurité. Liberté d'aller et venir versus sécurité des déplacements. Liberté de manger « comme à la maison » versus obligation de sécurité alimentaire. Liberté du mode de vie versus sécurité de l'accompagnement.

Ces questions, dans une société du choix, devront être abordées, une à une, sans a priori. Le champ large de la concertation permettra à l'ensemble des parties prenantes de co-construire un modèle d'inclusion pragmatique.


La personne actrice de « son parcours »

* Acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la FEHAP : chacun a un rôle à jouer !

Votre congrès a souhaité mettre en lumière l'ambition commune de rendre la personne « actrice de son parcours ».

Evoluer vers une logique de parcours ne relève pas d'un concept.

C'est une approche concrète qui situe la personne dans son histoire et ses différents lieux de vie.

Pour tous vos établissements, sanitaires, sociaux, médico-sociaux, cela signifie concrètement que vous avez chacun un rôle à jouer.

* Changement de paradigme : vers un établissement expert

Pour les établissements aujourd'hui spécialisés dans le handicap, le challenge est grand. Il nous faut changer de modèle.

Le savoir-faire ancien des établissements et services médico-sociaux les placent dans un rôle d'expert au service du territoire.

Quel est cet expert dont nos territoires ont besoin ? Cet expert est un expert de proximité, qui connaît, anime, coordonne et fédère les partenaires de son bassin de vie. Cet expert recherche avec ses partenaires des solutions adaptées ; il ne laisse personne sur liste d'attente, il construit de réponses à 360°.

Cet expert assume un rôle de chef de file et s'inscrit en responsabilité sur son territoire.

Il tient compte de ceux qui vivent à proximité avec un handicap, et qui jusque lors n'entraient pas dans la sphère de responsabilité de l'établissement.

Cet expert, enfin, il partage et transfère ses connaissances aux partenaires. En particulier, il crée des ponts de compétences avec l'ensemble des acteurs du droit commun.

Faire monter en compétences tous les acteurs qui jalonnent la vie des personnes handicapées : voilà le challenge que je vous confie : médecin traitant, enseignant, employé de mairie, commerçants du quartier, animateur du centre de loisirs, chargé d'accueil des publics en médiathèque…Qui d'autre mieux que vous sont légitimes pour le faire ?

L'expertise handicap doit sortir de vos murs : « le savoir est la seule chose qui s'accroît quand on le partage » (Einstein) : alors partagez-le, faites savoir ce que vous faites.

* Vers des compétences renforcées en ESMS

Vous-mêmes, par conséquent, vous devez développer vos compétences à forte valeur ajoutée : évaluation, coordination de parcours, situations complexes, ingénierie de dispositifs et projets innovants, formation, partenariats.

A ce titre, comme le rappelle très justement le thème de votre congrès, tous les acteurs du numérique doivent être vos alliés dans cette (r)évolution : au service des apprentissages, de l'autonomie des gestes de la vie quotidienne, de l'accès aux droits, de la mise en réseau, du pilotage coordonné des parcours. 

* Une opportunité pour diversifier et renforcer les parcours professionnels

Les établissements et services sont appelés aussi à être autrement compétents, pour accompagner des profils qui évoluent, souvent à la frontière de plusieurs problématiques, et qui, dans nos établissements et services souvent cloisonnés autour d'un savoir-faire, peuvent désorienter les équipes.

Rendons les professionnels fiers d'accompagner la montée en compétence des personnes et de la société par leur propre montée en compétence. Les parcours professionnels s'enrichissent de nouvelles modalités de travail, de compétences de coopération, de coordination. C'est un gage pour l'attractivité des métiers du secteur.

Vous êtes appelés aussi tous ensemble, adhérents de la FEHAP, à à inventer des habitats nouveaux, inclusifs, pour un nouveau vivre ensemble, avec des accompagnements de nouvelle génération, plus
personnalisés, moins collectifs.

Vous l'aurez compris, une société inclusive ne ferme pas les établissements. Bien au contraire, elle capitalise sur leur force, renforce leur rôle en les responsabilisant sur leur bassin de vie.


Un Etat facilitateur des projets de transformation

Les établissements sont appelés à devenir des plateformes d'expertise, de ressources et de coordination pour leur bassin de vie.

Le challenge est grand, je l'ai dit.

Vous pourrez compter, pour la conduite de la transformation des établissements et services, sur un Etat facilitateur, en appui de l'innovation dans les territoires. Notre mode projet continuera à se rénover.

Celui que je vous proposerai dans les prochains mois s'appuie sur les principes de l'innovation publique, avec des sites d'expérimentation, des phases d'incubation, d'accélération et d'essaimage.

Afin d'accompagner chaque territoire, établissement et service à partir de sa dynamique propre et dans un objectif de facilitation.


Des politiques publiques soutien de la transformation

* Un engagement interministériel

Au sein du gouvernement, en lien étroit avec le Ministère de la Santé, de l'Education Nationale, de l'Emploi, du Logement, de la Cohésion des Territoires, pour n'en citer que quelques-uns, nous nous mobilisons pour étayer les conditions de la transformation de l'offre.

* La stratégie nationale en faveur des aidants

 Le 23 Octobre, le Premier Ministre a lancé la stratégie nationale en faveur des aidants. Avec Agnès Buzyn, nous nous attacherons notamment, en lien avec toutes les parties prenantes, à développer des solutions de répit dans les territoires.

* La stratégie nationale en faveur d'un habitat inclusif à grande échelle

Dans la même dynamique, le Premier Ministre a missionné Denis PIVETEAU et Jacques WOLFROM pour proposer une stratégie nationale de mobilisation en faveur de l'habitat inclusif. Après l'instauration d'un forfait habitat inclusif, nous devons amplifier le mouvement et changer d'échelle.

* Une mobilisation continue en faveur de l'accès aux soins

Parce qu'aucune société inclusive ne pourrait se construire sans un accès aux soins égal pour chacun, sur la base des travaux de concertation conduits par Philippe DENORMANDIE, nous lancerons en 2020 une expérimentation afin de mieux répartir les responsabilités du financement entre établissements et soins de ville.

Nous poursuivrons par ailleurs avec Agnès BUZYN notre engagement en faveur de l'accès aux soins primaires dans chaque territoire, dans le droit commun à chaque fois que possible, dans des dispositifs spécialisés quand nécessaire.


Serafin-PH : un levier pour la transformation

 Enfin, pour faire levier, j'ai souhaité encore davantage accélérer la réforme de la tarification, SERAFIN-PH ; surtout, j'ai souhaité lui donner toutes les chances de soutenir pour les personnes la possibilité d'avoir le choix.

La réforme de la tarification valorisera les établissements qui auront pris acte de leur responsabilité sociétale et territoriale.

La réforme de la tarification, et c'est une orientation forte que je lui donne, valorisera aussi les établissements engagés dans l'accompagnement des parcours complexes. Notre société doit s'appuyer, sans alternative, sur une offre qui propose le meilleur aux plus fragiles.

Complémentairement, je souhaite que nous puissions étudier ensemble en 2020 les modalités pour rendre possible, sur un périmètre à préciser dans nos travaux, un droit à prestation personnalisé attribué aux personnes. Notamment pour celles qui évoluent en milieu ordinaire.

 Nous lançons à ce titre une étude en concertation avec les parties prenantes et savons, Chère Marie-Sophie, compter sur la force des propositions de la FEHAP pour aboutir à des conclusions pragmatiques.

 L'objectif est de pouvoir engager des expérimentations dès 2021, et d'accompagner dès à présent tous les professionnels à ces évolutions.


Vous pourrez compter dans cette dynamique sur mon soutien sans faille.

Je sais pouvoir compter sur votre ambition jamais démentie pour les personnes.


Source http://www.fam-algira.com, le 21 janvier 2020