Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à RTL le 10 septembre 2019, sur les créations d'emplois et l'apprentissage.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Muriel PENICAUD.

MURIEL PENICAUD
Bonjour.

ALBA VENTURA
Alors, à l'instant, tombent les chiffres des créations d'emplois pour le deuxième trimestre 2019. On a créé 45.800 emplois, au premier trimestre, c'était 92.800, donc il y a un ralentissement ou une baisse…

MURIEL PENICAUD
Non, ce qui compte, c'est la tendance sur le long terme. Et sur le long terme, depuis deux ans, on a créé un demi-million d'emplois, et sur le premier semestre, donc les six premiers mois, on créait 158.000 emplois nets, nets, ça veut dire quoi, c'est qu'on a enlevé les chiffres de destructions d'emplois. Donc on est bien dans une dynamique de créations d'emplois, et je pense qu'on en a encore sous le pied, mais évidemment, il faut continuer à faire toutes les actions nécessaires.

ALBA VENTURA
Je comprends bien, on crée des emplois, on continue, mais c'est quand même moins rapide et moins dynamique si j'en crois ces chiffres ?

MURIEL PENICAUD
De trimestre à trimestre, ça ne préjuge pas des suivants, moi, je regarde sur le long terme, à six mois, à un an. Ce que je remarque, c'est que depuis plus de deux ans, maintenant, chaque trimestre, on crée des emplois, et tant qu'on est dans cette dynamique, je pense qu'on en a sous le pied, pourquoi, parce qu'il y a une entreprise sur deux qui dit qu'elle n'arrive pas à recruter, donc on pourrait créer plus d'emplois et on va créer plus d'emplois en résolvant aussi cette différence entre ce que recherchent les entreprises et les compétences disponibles sur le marché.

ALBA VENTURA
Oui, mais ça, c'est un vrai problème, Muriel PENICAUD, on revient sur ce dossier de l'emploi, vous dites, effectivement : il y a beaucoup de patrons qui cherchent des salariés, on n'a pas la réponse en face, c'est-à-dire qu'on a toujours un taux de chômage qui est parmi les plus élevés, le MEDEF dit justement : un patron sur deux ne trouve pas de salariés, il est où le problème ?

MURIEL PENICAUD
Le problème, c'est que, d'abord, je vous le rappelle, il y a trois, quatre ans, on n'avait pas ce problème-là, on avait le problème inverse, parce que les patrons ne cherchaient pas, ils ne recrutaient pas, maintenant, ils recrutent, ils ont pris confiance avec les ordonnances, avec la loi Pacte, et il y en a un sur deux qui ne trouve pas, pourquoi, parce que les demandeurs d'emploi, les jeunes, n'ont pas forcément les qualifications nécessaires, c'est pour ça qu'on met le paquet sur l'apprentissage, sur la formation professionnelle, et puis, il faut aussi aller chercher ceux qui sont le plus loin, mais on en parlera, j'imagine, ceux qui sont le plus loin de l'emploi aujourd'hui…

ALBA VENTURA
On en parlera. Attendez, Muriel PENICAUD, il y a trente-deux milliards d'euros consacrés à la formation professionnelle en France, est-ce qu'on peut se satisfaire qu'il y a encore autant d'emplois vacants ?

MURIEL PENICAUD
Alors, les trente-deux milliards d'euros, il y a dedans la formation des salariés, des fonctionnaires, des collectivités territoriales…

ALBA VENTURA
Non, mais trente-deux milliards d'euros, c'est énorme !

MURIEL PENICAUD
C'est énorme…

ALBA VENTURA
Et on a toujours ce nombre record d'emplois vacants.

MURIEL PENICAUD
Oui, mais les emplois vacants, c'est parce qu'il y a… si l'employeur cherche un couvreur et qu'il n'y a pas de couvreur à Pôle emploi, il faut former des couvreurs, d'où le fait qu'on investit beaucoup sur l'apprentissage, puisque c'est une voie d'excellence, de passion pour les jeunes, ça leur donne un avenir, mais aussi ça va permettre de réinvestir sur des formations, par exemple dans le domaine industriel, de la construction ou des services, sur lesquels on ne formait pas assez dans notre pays, il faut réorienter les formations…

ALBA VENTURA
Eh bien, c'est ce que j'allais dire, voilà, parce que le problème de l'apprentissage…

MURIEL PENICAUD
Il y a des métiers et des besoins…

ALBA VENTURA
Est-ce qu'on est obligé de laisser des jeunes aller en mécanique auto alors qu'on n'en a pas tellement besoin, et qu'en revanche, on a besoin…

MURIEL PENICAUD
On en a terriblement besoin de la mécanique auto…

ALBA VENTURA
De soudeurs ou alors… oui, mais on a besoin de gens dans le BTP, dans l'hôtellerie-restauration, c'est là où il y a les manques les plus criants…

MURIEL PENICAUD
Non, il y a des manques quasiment partout, quand je sillonne la France…

ALBA VENTURA
Donc on oriente mal, si j'ai bien compris…

MURIEL PENICAUD
Non, d'abord, je crois que la bonne orientation, c'est qu'on fasse découvrir les métiers aux jeunes, et que le jeune choisisse lui-même, un jeune, il va réussir parce qu'il se passionne pour son métier, avant-hier, je visitais, avant-hier, mon 39ème centre de formation d'apprentis, quand je vois des jeunes qui ont les yeux qui brillent, qui sont dans une entreprise et dans le centre de formation d'apprentis, qui savent qu'ils peuvent aller du CAP à l'ingénieur, qui savent qu'ils ont un avenir, ça, c'est formidable, et la réforme de l'orientation, elle est aussi prévue avec Jean-Michel BLANQUER, dans la loi Avenir professionnel qui réforme l'apprentissage ; on a prévu cette découverte des métiers, et cette ouverture aux métiers. Mais je crois qu'il faut aussi qu'on change notre logiciel mental dans notre pays, il n'y a pas des métiers nobles et des métiers pas nobles, il faut arrêter avec ça, c'est faux, tous les métiers requièrent de la théorie et de la pratique, et on peut faire pour apprendre…

ALBA VENTURA
C'est-à-dire que vous êtes en train de nous dire que l'apprentissage est encore mal vu ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien, je crois que c'est en train de changer, moi, quand je vois qu'il y a eu plus de 45% de demandes de jeunes en deux ans, on est en train de réussir notre pari. Alors maintenant, il faut que les parents leur fassent confiance, ils ont raison, on peut avoir de la promotion sociale, on peut devenir chef d'entreprise, on peut tout faire par l'apprentissage, on peut préparer les mêmes diplômes, on peut être ingénieur, on peut avoir un master, on peut avoir un CAP, s'épanouir dans son travail. Les entreprises sont là, les jeunes sont là, notre réforme permet de développer l'apprentissage. On a 500 demandes, propositions d'ouverture de CFA grâce à notre réforme. Donc, je crois que ça va boomer, et d'ailleurs, pour la première fois, on a dépassé le stade historique du nombre d'apprentis avec 458.000 apprentis, on n'avait jamais connu ça en France, et il faut aller beaucoup plus loin…

ALBA VENTURA
Mais alors, Muriel PENICAUD, par ailleurs, dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage qui a été mise en œuvre cet été, vous aviez annoncé un dispositif qui permettait d'accéder à une formation immédiate, pour répondre à un emploi vacant, est-ce que ça, c'est fait ?

MURIEL PENICAUD
Alors dans le cadre de la loi Avenir professionnel, on va donner un droit on donne un droit à tous les Français actifs, chômeurs ou jeunes… ou, pardon, salariés, et ça va être au mois de novembre, fin novembre…

ALBA VENTURA
Ça arrive donc, ce n'est pas fait encore…

MURIEL PENICAUD
Tout le monde, fin novembre… eh bien, c'est-à-dire que le droit existe déjà, mais fin novembre, 33 millions de Français auront sur Internet, sur leur appli, leur droit à la formation et pourront choisir eux-mêmes la formation qui leur permet une promotion ou une reconversion, en plus de ce que font les entreprises.

ALBA VENTURA
On a atteint un taux de chômage de 8,5%, vous disiez que c'était une bonne nouvelle, c'était au mois d'août, ça baisse lentement, est-ce que ça baisse sûrement ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien, depuis plus de deux ans, ça baisse lentement et sûrement, enfin, lentement, vous savez, pour faire du très rapide, il faut faire des choses qui ne sont pas durables. Nous, on investit…

ALBA VENTURA
Ça veut dire quoi ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien, ça veut dire que si vous mettez les gens dans des formations bidon où il n'y a pas d'emploi, provisoirement, ils quittent les statistiques du chômage. Nous, ça ne nous intéresse pas, ce qu'on veut, c'est que chacun puisse avoir la possibilité de retrouver un emploi, et pour ça, je le disais, là où on en a sous le pied, c'est les sujets de formations dont on a parlé, mais c'est aussi aller chercher les plus vulnérables, parce que là, on crée des emplois en France, mais dans ce train de la croissance, dans ce train de l'emploi, il faut que chacun ait une chance de pouvoir y accéder. Aujourd'hui, il y a beaucoup de nos concitoyens qui ont connu des galères, des accidents de la vie, ça peut arriver à tout le monde et vite…

ALBA VENTURA
Ça, ce sont les plus fragiles…

MURIEL PENICAUD
C'est les plus fragiles, et ça peut arriver vite, ça peut être durable, et ça peut arriver à n'importe qui, et ils sont nombreux. Or pour eux, si vous avez galéré pendant des années et que vous avez des problèmes de santé, de logement, de famille, d'emploi, c'est très difficile en même temps de reprendre un emploi à un rythme de travail important, à 35 heures. Donc on a ce qu'on appelle l'activité, l'insertion par l'activité économique, qui est tout un secteur avec, alors, ARES, EMMAÜS CONNECT, il y a beaucoup de gens, EMMAÜS DEFI, il y a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus…

ALBA VENTURA
Alors, je vous coupe juste pour expliquer à nos auditeurs, parce que c'est dans le cadre du plan Pauvreté, le pari que vous faites, c'est de remettre sur le marché du travail les plus fragiles, et notamment les bénéficiaires du RSA, et vous serez d'ailleurs cet après-midi avec le président Emmanuel MACRON à Bonneuil-sur-Marne, sur un chantier d'insertion ; donc remettre au travail les plus éloignés de l'emploi, les plus fragiles. Où est-ce qu'on en est justement ?

MURIEL PENICAUD
Alors, le président de la République, il y a un an, le 13 septembre de l'année dernière, avait annoncé la grande stratégie de lutte contre la pauvreté, dont un des volets, c'est le retour à l'activité et à l'emploi pour les plus vulnérables. Et donc c'est cette partie-là dont je m'occupe, avec tous les acteurs du terrain, et Thibault GUILLUY, qui est tête de file, m'a rendu un rapport hier, on a dessiné une feuille de route pour pouvoir permettre de développer toutes ces structures qui donnent une chance à chacun. Alors, il va y en avoir partout sur le territoire…

ALBA VENTURA
C'est-à-dire, c'est des entreprises sociales, solidaires…

MURIEL PENICAUD
Alors, c'est des associations et des entreprises sociales et solidaires qui ont une activité économique, elles ont un marché, un client, mais où mon ministère va donner une aide au poste, c'est-à-dire, va donner 6 000, 7 000 euros par an, pour permettre à ceux qui ne sont pas encore prêts à travailler aux rythmes et aux conditions de tout le monde, eh bien, de se remettre le pied à l'étrier ou de se mettre le pied à l'étrier…

ALBA VENTURA
Ne serait-ce que se lever le matin tous les jours, aller à son travail…

MURIEL PENICAUD
Se lever le matin, aller dans un collectif de travail, avoir des objectifs…

ALBA VENTURA
Et on les accompagne…

MURIEL PENICAUD
Il y a un très fort accompagnement, il y a aussi de la formation…

ALBA VENTURA
Est-ce que ce plan doit être amélioré, renforcé ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien, ce plan, d'abord, il doit être renforcé, puisque le président de la République avait mis comme ambition qu'on puisse passer de 140 000 bénéficiaires par an à – d'ici 2022 – 240 000 par an ; on n'a jamais fait un tel bon dans ce secteur. Et donc, je peux vous annoncer que le ministère sera au rendez-vous du point de vue budgétaire, puisque pour la première fois, nous allons, en 2020, consacrer plus d'un milliard d'euros à ce secteur. Donc c'est un investissement social important, mais c'est aussi…

ALBA VENTURA
Un milliard d'euros !

MURIEL PENICAUD
Un milliard d'euros…

ALBA VENTURA
Que vous mettez, là, sur la table, pour…

MURIEL PENICAUD
Alors, on va atteindre le 1 milliard, on avait déjà de l'argent, mais on va en mettre plus. Un milliard d'euros pour permettre à toutes ces structures de permettre d'accueillir dès l'année prochaine 20 000 personnes de plus, et chaque année, 20 000 de plus. Alors…

ALBA VENTURA
C'est-à-dire 100 000 personnes d'ici à 2022, c'est ça ?

MURIEL PENICAUD
100 000 personnes d'ici 2022. Alors, c'est très important, parce que, pourquoi le travail, c'est important, sur le plan social, le travail, c'est la dignité, c'est l'autonomie financière, mais c'est aussi le lien social, on est dans un collectif de travail, et puis, c'est la fierté de se sentir utile. Il y a une énorme attente, et moi, je crois que c'est important dans notre République que lorsque l'emploi, ça va mieux, chacun puisse y avoir accès.

ALBA VENTURA
Muriel…

MURIEL PENICAUD
C'est un combat de ma vie, donc je suis très passionnée par ça…

ALBA VENTURA
Je l'entends bien. Muriel PENICAUD, une question, avant de se quitter, sur AIGLE AZUR, ce matin, on a 14 offres de reprise pour la compagnie AIGLE AZUR, ce n'est pas tout à fait acceptable, paraît-il, est-ce que vous êtes inquiète pour les 1 150 salariés ?

MURIEL PENICAUD
Alors Bruno LE MAIRE, Agnès PANNIER-RUNACHER et moi, évidemment, on regarde très attentivement tous les plans de restructuration, ce qu'on souhaite, c'est, évidemment, qu'il y ait le maximum de reprise…

ALBA VENTURA
AIR France, c'est une solution ?

MURIEL PENICAUD
Ah, ce n'est pas à moi de me prononcer sur quelle est la bonne solution, il y a un processus pour ça, les toutes les offres vont être examinées par un comité, qui va évaluer ce qui est le mieux…

ALBA VENTURA
Mais donc, vous n'êtes pas inquiète pour les 1 150 salariés ?

MURIEL PENICAUD
Alors, moi, je suis toujours extrêmement attentive, et on accompagne les salariés lorsqu'il y a des plans sociaux forts, je serai extrêmement attentive avec Bruno LE MAIRE.

ALBA VENTURA
Merci Muriel PENICAUD. Bonne journée.

MURIEL PENICAUD
Merci.

YVES CALVI
45.800 créations d'emplois pour le dernier trimestre, on est bien dans une dynamique de créations d'emplois, 500 000 en deux ans, vient de nous dire la ministre, on en a sous le pied. Dans le domaine de l'apprentissage, les choses bougent aussi. J'ai inauguré mon 39ème centre de formation, ça va boumer. Donc je résume, ça va boomer, puisqu'on en a sous le pied. Merci à toutes les deux.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2019